La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2013 | FRANCE | N°12BX00321

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 28 juin 2013, 12BX00321


Vu la requête, enregistrée le 10 février 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 13 février 2013, présentée par Me A... pour la société Graphica, dont le siège est 305 rue de la Communauté à Saint-André (97440), représentée par son président directeur général en exercice ;

La société Graphica demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0900594 du 8 décembre 2011 du tribunal administratif de Saint-Denis, en tant qu'il limite à 13 000 euros la somme que la Communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR) a été con

damnée à lui verser au titre du solde restant dû pour la réalisation de l'ouvrage édité à l'...

Vu la requête, enregistrée le 10 février 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 13 février 2013, présentée par Me A... pour la société Graphica, dont le siège est 305 rue de la Communauté à Saint-André (97440), représentée par son président directeur général en exercice ;

La société Graphica demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0900594 du 8 décembre 2011 du tribunal administratif de Saint-Denis, en tant qu'il limite à 13 000 euros la somme que la Communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR) a été condamnée à lui verser au titre du solde restant dû pour la réalisation de l'ouvrage édité à l'occasion de son dixième anniversaire et en tant qu'il a fixé au 20 décembre 2008 la date de départ des intérêts de retard ;

2°) de condamner la CINOR à lui verser la somme de 19 000 euros assortie des intérêts au taux légal augmenté de deux points à compter du 25 août 2008 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la CINOR la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2013 :

- le rapport de M. Patrice Lerner, premier conseiller ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

1. Considérant que la communauté intercommunale du nord de La Réunion a lancé, selon une procédure adaptée, comme le prévoit l'article 28 du code des marchés publics, un appel d'offres pour la réalisation et l'impression d'un album événement à l'occasion de son dixième anniversaire dont le tirage était de 5 000 exemplaires ; que la date limite de réception des offres était fixée au 21 février 2008 et que l'article 2.4. du règlement de consultation prévoyait que : " la livraison des albums doit être effectuée impérativement avant le 1er juin 2008. A titre indicatif, le marché devrait être notifié vers le 06/03/2008 " ; que, par un acte d'engagement notifié le 1er avril 2008, le marché a été attribué à la société Graphica pour un montant TTC de 73 997 euros ; que la facture correspondante, établie le 10 juillet 2008, étant restée impayée, la société a saisi le tribunal administratif de Saint-Denis d'une requête en référé provision puis d'une requête au fond afin d'en obtenir le paiement ; que, par un jugement du 8 décembre 2011, ce tribunal a considéré que la société avait réalisé le marché avec un retard de douze jours et déduit de sa créance, selon les stipulations prévues au marché, 500 euros de pénalités par jour de retard, soit la somme de 6 000 euros ; qu'il a, en conséquence, condamné la CINOR à verser à la société la somme de 67 997 euros, dont 54 997 euros avaient déjà été accordés par le juge des référés à titre de provision, et les intérêts au taux légal en vigueur augmenté de deux points à compter du 20 décembre 2008 ; que la société fait régulièrement appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas condamné la CINOR à lui payer l'intégralité de sa créance et qu'il a fixé la date de départ des intérêts au 20 décembre 2008 ; que la CINOR conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident, que la société appelante soit condamnée à lui payer 13 000 euros de pénalités de retard et la somme de 7 399,77 euros en raison d'exemplaires manquants ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, si la société Graphica soutient que la copie du jugement attaqué notifiée aux parties ne comporte pas l'intégralité des visas des mémoires, notamment de son mémoire enregistré au greffe du tribunal le 6 octobre 2009, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment de la minute dudit jugement, que celui-ci contient l'analyse des conclusions et des moyens de l'ensemble des mémoires produits devant le tribunal, conformément aux dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; que, contrairement à ce que soutient la société, le tribunal a répondu aux moyens contenus dans ce mémoire ;

Sur les conclusions incidentes de la CINOR relatives à des exemplaires manquants :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les exemplaires de l'ouvrage commandé par la CINOR ont été livrés selon le calendrier suivant : 500 exemplaires le 6 juin 2008, 300 exemplaires le 19 juin 2008, 500 exemplaires le 24 juin 2008, 500 exemplaires le 25 juin 2008 et 2 700 exemplaires le 8 juillet 2008, les 500 exemplaires restants étant conservés, à la demande de la CINOR, par la société Graphica et livrés au début du mois de janvier 2009 ; que, par suite, la totalité des 5000 exemplaires a bien été tirée par la société conformément au marché ; qu'ainsi et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions incidentes de la CINOR en tant qu'elles concernent des exemplaires manquants doivent être rejetées ;

Sur les pénalités et la détermination du montant en principal dû à la société Graphica :

4. Considérant qu'il ressort du calendrier des livraisons effectuées que le marché doit être regardé comme n'ayant été exécuté que le 8 juillet 2008 alors que la date d'achèvement était contractuellement prévue le 1er juin 2008, soit avec 37 jours de retard ;

5. Considérant, en premier lieu, que si le tribunal a considéré qu'il fallait déduire, pour calculer les pénalités de retard, le délai de 26 jours s'étant écoulé entre le 6 mars 2008, date prévisionnelle de notification du marché selon le règlement de la consultation, et le 1er avril 2008, date de la notification effective, il ressortait dudit règlement de consultation que la date du 6 mars 2008 n'était donnée qu'à titre indicatif ; que, par ailleurs, bien que par lettre du 19 mars 2008 la société ait informé la CINOR qu'elle estimait " le délai de réalisation supérieur à deux mois, ce qui laisserait à ce jour une marge étroite pour lancer les opérations de fabrication ", la CINOR pouvait déduire de ces indications qu'en notifiant à son cocontractant le marché le 1er avril 2008, soit deux mois avant l'échéance prévue, elle respectait le délai limite proposé par le fournisseur ; que, d'ailleurs, la société Graphica n'a émis aucune réserve sur le délai imparti par le marché après que celui-ci lui a été notifié, ni fait part à la collectivité d'éventuelles difficultés pour le respecter ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les 26 jours qui se sont écoulés entre la date indicative et la date réelle de notification du marché ne sauraient être regardés comme étant la cause d'un retard imputable à la collectivité dans l'exécution du marché ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la société Graphica soutient que la CINOR serait responsable d'un retard dans la remise du bon à tirer qui a été donné le 22 mai 2008 alors que la version définitive de la maquette lui avait été transmise dès le 16 mai ; que, toutefois, le 16 mai 2008 étant un vendredi, la collectivité a fait les diligences nécessaires en proposant à la société le planning de validation suivant : mardi 20 mai, rendez-vous pour les premières corrections validées par la direction générale, mercredi 21 mai 10 heures 30 deuxième série de corrections validées, mercredi 21 mai 15 heures - 16 heures, signature finale du bon à tirer ; qu'à supposer que le retard mis pour la signature du document, qui n'est intervenue que le 22 mai, soit imputable à la collectivité, celui-ci serait ainsi au plus d'un jour ;

7. Considérant, en troisième lieu, que la société fait valoir qu'après la transmission d'un premier lot de 500 exemplaires, le 6 juin 2008, la collectivité lui a demandé de modifier l'orthographe de 3 noms, ce qui a entraîné un nouveau retard incombant à la collectivité ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'impression de la totalité des 5 000 exemplaires, leur façonnage, leur pliage et leur reliure nécessite 15 jours de travail ; qu'ainsi, compte tenu de la chronologie des livraisons : 300 exemplaires le 19 juin, 500 exemplaires les 24 et 25 juin, 2700 exemplaires le 8 juillet, ces corrections orthographiques, au demeurant minimes, à la date où elles sont intervenues, ne sont pas la cause des retards constatés puisqu'il a fallu 31 jours après la demande de corrections adressée par télécopie le 6 juin 2008 à 16 heures 30 pour que la commande soit totalement honorée ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sur un retard total de 37 jours, seul un jour est imputable à la collectivité, en raison du retard dans la signature du bon à tirer, et que 36 jours sont imputables à la société prestataire et pouvaient donner lieu à l'application de pénalités de retard ;

9. Considérant, toutefois, qu'il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d'augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s'inspire l'article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché ; que l'application de 36 jours de pénalités au taux de 500 euros correspond à la somme de 18 000 euros, soit près du quart du montant total du marché ; que cette somme, manifestement excessive au regard des conditions dans lesquelles s'est déroulée l'exécution du marché, doit être modérée et fixée à la somme de 10 000 euros, soit 4 000 euros de plus que le montant des pénalités de retard déterminé par le jugement attaqué ; que ces pénalités de retard doivent être déduites de la somme due par la communauté intercommunale de La Réunion ; qu'il y a lieu, en conséquence, de réduire à 9000 euros la somme de 13 000 euros que la communauté intercommunale de La Réunion avait été condamnée à verser à la société Graphica par le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis dont la CINOR est fondée à demander, dans cette mesure, la réformation ;

Sur la date de départ du calcul des intérêts :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 98 du code des marchés publics applicable au marché en litige : " Le délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder 45 jours. (...) Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai. " et qu'aux termes de l'article 1 du décret n° 2002-232 du 21 février 2002 : " I. - Le point de départ du délai global de paiement (...) est la date de réception de la demande de paiement par les services de la personne publique contractante (...) / Toutefois : / - le point de départ du délai global de paiement est la date d'exécution des prestations lorsqu'elle est postérieure à la date de réception de la demande de paiement ; (...) / La date de réception de la demande de paiement et la date d'exécution des prestations sont constatées par l'ordonnateur. A défaut, c'est la date de la demande de paiement augmentée de deux jours qui fait foi. En cas de litige, il appartient au titulaire de la commande d'administrer la preuve de cette date. " ; que selon les dispositions de l'article 5 dudit décret : " I - Le défaut de paiement dans les délais (...) fait courir de plein droit, et sans autre formalité, des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant payé directement. / Les intérêts moratoires courent à partir du jour suivant l'expiration du délai global jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse. (...) pour les marchés sans formalités préalables, la mention du taux des intérêts moratoires est facultative, le taux applicable est le taux d'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points. " ;

11. Considérant qu'il n'est pas contesté par la CINOR qu'elle aurait reçu la facture du 10 juillet 2008 de la société Graphica, valant demande de paiement, au plus tard deux jours après la date figurant sur cette facture ; qu'ainsi, en l'absence de litige concernant la date de réception de ladite facture, les intérêts moratoires commençaient à courir à compter du 27 août 2008, jour suivant l'expiration du délai global de 45 jours, dont le point de départ était le 12 juillet 2008, et non comme l'a jugé le tribunal à compter de la date de l'accusé de réception d'une relance effectuée ultérieurement ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Graphica est fondée à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal a fixé la date de départ des intérêts au 20 décembre 2008 et à demander que cette date de départ des intérêts soit fixée au 27 août 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : Le montant que la communauté intercommunale du Nord de La Réunion a été condamnée à verser à la société Graphica par l'article 1er du jugement du 8 décembre 2011 du tribunal administratif de Saint-Denis est ramené à 9 000 euros.

Article 2 : La date de départ des intérêts des sommes que la CINOR a été condamnée à payer à la société Graphica est fixée au 27 août 2008.

Article 3 : Les articles 1 et 2 du jugement du 8 décembre 2011 du tribunal administratif de Saint-Denis sont réformés en tant qu'ils sont contraires aux articles 1er et 2 ci-dessus.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

''

''

''

''

2

N° 12BX00321


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00321
Date de la décision : 28/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Pénalités de retard.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: M. Patrice LERNER
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : LAFAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-06-28;12bx00321 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award