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08/06/2015 | FRANCE | N°14BX00952

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 08 juin 2015, 14BX00952


Vu la requête enregistrée le 24 mars 2014, présentée pour la commune de Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne), représentée par son maire en exercice, domicilié..., par Me Labry, avocat ;

La commune de Bagnères-de-Luchon demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100816 du 20 février 2014 du tribunal administratif de Toulouse qui a, sur la demande de Mme B...A..., annulé la décision du 18 août 2010 du maire de la commune de Bagnères-de-Luchon rejetant son recours gracieux contre son changement d'affectation et condamné la commune à lui verser la somme de 8 8

29 euros en réparation de ses préjudices ;

2°) de rejeter la demande de Mme A...

Vu la requête enregistrée le 24 mars 2014, présentée pour la commune de Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne), représentée par son maire en exercice, domicilié..., par Me Labry, avocat ;

La commune de Bagnères-de-Luchon demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100816 du 20 février 2014 du tribunal administratif de Toulouse qui a, sur la demande de Mme B...A..., annulé la décision du 18 août 2010 du maire de la commune de Bagnères-de-Luchon rejetant son recours gracieux contre son changement d'affectation et condamné la commune à lui verser la somme de 8 829 euros en réparation de ses préjudices ;

2°) de rejeter la demande de Mme A...présentée devant le tribunal administratif de Toulouse ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2015 :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

- les observations de Me Labry, avocat de la commune de Bagnères-de-Luchon et de Me Rettig, avocat de MmeA... ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 21 mai 2015, présentée pour MmeA... ;

1. Considérant que Mme B...A...était employée à la régie municipale des thermes de Bagnères-de-Luchon depuis 1979 en qualité d'agent contractuel lorsqu'elle a été titularisée le 1er juin 1999 au grade d'adjoint administratif de 2è classe ; qu'elle exerçait les fonctions de surveillante générale des thermes depuis le 31 mai 1996 ; que, le 9 avril 2010, Mme A... a été oralement informée de ce qu'elle était suspendue de ses fonctions à titre conservatoire ; que, par une note de service du 21 juillet 2010, le directeur général des services de la commune de Bagnères-de-Luchon a informé les élus et les chefs de service de ce que Mme A... était nommée au service des ressources humaines de la mairie à compter du 13 juillet 2010 ; que Mme A...ayant contesté cette nouvelle affectation, le maire a refusé de la réintégrer dans ses précédentes fonctions par une décision du 18 août 2010 ; que la commune de Bagnères-de-Luchon fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 février 2014 qui a, à la demande de MmeA..., annulé cette dernière décision et condamné la commune à lui verser la somme de 8 829 euros en réparation de ses préjudices ; que, par la voie de l'appel incident, Mme A...demande la réformation du jugement en ce qu'il ne lui a alloué qu'une indemnité de 8 829 euros et que l'indemnité qui lui est due soit portée à 24 670 euros ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 732-1 du code de justice administrative : " Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l'article R. 222-13, le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose. (...) " ; que, d'une part, le fait que le rapporteur public aurait indiqué dans ses conclusions que la commune ne contestait pas les affirmations de la requérante ne saurait traduire à lui seul un manque d'impartialité de sa part ; que, d'autre part, la note en délibéré produite par la commune a été visée par le jugement attaqué et il ne résulte pas de l'instruction que ce jugement aurait été rédigé avant la présentation de cette note ou que les premiers juges n'en auraient pas tenu compte ; que, par suite, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué ne peuvent qu'être écartés ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Bagnères-de-Luchon :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ;

4. Considérant que, comme l'ont déjà relevé les premiers juges, ni la décision affectant Mme A...au service des ressources humaines de la commune de Bagnères-de-Luchon, ni la décision du 18 août 2010, par laquelle le maire de Bagnères-de-Luchon a rejeté le recours gracieux formé par l'intéressée tendant non seulement au versement d'une indemnité mais également à sa réintégration dans ses fonctions antérieures et au retrait de la décision implicite de la mutation disciplinaire dont elle estimait avoir fait l'objet, ne comportaient l'indication des voies et délais de recours contentieux ; qu'ainsi, en vertu des dispositions précitées, Mme A... n'était pas forclose à demander l'annulation de cette décision dans sa demande enregistrée, le 22 février 2011, au greffe du tribunal administratif ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si la commune fait valoir que la décision de suspension n'a pas d'existence, cette circonstance, à la supposer avérée, est sans incidence sur la recevabilité de la demande en excès de pouvoir faite par MmeA..., qui tendait à l'annulation de la décision du 18 août 2010, en tant qu'elle confirmait la décision de changement d'affectation prise à son encontre ;

6. Considérant, en dernier lieu, que les nouvelles fonctions de secrétaire administrative au service des ressources humaines de la mairie dans lesquelles Mme A...a été affectée à compter du 13 juillet 2010 comportaient une importante diminution des attributions et des responsabilités qui lui étaient confiées depuis quatorze ans en tant que surveillante générale des thermes ; que par suite, alors même que les nouvelles attributions de Mme A...étaient au nombre de celles qui pouvaient être confiées aux agents de son cadre d'emploi, ce changement d'affectation, qui l'a notamment privée de toute fonction d'encadrement, a modifié de façon significative ses responsabilités, sa situation administrative et le montant des indemnités afférentes à ses responsabilités ; que ce changement d'affectation présentait donc non le caractère d'une mesure d'ordre intérieur mais celui d'une mutation comportant une modification de la situation de l'intéressée susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

7. Considérant que les fins de non-recevoir opposées par la commune de Bagnères-de-Luchon doivent dès lors être écartées ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires. (...) " ;

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, l'affectation de Mme A...au secrétariat de la direction des ressources humaines de la mairie a constitué une modification de sa situation au sens des dispositions précitées de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 ; que cette mutation devait alors être soumise à l'avis de la commission administrative paritaire ; qu'il est constant que cette commission n'a pas été saisie de la décision en cause ;

10. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que l'absence de saisine de la commission administrative paritaire a privé Mme A...d'une garantie substantielle et a entaché d'irrégularité la décision de changement d'affectation en litige ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le changement d'affectation de Mme A...est intervenu aux termes d'une procédure irrégulière ; que par suite, la commune de Bagnères-de-Luchon n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé la décision du 18 décembre 2010 par laquelle le maire a rejeté le recours gracieux présenté par l'intéressée contre son changement d'affectation ;

Sur les conclusions indemnitaires :

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision du 18 décembre 2010 est entachée d'illégalité ; que cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Bagnères-de-Luchon ; que Mme A...est fondée à demander réparation des préjudices qui ont un lien direct et certain avec la faute ainsi commise ;

13. Considérant, en premier lieu, que, par un courrier du 12 septembre 2008, le maire de Bagnères-de-Luchon a informé Mme A...de ce que, " à partir de maintenant et de façon rétroactive, vous recevrez un volant d'heures supplémentaires qui assurera le complément de salaire pour atteindre le montant que vous perceviez jusqu'à maintenant " ; qu'ainsi, aux termes mêmes de ce courrier, la rémunération que percevait Mme A...pour seize heures supplémentaires mensuelles en tant que surveillante générale des thermes présentait un caractère forfaitaire ; qu'il ressort également du bulletin de paye du mois de juillet 2010 et n'est pas contesté par la commune de Bagnères-de-Luchon que Mme A...ne bénéficiait plus d'aucune heure supplémentaire forfaitisée dans sa nouvelle affectation ; qu'ainsi, son changement illégal d'affectation lui a directement causé une perte de rémunération de 194,30 euros par mois ; qu'en appel, Mme A...demande à être indemnisée de la perte de ses heures supplémentaires forfaitaires non plus sur 30 mais sur 39 mois, soit jusqu'à la date à laquelle elle dit avoir pris sa retraite, en novembre 2013 ; que cette date n'étant pas davantage contestée par la commune, et quand bien même l'intéressée a été placée en congé de maladie à compter du 9 septembre 2010, il sera fait une juste appréciation de son préjudice financier en condamnant la commune de Bagnères-de-Luchon à lui verser l'indemnité de 7 577,70 euros qu'elle réclame ;

14. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A...demande pour la première fois en appel que lui soit allouée une somme de 3 591,54 euros compensant la réduction de l'indemnité d'administration et de technicité (IAT) qui lui était versée lorsqu'elle occupait la fonction de surveillante générale des thermes ; qu'il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 26 août 2008, le maire lui avait attribué une IAT variable d'un montant de 55,27 euros par mois ainsi qu'une IAT forfaitaire d'un montant de 112,49 euros par mois, revalorisées respectivement à 56,16 et 114,30 euros sur le dernier bulletin de paye de Mme A...en tant que surveillante générale des thermes relatif au mois de juillet 2010, soit un montant total de 170, 46 euros ; qu'ainsi, une partie de cette indemnité avait, elle aussi, un caractère forfaitaire ; qu'il ressort du bulletin de paye de Mme A...du mois de novembre 2011 qu'elle ne percevait plus qu'une IAT variable d'un montant de 37,44 euros ; que Mme A...soutenant sans être contredite qu'elle a cessé de percevoir le montant plein de ces indemnités en juillet 2011, elle est ainsi fondée à demander que lui soit allouée, sur une période de 27 mois, soit jusqu'en novembre 2013, une somme de 133,02 euros, correspondant à la différence entre le montant qui aurait dû lui être attribué et le montant de l'IAT variable effectivement perçue par l'intéressée ; que, dès lors, il y a lieu d'accorder à Mme A...la somme de 3 591,54 euros à ce titre ;

15. Considérant, en dernier lieu, que, Mme A...demande, par la voie de l'appel incident, une revalorisation du " préjudice médical " et du préjudice moral, au titre desquels les premiers juges lui ont alloué 3 000 euros ; que, si la commune soutient qu'il ne résulte pas des éléments produits qu'elle souffrirait d'une dépression réactionnelle à sa mutation professionnelle, il résulte au contraire des certificats médicaux figurant au dossier, et notamment du certificat du docteur Peresson en date du 4 avril 2011, qui a examiné Mme A...à la demande du comité médical de la Haute-Garonne, qu'elle " s'est sentie dévalorisée et humiliée " par la suspension soudaine de ses fonctions, restée sans explication malgré ses courriers, et le changement d'affectation qui a suivi trois mois plus tard, si bien que son état a nécessité un soutien psychiatrique ; que les arrêts de travail postérieurs à cet examen font état d'une " dépression sévère " ; que, dès lors, Mme A...a incontestablement subi un préjudice moral, alors en outre qu'elle fait également valoir, sans être contredite, que la décharge de ses fonctions de surveillante générale, dont tous les habitants de la commune ont eu connaissance, a porté atteinte à sa réputation professionnelle ; que compte tenu d'une part, de l'illégalité du changement d'affectation de Mme A...et, d'autre part, des agissements particulièrement irrespectueux de la commune de Bagnères-de-Luchon à son égard, qui a refusé de répondre aux courriers de demande d'explication qu'elle lui a adressés entre le moment où elle a été verbalement déchargée de ses fonctions et sa nouvelle affectation, les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante du préjudice subi par l'intéressée en condamnant la commune à lui verser une indemnité de 3 000 euros, laquelle doit être regardée comme incluant la réparation du préjudice moral ainsi que du " préjudice médical " que Mme A...invoque mais dont elle ne détaille pas la consistance ; qu'à supposer que l'intimée ait entendu, sous cet intitulé, demander la prise en charge des frais médicaux qu'elle aurait engagés, elle ne justifie ni de la réalité ni du montant de ceux-ci ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Bagnères-de-Luchon n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et que l'indemnisation accordée par les premiers juges à Mme A...soit réduite ; qu'en revanche, cette dernière est seulement fondée à demander, par la voie de l'appel incident, que l'indemnité qui lui a été allouée soit portée à 14 169,24 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeA..., qui n'est pas la parie perdante dans la présent instance, la somme que demande la commune de Bagnères-de-Luchon sur ce fondement ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune une somme de 1 500 euros que demande Mme A...sur ce même fondement ;

DECIDE

Article 1er : La somme de 8 829 euros que la commune de Bagnères-de-Luchon a été condamnée à verser à Mme A...est portée à 14 169,24 euros.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1100816 du 20 février 2014 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : La commune de Bagnères-de-Luchon versera à Mme A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La requête de la commune de Bagnères-de-Luchon et le surplus des conclusions d'appel incident de Mme A...sont rejetés.

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No 14BX00952


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00952
Date de la décision : 08/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-01-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Affectation et mutation. Mutation.


Composition du Tribunal
Président : M. JOECKLÉ
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : CABINET LABRY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-06-08;14bx00952 ?
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