La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/12/2008 | FRANCE | N°08BX01170

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 04 décembre 2008, 08BX01170


Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2008, présentée pour Mme Ratun X, demeurant ..., par Me Coste, avocat ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800158 en date du 27 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 11 mai 2007 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé la Turquie comme pays à destination duquel elle pourra être renvoyée ;

2°) d'a

nnuler l'arrêté préfectoral en date du 11 mai 2007 ;

3°) d'enjoindre au préfet...

Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2008, présentée pour Mme Ratun X, demeurant ..., par Me Coste, avocat ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800158 en date du 27 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 11 mai 2007 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé la Turquie comme pays à destination duquel elle pourra être renvoyée ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral en date du 11 mai 2007 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, et après délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, de procéder à un nouvel examen de sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2008 :

* le rapport de M. Kolbert, président-assesseur ;

* les observations de Me Coste, pour Mme X ;

* et les conclusions de M. Lerner, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le 12 mars 2006, Mme X, ressortissante turque d'origine kurde, est entrée sur le territoire français accompagnée d'une ressortissant arménien qu'elle a épousé religieusement en Turquie ; que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté sa demande de reconnaissance du statut de réfugiée, par décision en date du 28 juin 2006 confirmée par décision de la commission de recours des réfugiés en date du 16 février 2007, et que, par un arrêté en date du 11 mai 2007, le préfet de la Gironde lui a, par conséquent, refusé le titre de séjour correspondant et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire en fixant la Turquie comme pays à destination duquel elle pourrait, le cas échéant, être renvoyée ; que Mme X forme régulièrement appel du jugement du Tribunal administratif de Bordeaux en date du 27 mars 2008, qui a rejeté sa demande d'annulation dudit arrêté ;

Sur le refus de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : ... 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ... » ; que Mme X ne conteste pas, qu'après le rejet par la commission de recours des réfugiés de sa première demande de reconnaissance du statut de réfugiée, elle ne remplissait pas les conditions mentionnées par les dispositions précitées pour obtenir un titre de séjour et qu'elle n'avait pas encore, à la date de l'arrêté attaqué, sollicité le réexamen de sa demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Considérant qu'il appartenait, certes, au préfet de vérifier si le refus de séjour opposé à Mme X était de nature à méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, qu'eu égard à l'entrée irrégulière et récente de l'intéressée sur le territoire français, à la circonstance que ni elle, ni son compagnon ne sont dépourvus d'attaches familiales dans leurs pays d'origine respectifs, et enfin, au fait qu'il n'est pas établi que leur vie familiale ne puisse se poursuivre dans un autre pays que la France, la décision attaquée ne peut être regardée comme ayant porté aux droits qu'elle tient des stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles elle a été prise ; qu'en dépit d'une correcte intégration de Mme X à la société française ou de l'état de santé nerveusement fragile de son compagnon, il n'est pas davantage établi qu'elle soit entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle comporterait sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de New York sur les droits de l'enfant doit être écarté dès lors que, contrairement à ce soutient Mme X, un tel refus n'implique pas, par lui même, que les enfants du couple, dont un seul, d'ailleurs, était né à la date de l'arrêté attaqué, soient séparés d'au moins l'un des parents ; que si l'état de santé de l'un de ces enfants a justifié, le 4 septembre 2008, la délivrance à son époux, d'une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 16 janvier 2009, cette circonstance postérieure à la décision attaquée est sans influence sur sa légalité ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

Considérant que la décision par laquelle l'autorité administrative oblige un étranger à quitter le territoire français est au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée relative à la motivation des actes administratifs ; que si la motivation d'une telle mesure ne se confond pas avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, de mention spécifique pour respecter les exigences prévues par ces dispositions, c'est à la condition que ce refus soit lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français aient été rappelées ; qu'il est constant que l'arrêté litigieux ne mentionne pas les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui autorisaient le préfet à assortir le refus de séjour opposé en vertu des dispositions de l'article L. 314-11 du même code, d'une obligation de quitter le territoire ; que la référence aux dispositions des articles L. 741-1 à L. 742-7 du même code n'est pas, en raison de son imprécision, de nature à satisfaire à cette obligation et qu'ainsi, Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux a refusé d'annuler, pour ce motif, la décision portant obligation de quitter le territoire dont était assorti l'arrêté préfectoral du 11 mai 2007 ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant que la décision désignant la Turquie comme pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement de Mme X est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ; que l'appelante est, par suite, également fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Bordeaux a refusé d'en prononcer l'annulation ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que si les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent que l'autorité administrative délivre à l'étranger dont l'obligation de quitter le territoire français est annulée, une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été à nouveau statué sur son cas, elles ne lui imposent pas de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » ; qu'il y a lieu, par suite, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte, d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer à Mme X une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer la situation de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, de mettre à la charge de l'Etat, qui, dans la présente affaire, est la partie perdante, le versement à Me Coste, avocat de Mme X, de la somme de 1 000 euros sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat pour l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0800158 en date du 27 mars 2008 du Tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme X dirigées contre la décision du préfet de la Gironde en date du 11 mai 2007, l'obligeant à quitter le territoire et fixant la Turquie comme pays de destination d'un éloignement, ensemble lesdites décisions, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme X, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué sur sa situation.

Article 3 : L'Etat versera à Me Coste la somme de mille euros (1 000 euros) en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat pour l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

4

N° 08BX01170


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 08BX01170
Date de la décision : 04/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BRUNET
Rapporteur ?: M. Eric KOLBERT
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : COSTE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-12-04;08bx01170 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award