La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2016 | FRANCE | N°15BX00422,15BX00712

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 19 mai 2016, 15BX00422,15BX00712


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision en date du 13 février 2012 par laquelle le préfet des Deux-Sèvres a retiré la décision de refus d'exploiter en date du 21 octobre 2011 qu'il avait précédemment opposée à Mme E...D...et d'annuler la décision implicite d'autorisation d'exploiter née à la suite de la demande déposée par Mme D...le 26 juillet 2011.

Par un jugement n° 1202668 du 29 janvier 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejet

é leur demande.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête, enregistrée le 10 fé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision en date du 13 février 2012 par laquelle le préfet des Deux-Sèvres a retiré la décision de refus d'exploiter en date du 21 octobre 2011 qu'il avait précédemment opposée à Mme E...D...et d'annuler la décision implicite d'autorisation d'exploiter née à la suite de la demande déposée par Mme D...le 26 juillet 2011.

Par un jugement n° 1202668 du 29 janvier 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête, enregistrée le 10 février 2015, sous le n° 15BX00422, Mme E...D..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1202668 du 29 janvier 2015 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions présentées au titre des frais irrépétibles ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme A...la somme de 2 000 euros au titre des frais de procès de la première instance sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A...la somme de 1 000 euros au titre des frais de procès de l'instance d'appel sur le même fondement.

..........................................................................................................

II - Par une requête, enregistrée le 4 mars 2015 sous le n° 15BX00712, M. et Mme B...A..., représentés par la SCP Fort Blouin-Mannevy Masson, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 29 janvier 2015 ;

2°) d'annuler la décision de retrait du 13 février 2012 du refus d'exploiter qui avait été opposé à Mme D...le 21 octobre 2011 ainsi que la décision implicite d'autorisation d'exploiter délivrée à cette dernière ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- à défaut de notification d'une décision les informant officiellement de l'existence et des raisons justifiant une décision de retrait, en méconnaissance du III de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime, la décision de retrait doit être annulée ;

- cette décision de retrait a méconnu les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- elle est contraire aux orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles du département des Deux-Sèvres ainsi que l'avait à juste titre précisé le préfet dans sa décision du 21 octobre 2011 dès lors que Mme D...n'est pas agricultrice, qu'elle ne dispose d'aucune capacité agricole et qu'elle exerce une autre activité ;

- la décision de retrait étant irrégulière, aucune autorisation tacite ne peut être réputée accordée ;

- la décision implicite d'autorisation est également irrégulière au regard des orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2015, MmeD..., représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 6 juillet 2009 le préfet des Deux-Sèvres a autorisé Mme E...D...à exploiter 4,18 hectares de terres lui appartenant, situées à Le Tallud (Deux-Sèvres) et précédemment mises en valeur par M. et MmeA.... Par un jugement du 7 juillet 2011, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision au motif que la commission départementale d'orientation de l'agriculture n'avait pas été consultée. Par une décision en date du 21 octobre 2011, rendue après consultation de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, le préfet a refusé l'autorisation sollicitée de nouveau par Mme D...le 26 juillet 2011 pour exploiter les mêmes terres. Toutefois, le 13 février 2012, le préfet a procédé au retrait de cette décision de refus. Mme D...a confirmé sa demande d'autorisation le 21 février 2012. Le préfet a informé MmeD..., par lettre du 21 septembre 2012, dont copie a été notifiée le même jour à l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) La Fruitière et à M. et MmeA..., qu' " en l'absence de toute nouvelle décision émise par (s)es services, l'autorisation d'exploiter (était) réputée accordée ".

2. Par une requête enregistrée sous le n° 15BX00712, M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 29 janvier 2015 qui a rejeté leur requête tendant à l'annulation de la décision de retrait du 13 février 2012 et de la décision implicite d'autorisation d'exploiter accordée à Mme D.... MmeD..., par une requête enregistrée sous le n° 15BX00422, relève appel de ce même jugement en tant qu'il a omis de statuer sur ses conclusions présentées au titre des frais de procès. Les requêtes susvisées n° 15BX00712 présentée pour M. et Mme A...et n° 15BX00422 présentée pour Mme D...sont dirigées contre un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête de M. et Mme A...:

En ce qui concerne la légalité de la décision portant retrait du refus d'autorisation d'exploiter notifiée à MmeD... :

3. Aux termes de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version alors applicable : " I. - Le préfet dispose d'un délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier complet mentionnée dans l'accusé de réception pour statuer sur la demande. Il peut, par décision motivée, fixer ce délai à six mois à compter de cette date, notamment en cas de candidatures multiples soumises à l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture ou de consultation du préfet d'un autre département. Il en avise alors les intéressés dans les meilleurs délais par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé. II. - La décision d'autorisation ou de refus d'exploiter prise par le préfet doit être motivée au regard des critères énumérés à l'article L. 331-3. (...) III. Le préfet notifie sa décision aux demandeurs, aux propriétaires et aux preneurs en place par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé. Cette décision fait l'objet d'un affichage à la mairie de la commune sur le territoire de laquelle sont situés les biens. Elle est publiée au recueil des actes administratifs. A défaut de notification d'une décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier ou, en cas de prorogation de ce délai, dans les six mois à compter de cette date, l'autorisation est réputée accordée. En cas d'autorisation tacite, une copie de l'accusé de réception mentionné à l'article R. 331-4 est affichée et publiée dans les mêmes conditions que l'autorisation expresse. ".

4. En premier lieu, les conditions dans lesquelles est notifiée une décision administrative sont sans influence sur la légalité de cette dernière. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision du 13 février 2012 portant retrait du refus d'autorisation d'exploiter aurait dû être notifiée à M. et Mme A...en application de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime est inopérant et d'ailleurs infondé, une telle décision n'étant ni une autorisation ni un refus d'exploiter.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) / - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Selon l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ".

6. La décision par laquelle le préfet refuse à un propriétaire l'autorisation d'exploiter ses terres ne crée aucun droit, ni au profit du propriétaire, ni à celui du preneur en place. A fortiori le retrait d'une telle décision n'est-il donc pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 précitée et doivent, par suite, donner lieu à la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 précitée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cette procédure ne peut qu'être écarté comme inopérant, la décision de retrait en litige n'étant pas au nombre de celles qui entrent dans le champ d'application de cette disposition.

7. En troisième lieu, devant le tribunal administratif de Poitiers, M. et Mme A...n'ont soulevé que des moyens relatifs à la légalité externe du retrait du refus d'exploiter notifié le 13 février 2012. Ainsi que le fait valoir MmeD..., le moyen invoqué en appel par M. et Mme A...et tiré de l'incompatibilité de la décision avec les orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles se rattache à une cause juridique nouvelle en appel. Etant en tout état de cause inopérant comme le fait valoir l'administration, puisque la décision en litige n'a ni pour objet ni pour effet de délivrer une autorisation d'exploiter, il est en outre irrecevable.

En ce qui concerne la légalité de l'autorisation tacite d'exploiter délivrée à MmeD... :

8. En premier lieu, par suite du retrait de la décision de refus d'exploiter notifié à Mme D... le 13 février 2012, dont il vient d'être dit qu'il n'est pas entaché d'irrégularité, le préfet s'est retrouvé saisi de la demande d'autorisation d'exploiter déposée par Mme D...le 26 juillet 2011 dûment confirmée par cette dernière le 21 février 2012. Le préfet n'ayant notifié aucune nouvelle décision explicite dans le délai de quatre mois prévu par le I de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime précité, non prorogé, une autorisation implicite d'exploiter est ainsi régulièrement née au profit de MmeD.... En outre, conformément aux dispositions du III du même article, M. et Mme A...ont été informés de l'affichage en mairie de l'accusé de réception de la demande de Mme D...datée du 26 juillet 2011 et l'autorisation implicite d'exploiter ainsi délivrée à cette dernière leur a été notifiée le 21 septembre 2012.

9. Le retrait du refus d'autorisation d'exploiter signifié à Mme D...n'est pas la base légale de l'autorisation implicite d'exploiter qui lui a ensuite été délivrée à la suite de la confirmation de la demande de l'intéressée le 21 février 2012. Par conséquent, l'exception d'illégalité de la décision de retrait invoquée par M. et Mme A...à l'appui de leurs conclusions dirigées contre l'autorisation implicite d'exploiter ne peut dès lors être utilement invoquée. De plus, compte tenu de ce qui précède, elle est dépourvue de fondement.

10. En second lieu, le moyen tiré de l'illégalité de la décision implicite d'autorisation d'exploiter accordée à Mme D...au regard des orientations du schéma directeur départemental des structures agricoles n'est assorti d'aucune précision permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Il doit par suite être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d'appel de M. et MmeA..., que ces derniers ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes d'annulation.

Sur la requête de MmeD... :

12. MmeD..., titulaire de l'autorisation implicite d'exploiter contestée par M. et MmeA..., avait ainsi la qualité de partie en première instance. C'est donc à tort que M. et Mme A...soutiennent que cette dernière aurait seulement la qualité d'observateur en première instance et ne serait pas recevable à faire appel du jugement. Leur fin de non-recevoir doit donc être écartée.

13. Ainsi que le jugement le mentionne dans ses visas, Mme D...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de mettre à la charge de M. et Mme A...une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Or, le tribunal administratif a omis de se prononcer sur ces conclusions. Il y a lieu dès lors d'annuler le jugement attaqué entaché sur ce point d'une omission à statuer, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Poitiers.

14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

15. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. et MmeA..., qui ne sont pas fondés à contester le jugement attaqué ayant rejeté leur recours pour excès de pouvoir, sont les parties perdantes à la première instance. Par suite, il y a lieu de mettre à leur charge la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais de procès devant le tribunal administratif.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demandent M. et Mme A...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. et Mme A...le versement à Mme D...de la somme de 1 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions, au titre des frais de procès de cette dernière devant la cour.

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 29 janvier 2015 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions présentées par Mme D...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 3 : M. et Mme A...verseront à Mme D...la somme de 1 000 euros au titre de la demande de cette dernière en paiement des frais de procès présentée devant le tribunal administratif de Poitiers et une somme de 1 000 euros au titre des frais de procès de Mme D...devant la cour administrative d'appel.

''

''

''

''

3

N°S 15BX0422, 15BX0712


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX00422,15BX00712
Date de la décision : 19/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03-01-04 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Cumuls et contrôle des structures. Cumuls d'exploitations. Questions relatives aux autorisations implicites.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : GENDREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-05-19;15bx00422.15bx00712 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award