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12/06/2007 | FRANCE | N°05BX01360

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 12 juin 2007, 05BX01360


Vu la requête enregistrée le 11 juillet 2005 au greffe de la cour, présentée pour la COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE, par Me Lepage ;

La COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE demande à la cour d'annuler le jugement du 25 mai 2005 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé, à la demande du préfet de la Charente-Maritime, l'arrêté en date du 22 octobre 2004 par lequel le maire de la COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE a interdit la culture volontaire en plein champ de plantes génétiquement modifiées appartenant aux espèces maïs et colza, pour l'année en cours, sur tout le territoire

de la commune ;

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Vu la requête enregistrée le 11 juillet 2005 au greffe de la cour, présentée pour la COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE, par Me Lepage ;

La COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE demande à la cour d'annuler le jugement du 25 mai 2005 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé, à la demande du préfet de la Charente-Maritime, l'arrêté en date du 22 octobre 2004 par lequel le maire de la COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE a interdit la culture volontaire en plein champ de plantes génétiquement modifiées appartenant aux espèces maïs et colza, pour l'année en cours, sur tout le territoire de la commune ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 93-1117 du 18 octobre 1993 ;

Vu l'arrêté du 21 septembre 1994 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mai 2007 :

- le rapport de M. Richard ;

- les observations de Me Gossement, avocat de la COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE ;

- et les conclusions de M. Valeins, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE demande l'annulation du jugement du 25 mai 2005 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé, à la demande du préfet de la Charente-Maritime, l'arrêté du 22 octobre 2004 par lequel le maire de la COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE a interdit pour l'année en cours la culture volontaire en plein champ de plantes génétiquement modifiées appartenant aux espèces maïs et colza sur le territoire communal ;

Sur la recevabilité du déféré du préfet de la Charente-Maritime :

Considérant qu'aux termes de l'article 45 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 : « I En cas d'absence ou d'empêchement du préfet, sans que ce dernier ait désigné par arrêté un des sous-préfets en fonction dans le département pour assurer sa suppléance, celle-ci est exercée de droit par le secrétaire général de la préfecture… » ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date du déféré préfectoral devant le tribunal administratif, le préfet de la Charente-Maritime n'était pas absent ou empêché ; que, dès lors, la COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE n'est pas fondée à soutenir que la requête est irrecevable en ce qu'elle est signée par le seul secrétaire général de la préfecture ;

Considérant que le sous-préfet de Saint-Jean-d'Angély était compétent, en vertu des dispositions des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, pour former un recours gracieux à l'encontre de l'arrêté litigieux ; qu'il ressort des pièces du dossier que le recours gracieux qu'il a formé contre cet arrêté avait pour but d'en obtenir le retrait dans son entier ; qu'il a eu ainsi le même objet que le déféré du préfet de la Charente-Maritime et a donc régulièrement prorogé le délai de recours contentieux ; que, dès lors, la COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE n'est pas fondée à soutenir que le déféré du préfet de la Charente-Maritime était tardif ; que la circonstance que le recours gracieux a été formé par le sous-préfet de Saint-Jean-d'Angély ne faisait pas obstacle à ce que l'arrêté litigieux soit déféré au tribunal administratif par le préfet de la Charente-Maritime ;

Sur la légalité de l'arrêté du maire de Tonnay-Boutonne du 22 octobre 2004 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 533-2 du code de l'environnement : « Au sens du présent chapitre, on entend par dissémination volontaire toute introduction intentionnelle dans l'environnement, à des fins de recherche ou de développement ou à toute autre fin que la mise sur le marché, d'un organisme génétiquement modifié ou d'une combinaison d'organismes génétiquement modifiés » ; qu'aux termes de l'article L. 533-3 du même code codifiant l'article 11 de la loi n° 92-654 du 13 juillet 1992 transposant la directive n° 90/220/CEE du 23 avril 1990 : « Toute dissémination volontaire, ou tout programme coordonné de telles disséminations, est subordonné à une autorisation préalable. Cette autorisation est délivrée par l'autorité administrative après examen des risques que présente la dissémination pour la santé publique ou pour l'environnement. Elle peut être assortie de prescriptions. Elle ne vaut que pour l'opération pour laquelle elle a été sollicitée » ; qu'aux termes de l'article L. 535-2 du même code : « I. Dans tous les cas où une nouvelle évaluation des risques que la présence d'organismes génétiquement modifiés fait courir à la santé publique ou à l'environnement le justifie, l'autorité administrative peut, aux frais du titulaire de l'autorisation ou des détenteurs des organismes génétiquement modifiés : 1°) suspendre l'autorisation dans l'attente d'informations complémentaires et, s'il y a lieu, ordonner le retrait des produits de la vente ou en interdire l'utilisation ; 2°) imposer des modifications aux conditions de la dissémination volontaire ; 3°) retirer l'autorisation ; 4°) ordonner la destruction des organismes génétiquement modifiés et, en cas de carence du titulaire de l'autorisation ou du détenteur, y faire procéder d'office. II. Sauf en cas d'urgence, ces mesures ne peuvent intervenir que si le titulaire a été mis à même de présenter ses observations » ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 18 octobre 1993 susvisé : « L'autorisation prévue par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1992 susvisée est, s'agissant de plantes, semences ou plants génétiquement modifiés, délivrée par le ministre chargé de l'agriculture après accord du ministre de l'environnement » ; qu'aux termes de l'article 9 du même décret : « Dans tous les cas où une nouvelle évaluation des risques que la présence d'organismes génétiquement modifiés fait courir à la santé publique ou l'environnement le justifie, le ministre chargé de l'agriculture peut, aux frais du titulaire de l'autorisation : a) suspendre l'autorisation dans l'attente d'informations complémentaires ; b) modifier les prescriptions spéciales ; c) retirer l'autorisation si ces risques sont tels qu'aucune mesure ne puisse les faire disparaître ; d) ordonner la destruction des organismes génétiquement modifiés et, en cas de carence du titulaire de l'autorisation, y faire procéder d'office. Sauf en cas d'urgence, ces mesures ne peuvent intervenir que si le titulaire de l'autorisation a été mis à même de présenter ses observations » ; que l'article 1er de l'arrêté du 21 septembre 1994 prévoit que le dossier technique transmis au ministre de l'agriculture comprend des informations concernant le site de dissémination, la proximité de biotopes officiellement reconnus ou de zones protégées susceptibles d'être affectées, des informations concernant la dissémination, notamment l'objectif de la dissémination, la date et la durée prévues de l'opération, la méthode de dissémination envisagée, la préparation et la gestion du site avant, pendant et après la dissémination, y compris les pratiques culturales et les méthodes de récolte ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : « La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : … 5°) le soin de prévenir, par des prescriptions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, … les pollutions de toute nature, … de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure… » ; qu'aux termes de l'article L. 2212-4 du même code : « En cas de danger grave ou imminent, tels que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances… » ;

Considérant que s'il appartient au maire, en vertu des pouvoirs de police qu'il tient des articles L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, le régime d'autorisation administrative de la dissémination volontaire d'un organisme génétiquement modifié institué dans un but de police par l'article L. 533-3 du code de l'environnement relève de la compétence exclusive du ministre de l'agriculture ; que si la COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE fait valoir que le ministre de l'agriculture exerce ses pouvoirs de police spéciale illégalement dès lors que les dispositions de la loi du 13 juillet 1992 codifiées aux articles L. 533-3 et suivants du code de l'environnement seraient incompatibles avec les objectifs de la directive communautaire 2001/18 qui n'a pas été transposée dans le droit interne, une autorité administrative ne peut trouver dans une incompatibilité de dispositions législatives avec des règles communautaires un fondement juridique l'habilitant à exercer des compétences que ces dispositions législatives attribuent à une autre autorité ; qu'ainsi, la circonstance, à la supposer établie, que les dispositions de la loi n° 92-654 du 13 juillet 1992 modifiée, figurant désormais au titre III du livre cinquième du code de l'environnement, n'assureraient pas une transposition complète des dispositions de la directive communautaire 2001/18, ne saurait être utilement invoquée par la COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE, pour soutenir que son maire pouvait légalement édicter l'interdiction litigieuse sur le fondement de cette transposition défectueuse ; que, dès lors, le maire ne saurait, en l'absence de péril imminent, s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour décider, par son arrêté en date du 22 octobre 2004, d'interdire pour l'année en cours la culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées sur le territoire communal, le maire de Tonnay-Boutonne, qui ne se fonde pas sur l'urgente nécessité de faire face à des risques graves et caractérisés, ait pu se prévaloir d'une situation de danger imminent au sens des dispositions précitées de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, alors même qu'existeraient sur le territoire de la commune des circonstances locales particulières, caractérisées par la présence de bassins ostréicoles, d'une agriculture traditionnelle de qualité, d'une coopérative, et d'exploitations spécialisées en agriculture biologique ; qu'en l'absence de toute culture ou essai de plantes génétiquement modifiées sur le territoire de la commune, le maire de Tonnay-Boutonne ne saurait, alors même que la directive communautaire 2001/18 n'a pas été transposée en droit interne, se prévaloir d'un manquement au droit à l'information préalable des élus et des populations ; que, dans ces conditions, le maire de la COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE n'a pu légalement interdire pour l'année en cours la culture volontaire en plein champ de plantes génétiquement modifiées sur le territoire communal ; qu' en édictant une telle interdiction, le maire a excédé les pouvoirs de police qu'il tient du code général des collectivités territoriales ; que, par suite, la COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 25 mai 2005, le tribunal administratif de Poitiers a annulé à la demande du préfet de la Charente-Maritime l'arrêté en date du 22 octobre 2004 par lequel le maire de la COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE a interdit, pour l'année en cours, la culture volontaire en plein champ de plantes génétiquement modifiées sur le territoire communal ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE la somme qu'elle demande au titre des frais de procès non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE TONNAY-BOUTONNE est rejetée.

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No 05BX01360


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 05BX01360
Date de la décision : 12/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ZAPATA
Rapporteur ?: M. Jean-Emmanuel RICHARD
Rapporteur public ?: M. VALEINS
Avocat(s) : SCP HUGLO LEPAGE ET ASSOCIES CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2007-06-12;05bx01360 ?
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