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25/03/2014 | FRANCE | N°12BX01465

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 25 mars 2014, 12BX01465


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 12 juin 2012 et régularisée par courrier le 15 juin 2012, présentée pour Mme A...B...demeurant ... par Me Chambaret ;

Mme B...demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0901037 du 5 avril 2012 en tant que le tribunal administratif de Toulouse n'a fait que partiellement droit à sa demande en condamnant le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser la somme de 15 803,50 euros en réparation des préjudices résultant des fautes commises lors de l'intervention chirurgicale pratiquée le 23 juillet 20

03 dans cet établissement ;

2°) de porter la somme de 15 803,50 euros que le...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 12 juin 2012 et régularisée par courrier le 15 juin 2012, présentée pour Mme A...B...demeurant ... par Me Chambaret ;

Mme B...demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0901037 du 5 avril 2012 en tant que le tribunal administratif de Toulouse n'a fait que partiellement droit à sa demande en condamnant le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser la somme de 15 803,50 euros en réparation des préjudices résultant des fautes commises lors de l'intervention chirurgicale pratiquée le 23 juillet 2003 dans cet établissement ;

2°) de porter la somme de 15 803,50 euros que le centre hospitalier universitaire de Montpellier a été condamné à lui verser à 100 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2005 et de leur capitalisation ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser une somme de 1 000 euros en remboursement de l'avance sur honoraires qu'elle a dû verser à l'expert ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 février 2014:

- le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- les observations de Me Chambaret, avocat de MmeB... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 mars 2014, présentée pour Mme B...;

1. Considérant que Mme B...a subi, le 23 juillet 2003, au centre hospitalier universitaire de Montpellier une intervention chirurgicale pour traiter un " hallux valgus " du pied gauche ; que si cette intervention avait pour l'intéressée une visée purement esthétique, les consultations préalables ont toutefois mis en évidence un tableau clinique complexe tenant à des métatarsalgies, un syndrome " de Morton ", et un antécédent d'intervention sur le 3ème métatarsien ; que l'objectif initial de cette intervention de redressement n'ayant pas été atteint, et compte tenu de l'apparition d'un syndrome douloureux, une deuxième intervention, réalisée le 10 août 2004 au centre hospitalier de Montpellier, s'est également soldée par un échec ; que Mme B...a alors subi le 13 mars 2008 une troisième intervention réparatrice dans un établissement parisien pour un raccourcissement du 2ème métatarsien ; que son état est regardé comme consolidé à la date du 31 décembre 2008 ; que Mme B...a recherché la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Montpellier ; que, par un jugement avant dire droit du 27 octobre 2010, le tribunal administratif de Toulouse a ordonné une expertise aux fins d'une part, de déterminer si l'intervention chirurgicale que Mme B...a subie le 23 juillet 2003 au centre hospitalier universitaire de Montpellier était adaptée et si elle avait été réalisée conformément aux règles de l'art et, d'autre part, de déterminer les préjudices subis ; que l'expert a remis son rapport le 17 décembre 2010 ; que le tribunal administratif de Toulouse, par un jugement du 5 avril 2012, a retenu la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Montpellier pour avoir mis en oeuvre, à deux reprises, une technique opératoire inadaptée à l'état de MmeB..., sans avoir informé au préalable l'intéressée des risques ni proposé d'alternative thérapeutique, et a condamné cet établissement à lui verser une indemnité de 15 803,50 euros en réparation de ses préjudices et une somme de 205,45 euros au titre des dépens ; qu'il a également condamné le centre hospitalier universitaire de Montpellier à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault la somme de 1 275,87 euros en remboursement de ses débours ; que Mme B...relève appel de ce jugement en ce qu'il ne fait pas droit à l'ensemble de ses demandes ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault conclut à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Montpellier à lui verser la somme de 3 392,99 euros en remboursement de ses débours définitifs ainsi que la somme de 997 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ; que le centre hospitalier universitaire de Montpellier ne conteste plus sa responsabilité et conclut au rejet de la requête de Mme B...et des conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que MmeB..., dans son mémoire complémentaire enregistré le 22 août 2011 au greffe du tribunal administratif de Toulouse, a présenté des conclusions tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Montpellier soit condamné à lui verser la somme de 110 000 euros " assortis des intérêts et de leur capitalisation " ; que le jugement contesté n'a pas statué sur les conclusions aux fins d'intérêts et de capitalisation de ceux-ci ; qu'il doit, dès lors, être annulé dans cette mesure ; qu'il y a lieu de statuer sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer sur les autres conclusions de la requête par l'effet dévolutif de l'appel ;

Sur les dépenses de santé :

3. Considérant que le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier universitaire de Montpellier à verser à Mme B...la somme de 3 803,50 euros au titre de dépassements d'honoraires, de frais d'hospitalisation et de frais de déplacement qui seraient demeurés à sa charge ; que si Mme B...établit la réalité de la consultation qui a eu lieu le 11 avril 2008, elle ne justifie pas du dépassement d'honoraires dont elle sollicite le remboursement ; qu'elle ne justifie pas davantage, par les factures qu'elle produit, de frais de dépassement d'honoraires et de déplacement en train pour se rendre à une consultation postopératoire le 12 mai 2008 qui seraient restés à sa charge ; qu'en revanche, elle établit avoir engagé des frais de déplacement en taxi le 15 mars 2008 pour un montant de 20,80 euros, après la troisième intervention du 13 mars 2008, et qu'une somme de 48 euros serait restée à sa charge pour une consultation le 17 juillet 2007 ; que l'intervention du 13 mars 2008, qui seule a réparé les erreurs commises par le centre hospitalier universitaire de Montpellier, a nécessité, le 2 juillet 2008, l'enlèvement du matériel d'ostéosynthèse ; que, par suite, Mme B...a droit au remboursement des frais de dépassement d'honoraires en clinique privée d'un montant de 602 euros relatifs à l'enlèvement du matériel d'ostéosynthèse lors de cette intervention du 2 juillet 2008 ;

4. Considérant que si Mme B...soutient que la déstabilisation de son squelette liée à celle des appuis de son pied gauche a nécessité quinze séances d'ostéopathie, elle ne justifie pas, par les certificats médicaux qu'elle produit prescrivant des séances d'ostéopathie en lien avec des douleurs lombaires, l'imputabilité de ces dépenses aux fautes de l'hôpital ;

5. Considérant que Mme B...fait valoir qu'elle a dû supporter les frais d'achat d'une paire de chaussures de confort et de renouvellement de semelles orthopédiques, après l'intervention du 13 mars 2008 ; que ces dépenses, non retenues par l'expert, sont sans lien avec les fautes commises par le centre hospitalier universitaire de Montpellier ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de porter de 3 803,50 euros à 4 474,30 euros le montant de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier en réparation des dépenses de santé supportées par Mme B...;

7. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault a, dans ses conclusions présentées au tribunal administratif, demandé la condamnation du centre hospitalier universitaire de Montpellier au paiement d'une somme de 1 275,87 euros en remboursement de ses débours correspondant à des frais exposés pour l'hospitalisation de Mme B...le 12 août 2004 et aux frais médicaux et pharmaceutiques liés à la reprise chirurgicale du 10 août 2004 ; que, dans son mémoire enregistré devant la cour le 5 septembre 2012, la caisse primaire d'assurance maladie a porté cette somme à 3 392,99 euros, la différence avec l'indemnité initialement demandée, d'un montant de 2 117,12 euros, correspondant à des frais exposés pour l'hospitalisation de Mme B...du 12 au 15 mars 2008 ; que la caisse, qui avait connaissance de ces frais, lesquels étaient antérieurs au jugement attaqué, était à même de faire valoir ses droits devant le tribunal administratif ; qu'ayant omis d'en demander en temps utile le remboursement aux premiers juges, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault n'est plus recevable à le demander devant le juge d'appel ; que la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault est nouvelle en appel et, par suite, irrecevable ;

Sur les préjudices extrapatrimoniaux de MmeB... :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise, diligentée avant dire droit, qu'aucun déficit fonctionnel permanent n'est imputable aux fautes commises par le centre hospitalier universitaire de Montpellier ; que l'état de santé de MmeB..., qui selon l'expert ne conserve pas de séquelles invalidantes, est consolidé à la date du 31 décembre 2008 ; qu'ainsi la seule circonstance qu'un chirurgien orthopédiste atteste, dans un certificat médical daté du 25 juillet 2011, que Mme B...reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent au taux de 5 % et que la gêne fonctionnelle dont elle se plaint n'est imputable qu'à la succession des actes chirurgicaux subis du fait de l'intervention du 23 juillet 2003 n'établit pas qu'elle serait en droit d'obtenir la somme de 10 000 euros qu'elle demande en réparation du déficit fonctionnel permanent dont elle soutient qu'elle reste atteinte ; que ses conclusions sur ce point ne peuvent qu'être rejetées sans qu'il soit besoin d'ordonner la nouvelle expertise qu'elle sollicite ;

9. Considérant que le tribunal administratif, après avoir constaté que l'incapacité temporaire totale de la requérante avait duré 96 jours, a estimé que les préjudices résultant des troubles temporaires subis dans les conditions d'existence de Mme B...liés aux deux interventions chirurgicales subies les 10 août 2004 et 13 mars 2008, aux séances de rééducation et à la privation des activités sportives auxquelles elle s'adonnait, à la somme de 6 000 euros ; que Mme B...demande que les périodes successives d'incapacité temporaire partielle du 23 décembre 2003 au 10 août 2004, puis du 11 août 2004 au mois de mars 2008, soient indemnisées à hauteur de 20 000 euros, et qu'une indemnité de 10 000 euros lui soit allouée au titre de son préjudice d'agrément ;

10. Considérant que l'incapacité temporaire partielle ne constitue pas un préjudice indemnisable mais constitue un élément d'appréciation des troubles dans les conditions d'existence subis ; que Mme B...a subi un préjudice d'agrément temporaire, retenu par l'expert, constitué par la privation pendant cinq ans des activités sportives qu'elle pratiquait ; qu'au regard des troubles temporaires dans ses conditions d'existence et de la durée de sa prise en charge afin d'obtenir un traitement adéquat, les premiers juges ne se sont pas livrés à une appréciation insuffisante de ces préjudices en lui allouant une indemnité de 6 000 euros ;

11. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'alors même qu'il les a indemnisées ensemble, le tribunal administratif aurait inexactement évalué les souffrances tant physique que morale endurées par la requérante en relation avec les interventions subies, classées au niveau 3,5 sur une échelle de 1 à 7, du 23 décembre 2003 au 10 août 2004, puis au niveau 2 du 11 août 2004 au 31 décembre 2008, en fixant à 4 500 euros le montant de l'indemnité accordée en réparation de ces chefs de préjudices ; que l'échec du réalignement du gros orteil gauche, la boiterie, et l'impossibilité de port de chaussures féminines, sont à l'origine d'un préjudice esthétique qui a duré jusqu'à la consolidation de son état ; qu'en indemnisant ce chef de préjudice à hauteur de 1 500 euros, le tribunal administratif n'en a pas fait une appréciation insuffisante ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'indemnisation de MmeB..., fixée par le tribunal administratif de Toulouse à 15 803,50 euros au titre de l'ensemble de ses préjudices, doit être portée à 16 474,30 euros ; qu'il s'ensuit que Mme B...est fondée à demander la réformation du jugement dans cette mesure ;

Sur les intérêts et leur capitalisation:

13. Considérant que Mme B...a droit aux intérêts des sommes qui lui sont dues à compter du 26 décembre 2005, date de réception par le centre hospitalier universitaire de Montpellier de sa réclamation préalable ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 22 août 2011 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les dépens :

14. Considérant que, par le jugement attaqué, les frais de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros par ordonnance du 25 janvier 2011 du président du tribunal administratif de Toulouse, ont été mis à la charge définitive du centre hospitalier universitaire de Montpellier ; que MmeB..., par une lettre enregistrée au greffe de la cour le 26 juillet 2013, a déclaré que ces frais, qu'elle avait avancés, lui ont été remboursés par le centre hospitalier ; que, par suite, ses conclusions, tendant au remboursement des frais d'expertise versés à l'expert à titre d'allocation provisionnelle, devenues sans objet, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

15. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault a obtenu en première instance le remboursement par le centre hospitalier universitaire de Montpellier d'une somme de 1 275,87 euros ainsi que la somme de 425,29 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion correspondant au tiers de cette somme; que l'appel de la caisse étant rejeté, il n'y a pas lieu, par suite, de porter l'indemnité forfaitaire de gestion à une somme supérieure à celle qui a été déjà accordée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, une somme de 1 500 euros au bénéfice de MmeB... ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Montpellier quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La somme de 15 803,50 euros que le centre hospitalier universitaire de Montpellier a été condamné à verser à Mme B...est portée à 16 474,30 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2005 et de leur capitalisation calculée comme indiquée au point 12.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 5 avril 2012 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Montpellier versera à Mme B...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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No 12BX01465


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX01465
Date de la décision : 25/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Choix thérapeutique.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre VALEINS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CHAMBARET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-03-25;12bx01465 ?
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