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29/12/1989 | FRANCE | N°89BX00364

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 29 décembre 1989, 89BX00364


Vu la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 19 janvier 1989, par laquelle le président de la 8ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, le recours présenté pour le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET ;
Vu le recours, enregistré le 11 août 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES

ET DU BUDGET, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule...

Vu la décision en date du 2 janvier 1989, enregistrée au greffe de la cour le 19 janvier 1989, par laquelle le président de la 8ème sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, le recours présenté pour le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET ;
Vu le recours, enregistré le 11 août 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 12 avril 1988 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a accordé à Mme X... décharge d'une somme de 136.012 F sur l'imposition à l'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1980 ;
- rétablisse l'intéressée au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1980 à raison des droits et pénalités qui lui avaient été initialement assignés ;
Vu les autres pièces du dossier ; fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; le décret n° 88-707 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 6 décembre 1989 :
- le rapport de M. VINCENT, conseiller ;
- et les conclusions de M. de MALAFOSSE, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X..., actionnaire des sociétés Cabannier et Francal, a été assujettie à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1980 à raison de la plus-value de cession d'actions qu'elle détenait dans lesdites sociétés ; que le MINISTRE CHARGE DU BUDGET demande l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a accordé à l'intéressée décharge des droits et pénalités qui lui ont été assignés à concurrence d'une somme de 136.012 F ;
Sur l'abus de droit :
Considérant qu'aux termes de l'article L 64 du livre des procédures fiscales : "Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses ... qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ... L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. Si elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit ..., il lui appartient d'apporter la preuve du bien-fondé du redressement" ; que l'administration, qui a usé en l'espèce des pouvoirs qu'elle tient de ce texte sans avoir saisi le comité consultatif susvisé, a la charge d'établir que les actes qu'elle entend écarter comme ne lui étant pas opposables ont un caractère fictif ou, à défaut, n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressée aurait normalement supportées ;
Considérant que Mme X... a cédé les actions qu'elle détenait des sociétés Francal et Cabannier à la société Chavanne-Brun Frères en date du 3 novembre 1980 ; que, cette cession ayant été précédée d'une réduction du capital de la société Cabannier opérée le 6 octobre 1980 pour partie par apurement de pertes et pour partie par remboursement de leurs apports aux actionnaires, l'administration, estimant que cette opération avait pour but de soustraire à l'impôt une partie de la plus-value réalisée lors de la cession des actions de ladite société, a rapporté au revenu imposable de l'intimée une somme de 338.031 F perçue par celle-ci au titre dudit remboursement ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que l'opération de réduction du capital de la société Cabannier est intervenue conformément aux dispositions de la loi sur les sociétés ; que, dans leur rapport aux actionnaires, les commissaires aux comptes ont expressément relevé que la réduction du capital à une somme de 4.065.040 F était, compte tenu de certaines données comptables de l'entreprise, une opération raisonnable ; qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que cette opération était une condition préalable à l'acquisition par la société Chavanne-Brun Frères de la majorité des actions de la société Cabannier, d'autre part, que si le ministre soutient que ladite opération a eu pour effet de neutraliser la clause de variation de prix convenue avec l'acheteur et, par là-même, de réduire le montant de la plus-value à déclarer, le plafond de 5.960.000 F d'actif net au-delà duquel le prix d'acquisition serait majoré a été fixé en tenant compte de la réduction de capital à intervenir ; que, s'il est constant que des avances ont été consenties par la société cessionnaire à la société Cabannier, l'administration ne prouve ni que l'attribution de ces aides ait eu pour origine la diminution des fonds propres résultant de la réduction de capital, ni que le montant de celle-ci ait revêtu un caractère anormalement élevé, compte tenu des exigences propres au financement du cycle d'exploitation saisonnier de l'entreprise ; que le fait que si la société Cabannier était restée globalement créancière vis-à-vis de ses associés après l'opération litigieuse, le groupe constitué par les sociétés Cabannier et Francal était devenu débiteur à l'égard de ses associés d'une somme supérieure à 4.800.000 F au 31 décembre 1981, n'est pas de nature à faire apparaître qu'au moment où elle est intervenue, la réduction de capital aurait été incompatible avec l'intérêt de l'exploitation dudit groupe ; qu'enfin, la circonstance que l'intimée et ses deux enfants détenaient directement ou indirectement tout le capital dudit groupe n'est pas davantage de nature à attester que ladite opération aurait eu pour unique objet d'éluder l'impôt, dès lors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, qu'un concert préalable ait existé entre eux et l'acquéreur à cet effet ; qu'ainsi le MINISTRE CHARGE DU BUDGET ne saurait être regardé comme ayant apporté la preuve que la réduction de capital de la société Cabannier ait eu pour seul objet d'atténuer la charge fiscale de Mme X... du fait de la cession de ses actions ;
Sur le mode de calcul de la plus-value :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen soulevé par le MINISTRE CHARGE DU BUDGET ;
Considérant qu'aux termes de l'article 160 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition litigieuse : I "Lorsqu'un associé, actionnaire, commanditaire ou porteur de parts cède à un tiers, pendant la durée de la société, tout ou partie de ses droits sociaux, l'excédent du prix de cession sur le prix d'acquisition ou la valeur au 1er janvier 1949, si elle est supérieure, de ces droits, est taxé exclusivement à l'impôt sur le revenu au taux de 15 %" ;

Considérant par ailleurs, qu'aux termes de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'imposition antérieure si la cause du rehaussement ... est un différend sur l'interprétation ... du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté par l'intimée que celle-ci a déclaré, sur le fondement du mode de calcul prévu par les dispositions susrappelées du code général des impôts, une somme de 515.260 F à titre de la plus-value dégagée à raison de la cession de ses droits dans la société Cabannier ; qu'elle a toutefois invoqué dans sa réclamation contentieuse, sur le fondement des dispositions susvisées de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, les termes d'une circulaire du 29 juin 1946 selon laquelle la plus-value de cession pouvait être calculée à partir de la valeur nominale des actions et non de leur prix d'acquisition ; qu'ainsi le MINISTRE DU BUDGET est fondé en tout état de cause à soutenir que Mme X..., dont les rehaussements d'imposition n'ont pas pour cause un différend sur l'interprétation que l'administration a donnée du texte fiscal à appliquer et qui n'a pas entendu se placer dans sa déclaration sous le bénéfice de la doctrine administrative, ne pouvait se prévaloir utilement de la circulaire susvisée à l'appui d'une demande en réduction de son imposition sur le revenu au titre de l'année 1980 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a accueilli le moyen de Mme X... tiré de l'application de la doctrine administrative et lui a accordé la décharge d'une somme de 72.632 F de son impôt sur le revenu au titre de l'année 1980 à raison de la modification du mode de calcul de la plus-value de cession des actions qu'elle détenait dans la société Cabannier ;
Article 1er : L'impôt sur le revenu auquel Mme X... a été assujettie au titre de l'année 1980 est remis à sa charge à concurrence de 72.632 F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 12 avril 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE CHARGE DU BUDGET est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 89BX00364
Date de la décision : 29/12/1989
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - ABUS DE DROIT.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - OPPOSABILITE DES INTERPRETATIONS ADMINISTRATIVES (ART - 1649 QUINQUIES E DU CODE GENERAL DES IMPOTS REPRIS A L'ARTICLE L - 80 A DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS DES CAPITAUX MOBILIERS ET ASSIMILABLES - PLUS-VALUES DE CESSION DE DROITS SOCIAUX - BONI DE LIQUIDATION.


Références :

CGI 160
CGI Livre des procédures fiscales L64, L80 A
Circulaire du 29 juin 1946


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: VINCENT
Rapporteur public ?: de MALAFOSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1989-12-29;89bx00364 ?
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