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07/03/2006 | FRANCE | N°01BX00248

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3eme chambre (formation a 3), 07 mars 2006, 01BX00248


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 2 février 2001, présentée pour M. Daniel X, demeurant ..., par Me Garcia ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté ses demandes tendant à la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1989 ;

2°) de le décharger de l'imposition contestée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 200 000 F au titre de l'article L. 8 -1 du code des tribunaux administra

tifs et des cours administratives d'appel ;

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Vu l...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 2 février 2001, présentée pour M. Daniel X, demeurant ..., par Me Garcia ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté ses demandes tendant à la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1989 ;

2°) de le décharger de l'imposition contestée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 200 000 F au titre de l'article L. 8 -1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2006 :

- le rapport de M. Marrou,

- les observations de Me Garcia pour M. X ;

- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;

Vu la note en délibéré produit pour M. X le 17 février 2006 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il résulte des mentions du jugement attaqué du tribunal administratif de Fort-de-France en date du 21 décembre 2000, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que les parties ont été dûment convoquées à l'audience publique du 21 mars 2000 au cours de laquelle la demande de M. X a été examinée ; que si le requérant produit un courrier du greffe du tribunal en date du 4 mai 2000, l'informant que l'examen de sa requête, inscrite au rôle de l'audience du 21 mars 2000, était reportée à une audience ultérieure, il ne résulte pas de l'instruction que l'affaire ait été examinée à une audience autre que celle ci-dessus mentionnée ; que les circonstances que le requérant n'aurait pas été mis en mesure de produire un mémoire de synthèse et que l'administration n'aurait pas produit de pièces relatives à l'exercice d'une activité professionnelle indépendante ne sont pas de nature à entacher le jugement d'une irrégularité découlant d'une méconnaissance du principe du contradictoire ;

Sur le principe de l'assujettissement de M. X à la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'aux termes de l'article 256 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : « Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent d'une manière indépendante, à titre habituel ou occasionnel, une ou plusieurs opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts ou la nature de leur intervention. Ne sont pas considérés comme agissant de manière indépendante : Les salariés et autres personnes qui sont liés par un contrat de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail, les modalités de rémunération et la responsabilité de l'employeur ; Les travailleurs à domicile … » ;

Considérant que M. X a exercé les fonctions de gérant d'une SARL Entreprise Réunionnaise de Bâtiment et Travaux Publics (ERBTP), ayant son siège social à Saint-Denis de la Réunion et exploitant un établissement secondaire à Fort-de-France, jusqu'au 5 décembre 1988, date à laquelle ont été décidés, au cours d'une assemblée générale extraordinaire de la société, l'abandon par M. X de ses fonctions de gérant, la cessation de l'activité exercée par la société en Martinique au profit d'une nouvelle société, la SARL Entreprise Régionale de Bâtiment et Travaux Publics (ERBTP), qui serait dirigée par M. X et aurait son siège social en Guadeloupe, ainsi que la sous-traitance des chantiers en cours dans les Antilles ; qu'au cours des mois de décembre 1988 et janvier 1989, M. X a vendu à l'un de ses associés les parts qu'il détenait dans la société réunionnaise, tandis que cette dernière cédait à la société en formation le droit au bail de locaux situés à Fort-de-France, une partie de ses stocks et travaux en cours, ainsi qu'un brevet, et un contrat de sous-traitance a été conclu entre les deux entreprises ; qu'il résulte de l'instruction que les statuts de la SARL Entreprise régionale de Bâtiment et de Travaux Publics n'ont été ni déposés au tribunal de commerce ni enregistrés à la recette des impôts, que la société n'a pas été immatriculée au registre du commerce et des sociétés, que le montant du capital social n'a jamais été versé auprès de l'établissement bancaire désigné à cet effet et que M. X disposait seul de la signature sur les comptes bancaires de la société réunionnaise pour son établissement antillais ; qu'enfin, au cours des visites autorisées en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l'administration a saisi des pièces faisant état d'encaissements, pour un montant de 86 977 024,51 F, à raison de chantiers réalisés dans les Antilles au cours de l'année 1989 ; que si M. X, qui ne conteste pas la réalité des éléments susmentionnés, fait état de son statut de salarié et de fondé de pouvoir de la SARL Entreprise Réunionnaise de Bâtiments et de Travaux Publics, il se borne à produire trois bulletins de salaires dont deux ont été établis en dehors de la période en litige et des « pouvoirs » établis rétroactivement par le dirigeant de la SARL, ainsi qu'un rapport d'expert reprenant pour l'essentiel les éléments contenus dans les « pouvoirs » et des courriers à l'en-tête de la société mais sous sa signature ; que l'extension à l'établissement antillais, par arrêt de la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 24 décembre 1991, de la procédure de redressement judiciaire engagée à l'encontre de ladite société, motivée par l'absence de publicité et, par suite, d'opposabilité aux tiers, de la cession et de la reprise de l'établissement antillais, n'est, en tout état de cause, pas de nature à faire regarder cet établissement comme resté sous le contrôle de la société réunionnaise ; que, dans ces conditions et eu égard notamment à la qualité de sous-traitant de M. X vis-à-vis de la société Entreprise Réunionnaise de Bâtiments et de Travaux Publics et à la circonstance qu'il disposait seul du pouvoir d'effectuer des opérations sur les comptes bancaires de l'établissement antillais, le contribuable ne peut être regardé comme ayant été placé vis-à-vis de la SARL Entreprise Réunionnaise de Bâtiments et de Travaux Publics dans la situation de subordination qui caractérise le contrat de travail pour ce qui concerne le suivi des chantiers de construction réalisés dans les Antilles ; que c'est, par suite, à bon droit qu'il a été regardé comme ayant exercé une profession indépendante et qu'il a été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la seule période en litige du 1er janvier au 31 décembre 1989 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : « I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie dans sa rédaction alors applicable : II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter… Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; ... Le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée. L'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation ... Les délais de pourvoi courent à compter de la notification ou de la signification de l'ordonnance ... IV. Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur le champ. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu... V Les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont, dès qu'ils ont été établis, adressés au juge qui a autorisé la visite ; une copie de ces mêmes documents est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant. Les pièces et documents saisis sont restitués à l'occupant des locaux dans les six mois de la visite... VI. L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en oeuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47… » ;

Considérant qu'en vertu de plusieurs ordonnances prises en application des dispositions précitées, l'administration fiscale a procédé, le 13 novembre 1991, à la visite des lieux où étaient susceptibles d'être détenus des documents se rapportant, notamment, aux agissements de M. X ; que l'administration fait valoir qu'il a été procédé à la saisie des pièces utiles dans les conditions prévues par les textes en vigueur et par les ordonnances prises par l'autorité judiciaire et que la restitution des documents a été effectuée les 23 et 25 mars 1992 sans que les occupants des lieux aient émis d'observations ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal de visite et de saisie établi le 13 novembre 1991, signé par Mme Fontaine, que M. X avait désignée pour le représenter, qui n'a émis aucune observation, et comportant la liste cotée des pièces saisies, que les opérations se sont déroulées conformément aux dispositions de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales ; qu'à supposer établie l'absence de notification régulière des ordonnances de l'autorité judiciaire, cette circonstance, si elle a empêché le délai de pourvoi en cassation de courir, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition ; qu'il n'appartient pas au juge de l'impôt d'apprécier l'opportunité et l'utilité des visites domiciliaires autorisées ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : « Sont taxés d'office :.. 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes » ; qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne subordonne la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office à la taxe sur la valeur ajoutée à l'envoi au redevable d'une mise en demeure préalable d'avoir à déposer les déclarations qu'il est tenu de souscrire ; que, par suite, et alors même qu'il n'a pas été mis en demeure de déposer les déclarations qu'il était tenu de souscrire compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. X a été régulièrement taxé d'office ;

Considérant, en troisième lieu, que la situation de taxation d'office de M. X n'ayant pas été révélée par la vérification de comptabilité engagée par l'administration le 12 novembre 1992, les moyens tirés de l'irrégularité de cette vérification sont inopérants ;

Considérant, enfin, que M. X, qui a été régulièrement taxé d'office, ne peut utilement invoquer l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

Sur le montant de l'imposition :

Considérant que pour déterminer le chiffre d'affaires réalisé par M. X durant l'année 1989, l'administration s'est fondée sur des documents saisis lors des visites autorisées en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et faisant état d'encaissements concernant sept chantiers, pour la somme totale de 86 977 024, 51F ; que si M. X soutient que l'évaluation du chiffre d'affaires a été arbitraire, il n'apporte pas la preuve qui lui incombe, en vertu de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, de l'exagération de l'imposition litigieuse ; qu'en application de l'article 223 de l'annexe II au code général des impôts, les entreprises ne peuvent prétendre à la déduction de la taxe ayant grevé leurs achats qu'à la condition d'en justifier l'existence par la production des factures correspondantes ou de documents en tenant lieu ; qu'en l'absence de production de telles pièces, M. X ne peut prétendre à une déduction de taxe ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté ses demandes de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au paiement desquels il a été assujetti au titre de l'année 1989 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

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N° 01BX00248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 01BX00248
Date de la décision : 07/03/2006
Sens de l'arrêt : Maintien de l'imposition
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. MADEC
Rapporteur ?: M. Pierre-Alain MARROU
Rapporteur public ?: Mme JAYAT
Avocat(s) : GARCIA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-03-07;01bx00248 ?
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