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27/03/2007 | FRANCE | N°05BX01944

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 27 mars 2007, 05BX01944


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 septembre 2005, présentée pour M. Jean-Philippe X, demeurant ..., par Me Goburdhun ;

M. X demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Saint-Denis n° 0400617 du 22 juillet 2005, rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 15.000.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2003, en réparation des conséquences dommageables de son admission dans le service de l'aide sociale à l'enfance de la Réunion, puis de son placement

, en 1966, en métropole ;

2° de condamner l'Etat à lui verser ladite indemni...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 septembre 2005, présentée pour M. Jean-Philippe X, demeurant ..., par Me Goburdhun ;

M. X demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Saint-Denis n° 0400617 du 22 juillet 2005, rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 15.000.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2003, en réparation des conséquences dommageables de son admission dans le service de l'aide sociale à l'enfance de la Réunion, puis de son placement, en 1966, en métropole ;

2° de condamner l'Etat à lui verser ladite indemnité ;

3° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 7500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2007,

le rapport de M. Zupan, premier conseiller ;

et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X relève appel du jugement du 22 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 15.000.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2003, en réparation des conséquences dommageables de son admission dans le service de l'aide sociale à l'enfance de la Réunion, puis de son placement, en 1966, sur le territoire européen de la République ;

Considérant que M. X a été admis dans les services de l'aide sociale à l'enfance de la Réunion, en qualité d'enfant « en garde », par décision du préfet de ce département du 29 avril 1964 ; que cette décision faisait suite à une ordonnance de placement provisoire prise par le juge des enfants près le Tribunal de grande instance de Saint-Denis du 23 mars 1964, sur le fondement de l'article 375 du code civil, prévoyant l'adoption de mesures d'assistance éducative pour les « mineurs de vingt et un ans dont la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation sont compromises », et de l'article 376-1 du même code, disposant : « Le juge des enfants (...) peut décider la remise du mineur (...) 5° au service de l'aide sociale à l'enfance » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 46 de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux, en vigueur à l'époque des faits litigieux : « le conseil général statue définitivement sur les objets suivants : (...) 18° Service des enfants assistés » ; que, selon les dispositions alors en vigueur de l'article 49 du code de la famille et de l'aide sociale : « Est dit enfant en garde : (...) 2° L'enfant confié au service de l'aide sociale à l'enfance en application des articles 375 à 382 du code civil » ; que l'article 77 du même code disposait : « Dans chaque département, le service de l'aide sociale à l'enfance est placé sous l'autorité du préfet. Ce service est assuré par le directeur départemental de la population et de l'aide sociale (...) » ; que l'article 86 dudit code prévoyait que les dépenses de l'aide sociale à l'enfance, imputées au budget du département, comprenaient l'ensemble des frais d'entretien et d'éducation des mineurs confiés au service, et notamment les frais de séjour dans les établissements ou de placement familial ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il décidait, sous leur empire, d'admettre un mineur, à titre d'enfant « en garde », dans le service de l'aide sociale à l'enfance, le préfet agissait en principe, non en sa qualité de représentant de l'Etat dans le département, mais en tant qu'organe exécutif du département de la Réunion ; qu'il en va nécessairement de même des mesures subséquentes, prises par les services de la direction départementale de la population et de l'aide sociale, puis par ceux de la direction départementale de l'action sanitaire et sociale, qui lui a succédé en 1964, ayant pour objet, notamment, de définir le mode de placement du mineur et d'en fixer les modalités ; que, cependant, si, contrairement à ce que soutient M. X, la politique dite « de migration de pupilles » originaires de la Réunion vers la métropole, entamée en 1963, n'a pas eu pour objectif de « repeupler » certains départements ruraux de la France métropolitaine, ou d'y pourvoir à l'apport de main d'oeuvre agricole, elle a impliqué la collaboration de plusieurs départements du territoire européen de la République, dont l'action était nécessairement coordonnée sous l'autorité de l'Etat, et a reçu directement le concours des services de ce dernier, notamment du bureau pour les migrations intéressant les départements d'outre-mer (BUMIDOM) ; qu'elle a d'ailleurs manifestement excédé, par son ampleur, le champ des compétences dévolues au département par les dispositions précitées de la loi du 10 août 1871; qu'ainsi, c'est à tort que le Tribunal administratif de Saint-Denis a estimé que les fautes éventuellement commises à l'occasion de la mise en oeuvre de cette politique, qu'elles aient trait aux conditions dans lesquelles M. X a été admis dans le service de l'aide sociale à l'enfance, en ce qu'elles sont détachables de l'exécution de l'ordonnance du juge des enfants susmentionnée du 23 mars 1964, au choix de ses placements successifs, à la Réunion puis dans le département de la Creuse, ou à la surveillance des structures ou familles désignées pour le recevoir, n'étaient pas susceptibles d'engager, outre, le cas échéant, la responsabilité d'autres personnes morales de droit public, celle de l'Etat ;

Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : « Sont prescrites, au profit de l'Etat (...), sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis » ; qu'en vertu de l'article 3 de la même loi, cette prescription ne court pas à l'encontre du créancier « qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance » ;

Considérant que si le rapport « sur la situation d'enfants réunionnais placés en métropole dans les années 1960 et 1970 », établi en octobre 2002 par l'inspection générale des affaires sociales, à la demande du ministre de l'emploi et de la solidarité, a mis en lumière certains aspects généraux de la politique de « migration des pupilles » dans le cadre de laquelle M. X a été envoyé en métropole, il ne comporte aucune référence à la situation personnelle de l'intéressé ; que ce dernier, devenu majeur en 1974, était à même, dès cette époque, de mesurer l'étendue des préjudices qu'il invoque, et d'obtenir des administrations concernées les informations lui permettant de connaître les conditions dans lesquelles il avait été confié au service de l'aide sociale à l'enfance de la Réunion, afin de déterminer les causes de ces préjudices ; qu'ainsi, il ne démontre pas avoir légitimement ignoré, au sens des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, l'existence de la créance alléguée à l'encontre de l'Etat avant que ce rapport n'ait été rendu public, en 2002 ; que, par suite, le délai de la prescription quadriennale, régulièrement opposée par le préfet de la Réunion, a commencé à courir le 1er janvier 1975, sans que M. X ne fasse état d'événements susceptibles d'en avoir interrompu le cours ; qu'il s'ensuit que la créance alléguée est prescrite en application de ladite loi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande d'indemnité ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Jean-Philippe X est rejetée.

3

05BX01944


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 05BX01944
Date de la décision : 27/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEPLAT
Rapporteur ?: M. David ZUPAN
Rapporteur public ?: M. PEANO
Avocat(s) : GOBURDHUN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2007-03-27;05bx01944 ?
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