La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/03/1997 | FRANCE | N°94BX01195

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 06 mars 1997, 94BX01195


Vu le recours enregistré au greffe de la cour le 19 juillet 1994 sous le n 94BX01195, présenté par le MINISTRE DU BUDGET ;
Le ministre demande que la cour :
- annule le jugement n 91/955 du 5 mars 1994 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a déchargé M. Patrice Y... des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1984 et 1985 ;
- remettre les impositions litigieuses à la charge de M. Patrice Y... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fisca

les ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'a...

Vu le recours enregistré au greffe de la cour le 19 juillet 1994 sous le n 94BX01195, présenté par le MINISTRE DU BUDGET ;
Le ministre demande que la cour :
- annule le jugement n 91/955 du 5 mars 1994 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a déchargé M. Patrice Y... des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1984 et 1985 ;
- remettre les impositions litigieuses à la charge de M. Patrice Y... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 1997 :
- le rapport de M. BEC, rapporteur ;
- et les conclusions de M. BRENIER, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par le jugement dont le MINISTRE DU BUDGET demande l'annulation, le tribunal administratif de Toulouse a déchargé M. Patrice Y... des suppléments d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes, mis à sa charge au titre des années 1984 et 1985, au motif que, l'avis de vérification de la comptabilité du 21 janvier 1987 ne lui ayant pas été adressé, la procédure d'imposition suivie à son encontre était entachée d'irrégularité ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.47 du livre des procédures fiscales : "Un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'existence de l'indivision formée entre les héritiers de M. Félix Y... a été portée à la connaissance de l'administration le 23 janvier 1979 à l'occasion du dépôt de la déclaration de succession ; que si les inscriptions au registre du commerce, modifiées le 15 septembre 1982, désignaient Mme Pierrette Y... comme exploitant individuel, elles faisaient également apparaître Patrice et Marie-Hélène Y..., ses enfants, comme propriétaires indivis non exploitants ; que, par suite, au 21 janvier 1987, date à laquelle a été adressée à Mme Pierrette Y... l'avis de vérification de la comptabilité de son commerce, l'administration n'ignorait pas que l'entreprise vérifiée était la propriété indivise des consorts Y... ;
Considérant que la procédure de vérification d'une indivision devant être suivie avec chacun des co-indivisaires, l'administration est tenue d'adresser un avis de vérification à chacun d'eux ; que le ministre soutient cependant que l'indivision constituée entre les héritiers de M. Henri Y... exploite le supermarché dont ils sont propriétaires ; qu'elle est, par suite, présumée avoir la nature de société de fait ; qu'une vérification de comptabilité pouvant être régulièrement suivie avec l'un quelconque des associés d'une société de fait, l'administration n'aurait pas entaché d'irrégularité la procédure de vérification entreprise à l'encontre de M. Patrice Y... en ne notifiant l'avis de vérification qu'à Mme Pierrette Y..., prise en sa qualité de gérante de l'indivision Y... ;
Considérant que les copropriétaires d'une exploitation indivise partagent en principe, du fait même de l'indivision, la responsabilité et les résultats de l'exploitation et sont de ce fait réputés exploiter les biens indivis en société de fait ; qu'ils peuvent cependant justifier de l'absence de société de fait en établissant qu'ils ne participaient pas à l'administration, au contrôle ou aux résultats de l'affaire ;

Considérant que, si M. Patrice Y... soutient que sa mère, Mme Pierrette Y..., assurait seule la direction et la gestion administrative et financière de l'entreprise, il résulte de l'instruction, et notamment de ses propres déclarations dans l'instance n 94BX01193, qu'il exerçait depuis la mort de son père, la direction de l'entreprise ; qu'il est constant qu'il a perçu la rémunération de ses droits dans l'indivision ; que M. Patrice Y... doit ainsi être regardé comme participant au contrôle, à l'administration et aux résultats de l'affaire ; que l'existence d'une société de fait entre X...
Y... et son fils Patrice étant établie, l'administration pouvait, sans entacher la régularité de la procédure de vérification de comptabilité, notifier l'avis de vérification à la seule Mme Y... ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a, pour le motif susrappelé, déchargé M. Y... des impositions litigieuses ; qu'il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, et l'affaire étant en l'état, de statuer sur l'ensemble des moyens de la requête de M. Y... devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée" ;
Considérant que par une notification de redressement du 31 mars 1990, l'administration a précisé à M. Y... la nature et le montant des redressements envisagés ; que si les motifs de ces redressements n'ont été donnés à l'intéressé que par référence à une notification régulièrement adressée à l'un des membres de l'indivision, cette procédure, eu égard aux modalités selon lesquelles doivent être imposées les résultats d'une société de fait, soumise par le jeu des article 8, 60 et 238 bis L et M du code général des impôts au régime des sociétés de personnes, n'a pas comporté d'irrégularité au regard des dispositions de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ;
Sur la valeur probante de la comptabilité :

Considérant que lors des opérations de vérification de comptabilité, ni les bandes enregistreuses de caisse, justifiant du détail des recettes journalières, ni le détail des stocks, n'ont pu être présentés pour chacune des années vérifiées ; que ces insuffisances ont donné lieu à l'établissement, le 4 février 1987, d'un procès verbal constatant ces irrégularités ; que si M. Patrice Y... soutient qu'il dispose des bandes enregistreuses de caisse, et que, par suite, le défaut de détail de recettes journalières ne concerne que de brèves périodes, il ne produit pas ces bandes ; que, s'agissant des stocks, le défaut de détail proviendrait d'une confusion commise par l'administration entre livre d'inventaire et opérations d'inventaire ; qu'en se bornant à de telles allégations, sans les assortir de précisions de nature à en établir le bien-fondé ni la portée, M. Y... n'établit pas que, malgré les irrégularités dont elle était entachée, la comptabilité aurait conservé sa valeur probante et que c'est à tort que l'administration l'aurait écarté pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires et du résultat de l'entreprise ;
Sur la reconstitution opérée par l'administration :
Considérant que pour reconstituer le chiffre d'affaires et le bénéfice du commerce exploité en indivision, l'administration a procédé à un échantillonnage des produits commercialisés, qu'elle a affecté d'une pondération selon les quantités vendues, conformément aux indications apportées par M. Y... ; que le coefficient de marge brute ainsi déterminé a été ensuite réduit afin de tenir compte des promotions habituellement pratiquées par ce type de commerce ;
Considérant en premier lieu que l'échantillonnage réalisé, qui ne paraît pas numériquement hors de proportion avec la diversité des articles commercialisés, incluait des articles relevant de chacune des différentes catégories de produits vendus ; qu'il n'est pas établi que la sélection d'articles ainsi opérée n'aurait pas été représentative des différentes catégories de produits commercialisés ; que si l'administration a comparé le coefficient de marge brut ainsi obtenu à ceux réalisés par d'autres supermarchés de la région, elle n'a pas fondé la reconstitution opérée sur les énonciations d'une monographie générale, mais sur des éléments tirés de l'entreprise ; que l'administration a réduit le coefficient initialement retenu pour tenir compte des promotions et de la démarque inconnue ; que si M. Y... soutient que cette réduction est insuffisante pour tenir compte de l'effet des promotions, il n'apporte aucun élément sur l'influence réelle des promotions sur le taux de marge ; que, s'agissant de la démarque inconnue, M. Y... invoque le bénéfice de la doctrine administrative ; qu'en admettant même que l'instruction 3-D-5-84, qui prescrit des mesures de tempérament, soit invocable, elle ne prévoit aucun pourcentage habituel de démarque à prendre en compte ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la période de concurrence très vive dans laquelle l'entreprise vérifiée a pu se trouver en 1987 est en tout état de cause distincte et sans influence sur la période vérifiée, qui concerne les années 1984 et 1985 ;

Considérant enfin que si M. Y... relève des erreurs ponctuelles dans les calculs de l'administration, il n'apporte pas d'indication de nature à en établir la portée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la méthode à laquelle l'administration a eu recours pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires et du bénéfice du commerce en question n'est ni excessivement sommaire ni radicalement viciée, et n'aboutit pas à une exagération des bases d'imposition ;
Sur la reconstitution proposée par M. Y... :
Considérant que M. Y... propose une reconstitution de chiffre d'affaires fondée sur ses propres calculs de marge, corrigés par les variations de stocks ; que cette reconstitution, qui aboutit à un chiffre d'affaires reconstitué inférieur au chiffre d'affaires déclaré, n'indique pas comment ont été déterminés les coefficients de marge sur achats, et comporte des variations de stocks, tirés d'une comptabilité dépourvue de valeur probante, sur lesquelles aucune justification n'est fournie ; que le coefficient de marge brute obtenu par M. Y... est un coefficient hors taxe, à la différence de celui calculé par l'administration, auquel il ne peut être comparé ; qu'ainsi M. Y... ne propose pas une méthode qui puisse être regardée comme plus précise que celle utilisée par l'administration ;
Sur les rémunérations versées à M. Patrice Y... et à Melle Marie-Hélène Y... :
Considérant que l'administration a réintégré dans le bénéfice imposable de M. Y... la quote-part des salaires versés par l'indivision à ce dernier et à sa soeur Marie-Hélène, à raison de leur participation au fonctionnement de l'entreprise ;
Considérant qu'en l'absence de convention expresse, un co-indivisaire ne peut percevoir que des bénéfices et non des salaires ; qu'il est constant que M. Patrice Y... n'a passé aucun contrat de travail pour son activité au sein de l'entreprise commerciale précitée ; qu'il résulte même de ses propres déclarations dans l'instance n 94BX01193 qu'il aurait pris la direction de l'entreprise à la mort de son père ; qu'en ce qui concerne Melle Marie-Hélène Y..., aucune convention n'a été conclue entre l'intéressée et l'indivision ; que par suite la réalité du travail effectué et du versement des salaires n'est pas établie ; qu'ainsi, les sommes versées à M. Pierre Y... et à Melle Marie-Hélène Y... à titre de salaires ont le caractère de bénéfices versés aux indivisaires et ne peuvent venir en déduction du chiffre d'affaire réalisé par l'entreprise exploitée par l'indivision Y..., pour la détermination de son résultat ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a déchargé M. Y... des rappels d'imposition litigieux ; qu'il y a lieu, en conséquence, de prononcer l'annulation du jugement précité et de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 5 mars 1994 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 94BX01195
Date de la décision : 06/03/1997
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - QUESTIONS COMMUNES - PERSONNES IMPOSABLES - SOCIETES DE FAIT.


Références :

CGI 8, 69, 238 bis L, 238 bis M
CGI Livre des procédures fiscales L47, L57
Note du 17 juillet 1984 3D-5-84


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BEC
Rapporteur public ?: M. BRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;1997-03-06;94bx01195 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award