La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/10/2015 | FRANCE | N°14BX00795

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 27 octobre 2015, 14BX00795


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société de distribution Caraïbe Sodicar a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner l'Etat à lui verser respectivement une indemnité de 310 594 euros en réparation des préjudices subis du fait des barrages établis du 6 février au 14 mars 2009 par des manifestants.

Par un jugement n° 1201131 du 13 février 2014, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté cette demande et a mis les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés pour moitié à la charge

de l'Etat et pour moitié à la charge de la société de distribution Caraïbe Sodicar.

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société de distribution Caraïbe Sodicar a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner l'Etat à lui verser respectivement une indemnité de 310 594 euros en réparation des préjudices subis du fait des barrages établis du 6 février au 14 mars 2009 par des manifestants.

Par un jugement n° 1201131 du 13 février 2014, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté cette demande et a mis les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés pour moitié à la charge de l'Etat et pour moitié à la charge de la société de distribution Caraïbe Sodicar.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 mars 2014 et 28 juillet 2014, la société de distribution Caraïbe Sodicar, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 310 594 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2012 et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, d'une part, les dépens et frais d'expertise, d'autre part, une somme de 15 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code des assurances ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 29 septembre 2015 :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

1. La société de distribution Caraïbe Sodicar, qui exerce en Martinique une activité d'importation et de distribution de produits alimentaires, d'entretien, de beauté et photographiques dans la zone industrielle Les Mangles-Acajou au Lamentin, fait appel du jugement du 13 février 2014 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du blocage de l'accès à son établissement par les barrages installés par des manifestants du 6 février 2009 au 14 mars 2009.

Sur la responsabilité pour faute de l'Etat :

2. L'obligation incombant au préfet de faire lever les obstacles qui s'opposent à l'utilisation normale du domaine public trouve sa limite dans les nécessités de l'ordre public. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à l'ampleur des troubles à l'ordre public que ce type d'intervention pouvait entraîner dans un contexte exceptionnel de graves conflits sociaux généralisés dans les deux départements des Antilles françaises, le préfet de la Martinique n'a, en s'abstenant d'utiliser la force publique pour rompre les barrages établis en février et mars 2009 par les manifestants dans le cadre d'un mouvement de grève générale contre la vie chère, pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

Sur la responsabilité sans faute de l'Etat sur le fondement de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L.2216-3 du code général des collectivités territoriales alors applicable, désormais repris à l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ".

4. Il est établi, notamment par les nombreux constats d'huissiers dressés à compter du 10 février 2009 décrivant les barrages installés à l'entrée de la zone industrielle Les Mangles-Acajou où se trouve l'établissement de la société requérante, que ces agissements sont constitutifs des délits d'entrave à la circulation et à la liberté du travail commis à force ouverte par un rassemblement précisément identifié composé de manifestants qui avaient lancé un mouvement de grève générale contre la vie chère. Toutefois, à supposer que la totalité du préjudice commercial subi par la société requérante résulte de manière directe et certaine des agissements en cause, ceux-ci ne peuvent, dans les circonstances de l'espèce, être regardés, eu égard à leur caractère prémédité et organisé révélé par la concertation et les mesures de surveillance qu'impliquait le maintien des barrages pendant une telle durée, comme ayant été le fait d'un attroupement ou d'un rassemblement au sens de l'article L.2216-3 du code général des collectivités territoriales.

Sur la responsabilité sans faute de l'Etat sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques :

5. Les dommages résultant de l'abstention de l'autorité administrative compétente de prendre les mesures nécessaires pour rétablir l'ordre ne peuvent, lorsque cette abstention n'est pas fautive, engager la responsabilité de cette autorité que si cette abstention a été directement à l'origine d'un dommage anormal et spécial. Si la société requérante fait valoir qu'elle a subi du fait de l'interruption de son activité du 6 février au 14 mars 2009 une perte d'exploitation évaluée à 310 594 euros par l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique, elle n'établit pas, eu égard au caractère général du blocage qui, contrairement à ce qu'elle soutient, a nécessairement affecté la quasi-totalité des entreprises implantées en Martinique, avoir subi un préjudice spécial susceptible d'être indemnisé sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société de distribution Caraïbe Sodicar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Sur les dépens et les frais de procès non compris dans les dépens :

7. Dans les circonstances particulières de l'espèce, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte application des dispositions de l'article R.761-1 du code de justice administrative en répartissant de façon égale entre l'Etat et la société requérante les frais de l'expertise ordonnée le 7 janvier 2010 par le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique. Les conclusions de la société de distribution Caraïbe Sodicar tendant à ce que la totalité de ces frais soit mise à la charge de l'Etat doivent donc être rejetées.

8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné au versement de quelque somme que ce soit. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances, de faire droit aux conclusions présentées par le préfet de la Martinique sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société de distribution Caraïbe Sodicar est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du préfet de la Martinique tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

''

''

''

''

2

N° 14BX00795


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00795
Date de la décision : 27/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET TRILLAT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-10-27;14bx00795 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award