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30/01/2014 | FRANCE | N°13BX00927

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 30 janvier 2014, 13BX00927


Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2013, présentée pour la société Distrivit, société par actions simplifiée dont le siège est 41 rue Henri Becquerel Jarry à Baie-Mahault (97122) représentée par son gérant en exercice, par Me B... ;

La société Distrivit demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1000900, 110091 du 31 janvier 2013 en tant que le tribunal administratif de Fort-de-France n'a pas fait droit à sa demande tendant à la condamnation, d'une part, du département de la Martinique à lui verser la somme de 17 325 650,49 euros en remboursem

ent des droits de consommation sur les tabacs qu'elle a indûment payés depuis 2001 ...

Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2013, présentée pour la société Distrivit, société par actions simplifiée dont le siège est 41 rue Henri Becquerel Jarry à Baie-Mahault (97122) représentée par son gérant en exercice, par Me B... ;

La société Distrivit demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1000900, 110091 du 31 janvier 2013 en tant que le tribunal administratif de Fort-de-France n'a pas fait droit à sa demande tendant à la condamnation, d'une part, du département de la Martinique à lui verser la somme de 17 325 650,49 euros en remboursement des droits de consommation sur les tabacs qu'elle a indûment payés depuis 2001 ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2001 et la capitalisation des intérêts au 31 décembre 2010 et la somme de 818 371,65 euros en réparation du préjudice que lui a causé le versement de ces droits et, d'autre part, de la recette des impôts de Fort-de-France Est à lui rembourser la somme de 1 472 680,29 euros correspondant à l'incidence de la taxe sur la valeur ajoutée sur le remboursement des droits de consommation ;

2°) d'abroger les délibérations du conseil général de Martinique relatives à la fiscalité des tabacs ;

3°) de condamner le département de la Martinique et l'Etat à lui verser les sommes sollicitées ;

4°) d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

5°) à titre subsidiaire, de soumettre à la Cour de justice de l'Union Européenne et à la Cour européenne des droits de l'homme diverses questions relatives à la conformité avec le droit communautaire de certaines dispositions du code général des impôts et du code général des douanes ;

6°) de mettre à la charge du département de la Martinique la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des douanes ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu la décision du Conseil Constitutionnel n° 2012-290/291 QPC du 25 janvier 2013 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2013 :

- le rapport de M. Antoine Bec, président-assesseur ;

- les conclusions de Nicolas Normand, rapporteur public ;

- les observations de Me B...pour la société Distrivit et de Me A... pour le département de la Martinique ;

1. Considérant que la société Distrivit demande à la cour d'annuler le jugement du 31 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ses demandes tendant à la condamnation, d'une part, du département de la Martinique à lui verser la somme de 17 325 650,49 euros, en remboursement des droits de consommation sur les tabacs qu'elle aurait indûment payés, et celle de 818 371,65 euros en réparation du préjudice causé par le versement de ces droits et, d'autre part, de la recette des impôts de Fort de France à lui verser celle de 1 472 680,29 euros correspondant à l'incidence de la taxe sur la valeur ajoutée sur les droits de consommation perçus ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le département de la Martinique :

2. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le droit de timbre auquel la requête de la société Distrivit est assujettie a été régulièrement acquitté ;

3. Considérant, d'autre part, que les conclusions tendant à l'abrogation des délibérations du conseil général de la Martinique instituant le droit de consommation avaient été présentées devant le tribunal administratif de Fort-de-France et ne sont donc pas nouvelles en appel ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par le département de la Martinique doivent être écartées;

Sur les conclusions tendant à l'abrogation de délibérations du conseil général de la Martinique :

5. Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de prononcer l'abrogation de délibérations d'un conseil général ; que, par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au remboursement du droit de consommation indûment perçu :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 268 du code des douanes : " Les cigarettes, les cigares, cigarillos, les tabacs à mâcher, les tabacs à priser, les tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes et les autres tabacs à fumer, destinés à être consommés dans les départements de la Martinique, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, sont passibles d'un droit de consommation. Les taux et l'assiette du droit de consommation sont fixés par délibération des conseils généraux des départements. (...) Le droit de consommation est recouvré comme en matière de droit de douane. Les infractions sont constatées et réprimées et les instances instruites et jugées conformément aux dispositions du code des douanes. " ; que l'article 357 bis du code des douanes, applicable au 1er janvier 2013, dispose : " les tribunaux de grande instance connaissent des contestations concernant le paiement, la garantie ou le remboursement des créances de toute nature recouvrées par l'administration des douanes et des autres affaires de douane n'entrant pas dans la compétence des juridictions répressives. " ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 268 et 357 bis du code des douanes que les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour connaître de toutes les contestations concernant l'assiette et le recouvrement des droits de douane ; que le même juge fiscal est également compétent pour connaître des actions par lesquelles le redevable demande à l'Etat réparation du préjudice imputable aux actes accomplis par les agents de l'administration des douanes et des droits indirects à l'occasion de la détermination de l'assiette des droits indirects, y compris lorsque la responsabilité de l'administration est recherchée du fait de l'application d'un texte incompatible avec le droit communautaire ou une convention internationale ;

8. Considérant que la société Distrivit demande, à titre de dommages et intérêts, le remboursement du montant du droit de consommation sur les tabacs perçu en application de délibérations du conseil général de Martinique incompatibles, selon elle, avec le droit communautaire ; que le droit de consommation étant recouvré comme en matière de droit de douane, le tribunal de grande instance est seul compétent pour connaitre des conclusions tendant à l'obtention d'une indemnité correspondant au montant des droits versés ; que, par suite, de telles conclusions ne peuvent qu'être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre ;

Sur les conclusions tendant à la mise en jeu de la responsabilité du département de la Martinique :

9. Considérant que lorsque le redevable de droits de douane ou de droits indirects tels que le droit de consommation sur le tabac entend rechercher la responsabilité de l'Etat du fait de la méconnaissance de l'obligation qui incombe au législateur d'assurer le respect des conventions internationales, une telle action relève du régime de la responsabilité de l'Etat du fait de son activité législative ;

10. Considérant que la société Distrivit demande la réparation du préjudice qui lui aurait été causé par la privation des sommes versées au titre d'un droit de consommation qui serait entaché d'illégalité ; qu'elle soutient que le droit de consommation litigieux a été fixé par des délibérations du conseil général de la Martinique en application de l'article 268 du code des douanes qui serait incompatible avec la règlementation européenne, et plus généralement en méconnaissance des principes généraux du droit européen, notamment des directives communautaires ; qu'une telle action relève du régime de la responsabilité des collectivités du fait de leur activité réglementaire ; que la juridiction administrative est compétente pour en connaître ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à la mise en jeu de la responsabilité du département de la Martinique comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre ; qu'il y a lieu de renvoyer ces conclusions devant le tribunal administratif de Fort-de-France pour qu'il y soit statué ;

Sur les conclusions tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée versée sur le montant du droit de consommation :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales : " En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif. " ;

13. Considérant que les litiges en matière de taxe sur la valeur ajoutée relèvent de la compétence du juge administratif ; que les conclusions de la société Distrivit dirigées contre l'Etat tendaient à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le droit de consommation ; qu'en les regardant comme tendant à une injonction que le jugement n'appelait pas, le tribunal administratif s'est mépris sur leur portée ; qu'il y a lieu d'annuler sur ce point le jugement attaqué et de renvoyer ces conclusions devant le tribunal administratif de Fort-de-France pour qu'il y soit statué ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne ni la Cour européenne des droits de l'homme de questions préjudicielles, que la société Distrivit est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du département de la Martinique à réparer le préjudice résultant du paiement du droit de consommation acquitté et à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le droit de consommation litigieux ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Distrivit et du département de la Martinique présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 31 janvier 2013 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société Distrivit tendant à la condamnation du département de la Martinique à réparer le préjudice résultant du paiement du droit de consommation et à la condamnation de l'Etat à lui rembourser le montant de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le droit de consommation litigieux.

Article 2 : Le jugement de ces conclusions est renvoyé au tribunal administratif de Fort-de-France.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Distrivit et les conclusions du département de la Martinique présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 13BX00928


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX00927
Date de la décision : 30/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

17-03-01-02-03-02 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par des textes spéciaux. Attributions légales de compétence au profit des juridictions judiciaires. Compétence des juridictions judiciaires en matière fiscale et parafiscale. En matière parafiscale.


Composition du Tribunal
Président : Mme RICHER
Rapporteur ?: M. Antoine BEC
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELARL CARPENTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-01-30;13bx00927 ?
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