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10/03/2016 | FRANCE | N°14BX02183

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 10 mars 2016, 14BX02183


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Econotre a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions implicites de rejet nées du silence gardé par la société Electricité de France (EDF) et par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer sur ses demandes d'indemnisation présentées respectivement le 6 septembre 2007 et le 24 janvier 2008 et de condamner la société EDF à lui verser la somme de 183 837,95 euros TTC assortie des intérêts de retard à compter du 6 septembre 20

07 et de la capitalisation des intérêts. La société EDF a présenté des conclusions...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Econotre a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions implicites de rejet nées du silence gardé par la société Electricité de France (EDF) et par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer sur ses demandes d'indemnisation présentées respectivement le 6 septembre 2007 et le 24 janvier 2008 et de condamner la société EDF à lui verser la somme de 183 837,95 euros TTC assortie des intérêts de retard à compter du 6 septembre 2007 et de la capitalisation des intérêts. La société EDF a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la société Econotre à lui verser la somme de 49 667,73 euros TTC qu'elle aurait indûment perçue.

Par un jugement n° 1002578 du 20 mai 2014, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit aux demandes de la société Econotre avec capitalisation des intérêts à la date du 10 juin 2010 ainsi qu'à chaque échéance annuelle et a rejeté les conclusions reconventionnelles de la société EDF.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 juillet 2014 et le 16 novembre 2015, la société EDF, représentée par la SCP Simon-Guerot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 mai 2014 ;

2°) de condamner la société Econotre à lui verser la somme de 49 667,73 euros TTC indûment perçue, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en date du 21 décembre 2010, ainsi que la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la société Econotre la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, et notamment l'article 88-III ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,

- les observations de Me A...représentant de la société EDF.

- et les observations de Me B...pour la société Econotre.

Considérant ce qui suit :

1. La société Econotre, titulaire d'une délégation de service public, exploite un centre d'incinération d'ordures ménagères et de tri des déchets recyclables. Elle a conclu en 2000 avec la société Electricité de France (EDF) un contrat d'achat de l'énergie électrique produite par son installation. La société Econotre, estimant que la société EDF n'avait pas respecté ses obligations contractuelles de mise à disposition du réseau à la suite de cinq interruptions survenues en 2002 et en 2004 causées par une panne de transformateur, a sollicité l'indemnisation de la perte d'exploitation qu'elle estimait avoir ainsi subie. La société EDF relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, annulé les décisions implicites de rejet nées du silence gardé par la société EDF et par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer sur les demandes d'indemnisation de la société présentées respectivement le 6 septembre 2007 et le 24 janvier 2008, condamné la société EDF à verser à la société Econotre la somme de 183 837,95 euros TTC assortie des intérêts de retard à compter du 6 septembre 2007 et la capitalisation des intérêts, et a, d'autre part, rejeté les conclusions reconventionnelles de la société EDF tendant à la condamnation de la société Econotre à lui verser la somme de 49 667,73 euros TTC qu'elle aurait indûment perçue.

Sur la responsabilité de la société EDF :

2. Aux termes de l'article VII des conditions générales du contrat d'achat d'énergie électrique conclu le 25 novembre 2000 entre les sociétés Electricité de France (EDF) et Econotre sur la base d'un contrat-type : " Engagement d'enlèvement par EDF. VII.1. Energie garantie / EDF s'engage à enlever l'énergie garantie, sous les seules réserves exprimées à l'article VIII, dans la limite de PHG pendant la période d'hiver et PGE pendant la période d'été. Dans le cas d'interruption totale ou partielle de l'évacuation de cette énergie garantie, EDF s'engage à en justifier la raison. / VII.2. Energie non garantie / En raison de son caractère aléatoire, l'énergie non garantie ne sera enlevée par EDF qu'en fonction des capacités d'accueil de son réseau. Les éventuelles contraintes correspondantes sont précisées aux conditions particulières. VII.3. Garantie d'EDF / Si EDF n'enlève pas l'énergie garantie livrée, au-delà des seules réserves exprimées à l'article VIII, EDF indemnise le producteur exclusivement à hauteur des pertes de recette d'électricité qu'il a supportées, déduction faite des coûts afférents aux combustibles non consommés, après qu'elle ait éventuellement fait procéder à une expertise. ". Aux termes de l'article VIII du même document contractuel : " Perturbations dans l'enlèvement d'énergie garantie / Le réseau d'accueil de la livraison du producteur sera tenu en permanence à sa disposition, sous les seules réserves ci-après : VIII.1. Développement du réseau, entretien et réparations / EDF a la faculté d'interrompre le service pour le développement, l'exploitation et l'entretien de son réseau, et les réparations urgentes que requiert son matériel. Pour les interventions ne présentant pas un caractère d'urgence, le producteur sera prévenu au moins quinze jours à l'avance de la date, de l'heure et de la durée des arrêts pour l'entretien. En cas d'incident exigeant une réfection immédiate, EDF pourra prendre d'urgence les mesures nécessaires, en essayant de prévenir le producteur au moins vingt-quatre heures à l'avance de la date, de l'heure et de la durée des arrêts pour l'entretien. EDF s'efforcera de réduire les arrêts au minimum et de les situer dans la mesure compatible avec les nécessités de son exploitation, aux époques et heures susceptibles de provoquer le moins de gêne possible au producteur et, en toute hypothèse, selon les durées maximales et les fréquences indiquées aux conditions particulières. (....) VIII.3. Régime normal d'exploitation. En régime normal d'exploitation, il existe des aléas de production, de transport et de distribution susceptibles d'affecter la disponibilité du réseau d'évacuation de l'énergie produite. Il est admis une tolérance en matière d'indisponibilité de ce réseau. Cette tolérance est précisée aux conditions particulières. ". Aux termes de l'article 3.5 des conditions particulières relatives au contrat : " Indisponibilité du réseau d'évacuation / 3.5.1. - Indisponibilités dues au développement, à l'entretien, aux réparations du réseau / 2 indisponibilités par an d'une durée unitaire maximale de 6 heures / 3.5.2. Indisponibilités dues aux aléas / Les indisponibilités suite aux aléas mentionnées en paragraphe 3 de l'article VIII des conditions générales incluent : des creux de tension / des interruptions brèves (1 seconde à 3 minutes) et des interruptions longues (supérieures ou égales à 3 minutes). EDF s'engage sur un seuil annuel unique, englobant ces deux types d'interruptions. Pour ces indisponibilités, EDF s'engage sur un nombre maximal d'interruptions en période d'hiver, englobant les interruptions brèves et longues : Nombre maximal d'interruptions : Production en HTA : 21. Production en HTB : 5 / Les interruptions dont la durée dépasse une heure comptent pour deux équivalent coupures. ".

3. Il résulte des stipulations de l'article VIII des conditions générales du contrat qu'EDF s'engage à tenir en permanence le réseau d'accueil de la livraison d'électricité à la disposition du producteur, sous les réserves limitativement énumérées par cet article. Celui-ci prévoit trois catégories de perturbations. Le paragraphe 1 de l'article VIII stipule qu'EDF peut interrompre le fonctionnement du réseau pour le développement, l'exploitation et l'entretien de celui-ci, ainsi que pour les " réparations urgentes que requiert son matériel ". Le paragraphe 2 de l'article VIII énumère différentes catégories de circonstances exceptionnelles indépendantes de la volonté d'EDF, qui font obstacle à l'enlèvement de l'électricité. Enfin, le paragraphe 3 de l'article VIII prévoit encore des " aléas " susceptibles d'affecter temporairement la disponibilité du réseau " en régime normal d'exploitation " qui ne sont admis que dans une marge de tolérance précisée aux conditions particulières du contrat. En vertu de l'article VII, EDF garantit une indemnisation au producteur si l'obligation d'enlèvement, telle qu'elle est définie à l'article VIII, n'est plus garantie. Par conséquent, contrairement à ce que soutient EDF, il lui incombe une obligation de résultat consistant à tenir en permanence le réseau à la disposition du producteur d'électricité, assortie d'un certain nombre d'exceptions et de dérogations strictement définies par l'article VIII.

4. La clause 3.5 des conditions particulières du contrat précise deux des hypothèses d'indisponibilité du réseau mentionnées à l'article VIII, exclusives l'une de l'autre. D'une part, la clause 3.5.1 prévoit que les " indisponibilités dues au développement, à l'entretien, et aux réparations du réseau " mentionnées au paragraphe 1 de l'article VIII sont admises dans la limite de deux par an d'une durée unitaire de 6 heures. D'autre part, la clause 3.5.2 précise les " indisponibilités dues aux aléas " mentionnés au paragraphe 3 de l'article VIII. Il s'agit de creux de tension, ou " d'interruptions brèves (1 seconde à 3 minutes) ou des interruptions longues (supérieures ou égales à 3 minutes) admises dans la limite de 21 en haute tension A (HTA) et de 5 en haute tension B (HTB) ". La clause ajoute que les interruptions dont la durée dépasse une heure comptent pour deux équivalents coupures. Il résulte de la distinction ainsi opérée que les aléas qui sont mentionnés au 3.5.2 ne peuvent être que ceux qui se produisent en régime normal d'exploitation, principalement sous la forme de coupures de très courte durée, le régime distinguant principalement les coupures de moins de 3 minutes et les coupures de plus de 3 minutes inférieures ou supérieures à une heure. Cette définition des " aléas ", spécifique au contrat d'enlèvement d'électricité en litige, est par conséquent distincte de la définition communément admise selon laquelle toute " panne " inopinée dans une exploitation industrielle est un " aléa d'exploitation ". Ainsi, les " réparations urgentes que requiert le matériel " sont au nombre des interruptions du réseau expressément mentionnées au paragraphe 1 de l'article VIII, complété par la clause 3.5.1. des conditions particulières, et non des " aléas " en régime normal d'exploitation, entrant dans le champ d'application du paragraphe 3 de l'article VIII complété par la clause 3.5.2, les deux types d'interruption étant exclusifs l'un de l'autre ainsi qu'il vient d'être dit.

5. Il résulte ainsi de ce qui précède que, contrairement à ce qu'affirme EDF, une interruption du réseau pour panne d'un transformateur nécessitant une réparation nécessairement urgente ne peut pas être regardée comme un aléa d'exploitation s'insérant dans le régime normal d'exploitation mentionné au paragraphe 3 de cet article et par conséquent comme relevant de la clause 3.5.2 des conditions particulières alors que la définition de l'aléa retenu dans le contrat est clairement plus restrictive.

6. Il n'est pas contesté que la société Econotre a subi cinq interruptions de sa connexion au réseau de distribution d'EDF entre le 22 novembre 2002 et le 17 mars 2004 qui ont été causées par les pannes répétées du transformateur de Saint Sulpice de la société EDF, d'une durée respective de 82,43 heures, de 10,90 heures, de 29,40 heures, de 9,05 heures et de 186,60 heures ayant nécessité des réparations après chaque panne. La fourniture de l'énergie électrique produite par la société Econotre a ainsi été interrompue pendant une durée totale de 318 heures. Le transformateur défaillant a dû être remplacé en avril 2004. Dans ces conditions, ces interruptions relèvent des indisponibilités dues à l'entretien et aux réparations du réseau stipulées au paragraphe 1 de l'article VIII des conditions générales et à la clause 3.5.1 des conditions particulières du contrat d'achat et non de simples aléas en régime normal d'exploitation.

7. Dans le cas d'indisponibilités dues à l'entretien et aux opérations de réparation, la société EDF n'est dispensée de son obligation d'enlèvement de l'énergie que dans la limite de deux indisponibilités par an d'une durée unitaire maximale de 6 heures, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus. Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont fait droit à la demande de la société Econotre. Le montant de l'indemnité restant due à l'entreprise Econotre a été établi par le tribunal sur la base d'un rapport d'expertise en date du 23 mars 2005 demandé par la société Econotre à un bureau technique spécialisé mais qui n'est pas contesté par EDF. Il y a donc lieu de confirmer le montant des pertes ainsi déterminé par le tribunal. Après déduction de la somme de 49 667,73 euros, déjà payée par EDF à la suite du premier incident, la société peut ainsi prétendre à une indemnisation complémentaire de 183 837,95 euros TTC.

8. Par voie de conséquence, les conclusions de la société EDF tendant au remboursement de la somme de 49 667,73 euros versée au titre de la première interruption doivent être rejetées, dès lors que cette somme doit être regardée comme un acompte sur le montant total de l'indemnisation due à la société.

9. Il résulte de ce qui précède que la société EDF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit aux demandes d'indemnisation de la société Econotre et a rejeté ses conclusions reconventionnelles.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Econotre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société EDF demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société EDF, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Econotre et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête de la société EDF est rejetée.

Article 2 : La société EDF versera à la société Econotre la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 14BX02183


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX02183
Date de la décision : 10/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

29-06-02-01 Energie. Marché de l'énergie. Tarification. Electricité.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : CABINET SIMON GUEROT JOLLY

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-03-10;14bx02183 ?
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