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05/05/2014 | FRANCE | N°12BX02213

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 05 mai 2014, 12BX02213


Vu la requête, enregistrée le 17 août 2012, présentée pour M. C... B..., demeurant..., par Me A... ;

M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000847 du 28 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la réparation du préjudice subi à raison du dommage de travaux publics dont il est victime ;

2°) de condamner le syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin du Né à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation de son préjudice ;

3°) d'enjoindre au syndicat intercommun

al d'aménagement hydraulique du bassin du Né de faire édifier une passerelle sous astreinte...

Vu la requête, enregistrée le 17 août 2012, présentée pour M. C... B..., demeurant..., par Me A... ;

M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000847 du 28 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la réparation du préjudice subi à raison du dommage de travaux publics dont il est victime ;

2°) de condamner le syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin du Né à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation de son préjudice ;

3°) d'enjoindre au syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin du Né de faire édifier une passerelle sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter d'un délai de trois mois suivant la notification du jugement à intervenir ;

4°) d'ordonner une rectification du plan cadastral et la rédaction d'un acte de cession avec indemnisation à hauteur de 5 000 euros ;

5°) de mettre à la charge du syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin du Né une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2014 :

- le rapport de M. Olivier Gosselin, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B...est propriétaire d'une parcelle en forme de presqu'île d'une superficie de 880 mètres carrés, cadastrée section B n° 98 bordée par le ruisseau le " Bief du Moulin " et par la rivière " le Né " et située au lieu-dit " Les Grandes Iles " sur le territoire de la commune de Lachaise, à la séparation de la rivière et de son bras de dérivation ; que dans le cadre de la cinquième tranche des travaux d'amélioration de l'écoulement des eaux de la rivière du Né, entrepris en 1980 par le syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin du Né, il a été décidé d'installer, sur la parcelle appartenant à M. B...et à proximité des déversoirs existants sur cette parcelle, un barrage à clapet sur la prise d'eau du moulin de Lachaise ; que ces travaux ont été déclarés d'utilité publique par le préfet de la Charente, par un arrêté du 29 août 1980 aux fins d'amélioration de l'écoulement des eaux de la rivière " Le Né ", et incluaient notamment la construction du barrage mobile n° 5 au niveau du moulin de Lachaise sur un terrain appartenant à M.B..., ainsi que la création ou la restitution du bras d'amenée au barrage ; que les travaux exécutés en 1980 n'ont toutefois pas été faits conformément aux plans prévus, le barrage ayant été déplacé vers l'aval sur la rivière au débouché du bras d'amenée ; que l'intéressé s'est alors vu privé de la possibilité d'accéder à l'ensemble de son terrain, l'île qui en forme désormais la pointe n'étant pas reliée au reste du terrain par le barrage prévu, mais déplacé ; qu'à la suite d'une expertise sollicitée par M. B...en 2008, celui-ci a demandé réparation du préjudice subi à raison du dommage de travaux publics dont il s'estimait victime ; qu'il relève appel du jugement n° 1000847 du 28 juin 2012 du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

2. Considérant que la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Poitiers tendait à la condamnation du syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin du Né à indemniser son préjudice résultant des dommages permanents de travaux publics qui ont été causés sur sa propriété ; que les premiers juges ont jugé que les préjudices dont le requérant demandait réparation résultaient de la division de sa propriété à la suite de la procédure d'acquisition des terrains nécessaires à l'exécution des travaux déclarés d'utilité publique, et constituaient des dommages accessoires à la procédure d'expropriation des terrains servant d'assiette à l'implantation du barrage à clapet ; que toutefois, il est constant qu'aucune procédure d'expropriation n'a été menée à son terme, ni même engagée ;

3. Considérant d'une part, que les conclusions de M. B...tendant à voir ordonner " la rectification du cadastre et la rédaction d'un acte de cession " pour la partie de sa parcelle recouverte par le nouveau bras de la rivière sur une superficie de 110 mètres carrés, avec indemnisation à hauteur de 5 000 euros, soulèvent un litige de propriété qu'il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de trancher ; que par suite M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que ces conclusions ont été rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

4. Considérant d'autre part, que les conclusions tendant à voir indemniser à hauteur de 12 000 euros la privation de l'accès à la partie du terrain, d'environ 130 mètres carrés, devenue une île sont fondées sur les conditions de réalisation des travaux publics en litige et peuvent alors être détachées des précédentes dont elles ne constituent pas l'accessoire ; que, par suite, il appartenait à la juridiction administrative de connaître du litige tendant à voir réparer le préjudice de jouissance résultant de l'existence de l'ouvrage public ; que M. B...est dès lors fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure ;

5. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Poitiers ;

Sur les conclusions indemnitaires :

6. Considérant que même sans faute de sa part, le maître de l'ouvrage est intégralement responsable des dommages causés aux tiers par les ouvrages publics dont il a la garde, en raison tant de leur existence que de leur entretien ou de leur fonctionnement ; qu'il n'en va différemment que si ces dommages sont, au moins partiellement, imputables à une faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que dans le cadre des travaux entrepris en 1980 au titre de la cinquième tranche des travaux d'amélioration de l'écoulement des eaux de la rivière du Né, le syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin du Né a installé, sur la parcelle appartenant à M. B...et à proximité des déversoirs existants déjà sur cette parcelle, le barrage mobile n° 5 sur la prise d'eau du moulin de Lachaise, après création ou restitution du bras d'amenée au barrage ; que ces travaux ont eu pour effet, là où existait un petit bras d'eau en partie dû à l'érosion naturelle en aval d'un déversoir, de créer un bras d'environ douze mètres de large entre l'extrémité de la parcelle, devenue une île d'environ 130 mètres carrés, et le reste de la propriété du requérant ; que si les travaux initialement prévus devaient permettre le franchissement du bras d'amenée par un passage sur le barrage, sa construction en un autre endroit légèrement en aval, a privé M. B...de toute possibilité d'atteindre l'extrémité de son terrain autrement qu'en franchissant le barrage puis en passant par la propriété de son voisin avant de franchir un gué donnant accès à l'île, alors qu'il n'avait antérieurement qu'à franchir plusieurs petits passages d'eau en aval des déversoirs installés en plusieurs endroits de la parcelle ; que l'ouvrage public, à l'égard duquel le requérant a la qualité de tiers, aggrave ainsi la situation de M. B...qui se trouve privé de l'accès et de l'usage d'une partie de sa propriété ;

8. Considérant que le trouble de jouissance qui en résulte est constitutif d'un préjudice spécial et anormal pour M.B..., lui ouvrant droit à réparation ; que si le syndicat souligne qu'il s'est écoulé près de vingt-huit ans entre la création du bras d'amenée et la demande de réparation du dommage en résultant, il n'a pas opposé une prescription dans les formes prévues par la loi du 31 décembre 1968 et ne peut dès lors utilement se prévaloir de ce délai pour faire obstacle à l'indemnisation de l'atteinte au droit de passage, laquelle est toujours certaine et actuelle ;

9. Considérant que la victime d'un dommage immobilier causé par des travaux publics ne peut prétendre à une indemnité supérieure à la valeur vénale de l'immeuble à la date du dommage ; que cette règle, à laquelle ne saurait faire échec la circonstance que le syndicat aurait auparavant fait des offres supérieures mais non réalisées, est applicable à l'ensemble des préjudices résultant pour la victime d'une perte de jouissance d'une partie de son terrain ;

10. Considérant que la valeur vénale de la partie de terrain à laquelle le requérant ne peut plus accéder, en nature de pré et taillis d'une surface de 131 mètres carrés, peut être fixée à la somme de 100 euros ; qu'il y a lieu de condamner le syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin du Né à verser cette somme à M. B...;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

11. Considérant que M. B...demande la condamnation du syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin du Né à faire édifier une passerelle ; qu'il n'entre toutefois pas, en dehors des cas visés aux articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, dans les pouvoirs du juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; que, par suite, ces conclusions sont irrecevables et ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin du Né demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

13. Considérant que M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin du Né la somme de 1 000 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1000847 du tribunal administratif de Poitiers du 28 juin 2012 est annulé en tant qu'il a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice de jouissance causé par des travaux publics.

Article 2 : Le syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin du Né est condamné à verser à M. B... la somme de 100 (cent) euros.

Article 3 : Le syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin du Né versera à Me A...une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de M. B...est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique du bassin du Né tendant à la condamnation de M. B... au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

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N° 12BX02213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12BX02213
Date de la décision : 05/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-05 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice. Caractère spécial et anormal du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier GOSSELIN
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : SCP CALMELS - MOTARD - CAHNGEUR - POUZIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-05-05;12bx02213 ?
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