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25/02/2016 | FRANCE | N°14BX03535

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 25 février 2016, 14BX03535


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) du Figuier et Mme C... J...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté en date du 24 mai 2012 par lequel le préfet de la Vienne a autorisé M. H...F...à exploiter 37,86 ha de terres situées à Lavausseau et Montreuil-Bonnin et appartenant à Mme G...D...et à M. I... D....

Par un jugement n° 1201864 du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à leur demande.

Procédure devant la cour

:

I. Par un recours et un mémoire, enregistrés, sous le n° 14BX03535, le 17 décembre 2014...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) du Figuier et Mme C... J...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté en date du 24 mai 2012 par lequel le préfet de la Vienne a autorisé M. H...F...à exploiter 37,86 ha de terres situées à Lavausseau et Montreuil-Bonnin et appartenant à Mme G...D...et à M. I... D....

Par un jugement n° 1201864 du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par un recours et un mémoire, enregistrés, sous le n° 14BX03535, le 17 décembre 2014 et le 23 janvier 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 octobre 2014 ;

2°) de rejeter la demande de l'EARL du Figuier et de Mme C... J...devant le tribunal administratif de Poitiers.

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II. Par une requête, enregistrée sous le n° 14BX03674 le 22 décembre 2014, M. H... F..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 octobre 2014 ;

2°) de mettre à la charge de l'EARL du Figuier et de Mme C... J...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue,

- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Vienne a autorisé l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) du Figuier, constituée de M. A... J...et de Mme K...J..., à exploiter 37,86 hectares supplémentaires de terres situées sur le territoire des communes de Lavausseau et de Montreuil-Bonnin par un arrêté en date du 20 février 2012. Par un arrêté n° 2012/DDT/SEADR/399 en date du 24 mai 2012, le préfet a autorisé M. H... F...à exploiter les mêmes terres. Enfin, par un arrêté n° 2012/DDT/SEADR/400 du même jour, le préfet a autorisé Mme C...J..., fille de M. et MmeJ..., à exploiter 43,54 hectares de terres situées à Lavausseau et Montreuil-Bonnin et comprenant les 37,86 hectares faisant l'objet des précédentes autorisations. Par un jugement du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Poitiers, à la demande de l'EARL du Figuier et de Mme C...J..., a annulé l'autorisation accordée à M.F.... Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et M. F...relèvent tous deux appel de ce jugement. Le recours du ministre et la requête de M. F...sont dirigés contre un même jugement et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance ni sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime : " (...) L'objectif prioritaire du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. En outre, il vise : soit à empêcher le démembrement d'exploitations agricoles viables (...) soit à favoriser l'agrandissement des exploitations agricoles (...) soit à permettre l'installation ou conforter l'exploitation d'agriculteurs pluriactifs partout où l'évolution démographique et les perspectives économiques le justifient ". Aux termes de l'article L. 331-3 du même code : " L 'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l' objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande (...) / [...] 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; ". Le premier alinéa du II de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime précise : " La décision d'autorisation ou de refus d'exploiter prise par le préfet doit être motivée au regard des critères énumérés à l'article L. 331-3 ". L'article 1er de l'arrêté du préfet de la Vienne, en date du 15 juillet 2010 fixant les priorités du schéma directeur départemental des structures agricoles et applicable aux faits du litige prévoit : " En application des articles L. 312-1, L. 312-5, L. 331-1 à L. 331-6 du code rural, les orientations de la politique d'aménagement des structures d'exploitation dans le département de la Vienne sont ainsi définies : La politique des structures (..) vise en premier lieu à favoriser les installations, tout particulièrement les installations des jeunes agriculteurs. (...) En second lieu, (...) à permettre l'agrandissement des exploitations dont les dimensions sont insuffisantes.". L'article 6 de cet arrêté précise : " (...)- 1- L'ordre de priorité suivant sera respecté : 1- les agriculteurs expropriés ou évincés par un propriétaire (...) 2- l'installation- 2.1 avec les aides de l'Etat (...) 2.2 les installations non aidées (...) 2.3 les autres installations non aidées 3- l'agrandissement (...) ". Le point 3 de cet article 6 prévoit : " Les candidatures ayant le même rang de priorité seront éventuellement départagées en fonction des objectifs d'excédent brut d'exploitation (EBE) et au moyen des équivalences techniques qui en découlent, telles qu'elles sont indiquées dans le projet départemental".

3. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 331-3 et R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime que si le préfet, saisi d'une demande d'autorisation d'exploitation, et a fortiori lorsqu'il est saisi de demandes concurrentes d'exploitation, doit, en vertu de ses dispositions, motiver sa décision, il ne saurait être tenu de se prononcer expressément sur chacun des critères dont ces dispositions prescrivent de tenir compte à moins que les particularités de la demande ne nécessitent qu'il explicite les motifs de sa décision au regard d'un ou de plusieurs de ces critères, s'ils ne sont pas déjà pris en compte au titre de l'ordre de priorités établi par le schéma départemental des structures agricoles.

4. Il ressort de la décision en litige que le préfet de la Vienne a délivré à M. F...l'autorisation demandée après avoir estimé que ce dernier, comme Mme C...J...à laquelle était délivrée le même jour une autorisation ayant le même objet, envisageait une installation susceptible de bénéficier ultérieurement d'aides de l'Etat et que, par conséquent, les deux demandes ne pouvaient pas être départagées en fonction d'un rang de priorité.

5. Devant les premiers juges, l'EARL du Figuier et Mme J...ont fait valoir que M. F...ne serait pas l'exploitant direct des terres en cause mais " l'homme de paille " d'un autre agriculteur, M.E..., de sorte que le préfet, en omettant de se prononcer au regard du 5° de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime qui disqualifiait la demande de M. F..., avait méconnu cet article. Devant la cour, les requérants continuent d'affirmer sans aucun commencement de justification que M. F...n'a ni matériel ni cheptel et qu'il est contraint de louer son matériel à M. E...pour le compte duquel il exploitera les terres.

6. Toutefois, ces affirmations sont insuffisantes pour établir qu'à la date de l'arrêté en litige, le préfet aurait dû constater que M. F...ne pouvait pas exploiter directement les terres pour lesquelles il sollicitait une autorisation et, par suite, rejeter la demande pour ce motif en mentionnant dans l'arrêté que la demande ne satisfaisait pas au 5° de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime sans se limiter à fonder sa décision au regard des dispositions du schéma directeur départemental des structures agricoles.

7. Il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté du 24 mai 2012 du préfet de la Vienne après avoir estimé, sans d'ailleurs le justifier au regard des particularités de la demande de M.F..., que le préfet n'avait pas examiné la demande de ce dernier, compte tenu de la demande présentée par MmeJ..., " au regard des autres critères énumérés du 2° au 8° de l'article L. 331-3 " du code rural et de la pêche maritime.

8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'EARL du Figuier et par Mme J...tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

9. En premier lieu, aux termes de l'article R. 331-5 du code rural et de la pêche maritime : " I.- les demandes d'autorisation d'exploiter sont soumises à l'avis de la commission départementale de l'orientation de l'agriculture instituée aux articles R. 313-1 et suivants (...) ".

10. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...J..., fille des exploitants de l'EARL du Figuier, a déposé le 7 mai 2012 une demande d'autorisation d'exploitation concurrente de celle présentée par M. F...le 27 février 2012, et que la commission départementale d'orientation de l'agriculture a différé l'examen de la demande de M. F...pour examiner en même temps les deux demandes, ayant le même objet, au cours de sa séance du 10 mai 2012 alors qu'un avis s'imposait sans plus d'attente en raison de l'échéance fixée pour la déclaration des surfaces exploitées au titre de la réglementation agricole européenne. S'il n'est pas contesté que Mme J...n'a pas été informée à temps de la séance de la commission pour pouvoir être entendue devant celle-ci, il n'est pas établi que cette circonstance, en ce qui concerne la demande de M. F...qui a été examinée en prenant dûment en compte celle de MmeJ..., ait été de nature à priver Mme J...d'une garantie, alors que cette dernière a pu faire examiner son projet simultanément à celui de M. F...pourtant antérieur, ou ait exercé une quelconque influence sur le sens de l'arrêté du 24 mai 2012 en litige dès lors que Mme J...ne pouvait revendiquer aucune priorité sur M. F...qu'elle aurait été empêchée de faire valoir devant la commission. Le vice, dès lors, n'est pas de nature à entacher d'illégalité cette décision.

12. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que si la demande de M. F...était d'un rang de priorité supérieur à celle de l'EARL du Figuier, les critères du schéma directeur des structures agricoles de la Vienne ne permettaient pas, en revanche, de départager la demande de M. F...de celle de Mme C...J..., qui toutes deux ne pouvaient donner lieu qu'à une reprise non aidée dans un premier temps, susceptible d'être ensuite aidée en fonction de l'évolution des projets d'exploitation. En particulier, il ressort des pièces du dossier que Mme C...J...devait poursuivre une formation de deux ou trois ans avant une installation effective. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, le projet de M. F...ne pouvait pas être disqualifié au regard du 5° de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime. Ainsi, en s'étant borné à faire droit à la demande d'autorisation d'exploiter présentée par M.F..., concurrente de celle de Mme C... J...au seul motif que selon le schéma directeur des structures agricoles de la Vienne aucune priorité ne pouvait être établie entre ces deux demandes sans s'être prononcé expressément sur l'application du 5° de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, le préfet n'a méconnu ni les dispositions de cet article, ni au demeurant celle de l'arrêté du 15 juillet 2010, ni non plus entaché sa décision d'une insuffisance de motivation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. F...et le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 24 mai 2012 du préfet de la Vienne délivrant à M. F...l'autorisation d'exploiter en litige.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat et M.F..., qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à verser à l'EARL du Figuier et Mme J... la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EARL du Figuier et de Mme C... J...une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. F...et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 23 octobre 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'EARL du Figuier et Mme C... J...devant le tribunal administratif de Poitiers et leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : L'EARL du Figuier et Mme C... J...verseront à M. F...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 14BX03535,14BX03674


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX03535
Date de la décision : 25/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-02-05-01 Agriculture et forêts. Problèmes sociaux de l'agriculture. Indemnité viagère de départ. Conditions d'attribution.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : GENDREAU ; SCP BONNET - BRUGIER ; GENDREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-02-25;14bx03535 ?
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