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18/11/2014 | FRANCE | N°13BX02080

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 18 novembre 2014, 13BX02080


Vu I, sous le n° 13BX02080, la requête enregistrée le 24 juillet 2013, présentée pour Mme B...C..., demeurant..., par Me Ferrant, avocat ;

Mme C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101508 du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 2 août 2010 du préfet de la Gironde déclarant cessibles au profit de la société d'économie mixte In Cité les lots n° 72, 75, 85, 162, 165, 175, 228, 235 et 237 dans la résidence " Les Bleuets " à Sainte-Eulalie, dont elle est soit pleinem

ent propriétaire, soit usufruitière, soit nu-propriétaire, ainsi les lots n° 258,...

Vu I, sous le n° 13BX02080, la requête enregistrée le 24 juillet 2013, présentée pour Mme B...C..., demeurant..., par Me Ferrant, avocat ;

Mme C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101508 du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 2 août 2010 du préfet de la Gironde déclarant cessibles au profit de la société d'économie mixte In Cité les lots n° 72, 75, 85, 162, 165, 175, 228, 235 et 237 dans la résidence " Les Bleuets " à Sainte-Eulalie, dont elle est soit pleinement propriétaire, soit usufruitière, soit nu-propriétaire, ainsi les lots n° 258, 288, 360, 410, 553, 627 et 634 dans la résidence " Les Acacias " à Sainte-Eulalie, dont elle est soit pleinement propriétaire, soit usufruitière, en vue de la réalisation de la zone d'aménagement concerté multi-sites " ZAC 180 " sur le territoire de cette même commune ;

2°) d'annuler lesdits arrêtés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu, II, sous le n° 13BX02081, la requête enregistrée le 24 juillet 2013, présentée pour Mme B...C..., demeurant ...et M. et Mme D...A..., demeurant..., par Me Ferrant, avocat :

Mme C...et M. et Mme A...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000411 du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 décembre 2009 du préfet de la Gironde déclarant d'utilité publique, au profit de la société In Cité les travaux de création de la zone d'aménagement concerté multi-sites " ZAC 180 " sur le territoire de la commune de Sainte-Eulalie et l'acquisition des immeubles nécessaires à la réalisation de cette opération ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) de mettre à la charge solidaires des parties perdantes le versement à Mme C...la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution ;

Vu la déclaration universelle des droits de l'homme ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu la charte sociale européenne révisée ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale ;

Vu la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion ;

Vu le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2014 :

- le rapport de M. Jean-Michel Bayle, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public ;

- les observations de Me Carton de Grammont, avocat de société In Cité et les observations de Me Descriaux, avocat de la commune de Sainte-Eulalie ;

1. Considérant que, par une délibération du 9 mars 2009, le conseil municipal de Sainte-Eulalie a approuvé la création de la zone d'aménagement concerté dénommée " ZAC 180 ", a arrêté le périmètre de cette zone et a décidé de réaliser, dans le cadre de cette zone, une opération de rénovation urbaine sous le régime de la concession d'aménagement conclue par cette collectivité avec la société d'économie mixte In Cité le 12 janvier 2006 ; que, par arrêté du 4 décembre 2009, le préfet de la Gironde a déclaré d'utilité publique les travaux de réalisation de la zone dont s'agit ainsi que les acquisitions des immeubles affectés par l'opération et a autorisé la société d'économie mixte In Cité à procéder à ces acquisitions, soit à l'amiable, soit par voie d'expropriation ; que, par un arrêté du 2 août 2010, le préfet a déclaré cessibles les immeubles concernés, au nombre desquels figurent la résidence " Les Bleuets " et la résidence " Les Acacias ", situées au lieu-dit Les Ruaults ; que MmeC..., titulaire de droits sur des lots de la copropriété " Les Bleuets ", où d'ailleurs elle réside, et de la copropriété " Les Acacias " ainsi que, notamment, M. et MmeA..., propriétaires de deux appartements dans la résidence " Les Acacias ", ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 décembre 2009 susmentionné ; qu'en outre, Mme C...a contesté devant le même tribunal l'arrêté du 2 août 2010 en tant qu'il a déclaré cessibles les lots dont elle était soit pleinement propriétaire, soit usufruitière, soit nu-propriétaire dans les copropriétés " Les Bleuets " et " Les Acacias " ; que le tribunal administratif a rejeté ces deux recours par jugements rendus le 6 juin 2013 ; que, par la requête enregistrée sous le n° 13BX02081, Mme C... ainsi que M. et Mme A... interjettent appel du jugement rejetant leur demande d'annulation de la déclaration d'utilité publique, tandis que, dans la requête n° 13BX02080, Mme C... relève appel du jugement rejetant sa contestation de l'arrêté de cessibilité ; que ces requêtes présentant à juger des questions connexes, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

Sur la déclaration d'utilité publique :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 123-19 du code de l'urbanisme : " L'enquête concernant un plan local d'urbanisme vaut enquête préalable à la déclaration d'utilité publique des opérations, acquisitions ou expropriations prévues à ce plan à l'intérieur d'une zone d'aménagement concerté lorsque le dossier soumis à l'enquête comprend les pièces mentionnées au I de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Dans ce cas, l'enquête publique est organisée dans les formes prévues par les articles R. 11-14-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Toutefois, le maire ou le président de l'établissement public exerce les compétences attribuées au préfet par les articles R. 11-14-2 à R. 11-14-5 et R. 11-14-7 à 11-14-15 du même code " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal de Sainte-Eulalie a décidé, par délibération du 30 mars 2009, d'engager la procédure de révision simplifiée du plan d'occupation des sols pour permettre la réalisation de l'opération de rénovation urbaine envisagée au sein de la zone d'aménagement concerté " ZAC 180 " et a approuvé, par délibération du 17 juin 2009, la mise à l'enquête publique du dossier relatif au projet de révision et du dossier de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique des acquisitions et travaux nécessaires à ladite opération ; que, dès lors que cette opération d'aménagement était prévue dans le projet de plan révisé, le maire de Sainte-Eulalie était compétent, en vertu des dispositions précitées de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme, pour exercer les pouvoirs attribués au préfet par les articles du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique énumérés ci-dessus, en particulier pour ordonner l'ouverture de l'enquête publique conformément à l'article R. 11-14-5 de ce code ;

3. Considérant qu'en application de l'article R. 122-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable, le contenu de l'étude d'impact jointe au dossier d'enquête publique doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement et doit comporter une analyse de l'état initial du site et de son environnement ainsi qu'une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact réalisée en juin 2009 contient une analyse détaillée du site et, contrairement à ce que prétendent les requérants, examine les effets directs et indirects du projet sur l'environnement, notamment sur le sol et le réseau hydrologique ; qu'au demeurant, les requérants, qui ne précisent pas les conséquences du projet que les rédacteurs de l'étude auraient omis d'aborder, ne démontrent pas que les effets du projet sur le sol et le réseau hydrologique auraient été insuffisamment étudiés ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : / I. Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : / (...) 5° l'appréciation sommaire des dépenses ; / (...) Dans les deux cas visés au I et II ci-dessus, la notice explicative indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu " ;

5. Considérant, en premier lieu, que le dossier soumis à l'enquête publique comportait une estimation sommaire des dépenses, qui évaluait à la somme totale de 5 570 000 euros les acquisitions d'immeubles, en particulier les lots de copropriétés des résidences " Les Bleuets " et " Les Acacias ", nécessaires à la réalisation de l'opération ; qu'il ressort des pièces du dossier que cette estimation a été établie au regard tant du prix moyen d'acquisition des logements sur le site au cours de la période 2007, début 2008, réévalué pour tenir compte de l'augmentation du prix du mètre carré et assorti d'une marge de négociation, que de l'avis émis par le service des domaines le 12 juin 2009, dans le mois précédant l'ouverture de l'enquête publique et du montant des premières acquisitions à l'amiable réalisées par la société In cité ; que la circonstance que le juge de l'expropriation ait fixé des indemnités d'expropriation à des niveaux nettement supérieurs aux estimations de l'aménageur et du service des domaines ne suffit pas à établir, comme le soutiennent Mme C... et les épouxA..., que le coût des acquisitions ait été manifestement sous-évalué dans le dossier et que, par suite, le public n'ait pas été mis à même de connaître le coût total de l'opération tel qu'il pouvait être raisonnablement estimé à la date de l'enquête publique ; que l'origine des fonds nécessaires à la réalisation de l'opération n'est pas au nombre des informations que l'expropriant doit fournir dans le dossier d'enquête ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, si la commune de Sainte-Eulalie a tenté de mettre en oeuvre entre 1989 et 2004 divers types d'intervention pour encourager la réhabilitation des résidences " Les Bleuets " et " Les Acacias ", qui se caractérisaient déjà par un habitat très majoritairement locatif, fortement dégradé, parfois insalubre, concentrant une population en grande difficulté et dont le coût locatif était néanmoins plus élevé que celui du parc social, elle a renoncé dès 2005 à une telle solution, confrontée dans certains cas aux refus des copropriétaires pour des motifs financiers, et s'est orientée vers la création d'une zone d'aménagement concerté en vue de la réalisation d'un projet plus global ; qu'ainsi, contrairement à ce que prétendent Mme C...et les épouxA..., la réhabilitation des résidences dont s'agit ne constituait nullement un parti envisagé pour la rénovation du quartier des Ruaults et n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucun examen dans l'étude d'impact qui n'aborde pas une telle option ; que, par suite, le défaut d'indication, dans la notice jointe au dossier d'enquête, des raisons pour lesquelles la commune de Sainte-Eulalie a retenu le projet en cause n'affecte pas la procédure d'irrégularité ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Le commissaire enquêteur ou la commission examine les observations consignées ou annexées aux registres et entend toutes les personnes qu'il parait utile de consulter ainsi que l'expropriant s'il le demande. / Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération (...) " : que, dans son rapport, le commissaire enquêteur a repris les observations recueillies au cours de l'enquête ; que ces observations, qui expriment soit l'opposition de certains propriétaires à l'expropriation de leur lot, pour conserver une source de revenu, soit un doute, dans des termes polémiques, sur la réalité des objectifs affichés par la commune de Sainte-Eulalie, n'appelaient aucune réponse du commissaire enquêteur ; qu'en tout état de cause, ce dernier a rappelé les conventions conclues entre la commune et les bailleurs sociaux le 25 mars 2009 et l'engagement de ces derniers de mettre à disposition une partie de leurs logements hors du territoire de la collectivité pour reloger les familles installées dans le quartier des Ruaults et qui le souhaiteraient ; qu'il a émis un avis favorable à l'opération en considérant qu'elle désenclavera le quartier des Ruaults et tendra à augmenter substantiellement le nombre de logements sociaux ; que le moyen tiré de la violation de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doit donc être écarté ;

8. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Lorsqu'un projet public de travaux, d'aménagement ou d'ouvrages constitue une des opérations mentionnées à l'article L. 123-1 du code de l'environnement et que sa réalisation rend nécessaire l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, la déclaration de projet prévue à l'article L. 126-1 du code de l'environnement intervient, au vu des résultats de l'enquête prévue à l'article L. 11-1 du présent code... " ; qu'aux termes de l'article L. 126-1 du code de l'environnement : " Lorsqu'un projet public de travaux, d'aménagements ou d'ouvrages a fait l'objet d'une enquête publique en application du chapitre III du présent titre, l'autorité de l'Etat ou l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l'établissement public responsable du projet se prononce, par une déclaration de projet, sur l'intérêt général de l'opération projetée. / La déclaration de projet mentionne l'objet de l'opération tel qu'il figure dans le dossier soumis à l'enquête et comporte les motifs et considérations qui justifient son caractère d'intérêt général. (...) Elle indique, le cas échéant, la nature et les motifs des principales modifications qui, sans en altérer l'économie générale, sont apportées au projet au vu des résultats de l'enquête publique " ; que le conseil municipal de Sainte-Eulalie s'est prononcé sur l'intérêt général de l'aménagement de la " ZAC 180 " par une déclaration de projet approuvée le 19 octobre 2009, qui expose les difficultés, notamment d'ordre sanitaire et social, auxquels est confronté le quartier des Ruaults ainsi que les risques d'aggravation de ces difficultés compte tenu des projets de modification de son environnement immédiat par le renforcement significatif des infrastructures de circulation ferrée et routière dont il est riverain, l'objet de l'opération projetée et les objectifs qui lui ont assignés, les principes d'urbanisme qui la conduisent et les motifs justifiant son utilité au regard des avantages qu'elle présente par rapport aux inconvénients ; que, si cette déclaration ne mentionne pas de modifications au projet initial, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la suite de l'enquête publique, la commune ait apporté un quelconque changement à ce projet ; qu'il suit de là que les moyens tirés de ce que la déclaration de projet ne répondrait pas aux conditions posées par les prescriptions susrappelées de l'article L. 126-1 du code de l'environnement doivent être écartés ;

9. Considérant que, si le 3 de l'article L. 11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit que " l'acte déclarant d'utilité publique est accompagné d'un document qui expose les motifs et considérations justifiant le caractère d'utilité publique de l'opération ", ces dispositions, qui exigent que l'auteur de la décision, une fois cette dernière prise, porte à la connaissance du public une information supplémentaire explicitant les motifs et les considérations qui l'ont fondée, ne sauraient être interprétées comme imposant une motivation en la forme de la déclaration d'utilité publique qui serait une condition de légalité de cette dernière ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 4 décembre 2009 serait dépourvu de motivation ne peut qu'être écarté ; que cet arrêté est accompagné d'un document annexe intitulé " Exposé des motifs et considérations - utilité publique de la réalisation de la ZAC 180 à Sainte-Eulalie " qui rappelle la situation du quartier en question, présente les objectifs de l'opération ainsi que les principes d'urbanisme qui la gouvernent et énonce les motifs justifiant son caractère d'utilité publique, en évoquant tant les inconvénients que les avantages qui en résulteront ; que, contrairement à ce que soutiennent M. C...et les épouxA..., ce document satisfait aux exigences de l'article L. 11-1-1 du code de l'expropriation ;

En ce qui concerne la légalité interne :

10. Considérant qu'il appartient au juge administratif, lorsqu'est contestée devant lui l'utilité publique d'une opération telle que celle projetée, de vérifier successivement que celle-ci répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'est pas en mesure de la réaliser dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social et les atteintes à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les résidences " Les Bleuets " et " Les Acacias ", situées à peu de distance de l'autoroute A 10 et à toute proximité de la voie ferrée Paris - Bordeaux sur laquelle il est prévu une augmentation significative de la circulation, se trouvent dans une situation d'exclusion par rapport à l'agglomération, qui va être accentuée par des difficultés d'accès en raison de la suppression de passages à niveau que l'important accroissement du trafic ferroviaire rend nécessaire ; que ces constructions, édifiées au début des années soixante et qui ne seraient plus conformes aux normes de sécurité selon un diagnostic réalisé en juillet 2004, sont très dégradées, certains logements ayant même fait l'objet d'arrêté d'insalubrité et les parties communes étant détériorées par des actes de vandalisme ; que les logements, pour la très grande majorité donnés en location, à des tarifs en moyenne supérieurs au coût du logement dans le parc locatif social, sont occupés essentiellement par une population défavorisée dont à la fois le rassemblement et l'isolement accroissent la marginalisation et les difficultés sociales ; que, dans ces conditions, et alors même que le coût des acquisitions des lots s'avère plus élevé que prévu dans le projet compte tenu du montant des indemnités allouées par le juge de l'expropriation, l'opération de rénovation urbaine que la commune de Sainte-Eulalie a engagée par la création, notamment, de la zone d'aménagement concerté " ZAC 180 ", qui doit conduire à la construction de logements sociaux, logements dont la commune est quasiment dépourvue, dans un contexte d'habitat diversifié, accompagnée de l'implantation de services publics, répond à un intérêt général ; que les requérants n'établissent pas que la seule réhabilitation des constructions aurait permis, sans expropriation et dans des conditions équivalentes, d'atteindre les objectifs urbains et sociaux assignés à l'opération projetée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le coût de ladite opération soit excessif par rapport à l'intérêt qu'elle présente ; qu'il suit de ce qui précède que les inconvénients résultant, pour les propriétaires, de l'expropriation et, pour les occupants qui souhaitaient conserver leur logement, de l'obligation d'un relogement ne sont pas de nature à ôter à ce projet son caractère d'utilité publique ;

Sur l'arrêté de cessibilité :

En ce qui concerne la légalité externe :

12. Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-28 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Sur le vu du procès-verbal et des documents y annexés, le préfet par arrêté déclare cessibles les propriétés ou parties de propriétés dont la cession est nécessaire. / Ces propriétés sont désignées conformément aux dispositions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et l'identité des propriétaires est précisée conformément aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article 5 de ce décret... " ; qu'aux termes de l'article 7 du décret susdésigné : " Tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un bureau des hypothèques doit indiquer, pour chacun des immeubles qu'il concerne, la nature, la situation, la contenance et la désignation cadastrale (...). / Lorsque, sans réaliser ou constater une division de la propriété du sol entraînant changement de limite, il ne concerne qu'une ou plusieurs fractions d'un immeuble, l'acte ou la décision judiciaire doit comporter à la fois la désignation desdites fractions et celle de l'ensemble de l'immeuble " ;

13. Considérant que l'arrêté du 2 août 2010 par lequel le préfet de la Gironde a déclaré cessibles, au profit de la société In cité, notamment les lots sur lesquels Mme C...tenait des droits, soit en pleine propriété, soit en qualité d'usufruitière ou de nu-propriétaire, au sein des copropriétés " Les Bleuets " et " Les Acacias " comporte, en annexe, des fiches intitulées " Etat parcellaire ", mentionnant l'ensemble des indications exigées par les dispositions précitées de l'article R. 11-28 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955, en particulier le numéro des lots concernés au sein des copropriétés ;

En ce qui concerne la légalité interne :

14. Considérant que Mme C...ne se prévaut pas utilement de la déclaration universelle des droits de l'homme, qui ne figure pas au nombre des textes diplomatiques ayant été ratifiés dans les conditions fixées par l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

15. Considérant que les stipulations de l'article 30 de la charte sociale européenne révisée, par lesquelles les Etats signataires " s'engagent : / a. à prendre des mesures dans le cadre d'une approche globale et coordonnée pour promouvoir l'accès effectif notamment à l'emploi, au logement, à la formation, à l'enseignement, à la culture, à l'assistance sociale et médicale des personnes se trouvant ou risquant de se trouver en situation d'exclusion sociale ou de pauvreté, et de leur famille " requièrent l'intervention d'actes complémentaires pour produire des effets à l'égard des particuliers et ont pour objet exclusif de régir des relations entre Etats ; qu'elles ne peuvent, par suite, être utilement invoquées à l'encontre de l'arrêté attaqué ;

16. Considérant que les moyens tirés de la violation de la loi du 5 mars 2007 et de la loi du 25 mars 2009 susvisées ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

17. Considérant qu'il résulte des points 2 à 11 que le moyen, soulevé par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité de l'arrêté du 4 décembre 2009 par lequel le préfet de la Gironde a déclaré d'utilité publique les travaux et acquisitions nécessaires à la réalisation de la " ZAC 180 " ne peut qu'être rejeté ;

18. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour une cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international... " ; que l'arrêté du 2 août 2010 du préfet de la Gironde, qui est conforme aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique eu égard à l'utilité publique de l'opération qu'il autorise, ainsi qu'il a été dit, n'a pas méconnu ces stipulations compte tenu à la fois des garanties de procédure offertes par ce code et des voies de recours juridictionnel ouvertes aux propriétaires expropriés ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête n° 13BX02081, que Mme C...et M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, de la commune de Sainte-Eulalie ou de la société In Cité, qui ne sont pas parties perdantes dans les présentes instances, les sommes dont Mme C...demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge conjointe de Mme C...et de M. et Mme A...le versement d'une somme de 1 500 euros à, respectivement, la commune de Sainte-Eulalie et la société In cité sur ce fondement, au titre des frais exposés par elles dans l'instance enregistrée sous le n° 13BX02081 ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société In cité présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'instance enregistrée sous le n° 13BX02080 ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes présentées par Mme C...et M. et Mme A...sont rejetées.

Article 2 : Mme C...et M. et Mme A...verseront conjointement une somme de 1 500 euros, d'une part, à la commune de Sainte-Eulalie, d'autre part, à la société d'économie mixte In Cité, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens dans l'instance enregistrée sous le n° 13BX02081.

Article 3 : Les conclusions de la société In Cité tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'instance n° 13BX02080 sont rejetées.

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Nos 13BX02080, 13BX02081


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX02080
Date de la décision : 18/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Expropriation pour cause d'utilité publique - Notions générales - Notion d'utilité publique - Existence - Opérations d'aménagement urbain.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles générales de la procédure normale - Arrêté de cessibilité.

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Opérations d'aménagement urbain - Zones d'aménagement concerté (ZAC) - Création.


Composition du Tribunal
Président : M. LALAUZE
Rapporteur ?: M. Jean-Michel BAYLE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : FERRANT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-11-18;13bx02080 ?
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