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23/11/2015 | FRANCE | N°12BX01180

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 23 novembre 2015, 12BX01180


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Comptage Immobilier Services (CIS) a demandé au tribunal administratif de Toulouse de constater la nullité du contrat qu'elle a conclu le 22 février 1999 avec l'office public de l'habitat (OPH) de la Haute-Garonne pour " la location, la maintenance et les relevés de compteur de gaz avec facturation - et l'encaissement des charges de gaz sans prise en charge des impayés " de quatre ensembles immobiliers pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction moyennant une rémunération forfai

taire par compteur, de condamner l'OPH de la Haute-Garonne à lui verser ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Comptage Immobilier Services (CIS) a demandé au tribunal administratif de Toulouse de constater la nullité du contrat qu'elle a conclu le 22 février 1999 avec l'office public de l'habitat (OPH) de la Haute-Garonne pour " la location, la maintenance et les relevés de compteur de gaz avec facturation - et l'encaissement des charges de gaz sans prise en charge des impayés " de quatre ensembles immobiliers pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction moyennant une rémunération forfaitaire par compteur, de condamner l'OPH de la Haute-Garonne à lui verser la somme de 125 798, 98 euros d'impayés jusqu'au 31 mars 2006 et de 15 625,52 euros d'approvisionnements en combustible postérieurs au 31 mars 2006, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2006 et la capitalisation des intérêts, de condamner l'OPH de la Haute-Garonne à lui verser la somme de 10 000 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2006 et la capitalisation des intérêts en réparation de préjudices, de mettre à la charge de l'OPH de la Haute-Garonne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 0701178 du 9 mars 2012, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande présentée par la société CIS et mis à sa charge la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée par télécopie le 9 mai 2012 complétée par des mémoires enregistrés les 25 octobre 2012, 2 mai 2014 et 27 novembre 2014, la société ISTA- Comptage Immobilier Services, qui vient aux droits de la société CIS, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 9 mars 2012, du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de constater la nullité du contrat qu'elle a conclu avec l'OPH de la Haute-Garonne ;

3°) de condamner l'OPH de la Haute-Garonne à lui verser la somme de 125 798,98 euros d'impayés jusqu'au 31 mars 2006 et de 15 625,52 euros d'approvisionnements en combustible postérieurs au 31 mars 2006, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2006 et la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'OPH de la Haute-Garonne la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé,

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Ista - Comptage immobilier services et de Me Ortholan, avocat de l'OPH de la Haute-Garonne ;

Considérant ce qui suit :

1. L'office public départemental HLM de la Haute-Garonne, devenu office public de l'habitat (OPH) de la Haute-Garonne, a conclu le 22 février 1999 avec la société comptage immobilier services (CIS) un contrat de " location, maintenance et relevés de compteur de gaz avec facturation - encaissement des charges de gaz sans prise en charge des impayés " d'une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction moyennant une rémunération forfaitaire par compteur. L'office public ayant informé son co-contractant le 3 novembre 2005 qu'il " résiliait " son contrat, le dernier renouvellement est venu à échéance le 22 février 2006. La société CIS a demandé devant le tribunal administratif de Toulouse le paiement par l'office public de l'habitat des impayés avancés par la société durant les sept années de relations contractuelles et des dépenses d'approvisionnements en combustibles postérieures au 31 mars 2006. La société Ista-Comptage Immobilier Service fait appel du jugement du 9 mars 2012 du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant notamment à la constatation de la nullité du contrat qu'elle a conclu avec l'OPH de la Haute-Garonne, à la condamnation de l'office à lui verser la somme de 125 798,98 euros d'impayés jusqu'au 31 mars 2006 et de 15 625,52 euros d'approvisionnements en combustible postérieurs au 31 mars 2006, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2006 et la capitalisation des intérêts.

Sur le paiement par l'OPH de la Haute-Garonne des impayés :

2. La société requérante recherche, à titre principal, la responsabilité de l'OPH de la Haute-Garonne sur le fondement de l'enrichissement sans cause et demande, à cette fin, à la cour de déclarer nul le contrat initial, ainsi que les contrats subséquents.

3. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va autrement lorsque, eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat.

4. D'une part, aux termes de l'article 321 du code des marchés en vigueur au moment de la passation du premier contrat : " Il peut être traité en dehors des conditions fixées par le présent titre : 1° pour les travaux, les fournitures ou les services dont le montant annuel présumé, toutes taxes comprises, n'excède pas la somme de 300 000 francs (...). " L'article 9 du contrat du 22 février 1999 fixe le prix forfaitaire du marché de service en litige à 389,84 francs TTC par logement et par an, soit, pour 71 logements, un total de 27 278,63 francs TTC. Par un avenant conclu le 12 juillet 2001, le prix forfaitaire a été réévalué à 409,41 francs TTC par logement, soit un montant total de 29 068,11 francs TTC. Le contrat conclu le 22 février 1999 et ceux ayant pris tacitement effets au 22 février 2000, 22 février 2001, 22 février 2002 et 22 février 2003 par application de la clause de tacite reconduction n'avaient donc pas à être précédés d'une procédure de publicité et de mise en concurrence en vertu du code des marchés publics alors en vigueur. Cependant, même en dehors de tout texte applicable, les marchés publics demeurent soumis aux principes généraux de la commande publique tels qu'ils ont notamment été exprimés aux deuxième et troisième alinéas du I de l'article 1er du code des marchés publics issu du décret nº 2001-210 du 7 mars 2001 portant code des marchés publics selon lesquels)" (... les marchés publics respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. (...) ". Lesdits contrats devaient donc respecter ces principes.

5. Aux termes de l'article 40 du code des marchés publics en vigueur au moment de la conclusion du contrat du 22 février 2004 : " I. - En dehors des cas prévus au troisième alinéa du I de l'article 28, à l'article 30 et aux II et III de l'article 35, tout marché doit être précédé d'une publicité suffisante permettant une mise en concurrence effective, dans les conditions définies ci-après. / II. - Pour les marchés d'un montant compris entre 4 000 euros HT et 90 000 euros HT, la personne publique choisit librement les modalités de publicité adaptées au montant et à la nature des travaux, des fournitures ou des services en cause. (...) " Les contrats entrés tacitement en vigueur le 22 février 2004 et le 22 février 2005 devaient donc être précédés d'une procédure de publicité et de mise en concurrence.

6. Il est constant que le contrat conclu le 22 février 1999 n'a pas été précédé d'une procédure de publicité et de mise en concurrence et que les renouvellements successifs du contrat du 22 février 1999 ont tous été conclus en vertu de l'article 10.2 du marché de l'année précédente par tacite reconduction et n'ont donc pas été précédés d'une procédure de publicité et de mise en concurrence. En conséquence, le contrat du 22 février 1999 et ses renouvellements successifs doivent être regardés comme ayant été conclus au terme d'une procédure irrégulière.

7. Si les conditions de passation du marché public et de son renouvellement auraient dû respecter une procédure de publicité et de mise en concurrence adaptée, en vertu des principes généraux de la commande publique, ce seul vice, qui ne concerne pas le contenu des contrats et n'a pas entaché les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement dès lors que la société requérante est à l'origine des contrats en cause et que l'OPH n'en a pas contesté l'exécution, ne saurait être regardé, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, comme d'une gravité telle qu'il s'opposerait à ce que le litige né de leur exécution soit réglé sur le terrain contractuel. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le présent litige ne peut pas être réglé sur un tel terrain.

8. La société requérante demande, à titre subsidiaire, le paiement par l'OPH des impayés de factures de gaz restés à sa charge depuis 2001, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'office public. Si le contrat initial et les contrats subséquents ont, en effet, tous prévu que la société requérante ne supporterait pas les impayés, ils ont pour autant également prévu la mise en oeuvre d'une procédure prévue à l'article 7 pour la prise en charge par l'office de tels impayés et la possibilité pour ce dernier de se retourner, en temps utiles, contre ses locataires. Ainsi, aux termes de l'article 7 des conventions conclues par l'office public et la société CIS, " 7.1 - Si l'usager n'a pas réglé sa facture quinze jours après sa réception, CIS enverra un courrier par lettre recommandée avec accusé de réception exigeant le paiement à réception. (...) / 7.2 - CIS adressera au client [l'office public], quinze jours après l'envoi des relances, la liste des occupants en situation d'impayé, et les montants correspondants. Le client s'acquittera de ces sommes auprès de CIS, et engagera les poursuites qu'il jugera nécessaires auprès des occupants. "

9. Cependant, il est constant que la société CIS n'a jamais avisé l'OPH de la liste des occupants en situation d'impayé et des montants correspondants, en méconnaissance de l'article 7.2 précité privant ainsi l'office public de la possibilité de mettre un terme rapidement aux situations d'impayés. Contrairement à ce qu'elle soutient, le non-respect d'une telle obligation ne pouvait qu'être sanctionné par le défaut de prise en charge des impayés par l'office public, lequel s'est retrouvé dans l'impossibilité d'intervenir, en temps utile, auprès des occupants concernés. Les premiers juges ont ainsi pu retenir, sans dénaturer la commune intention des parties, que faute de s'être acquittée de cette obligation, la société requérante n'était pas fondée à demander, en application de ce même article, à ce que l'office s'acquitte du versement des sommes correspondant aux impayés constatés depuis 2001.

Sur le paiement par l'OPH de la Haute-Garonne des dépenses d'approvisionnements en combustible postérieures au 31 mars 2006 :

10. Aux termes de l'article 10.2 du contrat conclu le 22 février 1999 par l'Office public départemental HLM de la Haute-Garonne et la société CIS : " Ce contrat est souscrit pour une durée d'un an. Il est renouvelable ensuite par tacite reconduction d'année en année sauf dénonciation de l'une des parties par lettres recommandées avec accusé de réception contenant préavis de trois mois. Dans le cas où la résiliation interviendrait du fait du client [l'office public] dans une période de moins de dix ans suivant la prise d'effet du présent contrat, celui-ci s'engage à racheter les compteurs fournis par le prestataire [la société requérante] à leur valeur résiduelle à la date de la résiliation. " L'OPH ayant informé, le 3 novembre 2005, par lettre avec accusé de réception, la société requérante qu'il " résiliait " son contrat, le dernier renouvellement est venu à échéance le 22 février 2006.

11. Dès lors qu'aux termes de l'article 10.2, la fin du contrat devait s'accompagner du rachat des compteurs par l'Office public départemental HLM de la Haute-Garonne, la société CIS a continué d'assurer leur gestion auprès des occupants dans l'attente de ce rachat postérieurement à la fin du contrat. La société CIS demande, en conséquence, la prise en charge par l'office public des dépenses d'approvisionnements en combustible postérieures au 31 mars 2006, date à compter de laquelle la société n'a pas été payée pour les prestations accomplies.

12. Cependant, l'OPH de la Haute-Garonne a souhaité, pour procéder au rachat des compteurs en litige, que la société CIS effectue préalablement leur relevé et qu'elle lui propose un prix de rachat. L'office public a ainsi proposé à la société requérante un rendez-vous à cette fin le 9 mars 2006 que cette dernière a refusé par lettre du 14 mars 2006 au motif que l'office devait préalablement lui régler les impayés. L'office public a mis en demeure le 29 mai 2006 la société CIS de respecter les effets de la résiliation, de ne plus effectuer de prestations auprès des locataires et de permettre à son successeur d'accéder aux compteurs. La société CIS a en retour mis en demeure l'OPH le 8 juin 2006 de procéder au relevé des compteurs et de les racheter. La société requérante a informé l'OPH, le 7 juillet 2006, du prix de rachat des compteurs, prix qui a été acquitté par un mandat de paiement du 21 juillet 2006, les relevés contradictoires des compteurs ayant été effectués le 3 août 2006.

13. D'une part, le retard constaté dans le rachat des compteurs par l'OPH de la Haute-Garonne trouve son origine dans la seule résistance fautive de la société CIS, propriétaire des compteurs, à répondre aux sollicitations de l'office public pour en permettre la réalisation. L'office public n'a donc commis aucune faute sur ce point, de nature à engager sa responsabilité contractuelle.

14. D'autre part, la société requérante, qui n'est pas fondée à invoquer la responsabilité contractuelle de l'OPH postérieurement à la fin du contrat, peut néanmoins invoquer la responsabilité de la personne publique sur le fondement de l'enrichissement sans cause. La société CIS a ainsi droit à être remboursée des dépenses qui ont été utiles à l'office public. Cependant, il résulte de l'instruction que l'office public n'a pas demandé à la société CIS de poursuivre ses prestations au-delà de la résiliation du contrat mais l'a au contraire mise en demeure, par une lettre en date du 29 mai 2006, de les cesser, l'office public ayant conclu un nouveau marché avec un nouveau prestataire dès le mois de février 2006. De plus, les prestations dont le paiement est demandé ont été utiles aux locataires des HLM mais non à l'office public lui-même. La société requérante n'est donc pas fondée à en demander le remboursement sur le fondement de l'enrichissement sans cause.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société CIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OPH de la Haute-Garonne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Ista-Comptage Immobilier Service demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Ista- Comptage Immobilier Service une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'OPH de la Haute-Garonne et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Ista-Comptage Immobilier Service est rejetée.

Article 2 : La société Ista-Comptage Immobilier Service versera une somme de 1 500 euros à l'OPH de la Haute-Garonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 12BX01180


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX01180
Date de la décision : 23/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: M. Jean-Emmanuel RICHARD
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : SALAMAND

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-11-23;12bx01180 ?
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