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19/11/2013 | FRANCE | N°12BX02351

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 19 novembre 2013, 12BX02351


Vu, I, sous le n° 12BX02351, la requête enregistrée le 29 août 2012, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) par MeA... ;

L'ONIAM demande à la cour de réformer le jugement n° 100048 en date du 15 mai 2012 du tribunal administratif de Bordeaux, en premier lieu, en tant qu'il l'a condamné à indemniser M. D...au titre des dépenses de santé actuelles et futures, de la perte de gains actuels et du préjudice esthétique ; en deuxième lieu, en tant qu'il l'a condamné à verser

M. D... des sommes excessives au titre des frais divers, du déficit fonc...

Vu, I, sous le n° 12BX02351, la requête enregistrée le 29 août 2012, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) par MeA... ;

L'ONIAM demande à la cour de réformer le jugement n° 100048 en date du 15 mai 2012 du tribunal administratif de Bordeaux, en premier lieu, en tant qu'il l'a condamné à indemniser M. D...au titre des dépenses de santé actuelles et futures, de la perte de gains actuels et du préjudice esthétique ; en deuxième lieu, en tant qu'il l'a condamné à verser à M. D... des sommes excessives au titre des frais divers, du déficit fonctionnel temporaire, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice d'agrément et des souffrances endurées ; en troisième lieu, en tant qu'il l'a condamné à verser des indemnités excessives à Mme F...D... ;

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Vu, II, sous le n° 12BX02463, la requête enregistrée le 7 septembre 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 10 septembre 2012 présentée pour M. E...D..., Mme F...D..., M. C...D...et Mlle B...D..., demeurant ... par MeG... ;

Les consorts D...demandent à la cour :

1°) la réformation du jugement n° 1000948 en date du 15 mai 2012 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il ne leur a pas donné entièrement satisfaction quant au montant des indemnités réclamées en réparation des dommages qui leur ont été causés par la contamination de M. E...D...par le virus de l'hépatite C ;

2°) la condamnation de l'ONIAM à verser à M. E...D...la somme de 543 842 euros, à Mme F...D...la somme de 8 000 euros, à M. C...D...et à Mlle B...D..., à chacun la somme de 4 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 10 000 euros à verser à chacun des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 2013 :

- le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- les observations de Me Ravaut, avocat de l'ONIAM ;

- les observations de Me Escande avocat des consortsD... ;

1. Considérant que M. D...a subi en 1984 une amydalectomie au cours de laquelle il a reçu des produits sanguins ; qu'en octobre 1990 des analyses ont révélé une contamination par le virus de l'hépatite C ; qu'à la demande des consortsD..., le tribunal administratif de Bordeaux, par jugement du 15 mai 2012, a considéré que la contamination de M. D...était imputable aux transfusions de produits sanguins qu'il avait reçus en 1984 et a condamné l'ONIAM à indemniser les consorts D...sur le fondement des dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ; que par la requête n° 12BX02351 l'ONIAM interjette appel du jugement en tant seulement qu'il fixe le montant des indemnités dues aux consortsD... ; que par la requête n° 12BX02463 les consorts D...interjettent appel du jugement en tant qu'il ne leur a pas donné entièrement satisfaction quant au montant des dommages et intérêts qu'ils demandaient ; que ces deux requêtes contestent le même jugement et ont fait l'objet d'une même instruction ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

Sur le préjudice de M. E...D... :

En ce qui concerne le préjudice patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

2. Considérant que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a constaté que pour justifier de la réalité des frais de pharmacie pour trois produits dont il demandait le remboursement, le requérant produisait deux ordonnances établies les 27 mars 2003 et 12 août 2005, qui ne concernaient qu'un produit, ainsi qu'une ordonnance en date du 14 novembre 2009 qui mentionnait la nécessité d'utiliser les trois produits mais pour une période longue et indéterminée ; qu'en considération de ces éléments, le tribunal administratif n'a alloué à M. D...que la somme de 600 euros au titre des dépenses engagées ; qu'en appel, les requérants se bornent à demander la somme de 3 000 euros en affirmant qu'il ressort des pièces versées que M. D...reste atteint du " syndrome sec " décrit par l'expert ce qui justifie la prescription des produits dont le remboursement est en cause sans produire d'autres justificatifs de paiement ; qu'au vu des justificatifs produits, le tribunal administratif a fait une juste évaluation du préjudice subi ; qu'il n'y a donc pas lieu de réformer le jugement sur ce point comme le demandent l'ONIAM et les consortsD... ;

3. Considérant qu'au regard des éléments produits en première instance, le tribunal administratif a accordé à M. D...le remboursement par l'ONIAM des frais futurs sur justificatifs au fur et à mesure qu'ils seront exposés, dans la limite d'un montant annuel de 405 euros ; que pour demander l'augmentation de cette indemnité, les consorts D...se bornent en appel à affirmer que ces dépenses devraient être prises en charge par l'ONIAM à hauteur de 12 000 euros ; qu'il n'y a donc pas lieu de réformer le jugement sur ce point ;

Quant aux autres dépenses liées au préjudice corporel :

4. Considérant qu'au titre des frais divers, les consorts D...avaient demandé au tribunal administratif de Bordeaux la condamnation de l'ONIAM à leur verser la somme de 5 342 euros correspondant à des frais d'expertise comptable pour déterminer les pertes de revenus de M.D..., à des frais d'assistance lors de l'expertise médicale et aux frais d'expertise médicale devant le tribunal de grande instance ; que le tribunal administratif, eu égard à l'utilité pour le juge administratif de l'expertise comptable et aux pièces produites, a condamné l'ONIAM à verser aux consorts D...la somme de 4 842 euros ; que si les consorts D...demandent que cette somme soit augmentée de 500 euros pour être portée à 5 342 euros, ils ne se réfèrent à aucune pièce justificative précise qui permettrait de leur donner satisfaction ; qu'en revanche il résulte de l'instruction que la somme allouée par le tribunal administratif comprend une somme de 400 euros correspondant au frais de la seconde expertise médicale, ordonnée par le président du tribunal administratif de Bordeaux, qui avait été mise à la charge de M. E...D...par ordonnance de ce même président, mais qui a été mise par le jugement attaqué à la charge définitive de l'ONIAM au titre des frais d'expertise ; que l'ONIAM se trouvant ainsi condamné à payer deux fois cette expertise, il y a lieu de diminuer la somme accordée par le tribunal administratif au titre des frais divers de 400 euros pour la ramener à 4 442 euros ainsi que le demande l'ONIAM ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, contrairement à ce que demande l'ONIAM, de soustraire de la somme accordée aux consorts D...le montant de l'expertise comptable qui est utile au juge administratif pour lui permettre d'évaluer les gains financiers perdus par M. D...du fait de sa contamination ;

Quant aux pertes de gains professionnels et à l'incidence professionnelle :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par référé du président du tribunal administratif de Bordeaux et de l'expertise comptable qu'à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C, M. D...a subi deux périodes d'incapacité totale du 1er août 2002 au 31 janvier 2004, correspondant à un premier traitement contre le virus, puis du 1er novembre 2004 au 4 décembre 2006, correspondant au second traitement contre le même virus ; que durant ces périodes, M. D...qui exerçait la profession de notaire, en association avec un autre notaire, a été remplacé par un notaire salarié dont le coût a été pris en charge par une compagnie d'assurance ; qu'il ressort des avis d'imposition produits M.D..., que ce dernier a perçu en 2001 des revenus non commerciaux professionnels déclarés d'un montant de 61 637 euros, alors qu'il n'était pas atteint d'incapacité temporaire totale ; que ces revenus n'ont plus été que de 28 209 euros en 2002, début de la période d'incapacité temporaire totale, pour se rétablir les années suivantes à 62 724 euros en 2003 et à 62 035 euros en 2004 alors qu'il était toujours sous traitement et donc en période d'incapacité temporaire totale ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu que lors des années 2005 à 2006 durant lesquelles M. D...a subi son second traitement, sa rémunération aurait été sensiblement inférieure à celle des années 2003 et 2004 ; qu'il résulte de ce qui précède que la seule baisse de rémunération subie par M. D...est celle de l'année 2002, où elle est passée de 61 637 euros en 2001 à 28 209 euros, soit une diminution de 33 428 euros ; que, dans ces conditions, le jugement, qui est suffisamment motivé sur ce point, n'a fait une évaluation ni excessive ni insuffisante de l'ensemble de la perte de gains professionnels subie par M. D...en le fixant à 35 000 euros ;

6. Considérant que M. E...D...demande la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 51 000 euros en réparation de la perte de gains professionnels futurs résultant d'une incapacité permanente partielle de 5 % due à sa contamination par le virus de l'hépatite C ; qu'il fait valoir qu'il est victime d'insomnie et de troubles de la mémoire et de difficultés de concentration ; qu'il ajoute que l'expertise comptable produite révèle un " préjudice patrimonial latent " de 51 000 euros ; qu'il ressort toutefois de cette expertise, que durant la période pendant laquelle M. D...a été atteint d'une incapacité temporaire totale et période durant laquelle il ne travaillait pas à son étude, c'est-à-dire de 2002 à 2006, mis à part l'année 2002 où les recettes de l'études ont diminué par rapport à l'année précédente, les recettes n'ont cessé d'augmenter ; que, s'il ressort de l'expertise comptable que globalement les recettes des études de notaire dans le Lot-et-Garonne ont connu une augmentation moyenne plus forte que l'étude de M.D..., aucun élément de cette étude ni aucune autre pièce du dossier ne permet d'en déduire que cette différence d'augmentation pourrait être regardée comme permettant d'évaluer la perte de gains professionnels futurs de M.D..., alors que ce dernier est guéri de l'hépatite C et que son invalidité permanente partielle n'est que de 5 %, tandis qu'elle était totale durant la période précitée 2002-2006 ; que le jugement attaqué qui a refusé d'indemniser M. D...pour d'éventuelles pertes de gains professionnels doit être confirmé sur ce point ;

7. Considérant que M.D..., âgé de 59 ans à la date de sa consolidation, soutient que les séquelles de sa contamination lui font perdre une chance de toute évolution professionnelle et demande à ce titre une indemnité de 35 000 euros ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus il est propriétaire d'une étude de notaire qu'il dirige en association avec un autre notaire et qui a vu ses recettes en constante augmentation ; qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, le seul taux d'incapacité permanente de 5 % dont l'intéressé est atteint ne permet donc pas d'établir qu'il serait victime d'une perte de chance professionnelle ;

En ce qui concerne le préjudice personnel :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée en référé par le président du tribunal administratif, que M. E...D...a été atteint d'une incapacité temporaire partielle au taux de 15 % du 8 juin 1988 au 31 juillet 2002 ; qu'il a subi cette même incapacité partielle du 1er février 2004 au 31 octobre 2004 ; qu'outre une incapacité temporaire totale de deux jours correspondant à son hospitalisation pour une biopsie hépatique, il a subi une incapacité temporaire totale du 1er août 2002 au 31 janvier 2004, correspondant à un premier traitement contre le virus de l'hépatite C, puis une nouvelle incapacité temporaire totale du 1er novembre 2004 au 4 décembre 2006 correspondant à un second traitement contre le virus ; qu'il est constant qu'à la date de sa consolidation, le 4 décembre 2006, M. D...était âgé de 59 ans et atteint selon le rapport d'expertise d'une invalidité permanente partielle de 5 % due à sa contamination par le virus de l'hépatite C; qu'il résulte également de l'instruction que si, avant sa contamination, M. D...avait une activité sportive, il n'est pas établi que celle-ci soit devenue impossible ; qu'enfin, l'expert dans son rapport n'a pas relevé de préjudice esthétique ; que, dans ces conditions, en fixant à 30 000 euros l'indemnité due à M. D...au titre des troubles subis dans ses conditions d'existence et de son préjudice d'agrément, le tribunal administratif, qui n'a pas omis de statuer sur un chef de préjudice, a fait une juste évaluation de ces préjudices ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce point ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée en référé par le président du tribunal administratif de Bordeaux, que les souffrances physiques et morales endurées par M. D...peuvent être évaluées à 3,5 sur une échelle de 1 à 7 ; que, si M. D...a pu subir des épisodes dépressifs et de détresse durant le traitement de sa contamination provenant d'une angoisse quant à l'évolution de cette contamination, il est constant qu'il est guéri de cette contamination et que son état est consolidé depuis plusieurs années, ainsi qu'il a été dit ci-dessus; qu'en fixant à 4 500 euros l'indemnisation de ce chef de préjudice, le tribunal administratif en a fait une juste appréciation ;

10. Considérant que les conclusions de M. D...tendant à la condamnation de l'ONIAM en raison du " préjudice spécifique de contamination " qu'il a subi doivent être rejetées dès lors que la contamination par le virus de l'hépatite C ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable distinct de ceux réparés ci-dessus au titre des troubles dans les conditions d'existence et des souffrances endurées ;

Sur les préjudices personnels de Mme F...D..., de Mlle B...D...et de M.C... D...:

11. Considérant que MmeD..., épouse de M. E...D..., Mlle D...et M. C...D..., enfants de M. et MmeD..., ont subi chacun un préjudice d'affection du fait de l'état de santé dégradé dans lequel s'est trouvé M. E...D...durant plusieurs années résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; qu'en fixant à 3 000 euros l'indemnité à verser à MmeD..., à ce titre, ainsi que la somme de 1 500 euros à chacun des enfants, le tribunal administratif a fait une juste appréciation de leur préjudice ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM n'est fondé à demander la réformation du jugement que dans la limite des 400 euros indiqués ci-dessus et relatifs aux frais divers; qu'en conséquence la somme de 74 942 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à M. D...est réduite à 74 542 euros ; que les consorts D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a refusé de condamner l'ONIAM à l'intégralité des sommes qu'ils demandaient ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge des consorts D...les sommes que l'ONIAM demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas non plus lieu de mettre à la charge de l'ONIAM les sommes que les consorts D...demandent au titre des mêmes frais ;

DECIDE

Article 1er : La somme de 74 942 euros que l'ONIAM a été condamné par le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 15 mai 2012 à payer à M. E...D...est ramenée à 74 542 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 15 mai 2012 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ONIAM ainsi que la requête des consorts D...sont rejetés.

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Nos 12BX02351,12BX02463


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX02351
Date de la décision : 19/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04 Responsabilité de la puissance publique. Réparation.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre VALEINS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS CAZAMAJOUR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-11-19;12bx02351 ?
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