La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2010 | FRANCE | N°09BX01611

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 05 janvier 2010, 09BX01611


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 10 juillet 2009, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 mai 2009 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé, d'une part, la décision en date du 9 juin 2008, par laquelle il a refusé de délivrer à M. Aimé A un titre de séjour, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux dirigé contre cette décision, et d'autre part, la décision du 22 décembre 2008 par laquelle il a refusé de délivrer à l'int

ressé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire, et a f...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 10 juillet 2009, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 mai 2009 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé, d'une part, la décision en date du 9 juin 2008, par laquelle il a refusé de délivrer à M. Aimé A un titre de séjour, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux dirigé contre cette décision, et d'autre part, la décision du 22 décembre 2008 par laquelle il a refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire, et a fixé le pays de destination ;

2°) de rejeter les demandes de M. A devant le tribunal administratif de Toulouse ;

--------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision en date du 23 novembre 2009 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Bordeaux accordant l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2009 :

- le rapport de M. Bec, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Gosselin, rapporteur public ;

Sur les conclusions en annulation :

Considérant que la première demande d'asile de M. A, qui serait entré en France en septembre 2001, a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 juin 2003, puis par la commission de recours des réfugiés le 25 juin 2004 ; qu'en conséquence il a fait l'objet, le 28 juillet 2004, d'une décision de refus de séjour assortie d'une invitation à quitter le territoire, prise par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; que c'est par un courrier du 25 mars 2008, confirmé par une demande déposée en mairie le 29 mai 2008 et transmise à la préfecture, qu'il a sollicité le réexamen de sa situation par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, et subsidiairement la délivrance d'un titre en application tant des dispositions de l'article L. 313-11-7 que de celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 6 juin 2008, il a également demandé aux services de la préfecture le réexamen de sa situation au regard du droit d'asile ; que, par décision du 9 juin 2008, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE lui a refusé le bénéfice de l'admission provisoire au séjour ; que sa demande d'asile, transmise à l'office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure prioritaire, a été rejetée le 28 août 2008 ; que le PREFET n'a pas donné suite à une demande d'indication des motifs du rejet de la demande de titre formulée sur le terrain des articles L. 313-11-7 et L. 313-14 du code précité, et présentée en application de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'en revanche, par décision du 22 décembre 2008, le PREFET a rejeté la demande de M. A présentée sur le terrain de l'article L. 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE fait appel du jugement en date du 12 mai 2009 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision en date du 9 juin 2008 refusant l'admission provisoire au séjour de M. A en qualité de demandeur d'asile, la décision implicite de rejet, née le 29 septembre 2008, et la décision du 22 décembre 2008 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire ;

En ce qui concerne la légalité de la décision du 9 juin 2008 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (...). ;

Considérant que si, à l'appui de sa demande de réexamen de sa situation au regard du droit d'asile, M. A a produit des éléments qui n'avaient pas été soumis à l'office français de protection des réfugiés et apatrides lors de sa précédente demande d'asile, il ressort des pièces du dossier que ces éléments remontaient à 2001 et à 2004, et qu'en 2004 ils étaient déjà à sa disposition ; que, depuis la décision de refus de titre assortie d'une invitation à quitter le territoire qui lui avait été opposée en 2004, l'intéressé était susceptible à tout moment de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'ainsi la demande de M. A, qui s'est maintenu pendant plus de trois ans sur le territoire national sans solliciter le réexamen de sa situation, revêtait un caractère dilatoire ; que le préfet était par suite fondé à refuser l'admission provisoire au séjour de M. A ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision du 9 juin 2008 ;

Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par M. A devant le tribunal administratif de Toulouse ;

Considérant que Mme Pauzat, signataire de la décision litigieuse, disposait d'une délégation de signature du PRÉFET DE LA HAUTE-GARONNE en date du 19 mai 2008, régulièrement publiée, à l'effet de signer, en cas d'empêchement du secrétaire général et de la directrice de libertés publiques, les autorisations provisoires de séjour faisant suite à une demande d'asile ; que, dans les termes où elle est rédigée, une telle délégation autorise également sa bénéficiaire à statuer sur les autorisations provisoires de séjour demandées en application de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. A n'établit pas que le secrétaire général de la préfecture et la directrice des libertés publiques n'auraient pas été empêchés ; qu'il n'est pas établi que le préfet se serait cru en situation de compétence liée par les précédents refus émanant de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la commission de recours des réfugiés ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse serait entachée d'incompétence ;

Considérant ensuite que la décision litigieuse est fondée sur le caractère dilatoire de la demande, et non sur l'absence d'éléments nouveaux, qu'elle n'avait pas à mentionner, leur appréciation relevant de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'ainsi, le moyen tiré par M. A de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse doit être écarté ;

Considérant également que si le réexamen de la situation de l'intéressé au regard du droit d'asile suppose l'intervention d'éléments nouveaux, de tels éléments ne font pas obstacle à l'application du 4° de l'article L.741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'il apparaît que la demande poursuit un but dilatoire ; que, comme il a été dit ci-dessus, l'absence de mesure d'éloignement en cours ou prévue ne permet pas de regarder M. A comme n'étant pas susceptible de faire l'objet à tout moment d'une mesure d'éloignement, dès lors que, dépourvu de titre de séjour, il avait déjà fait l'objet d'une invitation à quitter le territoire ; que M. A n'est donc pas fondé à soutenir que sa demande ne pouvait être regardée comme constituant un recours abusif aux procédures d'asile, au sens de l'article L. 741-4-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant enfin que les circonstances que sa mère aurait fait l'objet de convocations de la part des autorités judiciaires de son pays en 2003 et 2005 et aurait fui dans un autre pays d'Afrique, et que son frère a obtenu le statut de réfugié, sont inopérantes au regard de son droit à obtenir les titres de séjour demandés ;

Considérant que le PRÉFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision litigieuse en date du 9 juin 2008 ;

En ce qui concerne la légalité de la décision du 22 décembre 2008 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ;

Considérant que M. A a présenté le 29 mai 2008 une demande tendant au réexamen de sa demande d'asile, et accessoirement au bénéfice de l'article L. 313-11-7° ou de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par la décision litigieuse en date du 22 décembre 2008, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a refusé de lui délivrer un titre de séjour non seulement sur le fondement de l'article L. 313-11-7° mais encore à quelque titre que ce soit ; que si le PREFET soutient en appel que la demande présentée par M. A ne pouvait être regardée comme une réelle demande d'admission exceptionnelle, faute d'avoir utilisé le formulaire spécifique, l'obligation d'utiliser un tel formulaire ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ; que la formule à quelque titre que ce soit , si elle permet de considérer que le préfet a examiné la demande dont il était saisi sur le terrain également de l'article L. 313-14 dudit code, ne révèle pas d'examen de la situation personnelle de l'intéressé au regard des dispositions de cet article ; que si la demande de M. A ne faisait effectivement valoir aucune circonstance particulière lui permettant de prétendre à l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet n'était pas pour autant dispensé d'indiquer les motifs du rejet de la demande ; que, par suite, le PREFET n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision du 22 décembre 2008 ;

En ce qui concerne la légalité de la décision implicite de rejet de la demande du 29 mai 2008 :

Considérant que M. A a présenté le 25 mars 2008 une demande d'admission au séjour portant sur la qualité de réfugié, mais aussi et accessoirement sur le fondement des articles L. 313-11-7° ou L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette demande a été confirmée par son dépôt en mairie le 29 mai 2008, transmise à la préfecture de la Haute-Garonne ; qu'en application de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le silence du préfet pendant quatre mois a fait naître, le 30 septembre 2008, une décision implicite de rejet ; que le 1er octobre 2008, le préfet a été saisi d'une demande formulée en application de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979, tendant à la communication des motifs de cette décision implicite de rejet, à laquelle, il n'a pas répondu ; que, toutefois, par décision du 22 décembre 2008 il a expressément statué sur la demande du 29 mai 2008, pour la rejeter ; que cette décision expresse a eu pour effet de retirer la décision implicite litigieuse ; que toutefois cette décision expresse a été annulée par le tribunal administratif de Toulouse, confirmée sur ce point par la cour ; que cette annulation a eu pour effet de faire revivre la décision implicite de rejet, laquelle, dans le silence de l'administration à la demande présentée par M. A en application de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979, se trouve ainsi entachée d'un défaut de motivation ; que par suite, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision implicite de rejet de la demande présentée par M. A le 29 mai 2008 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt implique seulement que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE délivre au requérant une autorisation provisoire de séjour et procède au réexamen de sa situation administrative au regard des motifs du présent arrêt, dans un délai de deux mois à compter de la notification de celui-ci ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner l'Etat à payer à M. A la somme qu'il demande en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 mai 2009 est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 9 juin 2008 du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE.

Article 2 : Les conclusions de la demande devant le tribunal administratif de M. A tendant à l'annulation de la décision du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE du 9 juin 2008 sont rejetées.

Article 3 : Il est enjoint au PREFET DE LA HAUTE-GARONNE de délivrer à M. A un titre de séjour provisoire et de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE et les conclusions de M. A tendant au bénéfice de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetés.

''

''

''

''

5

No 09BX01611


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 09BX01611
Date de la décision : 05/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ZAPATA
Rapporteur ?: M. Antoine BEC
Rapporteur public ?: M. GOSSELIN
Avocat(s) : DE BOYER MONTEGUT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-01-05;09bx01611 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award