La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/11/2008 | FRANCE | N°06BX01813

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 25 novembre 2008, 06BX01813


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 23 août 2006, présentée pour la société RESTAURANT LA MAREE, société à responsabilité limitée, dont le siège est 1 avenue de Colmar à La Rochelle (17000), par Me Barrière ;

La société RESTAURANT LA MAREE demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0501010 du 29 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assuje

ttie au titre des exercices clos les 30 juin 1998, 1999 et 2000, ainsi que des pénalités do...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 23 août 2006, présentée pour la société RESTAURANT LA MAREE, société à responsabilité limitée, dont le siège est 1 avenue de Colmar à La Rochelle (17000), par Me Barrière ;

La société RESTAURANT LA MAREE demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0501010 du 29 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 1998, 1999 et 2000, ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.......................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 octobre 2008 :

- le rapport de Mme Leymonerie, premier conseiller,

- les observations de Me Belliot pour la société RESTAURANT LA MAREE,

- et les conclusions de M. Vié, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société RESTAURANT LA MAREE, qui exploite un restaurant à La Rochelle, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er juillet 1997 au 31 août 2001 à l'issue de laquelle sa comptabilité a été écartée et son chiffre d'affaires reconstitué ; qu'elle demande la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos, ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties ; que la société fait régulièrement appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par une décision du 22 novembre 2006, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de la Charente-Maritime a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société RESTAURANT LA MAREE, à concurrence d'une somme de 1 448 euros pour la période du 1er juillet 1997 au 30 juin 1998 ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la valeur probante de la comptabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour l'ensemble de la période vérifiée, les soldes journaliers recettes espèces n'étaient pas enregistrés mais déterminés théoriquement par soustraction des recettes issues d'autres modes de règlement ; que l'absence de suivi des crédits accordés aux clients ne permet pas, compte tenu de la globalisation pratiquée, de rattacher un mode de règlement, à une note ; que la société a, de 1998 à 2001, établi des notes rédigées de manière manuscrite ou des notes imprimées comportant des ajouts manuscrits non enregistrés dans sa comptabilité ; que le livre journal ne comporte pas la centralisation mensuelle de l'ensemble des écritures comptables des journaux auxiliaires pour la période de juin 2000 à avril 2001 et que, durant cette période, il a été procédé à des écritures ne permettant pas de retrouver la référence dans le journal auxiliaire ; qu'un tel fonctionnement nécessitait la tenue d'un agenda de caisse alors même que celui-ci ne figure pas au nombre des documents que le commerçant est obligé de tenir ; qu'en ce qui concerne le « vin du mois » pour les trois années en litige, l'absence de justificatifs des recettes ne permettant pas un rapprochement avec les achats correspondants rendait impossible la vérification des concordances entre les ventes et les achats ; que si des coupures centralisatrices journalières, dites tickets Z, au demeurant manquantes pour seize jours en 1998, et quelques jours en 1999 et 2000 et, au surplus, tenues partiellement au crayon au cours de l'exercice clos le 30 juin 1998, permettaient de justifier pour chaque jour le nombre et la nature des plats et liquides comptabilisés, elles ne permettaient pas, en l'absence d'autres documents tels que doubles de notes numérotées ou bandes de caisse enregistreuse détaillant les ventes par facture, de justifier des quantités vendues, alors que les divers modes de règlement n'étaient pas ventilés ; que du 13 au 30 avril 2001 une caisse qui avait fait l'objet d'un remplacement a tout de même enregistré 823 ouvertures sans enregistrement de recettes ; que l'examen de la comptabilité matière de la société RESTAURANT LA MAREE a fait apparaître que, pour l'ensemble de la période vérifiée, environ 40 % des achats de café et d'infusion ne figurent pas dans le chiffre d'affaires comptabilisé ; que l'administration a estimé que cet écart anormal correspondait à un défaut de comptabilisation d'un nombre important de ces boissons vendues ; que, dans ces conditions, l'administration était fondée à écarter la comptabilité présentée comme non probante et à procéder à la reconstitution des bases imposables à l'impôt sur les sociétés ; que la société requérante ne saurait, en tout état de cause, utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la doctrine administrative exprimée dans l'instruction 4 G 3334 du 25 juin 1998 qui prévoit que la comptabilité ne doit pas être écartée si elle n'est entachée que d'irrégularités mineures insuffisantes pour lui enlever toute valeur probante ; que, par suite, l'administration était fondée à écarter la comptabilité présentée comme non probante et à procéder à la reconstitution des bases imposables à l'impôt sur les sociétés ;

En qui concerne la charge de la preuve :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : « Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge... » ;

Considérant que les impositions litigieuses, établies dans le cadre de la procédure contradictoire, n'ont pas été fixées conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que conformément aux dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales précité, la charge de la preuve incombe à l'administration ;

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

Considérant que pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'entreprise en cause, l'administration a utilisé la «méthode des vins» ; que cette méthode repose sur la détermination de la part de recettes vins dans le chiffre d'affaires total du restaurant à partir des tickets Z mensuels ; qu'il a été procédé à un recensement des achats de bouteilles de vins et de champagne à partir des factures fournisseurs présentées par la société, en prenant en compte l'utilisation de vins ; qu'un prix de vente a été enfin appliqué au nombre de bouteilles servies au restaurant, permettant d'extrapoler le chiffre total ; que pour tenir compte des observations formulées par la société devant le médiateur du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le prix à retenir au titre des ventes de vin de Bordeaux en carafes et au verre a été réduit, pour chaque exercice en litige, de 2 930 francs (447 euros) par rapport au chiffre d'affaires reconstitué ; qu'en dépit du caractère approximatif que présente cette méthode, les ajustements opérés permettaient de prendre en compte les particularités de l'exploitation ;

Considérant que l'administration a estimé, ce que la société ne conteste pas, que le prix moyen des repas de groupes était de 110 francs, c'est à dire un prix aligné en réalité sur le prix le plus bas des repas de groupes proposés ; qu'en soutenant que « raisonnablement » l'administration aurait dû admettre que des repas de groupes à des prix plus élevés, incluant des bouteilles plus coûteuses telles que Muscadet, Rosé de Loire et Haut-Poitou, avaient été servis, la société ne permet pas au juge de conclure que l'administration aurait, en intégrant le prix de ces bouteilles aux recettes tirées de ces repas, dû nécessairement retrancher les recettes représentées par ces bouteilles, des résultats tirés de la vente à l'unité de celles-ci ;

Considérant que l'administration a exclu des achats revendus certains vins blancs et pétillants qu'elle a détaillés mois par mois et qu'elle a considérés comme ayant été affectés à la confection d'apéritifs ; que la société requérante qui ne remet pas en cause le détail des vins retenus par l'administration pour la fabrication des apéritifs, ne fournit aucun élément tendant à rendre vraisemblable le fait que le nombre de bouteilles de champagne vendues en apéritifs aurait été sous-estimé ;

Considérant que si la société soutient que la consommation, en cuisine, de vin rouge figurant sur la carte, n'a pas été prise en compte, aucun élément tiré de l'activité propre de l'entreprise ne permet de déterminer la quantité de ce vin utilisée en cuisine alors qu'elle ne conteste pas l'évaluation faite par l'administration à 1 100 litres par an de vin blanc utilisé en cuisine ;

Considérant que la société n'établit pas par un élément tiré de l'activité propre de l'entreprise que le pourcentage de 10 % retenu pour les bouteilles de champagne offertes serait insuffisant ; que, par ailleurs, elle ne peut pas se fonder sur le montant du chiffre d'affaires « champagne » tiré de sa comptabilité pour soutenir que la quote-part de cette boisson dans le total du chiffre d'affaires vins reconstitué serait excessive, dès lors que sa comptabilité est dépourvue de valeur probante ;

Considérant que l'administration a retenu une consommation de vins par le personnel conforme aux avantages en nature comptabilisés par la société ; que, faute pour la société d'établir une sous-estimation de cette consommation, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère suffisant des montants pris en compte ;

Considérant que si la société soutient que le prélèvement de vins consommés par les gérants s'élève à 365 bouteilles par an, en l'absence de toute comptabilisation d'avantages en nature et faute de tout élément concret permettant d'apprécier l'existence et l'importance de ces prélèvements, l'évaluation de ces derniers faite par l'administration pour la période en litige doit être regardée comme suffisante ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, par la méthode de reconstitution qu'elle a retenue, de l'exactitude des rehaussements de chiffre d'affaires et, par suite, de base taxable à l'impôt sur les sociétés, qu'elle a opérés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société RESTAURANT LA MAREE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société RESTAURANT LA MAREE tendant au remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 1 488 euros en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés auxquelles la société RESTAURANT LA MAREE a été assujettie pour la période du 1er juillet 1997 au 30 juin 1998, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société RESTAURANT LA MAREE est rejeté.

5

4

N° 06BX01813


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 06BX01813
Date de la décision : 25/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: Mme Françoise LEYMONERIE
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : BARRIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-11-25;06bx01813 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award