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02/03/2015 | FRANCE | N°13BX02199

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 02 mars 2015, 13BX02199


Vu la requête enregistrée par télécopie le 31 juillet 2013, et régularisée par courrier le 5 août suivant, présentée pour M. D...C...demeurant..., par Me A...;

M. C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201200 du 5 juin 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que le centre communal d'action sociale de Saintes (Charente-Maritime) soit condamné à lui verser la somme de 70 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de faits de harc

èlement dont il se dit victime et, d'autre part, à l'annulation de la décision d...

Vu la requête enregistrée par télécopie le 31 juillet 2013, et régularisée par courrier le 5 août suivant, présentée pour M. D...C...demeurant..., par Me A...;

M. C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201200 du 5 juin 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que le centre communal d'action sociale de Saintes (Charente-Maritime) soit condamné à lui verser la somme de 70 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de faits de harcèlement dont il se dit victime et, d'autre part, à l'annulation de la décision du 13 février 2012 par laquelle le président du centre communal d'action sociale a refusé de le faire bénéficier de la protection fonctionnelle ;

2°) de condamner le centre communal d'action sociale (CCAS) de Saintes à lui verser cette somme de 70 000 euros et d'annuler la décision précitée du 13 février 2012 ;

3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Saintes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 février 2015 :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

- les observations de MeB..., se substituant à la Scp Gaston-A... -Dublin-de la Roca, avocat de M. C..., et de Me Lopes, avocat du centre communal d'action sociale de Saintes ;

1. Considérant que M.C..., directeur du centre communal d'action sociale (CCAS) de Saintes (Charente-Maritime) de 1995 au mois de janvier 2011, promu du grade d'attaché territorial principal au grade de directeur territorial à compter du 1er janvier 2009, a, par courrier du 27 décembre 2011, demandé au président de l'établissement le bénéfice de la protection fonctionnelle sur le fondement des dispositions des articles 6 quinquiès et 11 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ; que cette demande a été rejetée le 13 février 2012 ; que M. C...fait appel du jugement du 5 juin 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers, qui a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que le CCAS soit condamné à lui verser la somme de 70 000 euros en réparation de faits de harcèlement moral dont il estime avoir été victime et, d'autre part, à l'annulation de la décision du 13 février 2012 lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) " ;

3. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ;

4. Considérant que pour faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, le requérant fait valoir que, depuis 2008, à la suite d'un changement intervenu au moment des élections municipales, il a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral commis par le président du centre communal d'action sociale qui souhaitait l'évincer du poste de directeur du centre communal d'action sociale et que les relations de travail se sont particulièrement dégradées en 2011, à la reprise de ses fonctions après un congé pour grave maladie ; qu'il soutient ainsi, qu'étant revenu de congé maladie le 3 janvier 2011, il a été démis de ses fonctions de directeur le 10 janvier et nommé alors chargé de mission sur un emploi qu'il dit être sans aucune consistance ;

5. Considérant qu'il résulte cependant de l'instruction que, comme l'ont déjà relevé les premiers juges, M. C...a bénéficié d'un avancement au grade de directeur territorial après inscription sur le tableau d'avancement et été nommé à ce grade en janvier 2009 sur un poste créé au tableau des effectifs ; que la circonstance que son changement de fonctions du poste de directeur du centre communal d'action sociale à celui de chargé de mission soit intervenu le jour de sa reprise après quatre mois d'absence pour grave maladie, ne peut être regardée comme un fait susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement, dès lors qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne prévoit qu'un fonctionnaire a le droit de conserver l'emploi sur lequel il a été nommé et que la réorganisation du service était rendue nécessaire par l'absence de M. C..., eu égard à la pathologie dont il souffrait qui rendait son retour et sa présence aléatoires ; que, d'ailleurs, l'intéressé a été placé en congé maladie du 9 janvier au 30 avril 2011, après avoir repris le 3 janvier et, quelques jours après sa nouvelle reprise au mois de mai, s'est trouvé dans cette même position jusqu'au 13 octobre 2011 et n'a plus repris ses fonctions à compter du 16 novembre 2011 ; que le courrier de remontrance du président du CCAS du 23 août 2010, qui ne comporte aucune remise en cause des capacités professionnelles de l'intéressé, ni ton particulièrement comminatoire, lui a été adressé à la suite de propos qu'il ne conteste pas avoir tenus à l'encontre de la direction des ressources humaines à l'occasion d'un contrôle programmé par l'Urssaf ; qu'un tel courrier ne saurait être regardé comme dépassant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique alors que M. C...se devait d'adopter un comportement compatible avec les exigences des fonctions de direction qu'il occupait, à la date des faits reprochés ; que si le requérant soutient qu'il s'est senti professionnellement dévalorisé en ayant été affecté sur un poste vide de contenu, il s'était cependant vu confier dans le cadre de ses fonctions de chargé de mission, une analyse des besoins sociaux du territoire saintais, laquelle était considérée comme un étude importante sur lequel il avait été, par courrier du 10 janvier 2011, affecté à temps plein et à titre exclusif ; que s'il fait valoir, il n'a jamais reçu d'informations sur des objectifs précis et déterminés à atteindre pour cette étude, il appartenait à l'intéressé, eu égard à son grade de directeur territorial et son expérience pendant plus de seize ans de directeur du centre communal d'action sociale, d'établir des propositions sans attendre nécessairement les directives de l'autorité dont il dépendait, alors surtout que, en dépit de la circonstance qu'il était à nouveau placé en arrêt maladie du 9 janvier 2011 au 30 avril 2011, il n'a sollicité des précisions que le 22 octobre 2011 auprès du président et qu'aucun commencement d'exécution de cette étude n'est intervenu entre ces deux dates ; que les attestations en sa faveur qu'il produit, bien que quasi exclusivement consacrées à détailler, de façon très positive, son action en tant que directeur du CCAS, ne suffisent pas à faire présumer l'existence de faits de harcèlement à son encontre ; que les faits allégués de privation de moyens matériels et d'un ordre donné de ne plus être en contact avec le personnel du centre communal d'action sociale ne sont pas établis ; qu'en particulier, contrairement à ce soutient l'intéressé, son nom et sa nouvelle fonction apparaissent bien sur l'organigramme du CCAS à compter de janvier 2011 ; que le CCAS soutient sans être sérieusement contredit que M. C... avait, depuis plusieurs années déjà, manifesté son souhait de changer de poste et de travailler dans une autre collectivité, et que l'emploi de chargé de mission en cause lui a été attribué afin notamment de lui laisser une grande liberté d'organisation et pour qu'il puisse mettre en oeuvre ses recherches d'emploi ; qu'à cet égard, le CCAS établit avoir accédé à sa demande d'accompagnement de réorientation professionnelle, notamment par la prise en charge à 50 % d'une formation extérieure ; que si M. C...produit plusieurs certificats médicaux circonstanciés, dont le premier est daté de juillet 2011, faisant état de l'installation d'un état dépressif sévère, ces certificats, s'ils établissent un lien entre cette décompensation et les difficultés professionnelles rencontrées par M. C...depuis le début 2011, se bornent en cela à relayer les propos et le ressenti de l'intéressé ; qu'enfin, si le requérant soutient que, dès son retour de chacune de ses périodes de congés, il a été victime de mesures vexatoires et de propos dévalorisants, il n'appuie cette allégation d'aucun élément probant ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les faits invoqués par le requérant ne sauraient être regardés comme constitutifs de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, qui n'ont à cet égard pas inversé la charge de la preuve ; que, par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de protection fonctionnelle :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi précitée du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) " ;

8. Considérant que par un courrier du 27 décembre 2011, M. C...a demandé à bénéficier de la protection fonctionnelle au motif invoqué précédemment qu'il avait été victime d'agissements constitutifs de faits de harcèlement moral par le président du centre communal d'action sociale dès 2008 et que sa situation professionnelle s'était dégradée au début de l'année 2011 dès le retour de son premier arrêt pour grave maladie ; qu'au soutien de sa demande, il indiquait avoir été privé de ses fonctions de direction et des moyens matériels pour assumer les fonctions de chargé de mission qui lui avaient été confiées, et s'être heurté à une volonté de le mettre à l'écart et de porter atteinte à ses compétences professionnelles qui a entraîné une détérioration de ses conditions de travail et de son état de santé ; que si les faits de harcèlement moral peuvent justifier la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les faits invoqués de harcèlement ne sont nullement établis ; que, dès lors, le président du centre communal d'action sociale a pu légalement refuser à l'intéressé le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président du CCAS du 13 février 2012 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre communal d'action sociale de Saintes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C... la somme que le centre communal d'action sociale demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre communal d'action sociale de Saintes présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 13BX02199


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX02199
Date de la décision : 02/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : CABINET GASTON - CARIUS - DUBIN-SAUVETRE - DE LA ROCCA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-03-02;13bx02199 ?
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