La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/2016 | FRANCE | N°14BX03621

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 07 avril 2016, 14BX03621


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I...A...et M. H...A...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à les indemniser des conséquences dommageables de la contamination par le virus de l'hépatite C (VHC) de leur fils.

M. J...A...et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'ONIAM à les indemniser des conséquences dommageables de la contamination par le virus de l

'hépatite C (VHC) de leur frère et beau-frère.

Par une ordonnance du 18 sept...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I...A...et M. H...A...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à les indemniser des conséquences dommageables de la contamination par le virus de l'hépatite C (VHC) de leur fils.

M. J...A...et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'ONIAM à les indemniser des conséquences dommageables de la contamination par le virus de l'hépatite C (VHC) de leur frère et beau-frère.

Par une ordonnance du 18 septembre 2012, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement des demandes au tribunal administratif de Bordeaux.

Par un jugement n° 1203527-1203581 du 4 novembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2014 et par un mémoire enregistré le 26 février 2016, présentés par Me Loyce-Conty, avocat, Mme A...et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1203527-1203581 du 4 novembre 2014 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de condamner l'ONIAM à leur verser des indemnités de 423 750 euros au titre des préjudices propres de la victime, de 100 000 euros au titre du préjudice personnel des parents de la victime, de 50 000 euros au titre du préjudice personnel de son frère et de 25 000 euros au titre du préjudice personnel de sa belle-soeur ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a fait application de la prescription quadriennale, alors que leur action n'était soumise qu'à la prescription décennale instituée par la loi du 4 mars 2002, qui s'applique à l'ONIAM, qui s'est substitué à l'EFS et alors que l'application de la prescription quadriennale ne pourrait s'analyser que comme instituant une discrimination contraire au droit de l'Union européenne ;

- le décès de leur fils, frère et beau-frère est dû à sa contamination par le VHC et par le VIH et il est établi que cette contamination est d'origine transfusionnelle ;

- s'ils ont été indemnisés par le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles (FITH), ce n'est pas d'un préjudice résultant du décès de la victime du fait de sa contamination par le VHC ;

- leur fils a subi un préjudice du fait des troubles de toute nature et des souffrances morales et physiques endurées, ainsi qu'un préjudice d'agrément, devant être évalué à 200 000 euros et un préjudice résultant du déficit fonctionnel permanent, devant être évalué à 223 750 euros ;

- chacun des parents justifie d'un préjudice d'affection, devant être évalué à 50 000 euros et d'un préjudice d'accompagnement, devant être évalué à 50 000 euros ;

- son frère justifie d'un préjudice d'affection, devant être évalué à 25 000 euros et d'un préjudice d'accompagnement, devant être évalué à 25 000 euros et sa belle-soeur justifie d'un préjudice d'affection et d'accompagnement devant être évalué à 25 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2016, et un mémoire complémentaire enregistré le 3 mars 2016, présentés par Me F...et MeK..., avocats, l'ONIAM, représenté par son président en exercice, conclut au rejet de la requête ou à ce qu'il soit procédé à une expertise ou à ce qu'une indemnité d'un montant plus raisonnable soit accordée.

Il fait valoir que :

- il prend acte de la réforme législative dont il résulte que la prescription quadriennale n'est plus applicable ;

- au titre de la contamination de la victime par le VIH, ses parents ont reçu les sommes de 304 898,04 euros en indemnisation du préjudice spécifique de contamination, de 7 622,45 euros en indemnisation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral et son frère, une indemnité de même montant en indemnisation du préjudice moral ;

- au titre du décès de la victime, ses parents ont reçu 10 000 euros chacun, en indemnisation de leur préjudice moral ;

- la juridiction administrative n'est pas compétente pour se prononcer sur des indemnisations au titre de la contamination par le VIH ;

- à défaut d'expertise, il n'est pas possible de distinguer les préjudices directement liés à la contamination par le VHC ;

- seuls pourraient être indemnisés, à hauteur de 15 000 euros, le préjudice subi du fait des souffrances endurées par la victime, à hauteur de 6 000 euros chacun, le préjudice d'affection des parents et à hauteur de 5 000 euros celui de son frère.

Par courrier en date du 25 février 2016, les parties ont été informées, en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision est susceptible d'être fondé sur le moyen soulevé d'office tiré de l'application des dispositions de l'article 188 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et de la modification de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique qui en résulte.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique, notamment son article L.1142-28 dans sa rédaction issue de l'article 188 de la loi n° 2016-41 du février 2016 de modernisation de notre système de santé ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.E...,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,

- et les observations de Me D...B..., représentant les consortsA....

Considérant ce qui suit :

1. M. G...A..., né en 1977, qui souffrait d'une hémophilie de type A sévère, a subi de multiples transfusions de produits sanguins depuis sa naissance. Des tests de dépistage ont mis en évidence une contamination par le virus de l'hépatite C (VHC) vérifiée en 1991. Une contamination par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) avait été également diagnostiquée en 1985. M. G...A...est décédé le 10 juin 2001. Ses parents, son frère et sa belle-soeur ont saisi l'ONIAM, par lettres reçues le 9 juin 2011, d'une demande d'indemnisation des préjudices qu'ils ont subis à la suite de la contamination de leur fils, frère et beau-frère par le VHC. Par décisions du 7 décembre 2011, le directeur de l'ONIAM a opposé à leur créance la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968. Mme A...et autres relèvent appel du jugement n° 1203527-1203581 du 4 novembre 2014 du tribunal administratif de Bordeaux, qui a rejeté leurs demandes de condamnation de l'ONIAM.

Sur la prescription :

2. Le I de l'article 188 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé modifie l'article L. 1142-28 du code de la santé publique en fixant à 10 ans à compter de la consolidation du dommage le délai de prescription opposable aux demandes d'indemnisation formées devant l'ONIAM par les victimes, notamment, de contamination par le VHC à l'occasion d'une transfusion sanguine ou par leurs ayants droit. Le II de cet article précise les conditions de l'applicabilité dans le temps du délai de la prescription décennale aux demandes formées devant l'ONIAM et son second alinéa prévoit que ce délai s'applique aux demandes d'indemnisations n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, présentées à l'ONIAM avant l'entrée en vigueur de la loi et après le 1er janvier 2006.

3. Le décès de M. G...A...est survenu le 10 juin 2001 et cette date constitue, en l'espèce, celle du point de départ du délai de prescription. Ses ayants droit ont envoyé à l'ONIAM avant le 9 juin 2011, jour de sa réception, une demande portant sur l'une des indemnisations énumérées à l'article L. 1142-28 du code de la santé publique. Elle n'a fait l'objet d'aucune décision de justice irrévocable. Elle est donc au nombre de celles auxquelles pouvait être opposée seulement la prescription de 10 ans prévue par les dispositions de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de l'article 188 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'ONIAM était fondé à opposer aux ayants droit de M. A...la prescription quadriennale de leur créance dont le bien fondé doit être examiné au regard de la présomption instituée par les dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé modifiée.

Sur la demande de Mme A...et autres :

4. Il appartient à Mme A...et autres, pour pouvoir bénéficier de la présomption de l'origine transfusionnelle d'une contamination par le VHC prévue par cet article 102, d'apporter tous éléments de nature à établir que la contamination de la victime résulte de la transfusion de produits sanguins et que cette contamination est la cause directe et certaine des préjudices dont ils demandent à être indemnisés.

5. Ils produisent des documents d'ordre médical permettant de faire regarder la contamination par le VHC de leur fils, frère et beau-frère comme ayant une origine transfusionnelle. Doit, de même, être regardée comme établie l'origine transfusionnelle de la contamination de la victime par le VIH, dont les conséquences dommageables bénéficient d'un régime d'indemnisation distinct, dont le contentieux relève de la cour d'appel de Paris. En l'espèce, ses parents et son frère ont bénéficié d'indemnisations à ce titre. Mme A...et autres n'apportent aucun élément de nature à établir que leur fils, frère et beau-frère aurait souffert, avant son décès, de troubles et affections, spécifiquement liés à sa contamination par le VHC et justifiant une indemnisation des préjudices d'agrément ou résultant d'un déficit fonctionnel s'ajoutant à celle accordée au titre de la contamination par le VIH. En revanche, il ne sera pas fait une insuffisante appréciation du préjudice subi par leur fils, frère et beau-frère du fait des souffrances endurées par lui en raison de sa contamination par le VHC, en l'évaluant à la somme de 15 000 euros.

6. L'ONIAM ne doit prendre en charge, au titre de la solidarité nationale, que l'indemnisation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit. Ainsi, Mme A...et autres ne sauraient demander l'indemnisation d'aucun préjudice subi en propre par eux du fait des séquelles de la contamination de leur fils, frère et beau-frère avant son décès. Par suite leur demande de réparation de préjudices d'accompagnement ne peut qu'être rejetée.

7. Même si Mme A...et autres ne produisent pas d'éléments faisant ressortir que le décès de leur fils, frère et beau-frère n'aurait pas sa contamination par le VIH pour cause déterminante, ils peuvent demander une indemnisation du préjudice d'affection résultant de ce que la victime était également contaminée par le VHC. Il ne sera pas fait une insuffisante appréciation de ce préjudice subi par les parents de la victime en l'évaluant à 6 000 euros pour chacun d'eux et en évaluant celui subi par son frère à 5 000 euros. En revanche, la seule circonstance qu'elle aurait été proche de la victime n'est pas de nature à justifier une indemnisation de sa belle-soeur.

8. Il résulte de ce qui précède que l'ONIAM doit être condamné à verser à Mme A...et autres une indemnité de 15 000 euros, à Mme I...A..., à M. H...A..., une indemnité de 6 000 euros chacun et à M. J...A..., une indemnité de 5 000 euros.

Sur l'application de l'article L. 761- du code de justice administrative :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner l'ONIAM à verser, en application de cet article, une somme quelconque à Mme A...et autres au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n°1203527-1203581 du 4 novembre 2014 du Tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser à Mme A...et autres une indemnité de 15 000 euros, à Mme I...A...et à M. H...A...une indemnité de 6 000 euros chacun et à M. J...A...une indemnité de 5 000 euros.

Article 3 : Le surplus de la requête de Mme A...et autres est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I...A...et M. H...A..., à M. J...A...et Mme C...A...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Délibéré après l'audience du 8 mars 2016 à laquelle siégeaient :

M. Didier Péano, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

M. Bernard Leplat, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 avril 2016.

Le rapporteur,

Bernard E... Le président,

Didier Péano

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

''

''

''

''

3

No 14BX03621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX03621
Date de la décision : 07/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale - Régime de la loi du 31 décembre 1968 - Champ d'application.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Bernard LEPLAT
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP BLAZY ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-04-07;14bx03621 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award