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09/05/2012 | FRANCE | N°11BX03038

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 09 mai 2012, 11BX03038


Vu la requête, enregistrée le 18 novembre 2011 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 22 novembre 2011, présentée pour Mme Amila X, demeurant association l'Escale 21 avenue des Cordeliers à La Rochelle (17000), par la SCP Breillat-Dieumegard-Matrat-Salles ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 20 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 1er juillet 2011 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour,

l'a obligé à quitter le territoire français, et a fixé le pays de renvoi ;

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Vu la requête, enregistrée le 18 novembre 2011 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 22 novembre 2011, présentée pour Mme Amila X, demeurant association l'Escale 21 avenue des Cordeliers à La Rochelle (17000), par la SCP Breillat-Dieumegard-Matrat-Salles ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 20 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 1er juillet 2011 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 1er juillet 2011 du préfet de la Charente-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime, de lui délivrer, à titre principal, une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, dans le même délai et sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué sur sa situation administrative, et d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros à verser à la SCP Breillat-Dieumegard-Matrat-Salles, en application des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle, et de donner acte de ce que celle-ci s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle si elle parvient, dans les six mois de la délivrance de l'attestation de fin de mission, à recouvrer auprès de l'Etat la somme ainsi allouée ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 12 décembre 2011 admettant Mme X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 28 mars 2012 ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2012 :

- le rapport de M.Jean-Emmanuel Richard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Olivier Gosselin, rapporteur public ;

Considérant que Mme X fait appel du jugement en date du 20 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 1er juillet 2011 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, et a fixé le pays de renvoi ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que les premiers juges n'ont pas statué expressément sur le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de l'insuffisance de motivation du refus de titre de séjour ; que pour ce motif, Mme X est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Poitiers ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Sur l'arrêté attaqué pris dans son ensemble :

Considérant, en premier lieu, que l'article 1er de l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 27 novembre 2009, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, donne délégation de signature à M. Julien Charles, secrétaire général de la préfecture de la Charente-Maritime, pour signer tous actes, correspondances et décisions, à l'exception de certaines matières parmi lesquelles ne figurent pas les arrêtés portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait ;

Considérant que l'arrêté litigieux en date du 1er juillet 2010 énonce que la requérante a sollicité le statut de réfugié, dont elle a été déboutée par la cour nationale du droit d'asile, ne justifie pas avoir des membres de sa famille régulièrement autorisés à résider en France, et vise les articles L. 313-14, L. 511-1-I, L. 511-4 et L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il est ainsi suffisamment motivé, alors même qu'il ne vise pas l'article L. 313-11-7° du même code ; qu'une telle motivation ne présente pas un caractère stéréotypé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de l'intéressée ;

Sur le refus d'admission au séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X fait valoir sa volonté d'intégration et la création de liens stables sur le territoire français et qu'elle n'a aucune attache familiale dans son pays d'origine ; qu'elle n'apporte toutefois aucune précision quant à l'intensité des liens personnels et amicaux qu'elle aurait noués sur le territoire français et n'établit pas qu'elle n'a plus d'attaches dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que la décision litigieuse aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision contestée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7(...) " ;

Considérant que la circonstance que les enfants de Mme X ne connaissent pas l'Azerbaïdjan et sont scolarisés en France, que la requérante est sans attaches dans son pays d'origine ne saurait suffire à la faire regarder comme justifiant de considérations humanitaires ; qu'elle n'établit pas, en tout état de cause, l'existence d'une menace grave et directe contre sa vie ou sa personne ; que, par suite, elle n'établit pas que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut, dès lors qu'être écarté ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale de Mme X se reconstitue dans le pays d'origine de l'intéressée ; que dans ces conditions, en raison de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français contestée constitue une ingérence illégale dans sa vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention de New York du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, (...) l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que Mme X n'établit pas qu'elle serait dans l'impossibilité d'emmener ses enfants avec elle dans son pays d'origine, où ils pourraient continuer à vivre ensemble, et où ses enfants pourraient poursuivre leur scolarité ; que dès lors, la décision litigieuse n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant que l'arrêté litigieux précise que Mme X " ne justifie pas être personnellement menacé en cas de retour en Azerbaïdjan " ; que, dès lors, la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressée s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que l'isolement de Mme X dans son pays d'origine n'est pas de nature à faire regarder la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement comme méconnaissant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'à supposer que M. Kazaryan, concubin de la requérante, puisse être regardé comme établissant, par les témoignages et le certificat médical qu'il produits, les violences physiques qui lui ont été infligées par les membres d'un groupe mafieux, il ressort des pièces du dossier que les faits se seraient déroulés en Russie, pays vers lequel la décision portant fixation du pays de renvoi n'éloigne pas le couple et les enfants ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 20 octobre 2011, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté son recours tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juillet 2011 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé l'Azerbaïdjan comme pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme X n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par la requérante doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme X demande au profit de son conseil, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement en date du 20 octobre 2011 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : La demande de Mme X devant le tribunal administratif de Poitiers et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

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No 11BX03038


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX03038
Date de la décision : 09/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. JACQ
Rapporteur ?: M. Jean-Emmanuel RICHARD
Rapporteur public ?: M. GOSSELIN
Avocat(s) : BREILLAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-05-09;11bx03038 ?
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