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21/03/1994 | FRANCE | N°93BX00201

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3e chambre, 21 mars 1994, 93BX00201


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux respectivement les 18 février et 19 juin 1993, et le mémoire à fin de sursis enregistré le 21 juin 1993, présentés pour la COMMUNE DE TOULOUGES représentée par son maire en exercice ;
La COMMUNE DE TOULOUGES demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 9 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser à M. A... et à Mme Z..., ayants droit de Mme A..., la somme de 1.037.759,43 F correspondant à divers t

ravaux intéressant le lotissement "L'olivette", avec intérêts légaux à c...

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux respectivement les 18 février et 19 juin 1993, et le mémoire à fin de sursis enregistré le 21 juin 1993, présentés pour la COMMUNE DE TOULOUGES représentée par son maire en exercice ;
La COMMUNE DE TOULOUGES demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 9 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser à M. A... et à Mme Z..., ayants droit de Mme A..., la somme de 1.037.759,43 F correspondant à divers travaux intéressant le lotissement "L'olivette", avec intérêts légaux à compter du 20 décembre 1983, a mis à sa charge les frais d'expertise, et l'a condamnée à verser 15.000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) de surseoir à l'exécution dudit jugement ;
3°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
4°) subsidiairement :
- d'ordonner une expertise à l'effet de déterminer les équipements propres du lotissement "L'olivette" et leur coût de réalisation ;
- de procéder à la compensation des sommes éventuellement sujettes à répétition avec le solde des participations à devoir à la commune sur le fondement du forfait de taxe locale d'équipement ;
- de condamner l'Etat à garantir intégralement la commune pour la totalité des sommes donnant éventuellement lieu à répétition ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 1994 :
- le rapport de M. de MALAFOSSE, conseiller ; - les observations de Me Y..., avocat pour M. le maire de la COMMUNE DE TOULOUGES ; - les observations de Me X..., avocat pour M. A... et Mme Z... ; - et les conclusions de M. CIPRIANI, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme A... a été autorisée, par un arrêté préfectoral en date du 13 novembre 1981, à réaliser, sur un terrain d'environ cinq hectares lui appartenant sur le territoire de la COMMUNE DE TOULOUGES, un projet de lotissement dénommé "L'olivette" ; que cet arrêté comportait en annexe une convention passée le 3 novembre 1981 entre Mme A... et le maire de ladite commune -habilité à cet effet par une délibération du conseil municipal-, qui fixait le programme de travaux de voirie et de réseaux divers à réaliser par le lotisseur ; qu'après avoir exécuté les travaux ainsi prévus, Mme A... a introduit devant le tribunal administratif de Montpellier une action en répétition de l'indu tendant à obtenir de la COMMUNE DE TOULOUGES remboursement du coût des travaux mis à sa charge en méconnaissance des dispositions de l'article L.332-7 du code de l'urbanisme ; que, par un jugement en date du 16 avril 1987, confirmé par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 8 octobre 1990, le tribunal administratif a condamné la COMMUNE DE TOULOUGES à payer à Mme A... le coût des travaux imposés à celle-ci en violation dudit article L.332-7 et a ordonné une expertise avant-dire-droit sur le montant des sommes à payer ; qu'après expertise, le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, fixé à 1.037.759,43 F le montant des travaux indûment supportés par le lotisseur et a condamné la commune à verser cette somme, avec intérêts à compter du 20 décembre 1983, à M. A... et à Mme Z..., héritiers de Mme A..., qui ont repris l'instance à la suite du décès de celle-ci ; que la COMMUNE DE TOULOUGES demande à être déchargée de cette condamnation ou, à défaut, à être garantie par l'Etat ; que M. A... et Mme Z... demandent, par voie d'appel incident, que la condamnation de la commune soit portée à la somme de 1.483.318,08 F ;
Sur la recevabilité de l'action en répétition introduite par Mme A... devant le tribunal administratif :
Considérant que la circonstance que le coût des travaux indûment mis à la charge de Mme A... aurait été incorporé au prix de vente des lots ne fait pas obstacle à l'exercice, par Mme A..., de l'action en répétition prévue aux articles L.332-6 et L.332-7 du code de l'urbanisme ; que la fin de non-recevoir soulevée par la COMMUNE DE TOULOUGES doit, par suite, être rejetée ;
Sur le montant des sommes sujettes à répétition :
Considérant qu'il résulte des motifs de l'arrêt du Conseil d'Etat précité du 8 octobre 1990 que la COMMUNE DE TOULOUGES n'a pu, par sa délibération en date du 7 juillet 1980, exclure du champ d'application de la taxe locale d'équipement la zone de "Las Palabas" dans laquelle était situé le terrain loti par Mme A..., et qui était au nombre des zones 1 NA du plan d'occupation des sols, et que, dès lors, la convention de travaux passée le 3 novembre 1981 entre la commune et Mme A... n'a pu mettre à la charge de celle-ci, en application de l'article L.332-7 du code de l'urbanisme, que ceux des équipements propres au lotissement qui sont susceptibles d'être classés dans la voirie et les réseaux publics ;

Considérant, en premier lieu, que si la voie créée dans le prolongement de l'avenue Albert Saisset et l'élargissement du "chemin de Las Palabas" -déjà existant- servent à la desserte du lotissement "L'olivette", il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qui n'est entaché ni d'irrégularité ni de partialité, que ces voies, dont la création ou l'élargissement étaient au demeurant prévus au plan d'occupation des sols approuvé le 18 juin 1980, sont affectées à la circulation générale et ne sont pas principalement destinées à la desserte du lotissement ; que les travaux relatifs à ces voies, dont le coût s'est élevé à la somme non contestée de 638.353,52 F ne peuvent, par suite, être regardés comme s'appliquant à un équipement propre au lotissement ;
Considérant, en deuxième lieu, que dans sa partie qui assure principalement l'écoulement des eaux en provenance des voies susmentionnées, le réseau d'évacuation des eaux pluviales réalisé par le lotisseur ne constitue pas un équipement propre au lotissement ; qu'il s'ensuit qu'à hauteur de 177.616,97 F, les travaux afférents à ce réseau ne pouvaient pas être mis à la charge de Mme A... ; qu'il en est de même pour les travaux d'éclairage public relatifs aux mêmes voies, dont le coût s'est élevé à la somme de 72.463,80 F ; que M. A... et Mme Z... sont fondés à soutenir, par voie d'appel incident, que l'ouvrage d'art permettant aux usagers du "chemin de Las Palabas" de franchir le ruisseau des vignes, et dont le lotisseur a dû supporter le coût s'élevant à 155.445 F, ne constitue pas un équipement propre au lotissement et que c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas compris cette somme au nombre de celles sujettes à répétition ;
Considérant, en troisième lieu, que le tronçon du réseau d'eaux usées qui longe le chemin des Roures ne sert pas principalement à évacuer les eaux usées en provenance des habitations du lotissement et que son coût de réalisation, soit 123.790,36 F, a donc été indûment supporté par le lotisseur ;
Considérant, en quatrième lieu, que les divers travaux afférents à l'aménagement du ruisseau des vignes et de ses abords, ainsi que les travaux d'aménagement du trottoir du "chemin de Las Palabas", profitent principalement aux habitants du lotissement ; que les intimés ne sont donc pas fondés à former appel incident sur ce point ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le coût total des travaux indûment mis à la charge de Mme A... s'élève à 1.167.669,50 F ; qu'il y a lieu, par suite, de porter à ce montant la somme que la commune a été condamnée à verser à M. A... et à Mme Z... par l'article 1er du jugement attaqué ;
Considérant que la capitalisation des intérêts, dont le point de départ a été fixé au 20 décembre 1983 par les premiers juges a été demandée le 21 janvier 1994 ; qu'à cette date, il était dû plus d'une année d'intérêts ; que dès lors, par application des dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur la demande de compensation formulée par la commune :

Considérant que si la COMMUNE DE TOULOUGES demande que le remboursement à intervenir fasse l'objet d'une compensation avec la somme qu'elle aurait pu réclamer au lotisseur au titre de la participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement et au titre de la taxe de raccordement à l'égout, dans la mesure où cette somme excède le montant de la participation financière qui a été effectivement mise à la charge de Mme A... en plus des travaux litigieux, la créance dont elle se prévaut ainsi ne présente pas un caractère certain, liquide et exigible, seul de nature à justifier la compensation demandée ; que ces conclusions doivent donc, en tout état de cause, être rejetées ;
Sur les conclusions de la commune tendant à obtenir la garantie de l'Etat :
Considérant, d'une part, que la COMMUNE DE TOULOUGES ne peut, alors même que le comportement de l'Etat aurait été fautif, prétendre à la réparation du préjudice tenant à l'obligation de verser aux consorts A... les sommes litigieuses dès lors qu'il s'agit de sommes auxquelles elle n'avait pas droit légalement ;
Considérant, d'autre part, que si la commune fait état des autres choix d'équipement qu'elle aurait pu faire et de la perte des subventions qu'elle aurait été en droit d'obtenir du département si l'Etat ne l'avait pas incitée à réaliser l'opération litigieuse, ces préjudices ne présentent pas un caractère certain et ne peuvent donc, en tout état de cause, lui ouvrir droit à indemnité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE TOULOUGES n'est pas fondée à se plaindre du rejet, par le jugement attaqué, de ses conclusions à fin de garantie ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la COMMUNE DE TOULOUGES à verser à M. A... et à Mme Z... la somme de 5.000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE TOULOUGES est rejetée.
Article 2 : La somme que la COMMUNE DE TOULOUGES a été condamnée à verser à M. A... et à Mme Z... par l'article 1er du jugement attaqué est portée de 1.037.759,43 F à 1.167.669,50 F. Les intérêts de cette somme échus le 21 janvier 1994 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La COMMUNE DE TOULOUGES versera aux consorts A... la somme de 5.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions des consorts A... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 93BX00201
Date de la décision : 21/03/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-04-02,RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE INDEMNISABLE DU PREJUDICE - AUTRES CONDITIONS - SITUATION EXCLUANT INDEMNITE -Existence - Commune - Préjudice résultant du remboursement par une commune à un lotisseur le coût de travaux d'équipement mis indûment à sa charge.

60-04-01-04-02 Commune dans laquelle est perçue la taxe locale d'équipement ayant illégalement exclu du champ d'application de cette taxe une zone du territoire communal et, en conséquence, mis illégalement à la charge d'un lotisseur le coût de travaux de voirie et de réseaux divers à exécuter dans cette zone, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 332-7 du code de l'urbanisme. Condamnée à rembourser aux ayants-droit de ce lotisseur le montant de ces travaux, la commune est recevable à appeler en garantie l'Etat en invoquant des fautes commises par ses services (sol. impl.), mais ne peut prétendre à la réparation par celui-ci du préjudice que lui cause cette condamnation, dès lors qu'elle n'avait pas droit légalement à ce que le coût des travaux fût supporté par le lotisseur.


Références :

Arrêté du 13 novembre 1981 annexe
Code civil 1154
Code de l'urbanisme L332-7, L332-6

1.

Rappr. CE, 1989-02-08, Commune d'Auzeville-Tolosane, T. p. 925


Composition du Tribunal
Président : M. Barros
Rapporteur ?: M. de Malafosse
Rapporteur public ?: M. Cipriani

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1994-03-21;93bx00201 ?
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