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29/03/2011 | FRANCE | N°10BX01676

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 29 mars 2011, 10BX01676


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 8 juillet 2010, régularisée le 20 juillet, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002433 en date du 3 juin 2010 du tribunal administratif de Toulouse annulant l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A le 12 mai 2010 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Toulouse ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de ...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 8 juillet 2010, régularisée le 20 juillet, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002433 en date du 3 juin 2010 du tribunal administratif de Toulouse annulant l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A le 12 mai 2010 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Toulouse ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2011 :

- le rapport de Mme Flécher-Bourjol, président ;

- les conclusions de M. Vié, rapporteur public ;

Considérant que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE fait appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté en date du 12 mai 2010 par lequel le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a décidé de la reconduite à la frontière de M. A, de nationalité turque ;

Sur la fin de non recevoir :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-20 du code de justice administrative : Le délai d'appel est de un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues à l'article R. 776-17, troisième alinéa ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement rendu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a été notifié le 7 juin 2010 à M. le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE ; que le recours tendant à l'annulation de ce jugement a été enregistré le 8 juillet 2010 au greffe de la cour administrative d'appel, soit dans le délai d'un mois fixé par l'article précité ; que dès lors la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête doit être écartée ;

Sur les conclusions en annulation :

Considérant que M. A, ressortissant turc, est entré en France, le 12 juillet 2005, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour dans le cadre de la procédure de regroupement familial, initiée par son père, M. Karim A ; qu'il s'est vu opposer, le 12 mai 2010, un refus de séjour pour trouble à l'ordre public ; que le même jour pour le même motif, était pris à son encontre un arrêté portant reconduite à la frontière ;

Considérant que pour apprécier si le comportement d'un ressortissant étranger est de nature à révéler une menace d'atteinte à l'ordre public et peut justifier un refus de délivrance ou de renouvellement de sa carte de séjour temporaire, l'autorité compétente ne saurait s'en tenir à la qualification et à la sanction pénale susceptible d'être appliquée à ce comportement ; que si le tribunal a pu relever que la décision de refus de séjour en date du 12 mai 2010 se fonde exclusivement sur l'existence de la condamnation du 30 novembre 2005, alors que celle-ci remonte à plus de 4 ans et demi, à la date de cette décision et sur l'avis défavorable émis par la commission du titre de séjour presque deux ans auparavant, le préfet invoque en appel la mise en cause de M. A dans le cadre d'une autre affaire de violences volontaires dans la nuit du 18 octobre 2007 ; qu'il résulte des procès verbaux de police établis à cette occasion que M. A a exercé des violences volontaires ayant causé un préjudice corporel par coups sur une personne en état d'ébriété au motif qu'elle était bruyante ; que la seule circonstance que ces faits n'auraient donné lieu à aucune suite judiciaire en raison du retrait de la plainte par la victime n'implique pas qu'ils doivent être écartés pour l'appréciation du comportement général de M. A dès lors qu'ils révèlent de sa part la persistance d'un comportement violent représentant une menace à l'ordre public ; que par suite, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge désigné par le président du tribunal administratif a annulé son arrêté en date du 12 mai 2010 portant reconduite à la frontière de M. A ;

Considérant qu'il appartient au juge d'appel des reconduites, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant la cour et devant le tribunal administratif par M. A ;

Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

Considérant en premier lieu que, contrairement à ce que soutient M. A, l'arrêté litigieux vise les textes applicables et énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;

Considérant en deuxième lieu, que la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'est pas applicable aux décisions statuant sur une demande ; qu'ainsi M. A ne peut utilement invoquer ces dispositions à l'encontre de la décision rejetant sa demande de titre de séjour au motif qu'elle serait irrégulière faute d'avoir été précédée d'une procédure contradictoire et notamment d'une convocation par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE pour faire valoir ses observations ;

Considérant en troisième lieu qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La commission est saisie par l'autorité administrative [le préfet ou, à Paris, le préfet de police] lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. L'étranger est convoqué par écrit au moins quinze jours avant la date de la réunion de la commission qui doit avoir lieu dans les trois mois qui suivent sa saisine ; il peut être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et être entendu avec l'assistance d'un interprète... ; qu'aux termes de l'article R. 312-2 du code précité : Le préfet ou, à Paris, le préfet de police saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance. La commission est également saisie dans les cas prévus aux articles L. 313-14 et L. 431-3... ; qu'il appartient au préfet, dès lors qu'il décide sans y être tenu de saisir la commission, d'observer la procédure de saisine prescrite ;

Considérant enfin qu'il résulte de l'instruction que M. A a été convoqué à deux reprises après que la première fois, il fut constaté que la commission n'était pas composée régulièrement ; que la commission a, le 7 juillet 2008 c'est à dire à l'issue de la seconde réunion, émis un avis défavorable à la délivrance d'un titre de séjour ; que M. A soutient qu'il n'a pas été régulièrement convoqué devant cette commission ; qu'il résulte des pièces du dossier que les enveloppes contenant les convocations portaient l'adresse que M. A avait indiquée dans la demande de titre de séjour ; que la seule circonstance que M. A pourrait produire d'autres documents administratifs émanant de l'administration et qui porteraient une adresse plus complète que celle qu'il avait indiquée n'est pas de nature à faire présumer que la commission aurait rendu un avis à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11, 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : 1o A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, dont l'un des parents au moins est titulaire de la carte de séjour temporaire ou de la carte de résident, ainsi qu'à l'étranger entré en France régulièrement dont le conjoint est titulaire de l'une ou de l'autre de ces cartes, s'ils ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial dans les conditions prévues au livre IV ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A, qui n'a pas présenté de demande de séjour dans l'année qui suit son dix huitième anniversaire, ne remplit donc pas les conditions prévues par l'article L. 313-11-1° précité ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ; que si M. A est entré en France en 2002, il ne peut se prévaloir du temps passé en prison pour le décompte de la durée du séjour sur le territoire national ; que s'il vit au domicile de ses parents et travaille depuis le 05 juillet 2006 dans l'entreprise familiale, il est constant qu'à la date de l'arrêté attaqué il était âgé de 23 ans, célibataire et sans charge familiale ; qu'il a un frère et deux soeurs en Turquie et ne serait pas isolé dans son pays d'origine ; qu'il résulte de ce qui a été dit, qu'en raison de son comportement violent M. A ne saurait justifier de son insertion dans la société française ; qu'eu égard à ces circonstances, l'arrêté du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n' a pas porté au droit de l'intéressé à une vie familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A, ne remplit donc pas les conditions prévues par l'article L. 313-11-7° précité pour obtenir la délivrance de plein droit d'une carte de séjour vie privée et familiale ; qu'il n'est par suite pas fondé à soutenir par voie d' exception que la décision de refus de titre de séjour serait illégale ;

Sur la légalité de la reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ...7° Si l'étranger a fait l'objet d'un retrait de son titre de séjour ou d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, dans les cas où ce retrait ou ce refus ont été prononcés, en application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, en raison d'une menace à l'ordre public. ; qu'il est constant que par un arrêté en date du 12 mai 2010, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A au motif, notamment, que la présence de ce dernier sur le territoire constitue une menace grave pour l'ordre public ; que l'intéressé entre ainsi dans l'un des cas où le préfet peut décider qu'un étranger serait reconduit à la frontière ; qu'il résulte de ce qui précède que ce moyen reprend ce qui a été développé à l'appui des conclusions relatives à l'exception d'illégalité du refus de séjour et doit être rejeté pour les mêmes motifs que précédemment ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui... ;

Considérant que si M. A est entré en France en 2002 il ne peut se prévaloir du temps passé en prison pour le décompte de la durée du séjour sur le territoire national ; que s'il vit au domicile de ses parents et travaille depuis le 05 juillet 2006 dans l'entreprise familiale, il est constant qu'à la date de l'arrêté attaqué il était âgé de 23 ans, célibataire et sans charge familiale ; qu'il a un frère et deux soeurs en Turquie et ne serait pas isolé dans son pays d'origine ; qu'il résulte de ce qui a été dit, qu'en raison de son comportement M. A constitue une menace à l'ordre public ; qu'eu égard à ces circonstances, l'arrêté du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n' a pas porté au droit de l'intéressé à une vie familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté en date du 12 mai 2010 par lequel le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE a décidé la reconduite à la frontière de M. A ;

Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions de A fondées sur l'article L 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1002433 en date du 3 juin 2010 est annulé.

Article 2 : La demande de M. Ozkan A devant le tribunal administratif et ses conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant la cour sont rejetées.

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10BX01676


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 10BX01676
Date de la décision : 29/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: Mme Dominique FLECHER-BOURJOL
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : DUNAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2011-03-29;10bx01676 ?
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