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23/06/2015 | FRANCE | N°13BX01426

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 23 juin 2015, 13BX01426


Vu la requête, enregistrée le 27 mai 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 28 mai 2013, présentée pour la commune de Toulouse, représentée par son maire, par la société d'avocats Thevenot et associés ;

La commune de Toulouse demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903104 du 26 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser une somme de 77 000 euros à la société Pro-fleurs décoration en réparation de son préjudice résultant de l'exécution des travaux de voirie sur la route de Launaguet, e

t a mis à sa charge les frais d'expertise d'un montant de 4 694,30 euros ;

2°) de r...

Vu la requête, enregistrée le 27 mai 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 28 mai 2013, présentée pour la commune de Toulouse, représentée par son maire, par la société d'avocats Thevenot et associés ;

La commune de Toulouse demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903104 du 26 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser une somme de 77 000 euros à la société Pro-fleurs décoration en réparation de son préjudice résultant de l'exécution des travaux de voirie sur la route de Launaguet, et a mis à sa charge les frais d'expertise d'un montant de 4 694,30 euros ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Pro-fleurs décoration devant le tribunal administratif de Toulouse ;

3°) de mettre à la charge de la société Pro-fleurs décoration une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 2015 :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Pro-fleurs décoration, qui avait acquis en septembre 2000 un fonds de commerce situé 299 route de Launaguet à Toulouse, exerçait une activité de vente de fleurs artificielles et d'articles funéraires en gros et au détail, en magasin et par livraison ; que la commune de Toulouse relève appel du jugement du 26 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser une somme de 77 000 euros à ladite société en réparation de son préjudice commercial résultant de l'exécution des travaux de voirie sur la route de Launaguet de septembre 2004 à septembre 2006, et a mis à sa charge les frais d'expertise d'un montant de 4 694,30 euros ; que, par la voie de l'appel incident, Me B...A..., mandataire liquidateur judiciaire de la société Pro-fleurs décoration, demande à la cour de porter la somme allouée par le tribunal en réparation des préjudices subis par la société au montant total de 115 728 euros, majorée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter du 16 juin 2009, et de porter au montant total de 4 972, 30 euros les dépens mis à la charge de la commune de Toulouse ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les travaux de réfection de la route de Launaguet exécutés entre janvier 2005 et septembre 2006 pour le compte de la commune de Toulouse, maître d'ouvrage, ont constitué une opération de travaux publics à l'égard de laquelle la société Pro-fleurs décoration avait la qualité de tiers ; qu'il résulte des clichés photographiques et du constat d'huissier versés au dossier que les travaux dont s'agit, dont la réalisation a nécessité l'exécution de travaux préparatoires portant sur les réseaux de distribution de l'eau potable, de l'électricité, du gaz et des télécommunications, ont occasionné, dès septembre 2004 et pendant deux ans, un ensemble de gênes et nuisances pour le magasin exploité par la société, consistant notamment en de sérieuses difficultés d'accès pour les véhicules, en l'impossibilité de stationner aux abords du magasin et en une moindre visibilité pour la clientèle ; qu'il résulte de la comparaison des chiffres d'affaires réalisés par cette société avant, pendant et après les travaux, que ces gênes et nuisances, excédant ceux que les riverains des voies publiques sont normalement tenus de supporter, ont entraîné une baisse sensible de son activité, particulièrement des ventes en magasin ; que les premiers juges ont ainsi estimé à juste titre que le préjudice subi, qui est spécial à la société Pro-fleurs décoration, présentait un caractère anormal ;

Sur la réparation :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Pro-fleurs décoration a subi un préjudice commercial du fait de l'exécution, de septembre 2004 à septembre 2006, des travaux litigieux ; que sa perte de bénéfices doit être calculée en référence aux résultats de la période antérieure aux travaux, ramenée à la durée de 24 mois pendant laquelle les difficultés d'accès au commerce sont directement liées à l'opération de réfection de la route de Launaguet ; que, pour évaluer ce préjudice à 85 728 euros, l'expert désigné par le tribunal administratif de Toulouse a retenu une période de référence allant de septembre 2001 à août 2004 et fait application du taux de marge moyen constaté sur cette période ; qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause la méthode d'évaluation suivie par l'expert ; qu'ainsi, Me B...A..., mandataire liquidateur judiciaire de la société Pro-fleurs décoration, est fondée à demander que la somme de 77 000 euros allouée par le tribunal en répation du manque à gagner subi par la société soit portée au montant de 85 728 euros ;

4. Considérant, en revanche, qu'ainsi que l'a relevé le tribunal, la société Pro-fleurs décoration, personne morale, ne saurait demander la réparation des troubles subis par son gérant dans ses conditions d'existence ; que la circonstance, à la supposer établie, que son activité aurait été perturbée, après la fin des travaux, du fait de la modification des conditions de desserte et de stationnement, n'est pas la conséquence directe de l'exécution des travaux publics litigieux ; qu'enfin, elle n'établit pas plus en appel que devant le tribunal la réalité d'un préjudice tenant à l'atteinte à son image et à sa réputation ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice total de la société Pro-fleurs décoration s'établit à la somme de 85 728 euros ; qu'il y a donc lieu de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a limité à 77 000 euros le montant de l'indemnité que la commune de Toulouse a été condamnée à lui verser ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

6. Considérant qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Toulouse, la société Pro-fleurs décoration a droit aux intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2009, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière " ; que, pour l'application des dispositions précitées, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière, sans qu'il soit toutefois besoin d'une nouvelle demande à l'expiration de ce délai ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que la société Pro-fleurs décoration a demandé la capitalisation des intérêts le 16 décembre 2010, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les dépens :

8. Considérant qu'en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de maintenir à la charge de la commune de Toulouse les frais de l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif de Toulouse, qui se sont élevés à 4 694, 30 euros ;

9. Considérant que Me B...A..., mandataire liquidateur judiciaire de la société Pro-fleurs décoration, sollicite le remboursement des frais de constat d'huissier auquel la société a fait procéder de sa propre initiative en vue d'établir la réalité des nuisances subies ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, ces frais ne relèvent toutefois pas de l'article R. 761-1 du code de justice administrative relatif aux dépens ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Pro-fleurs décoration, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme demandée par la commune de Toulouse au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ladite commune une somme de 1 800 euros en application de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que la commune de Toulouse a été condamnée à verser à la société Pro-fleurs décoration est portée au montant de 85 728 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2009. Les intérêts seront capitalisés à compter du 16 décembre 2010 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 26 mars 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Toulouse versera à la société Pro-fleurs décoration la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La requête de la commune de Toulouse et le surplus des conclusions de la société Pro-fleurs décoration sont rejetés.

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N° 13BX01426


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX01426
Date de la décision : 23/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS THEVENOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-06-23;13bx01426 ?
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