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31/12/2013 | FRANCE | N°11BX02757

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 31 décembre 2013, 11BX02757


Vu la requête, enregistrée le 5 octobre 2011, présentée pour la commune de Saint-Ybars, représentée par son maire, par la SCP Goguyer Lalande-Degioanni, avocats ;

La commune de Saint-Ybars demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704592 du 2 septembre 2011 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de M. B...et a limité à 6 728,07 euros le montant de l'indemnité que la société Betem Ingénierie et M. A...ont été condamnés solidairement à lui verser en réparation des désordres affectant la salle

des fêtes communale ;

2°) de condamner solidairement M.B..., M. A...et la sociét...

Vu la requête, enregistrée le 5 octobre 2011, présentée pour la commune de Saint-Ybars, représentée par son maire, par la SCP Goguyer Lalande-Degioanni, avocats ;

La commune de Saint-Ybars demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704592 du 2 septembre 2011 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de M. B...et a limité à 6 728,07 euros le montant de l'indemnité que la société Betem Ingénierie et M. A...ont été condamnés solidairement à lui verser en réparation des désordres affectant la salle des fêtes communale ;

2°) de condamner solidairement M.B..., M. A...et la société Betem Ingénierie à lui verser une somme de 25 204, 03 euros en réparation de ses préjudices et les sommes de 42, 41 euros et 2 332,20 euros au titre des frais de référé et d'expertise ;

3°) de mettre solidairement à la charge de M.B..., M. A...et la société Betem Ingénierie une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

C.............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Dupuy, conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Villepinte, avocat de la société Betem Ingénierie ;

1. Considérant que par marché signé le 22 décembre 1999, modifié par l'avenant du 25 mai 2000, la commune de Saint-Ybars a confié à M. A...la réalisation des travaux du lot n° 8 " plomberie-ventilation-chauffage", de l'opération de construction d'une salle polyvalente à vocation culturelle, scolaire et sportive ; que la maîtrise d'oeuvre de cette opération avait été confiée par marché signé le 29 décembre 1998, modifié par avenant du 6 décembre 1999, au groupement solidaire constitué entre M.B..., architecte, et la société Betem Ingénierie, bureau d'études techniques ; qu'après la réception de l'ouvrage prononcée le 20 septembre 2000, des difficultés à chauffer la salle sont apparues ; qu'en vertu d'un protocole d'accord conclu le 2 novembre 2006 entre la commune de Saint-Ybars, M.A..., M. B...et la société Betem Ingénierie, il a été décidé du remplacement des diffuseurs en plafond de la salle culturelle par des diffuseurs orientables permettant de renvoyer l'air chaud vers le bas de la salle ; que le coût de ces travaux a été mis à la charge de M. A...à hauteur de 85 %, de M. B...à hauteur de 5% et de la société Betem Ingénierie à hauteur de 10 % ; qu'à compter du 22 mai 2005, le compresseur du hall d'entrée a cessé de fonctionner ; que par une ordonnance de référé du 27 février 2007, le tribunal de grande instance de Foix, saisi par la commune en raison du litige l'opposant à la société chargée de la maintenance à qui elle imputait ce dommage, a ordonné une expertise aux fins, notamment, d'indiquer la nature et la cause des désordres affectant le compresseur du hall d'entrée de la salle, de dire s'il était nécessaire de prévoir son remplacement et, le cas échéant, de chiffrer le coût de ce remplacement ; qu'à la suite du dépôt du rapport d'expertise judicaire, la commune de Saint-Ybars a recherché devant le tribunal administratif la condamnation solidaire, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil, de M. A..., M. B...et la société Betem Ingénierie à lui payer une somme de 25 204,03 euros en réparation des désordres affectant l'immeuble, ainsi que les sommes de 42,41 euros et 2 332,20 euros au titre des frais de référé et d'expertise ; que par jugement n° 0704592 du 2 septembre 2011, le tribunal administratif de Toulouse a condamné solidairement M. A...et la société Betem Ingénierie à verser à la commune de Saint-Ybars une somme de 6 728,07 euros, a mis la condamnation à la charge finale de la société Betem Ingénierie à concurrence de la somme de 5 382,46 euros et de M. A...à concurrence de la somme de 1 345,61 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la commune et des conclusions en garantie de la société Betem Ingénierie ; que la commune de Saint-Ybars relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de M. B...et a limité l'indemnisation qui lui a été allouée au montant de 6 728,07 euros ; que, la société Betem Ingénierie conclut, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée, ainsi qu'à la condamnation de MM. A...et B...à la relever indemne des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne le caractère décennal des désordres :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que le bâtiment à usage de salle polyvalente est composé d'un hall d'entrée et d'une salle des fêtes qui communiquent par l'intermédiaire d'un bar, et qui sont, chacun, alimentés par un circuit propre de chauffage-climatisation ; qu'après la réception prononcée sans réserve sur ce point le 20 septembre 2000, des difficultés à chauffer la salle sont apparues en raison de la stratification de l'air chaud dans la salle des fêtes ; que, compte tenu de l'insuffisance de la température ambiante ressentie à hauteur d'homme, le système de chauffage a fonctionné en limite supérieure durant plusieurs hivers consécutifs ; que cette sollicitation a entraîné une usure prématurée du compresseur du hall d'entrée, lequel, après plusieurs mises en sécurité, a cessé de fonctionner à compter du 22 mai 2005 ; que si, en exécution du protocole conclu le 3 novembre 2006, le problème de répartition de la chaleur dans la salle des fêtes a été résolu par l'installation de nouveaux diffuseurs pulsant l'air chaud des couches supérieures vers les parties occupées par les visiteurs, le système de chauffage du hall d'entrée n'a pas été réparé ; qu'il ressort du rapport d'expert que, compte tenu de la configuration du bâtiment, l'impossibilité de chauffer le hall d'entrée entraîne des difficultés à chauffer la salle des fêtes, laquelle ne peut en conséquence être utilisée en période hivernale ; qu'eu égard à leur ampleur et à leur consistance, de tels désordres, qui sont de nature à rendre le bâtiment impropre à sa destination, engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale ;

En ce qui concerne l'imputation des désordres :

3. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, les désordres litigieux, liés à la panne du compresseur situé dans le hall d'entrée du bâtiment, ont pour origine l'installation, dans la salle des fêtes attenante, d'un système de chauffage inadapté à la grande hauteur de cette salle ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise amiable du 21 février 2006, que M.A..., chargé de l'exécution du lot " plomberie-ventilation-chauffage", a posé, dans la salle des fêtes, des bouches de sortie d'air statiques ne répondant pas aux spécifications prévues au point 3.2.8 du cahier des clauses techniques particulières, lesquelles prévoyaient des diffuseurs circulaires permettant d'adapter la portée du jet de diffusion ; que les désordres lui sont ainsi imputables ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le marché signé le 29 décembre 1998, modifié par avenant du 6 décembre 1999, confiait solidairement à M. B...et à la société Betem Ingénierie la maîtrise d'oeuvre de la construction de la salle polyvalente, et, notamment, la direction de l'exécution des travaux et leur surveillance ; que les désordres leur sont ainsi également imputables ; que le marché conclu avec la commune de Saint-Ybars ne fixant pas la part respective des missions leur revenant, M. B...et la société Betem Ingénierie sont solidairement tenus de réparer les préjudices subis par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles ; que, dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la responsabilité décennale de M. B...ne se trouvait pas engagée du fait des désordres litigieux, au motif que ces désordres n'auraient pas pour origine une défaillance dans la conception architecturale générale du bâtiment ; que la commune de Saint-Ybars est dès lors fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a mis hors de cause M.B... ;

Sur le montant de la réparation :

5. Considérant que l'évaluation des dommages doit être faite à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer ; que le rapport d'expertise remis le 2 juillet 2007 indique que l'ensemble des compresseurs ont été affectés par le fonctionnement en surrégime du système de chauffage de la salle des fêtes, précise que celui situé dans le hall d'entrée en a principalement subi les conséquences et préconise son remplacement ainsi que la mise en place de déflecteurs afin de remédier aux inconvénients de proximité des compresseurs entre eux ;

6. Considérant, en premier lieu, que la commune de Saint-Ybars a subi des préjudices tenant au coût des travaux préconisés par l'expert et aux frais de référé et d'expertise judiciaire ; que le montant de la somme allouée par le tribunal en réparation de ces préjudices, soit un total de 6 728,07 euros, n'est pas contesté en appel ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la commune de Saint-Ybars demande en outre la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'usure des deux autres compresseurs situés dans le bâtiment ; que, toutefois, si l'expert avait recommandé leur surveillance dès 2007, et que la commune s'est plainte quelques jours avant l'expiration du délai de la garantie décennale de ce que l'un d'entre eux serait tombé en panne en 2009, il ne résulte pas du seul constat effectué non contradictoirement par l'expert de l'assureur de la commune que le remplacement des deux autres compresseurs serait nécessaire ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions tendant à la réparation de ce chef de préjudice ;

8. Considérant, en troisième lieu, que si la commune soutient que les difficultés à chauffer la salle polyvalente, qui ont perduré après le remplacement, en novembre 2006, des diffuseurs de la salle des fêtes, lui ont occasionné un préjudice en ce qu'elle n'a pas pu procéder à la location de la salle en période hivernale, elle n'établit cependant pas la réalité de la perte de recettes qu'elle invoque, dont elle avait pourtant été invitée à justifier l'existence par l'expert ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Ybars n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fixé à 6 728,07 euros l'indemnisation allouée en réparation de ses préjudices ;

Sur les appels en garantie :

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les désordres litigieux résultent essentiellement d'une mauvaise exécution des travaux de pose du système de chauffage de la salle des fêtes, faute pour M. A...d'avoir respecté les préconisations figurant au cahier des clauses techniques particulières ; qu'il appartenait cependant aux maîtres d'oeuvre de diriger et surveiller les travaux ; que dans ces conditions, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il y a lieu de fixer à hauteur de 85 % la part de responsabilité de M. A...dans la survenances des désordres, et d'accueillir dans cette mesure les appels en garantie présentés à son encontre par M. B...et la société Betem Ingénierie ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que, s'agissant des travaux relatifs au système de chauffage, il résulte du rapport d'expertise que la surveillance de leur réalisation incombait plus particulièrement à la société Betem Ingénierie, en sa qualité de bureau d'études techniques, qui avait d'ailleurs rédigé le cahier des clauses techniques particulières du lot " plomberie-ventilation-chauffage " ; qu'ainsi, il y a lieu, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, de faire droit aux conclusions d'appel en garantie de M. B...à l'encontre de la société Betem Ingénierie, à hauteur de 10% de la condamnation prononcée à son encontre ; qu'en revanche, il ressort de l'examen des pièces du dossier qu'en première instance, la société Betem Ingénierie n'a pas demandé à être relevée indemne par M. B...; qu'ainsi, les conclusions qu'elle présente pour la première fois devant la cour tendant à être garantie par M.B..., constituent une demande nouvelle qui ne peut qu'être rejetée comme irrecevable ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La société Betem Ingénierie, M. B...et M. A...sont condamnés solidairement à verser la somme de 6 728, 07 euros à la commune de Saint-Ybars.

Article 2 : M. A...est condamné à garantir à hauteur de 85 % la société Betem Ingénierie et M. B... de la condamnation prononcée à leur encontre.

Article 3 : La société Betem Ingénierie est condamnée à garantir M. B...à hauteur de 10 % de la condamnation prononcée à son encontre.

Article 4 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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No 11BX02757


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11BX02757
Date de la décision : 31/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS DARNET GENDRE ATTAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-12-31;11bx02757 ?
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