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11/07/2013 | FRANCE | N°12BX00366

France | France, Cour administrative d'appel de, 1ère chambre - formation à 3, 11 juillet 2013, 12BX00366


Vu la requête, enregistrée le 15 février 2012 par télécopie, régularisée le 17 février 2012, présentée pour la SCI MB, ayant son siège " Domaine du Luc " à Campestre et Luc (30770), représentée par son gérant en exercice, M. C...A..., demeurant ...et M. B... A..., intervenant volontaire, demeurant..., par la Scp Dupuy, Bonnecarrre, Serres-Perrin, Servières, Gil, avocats associés ;

La SCI MB et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701902-1001781 du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les demandes pr

ésentées par la SCI MB et M. C...A...tendant à la condamnation de l'Etat à leur v...

Vu la requête, enregistrée le 15 février 2012 par télécopie, régularisée le 17 février 2012, présentée pour la SCI MB, ayant son siège " Domaine du Luc " à Campestre et Luc (30770), représentée par son gérant en exercice, M. C...A..., demeurant ...et M. B... A..., intervenant volontaire, demeurant..., par la Scp Dupuy, Bonnecarrre, Serres-Perrin, Servières, Gil, avocats associés ;

La SCI MB et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701902-1001781 du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les demandes présentées par la SCI MB et M. C...A...tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 270 789,24 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'illégalité du permis de construire accordé le 2 mars 1994 par le maire de Caubous au nom de l'Etat ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 274 465,66 euros en réparation de leurs préjudices ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2013 :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, conseiller ;

- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que la SCI MB, constituée de M. C...A...et de son frère M. B... A..., est propriétaire, depuis le 25 octobre 1993, d'un terrain situé chemin du Moulin à Caubous (Haute-Garonne), déclaré constructible par un certificat d'urbanisme délivré le 11 mars 1992, dont la validité a été prorogée en 1993 ; que le 2 mars 1994, le maire de Caubous a accordé à M. B...A..., au nom de l'Etat, un permis de construire une maison d'habitation sur ce terrain ; qu'un procès-verbal d'infraction a été dressé le 29 septembre 1994 contre M. B... A...pour avoir entrepris une construction non-conforme au permis accordé ; qu'un arrêté interruptif de travaux a été pris par le maire de Caubous le 17 octobre 1994 ; que par un jugement du 22 novembre 1994, confirmé en appel le 21 septembre 1995, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a ordonné le sursis à l'exécution du permis de construire ; que par un arrêt du 13 février 2003 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé l'annulation du permis de construire prononcée par le tribunal administratif de Toulouse le 23 octobre 1998 au motif que le terrain d'assiette du projet devait être regardé comme situé dans une partie non urbanisée de la commune, au sens des dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ; que, par un arrêt du 13 juin 2005, la cour d'appel de Toulouse, saisie par deux voisins de cette construction, en a ordonné la démolition sur le fondement de l'illégalité du permis constatée par les juridictions administratives ; que, par un courrier en date du 31 janvier 2007, la SCI MB et M. C...A...ont adressé au préfet de la Haute-Garonne une demande préalable afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité du permis de construire, qu'ils ont chiffrés à 270 789,24 euros ; que par ordonnance du 27 février 2009, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur requête au motif qu'elle n'avait pas été précédée d'une demande préalable d'indemnisation ; que la cour administrative d'appel de Bordeaux, dans un arrêt du 27 février 2009, a annulé cette décision et renvoyé l'affaire devant cette juridiction ; que la SCI MB et M. C...A...relèvent appel du jugement n° 0701902 et 1001781 du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté au fond leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à les indemniser des préjudices subis du fait de la délivrance d'un permis de construire et d'un certificat d'urbanisme illégaux ;

Sur l'intervention de M. B...A...:

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct " ; que l'intervention de M. B...A...n'a pas été présentée par mémoire distinct de celui produit pour la SCI MB et M. C...A..., seules parties en première instance ; que, dès lors, elle n'est pas recevable ;

Sur les demandes indemnitaires :

En ce qui concerne les fautes :

3. Considérant que le permis de construire délivré à M. B...A...par le maire de la commune de Caubous, au nom de l'Etat, le 2 mars 1994 a été annulé par jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 octobre 1998, confirmé par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 13 février 2003 ; que la délivrance de ce permis de construire en méconnaissance des dispositions de l'article L.111-1-2 du code de l'urbanisme constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que cependant, les requérants n'ont droit à obtenir réparation que des préjudices certains qui sont la conséquence directe de l'illégalité du permis de construire accordé ;

4. Considérant qu'en se prévalant des mentions du certificat d'urbanisme délivré le 11 mars 1992 et dont la validité a été prolongée d'un an le 13 avril 1993, les requérants doivent également être regardés comme soulevant l'illégalité de ce certificat ; qu'il résulte des constatations de la cour administrative d'appel de Bordeaux dans un arrêt du 13 février 2003 devenu définitif, que le terrain d'assiette de leur projet ne se situait pas dans les parties urbanisées de la commune et ne pouvait dès lors, en application de l'article L.111-1-2 du code de l'urbanisme, accueillir une nouvelle construction ; que, dans ces conditions, en indiquant, dans le certificat délivré en 1992, que le terrain d'assiette du projet en litige était constructible, le préfet de la Haute-Garonne a délivré une information erronée au propriétaire de cette parcelle et a ainsi commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant du préjudice résultant de la perte de valeur vénale du terrain d'assiette de la construction :

5. Considérant que, comme l'a relevé à bon droit le tribunal administratif, le préjudice résultant de l'acquisition d'un terrain n'est pas la conséquence directe de l'illégalité d'un permis de construire délivré postérieurement à l'acquisition de celui-ci ; que cependant, la SCI MB faisait également valoir, à l'appui de sa demande d'indemnisation de ce chef de préjudice, qu'elle n'avait fait l'acquisition du terrain d'assiette de la construction qu'en raison de la délivrance d'un certificat d'urbanisme reconnaissant sa constructibilité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4, que la SCI MB est fondée à demander réparation du préjudice financier consistant à avoir acquis, par acte notarié du 25 octobre 1993, cette parcelle au prix d'un terrain constructible ; que le montant de son préjudice correspond à la différence entre la valeur de l'achat de cette parcelle au prix du terrain à bâtir, soit 6 860 euros, et sa valeur réelle au prix du terrain non constructible, qui ne saurait être nulle contrairement à ce que soutiennent les requérants et à laquelle il n'y a pas lieu d'appliquer une actualisation en fonction de l'indice du prix de la construction ; que dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant l'Etat à verser à la SCI MB une somme de 5 000 euros à ce titre ;

S'agissant des préjudices résultant de la perte de la valeur estimée de la construction et des frais de démolition :

7. Considérant que la SCI MB et M. C...A...évaluent le montant de la construction édifiée à 175 000 euros en se fondant sur une " estimation de valeur " demandée par eux à un cabinet d'expertises en construction en décembre 2006 et sollicitent, au titre des frais de démolition qu'ils ont exposés, le versement d'une somme de 28 223,33 euros ;

8. Considérant cependant, que seuls donnent lieu à indemnisation les préjudices en lien direct avec la délivrance par l'administration du permis de construire illégal ; qu'ainsi, les requérants ne peuvent prétendre qu'à l'indemnisation des frais de construction qu'ils ont effectivement supportés et à condition que les travaux dont ils demandent le remboursement aient été réalisés conformément au permis de construire qui leur avait été délivré ; qu'il ressort tant du procès-verbal d'infraction à la législation sur le permis de construire dressé le 29 septembre 1994 que de la décision rendue par la cour d'appel de Toulouse le 13 juin 2005 qui est devenue définitive et les a condamnés pour construction sans permis à compter du 29 septembre 1994, que les requérants ont réalisé un sous-sol habitable en lieu et place d'un vide sanitaire et que l'implantation de la construction édifiée ne respectait pas la distance par rapport à la limite séparative fixée par le permis ; que, dans ces conditions, les frais de construction dont ils demandent le remboursement dans la présente instance n'ont pas de lien direct avec la délivrance du permis de construire illégal ; que pour les mêmes motifs tirés de l'irrégularité des constructions édifiées, les frais de démolition ne sont pas davantage en lien direct avec l'illégalité du permis de construire et ne sauraient dès lors être indemnisés ;

S'agissant du remboursement des frais de justice :

9. Considérant que les frais utilement exposés par le bénéficiaire d'une autorisation individuelle d'urbanisme à l'occasion d'une instance judiciaire engagée par des tiers et à l'issue de laquelle le juge judiciaire ordonne, à raison de l'illégalité de cette autorisation, la démolition d'une construction ainsi que l'indemnisation des préjudices causés aux tiers par celle-ci, sont, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de l'illégalité fautive de l'autorisation, mais à l'exclusion de ceux relatifs aux astreintes prononcées, le cas échéant, pour pallier une carence dans l'exécution de la décision juridictionnelle, et aux frais exposés devant le juge de l'exécution ; qu'en revanche, les frais exposés pour se défendre devant le juge pénal du fait de la non-conformité de la construction édifiée au permis accordé sont sans lien avec l'illégalité de ce permis ;

10. Considérant que la SCI MB et M. C...A...demandent l'indemnisation globale de tous les frais de justice engagés, chiffrés à 20 705, 70 euros ; qu'ils produisent, à cette fin, un relevé des frais et honoraires exposés ainsi qu'une attestation de règlement de ces dépenses ; qu'au regard des factures présentées, les frais afférents à la défense des requérants devant le tribunal administratif, puis la cour administrative d'appel à l'occasion de l'instance en annulation de leur permis de construire engagée par des voisins, et devant le tribunal de grande instance puis la cour d'appel à l'occasion de l'instance en démolition s'élèvent à la somme totale de 5 175 euros ; que les frais d'étude d'un pourvoi devant la cour de cassation, auquel les requérants ont renoncé, n'apparaissent pas avoir été utilement exposés, non plus que ceux afférents à la contestation d'un refus de permis de construire de régularisation ; qu'au regard de la chronologie exposée plus haut, les frais de constat d'huissier attestant de la démolition de l'immeuble ne peuvent pas davantage être retenus comme ayant un lien direct avec l'illégalité du permis de construire ; qu'il y a donc lieu de mettre la seule somme de 5 175 euros précitée à la charge de l'Etat ;

S'agissant de l'absence de jouissance du bien et du préjudice moral :

11. Considérant que la SCI MB et M. C...A...demandent le versement d'une somme de 20 000 euros en réparation de leur préjudice résultant de l'absence de jouissance de la construction autorisée par le permis de construire du 2 mars 1994 ; que cette autorisation d'urbanisme n'avait cependant été délivrée qu'à M. B...A..., qui n'est pas partie à l'instance ; qu'en tout état de cause, le titulaire d'un permis de construire annulé doit être regardé comme n'ayant jamais obtenu un droit à construire et ne peut dès lors se prévaloir de la privation d'un avantage résultant d'une opération illégale ; que, dès lors, la SCI MB et M. C...A...ne peuvent prétendre à une indemnisation au titre de l'absence de jouissance de la construction autorisée par le permis de construire du 2 mars 1994 ;

12. Considérant enfin, que les requérants demandent réparation d'un préjudice moral ; qu'un tel préjudice ne saurait résulter pour la personne morale des circonstances exposées ci-avant ; que M. C...A..., gérant de la SCI, doit être regardé comme demandant l'indemnisation des troubles causés dans ses conditions d'existence par les actions contentieuses nées de l'illégalité du permis ; que toutefois, par leurs agissements précédemment exposés, M. A... et son frère ont contribué à l'allongement de la durée de cette procédure ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation de l'indemnité à laquelle le requérant peut prétendre à ce titre en la fixant à la somme de 1 000 euros ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI MB et M. C...A...sont uniquement fondés à demander la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 11 175 euros en réparation de leurs préjudices et à obtenir par suite l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros à verser à la SCI MB et M. A...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de M. B...A...n'est pas admise.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 11 175 euros à la société civile immobilière MB et M. C...A...en réparation de leurs préjudices.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 15 décembre 2011 est annulé.

Article 4 : L'Etat versera une somme globale de 1 500 euros à la SCI MB et à M. C...A...au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la SCI MB et de M. A...est rejeté.

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No 12BX00366


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX00366
Date de la décision : 11/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : SCP DUPUY BONNECARRERE SERRES-PERRIN SERVIERES GIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-07-11;12bx00366 ?
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