La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2011 | FRANCE | N°10BX02192

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 29 novembre 2011, 10BX02192


Vu la requête, enregistrée le 20 août 2010 sous le n° 10BX02192, présentée pour la SCI DE LA GRANDE BAIE, dont le siège social est boulevard Ricord à Vence (06140), représentée par son gérant ; la SCI DE LA GRANDE BAIE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 07350, en date du 6 mai 2010, par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 8 809 116 euros, augmentée des intérêts calculés au taux légal majoré et capitalisés ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la so

mme de 8 809 116 euros, augmentée des intérêts calculés au taux légal majoré et capit...

Vu la requête, enregistrée le 20 août 2010 sous le n° 10BX02192, présentée pour la SCI DE LA GRANDE BAIE, dont le siège social est boulevard Ricord à Vence (06140), représentée par son gérant ; la SCI DE LA GRANDE BAIE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 07350, en date du 6 mai 2010, par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 8 809 116 euros, augmentée des intérêts calculés au taux légal majoré et capitalisés ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 809 116 euros, augmentée des intérêts calculés au taux légal majoré et capitalisés, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison du comportement fautif de l'Etat, ou, subsidiairement, à raison du préjudice anormal et spécial dont elle estime avoir souffert ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 73-428 du 27 mars 1973 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2011 :

- le rapport de Mme D. Boulard, président assesseur ;

- les observations de Me Caroline Laveissière, collaboratrice de Me Jean Laveissière, avocat de la SCI DE LA GRANDE BAIE ;

- les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Laveissière ;

Considérant que la SCI DE LA GRANDE BAIE a été constituée en avril 1992, par un acte qui définissait son activité comme consistant en l'acquisition d'une propriété immobilière située dans la commune de Gosier (Guadeloupe) et la construction sur cette propriété d'un ensemble à usage touristique et hôtelier ; que, par une réclamation du 9 août 2004, réitérée en 2006, elle a demandé, en vain, au sous-préfet de Pointe-à-Pitre l'indemnisation du préjudice que lui avait causé l'abandon de ce projet de construction et qu'elle imputait à un comportement fautif de l'Etat ; que, par un jugement du 6 mai 2010, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté la demande indemnitaire de la SCI DE LA GRANDE BAIE dirigée contre l'Etat ; que la SCI DE LA GRANDE BAIE fait appel de ce jugement en demandant que la responsabilité de l'Etat soit engagée à son égard sur le terrain de la responsabilité pour faute et, subsidiairement, sur celui de la responsabilité sans faute ;

Sur la responsabilité pour faute :

Considérant qu'à l'appui de sa demande indemnitaire présentée sur le fondement de la responsabilité pour faute, la SCI DE LA GRANDE BAIE se prévaut, d'une part, de la méconnaissance des dispositions du décret n° 73-428 du 27 mars 1973, d'autre part, de ce que l'Etat n'aurait pas tenu les engagements qu'il avait pris à son égard ;

Considérant, en premier lieu, que le décret précité du 27 mars 1973 relatif à la gestion des cours d'eau et police des eaux superficielles dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de la Réunion prévoit que, dans ces mêmes départements le ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement, du logement et du tourisme a dans ses attributions notamment le service des inondations et des annonces de crues, la protection contre les inondations, la protection contre la mer et l'aménagement des estuaires, les endiguements le long de tous les cours d'eau ainsi que, sur tous les cours d'eau qu'il définit, la gestion et la police des eaux ; que, toutefois et contrairement à ce que soutient la société, il ne résulte pas de ce texte, lequel définit une compétence d'attribution, une obligation pour l'Etat de réaliser des travaux d'aménagement hydraulique dans un endroit donné, alors même que des inondations s'y sont produites ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction qu'en ne procédant pas à la réalisation d'un ouvrage hydraulique dans une zone, essentiellement naturelle et humide, proche du rivage marin, permettant l'épandage naturel d'eaux de ruissellement issues de la Grande Ravine ou de l'expansion du cours d'eau dit du Canal de Belle-Plaine , l'Etat ait manqué à l'obligation de protection invoquée par la société requérante ; qu'en particulier, les risques d'inondations de ses propres terrains, inclus dans le secteur Grand Baie de cette zone naturelle, vierges de toute habitation, ne requerraient pas la construction d'un endiguement du Canal de Belle-Plaine , alors même qu'ils étaient classés par le plan d'occupation des sols de la commune de Gosier lors de leur acquisition par la société en zone naturelle d'urbanisation future et que leur constructibilité était subordonnée, aux termes du règlement de cette zone, à la création d'une zone d'aménagement concerté ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que la gestion du Canal de Belle-Plaine , dont se plaint la société requérante, mais en s'abstenant de toute justification et même de toute précision sur ce point, ait donné lieu aux carences fautives qu'elle impute aux services de l'Etat ;

Considérant, en second lieu, que pour se plaindre d'engagements non tenus à son égard, la SCI DE LA GRANDE BAIE se prévaut d'une lettre que lui a adressée le 24 juin 1993 le sous-préfet de Pointe-à-Pitre, dont elle soutient qu'elle révèle l'engagement de la part de l'Etat de construire un canal d'évacuation d'eaux pluviales permettant l'assainissement de la zone, et, par conséquent, la mise en oeuvre de son projet d'aménagement touristique de ses terrains ; qu'il est vrai que cette lettre, qui se présente comme le compte-rendu d'une réunion tenue avec le représentant de la société requérante, à la demande de ce dernier, rappelle que l'Etat conjointement avec la commune s'attachait en priorité à la réalisation du canal d'évacuation d'eaux pluviales , estimé alors nécessaire à l'assainissement de la zone de Grand Baie , dont l'option relative au tracé nord ou sud restait à déterminer en fonction de l'étude en cours et souligne que l'engagement financier pris par l'Etat au titre du Xème plan pour la réalisation du canal constituait à la fois une garantie pour sa réalisation et une avancée significative dans la procédure de création future de la zone d'aménagement concerté liée à l'aménagement de Grand Baie ; que, cependant, d'une part, ces termes ne traduisent pas l'engagement d'une opération déterminée, l'étude préalable à tout engagement de procédure étant encore en cours, comme le rappelle le courrier lui-même, et ses modalités concrètes n'étant pas précisées, notamment pour ce qui est de ses modalités financières qui ne sauraient être tenues -et que le courrier en cause ne tient pas- pour fixées par les seules orientations et prévisions d'une loi de planification ; que, d'autre part, les termes précités de la lettre du 24 juin 1993 étaient précédés d'un rappel du litige opposant la société requérante à l'Etat à propos de l'affectation de la parcelle CE 424 élément essentiel à la réalisation de la station touristique, située dans la zone des 50 pas géométriques et au règlement duquel était subordonné le projet ; qu'à ce sujet, le sous-préfet indique, dans ce même courrier, que le gérant de la société lui avait fait part de son intention de privilégier une solution amiable , mais relève que le processus de normalisation envisagé par la société nécessite en vue de son aliénation le déclassement de la parcelle litigieuse au titre des dispositions de l'article L. 87 du code du domaine de l'Etat ; que le sous-préfet conclut sa lettre en mentionnant qu'il avait fait valoir à son interlocuteur qu'il paraissait plus opportun d'envisager l'aménagement touristique de la zone avec toutes ses composantes comme corollaire de la construction du canal ; que ces mentions, qui recommandent au représentant de la SCI DE LA GRANDE BAIE d'envisager l'aménagement de la zone dans son ensemble, mais sans engagement ferme quant à l'exécution de cet aménagement, et rappellent un litige à propos d'un terrain du domaine public dont s'estimait alors propriétaire ladite société, laquelle fut au demeurant, par la suite, déboutée de ses prétentions par une décision définitive du juge judiciaire, mettent au jour, sans les lever, les incertitudes entourant son projet ; que, par conséquent, eu égard à ces termes et au contexte dans lequel ils s'inscrivaient, la SCI DE LA GRANDE BAIE, qui était capable en tant que professionnelle de l'immobilier d'en mesurer la portée, ne peut être regardée ni comme ayant reçu des assurances erronées de la part de l'Etat, ni comme ayant été incitée par ses services à réaliser l'opération touristique qu'elle projetait, dès sa création, sur des terres acquises par elle, dont au surplus elle connaissait le risque qui les frappait ; que, contrairement à ce que la société soutient, le comportement des services de l'Etat ne procède pas de la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime qu'elle invoque ;

Sur la responsabilité sans faute :

Considérant que l'inexécution des travaux d'assainissement que la société reproche à l'Etat et dont elle soutient qu'elle a causé l'abandon de son projet de création d'un complexe touristique sur des terres acquises à cet effet, ne peut être la source d'une responsabilité sans faute de l'Etat, dès lors que ces terres étaient déjà inconstructibles tant qu'une zone d'aménagement concerté n'était pas créée et que l'aléa frappant cette création n'excédait pas celui auquel la société pouvait normalement s'attendre ; qu'ainsi, son projet était hypothétique et comportait dès sa conception un risque qu'elle devait assumer ; qu'en tout état de cause, la perte de valeur de terrains dont la constructibilité était aléatoire dès l'origine n'est pas établie ; que n'est pas davantage établie la perte de jouissance de ses biens dont la société avait conservé la libre disposition tout au long de la période de responsabilité de l'Etat qu'elle évoque ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI DE LA GRANDE BAIE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande indemnitaire dirigée contre l'Etat ; que, par conséquent, les conclusions de la société requérante tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI DE LA GRANDE BAIE est rejetée.

''

''

''

''

4

No 10BX02192


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award