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28/06/2010 | FRANCE | N°09BX02134

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, Juge des reconduites à la frontière, 28 juin 2010, 09BX02134


Vu, la requête enregistrée au greffe de la cour le 2 septembre 2009 par télécopie et le 11 septembre 2009 en original, présentée pour M. Karim X demeurant chez Me Boyer Montégut, 24 grande rue Nazareth à Toulouse (31000), par Me Boyer Montégut ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904010 du 26 août 2009 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 août 2009 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné sa reconduite à la frontière et la décision

du même jour décidant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler, pou...

Vu, la requête enregistrée au greffe de la cour le 2 septembre 2009 par télécopie et le 11 septembre 2009 en original, présentée pour M. Karim X demeurant chez Me Boyer Montégut, 24 grande rue Nazareth à Toulouse (31000), par Me Boyer Montégut ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904010 du 26 août 2009 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 août 2009 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a ordonné sa reconduite à la frontière et la décision du même jour décidant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2010 :

- le rapport de Mme Flecher-Bourjol, magistrat désigné,

- et les conclusions de M. Vié, rapporteur public ;

Considérant que, M. X, ressortissant tunisien né en 1981, a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière du préfet de la Haute-Garonne le 21 août 2009 et d'une décision du même jour le plaçant en rétention administrative ; qu'il fait régulièrement appel du jugement du 26 août 2009 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Toulouse a rejeté son recours tendant à l'annulation des décisions susvisées ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-14 du code de justice administrative : Le jugement est prononcé à l'audience si l'étranger est retenu, au jour de celle-ci, par l'autorité administrative ou s'il l'était lorsqu'il a formé son recours. ; qu'aux termes de l'article R. 776-17 du même code : le dispositif du jugement prononcé dans les conditions prévues à l'article R. 776-14, assorti de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1, est communiqué sur place aux parties présentes à l'audience qui en accusent aussitôt réception. S'il ne l'a pas été sur place, le jugement est notifié sans délai et par tous moyens aux parties qui en accusent réception. (...) ; que le respect de ces dispositions, qui ont pour finalité de permettre aux parties d'avoir accès au dispositif du jugement avant la fin de l'audience à laquelle elles sont présentes, constitue une formalité substantielle ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Karim X était encore en rétention lorsqu' a été enregistrée au tribunal administratif de Toulouse, le 22 août 2009, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière du 21 août 2009 ; qu'en s'abstenant, dès lors, de communiquer le dispositif de son jugement aux parties dès le 25 août 2009, jour de l'audience au cours de laquelle a été examinée la demande de l'intéressé, et en reportant au 26 août 2009 le prononcé de ce jugement, le magistrat délégué par le tribunal administratif de Toulouse a méconnu les dispositions précitées des articles R. 776-14 et R. 776-17 du code de justice administrative ; qu'il s'ensuit que ledit jugement, qui est entaché d'une irrégularité substantielle, doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Toulouse ;

Sur l'intervention :

Considérant que Mme X, épouse du requérant, justifie d'un intérêt à l'annulation de la décision et du jugement attaqués ; que dès lors son intervention doit être admise ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut par arrêté motivé décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1°) Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X est entré irrégulièrement en France et qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où en application du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant que l'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application et les considérations de fait sur lesquels il se fonde ; qu'il indique notamment que M. X est entré récemment en France, qu'il ne justifie pas d'une entrée régulière, que son père et trois de ses soeurs vivent en Tunisie ; que l'obligation de motivation prescrite par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 n'implique pas, contrairement à ce que soutient le requérant que l'administration reprenne explicitement l'ensemble des faits retenus par elle pour apprécier la situation de l'étranger à l'égard des textes applicables ; que, dès lors, ladite décision, alors même qu'elle ne fait pas état de son mariage récent et du fait que son épouse soit enceinte, est suffisamment motivée au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; que, pour les mêmes raisons, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que M. X est entré irrégulièrement en France à l'âge de 24 ans ayant vécu jusque là dans son pays d'origine ; qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans chercher à régulariser sa situation jusqu'à son interpellation par les forces de police le 21 août 2009 à la suite d'un contrôle d'identité ; que s'il se prévaut de son mariage avec une ressortissante française enceinte de ses oeuvres, il n'établit ni même n'allègue, l'existence d'une communauté de vie avec cette dernière avant le mois de juin 2009 ; qu'il suit de là, compte tenu des conditions d'entrée et de séjour de M. X en France, du caractère particulièrement récent de sa relation et de son mariage avec une ressortissante française dont la grossesse est tout aussi récente et ne présente pas de pathologie, de ce qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et ses trois soeurs et eu égard aux effets d'une reconduite à la frontière qui est celui d'un éloignement temporaire, que M. X n'établit pas que le préfet de la Haute-Garonne aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale normale et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;

Considérant que compte tenu du séjour irrégulier en France de M. X et des effets d'une mesure d'éloignement, le préfet de la Haute-Garonne, dans son arrêté en litige, n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de son enfant à naître, qui aura, en tout état de cause, la possibilité de demeurer auprès de sa mère ;

Considérant que Mme X, par la voie de l'intervention volontaire, soutient que les dispositions légales et règlementaires réservent un régime de séjour plus favorable au conjoint de français ressortissant d'un état membre de l'union européenne qu'au conjoint français d'un ressortissant d'un pays tiers dès lors que pour le premier un visa long séjour n'est pas exigé et qu'il bénéficie d'un délai pour quitter le territoire national qui est obligatoirement fixé, garantie dont sont privés les étrangers ressortissant de pays tiers faisant l'objet d'une mesure de rétention administrative ; que ces différences de traitement sont constitutives d'une atteinte au principe d'égalité de traitement au nombre des principes généraux du droit communautaire, à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au principe constitutionnel de l'égalité ; que toutefois ces différences de traitement résultent de l'existence de situations différentes qui sont la conséquence nécessaire, soit des traités d'adhésion et des dispositions de droit interne prises pour leur application, soit du régime de rétention administrative assortissant les mesures d'éloignement d'un étranger n'offrant pas de garanties de présentation ; qu'il suit de là que les différences ainsi relevées, qui se rattachent à des situations différentes, ne méconnaissent pas le principe d'égalité ;

Sur la décision de placement en rétention administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Le placement en rétention d'un étranger dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : ... 3° faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d'un an auparavant ne peut quitter immédiatement le territoire français ;

Considérant que l'ordonnance du 24 août 2009, le juge des libertés et de la détention a mis fin au placement en rétention de M. X, ordonné par le préfet de la Haute-Garonne le 21 août 2004 ; qu'il suit de là qu'à la date à laquelle le tribunal administratif a statué, les conclusions dirigées contre l'arrêté du 21 août 2004 ordonnant ledit placement étaient devenues sans objet de sorte qu'il n'y avait plus lieu de statuer ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 21 août 2009 ordonnant sa reconduite à la frontière et la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de Mme X est admise ;

Article 2 : Le jugement du 26 août 2009 du magistrat désigné par le tribunal administratif de Toulouse est annulé ;

Article 3 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée ainsi que le surplus des conclusions de sa requête ;

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N° 09BX02134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 09BX02134
Date de la décision : 28/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique FLECHER-BOURJOL
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : DE BOYER MONTEGUT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-06-28;09bx02134 ?
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