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01/06/2016 | FRANCE | N°14BX02155

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 01 juin 2016, 14BX02155


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser une indemnité de 713 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des conditions dans lesquelles il a été traité dans cet établissement.

Par un jugement n° 1102421 du 13 mai 2014, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le CHU de Toulouse à lui verser une indemnité de 1 500 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enr

egistrée le 15 juillet 2014, présentée par Me Vacarié, avocat, M. D... A...demande à la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser une indemnité de 713 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des conditions dans lesquelles il a été traité dans cet établissement.

Par un jugement n° 1102421 du 13 mai 2014, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le CHU de Toulouse à lui verser une indemnité de 1 500 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2014, présentée par Me Vacarié, avocat, M. D... A...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 mai 2014 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de condamner le CHU de Toulouse à lui verser une indemnité de 713 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Toulouse la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.C...,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant le CHU de Toulouse.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., médecin généraliste, souffrant depuis le début de l'année 2007 d'une altération de son état général, s'est rendu en consultation au service d'hématologie de l'hôpital Purpan du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à partir du

4 décembre 2007. Après plusieurs consultations et examens, les praticiens de ce service ont estimé qu'il était atteint d'un myélome appelant un traitement par chimiothérapie soutenue par autogreffe de cellules souches. M. A...en a été informé notamment par la remise d'un formulaire médical du 14 mai 2008. La pose d'un cathéter à chambre implantable, ou port-à-cath, figurant dans le protocole de ce traitement a été effectuée le 16 mai 2008 dans une clinique privée. L'exécution du traitement a cependant été différée dans l'attente d'une confirmation du diagnostic de myélome. Une hémoculture réalisée le 19 mai 2008 a mis en évidence une septicémie. Le traitement antibiotique intensif mis en place en raison de la septicémie a conduit à une amélioration sensible de l'état de santé de M. A...et à l'abandon du traitement d'abord envisagé pour un myélome, dès lors que celui-ci ne devait plus faire l'objet que d'un suivi clinico-biologique. Estimant que des fautes avaient été commises par le CHU de Toulouse, M. A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'ordonner une expertise. Ces demandes ont donné lieu à plusieurs ordonnances du 10 février 2009, du 15 avril 2009, du 26 juin 2009 et du 17 août 2010, en exécution desquelles a été effectuée une expertise dont le rapport a été déposé le 10 décembre 2010. Il a ensuite demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le CHU de Toulouse à lui verser une indemnité de 713 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des conditions dans lesquelles il a été traité dans cet établissement. Par un jugement n° 1102421 du 13 mai 2014, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le CHU de Toulouse à lui verser une indemnité de 1 500 euros et a rejeté le surplus de sa demande en principal. M. A...relève appel de ce jugement.

2. M. A...soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Toulouse, la responsabilité du CHU de Toulouse n'est pas engagée seulement en raison de la faute commise en ne l'informant que tardivement de ce qu'il était atteint, en réalité, d'une septicémie, et en commençant tardivement le traitement de cette infection. Il estime, au contraire, que l'établissement a commis, en outre, une première faute, en diagnostiquant un myélome, une deuxième faute en mettant en oeuvre un traitement qui devrait être regardé comme disproportionné même si ce diagnostic n'avait pas été inexact et une troisième faute, en ne l'informant pas suffisamment des conditions, risques et dangers du traitement. Il soutient également que le tribunal administratif de Toulouse n'a pas fait une évaluation suffisante des préjudices qu'il a subis de ce fait, notamment de son préjudice économique.

3. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise effectuée en exécution des ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse mentionnées au point 1, que la dégradation de l'état de santé de M. A...depuis le début de l'année 2007 était due à une maladie infectieuse, sans doute la maladie de Whipple, puisque cet état s'est amélioré considérablement dès le mois de juin 2008, jusqu'à un retour à la normale au mois de septembre 2009, grâce au traitement antibiotique de la septicémie dont il a été atteint, qui est identique à celui efficace contre la maladie de Whipple. Toutefois, d'une part, cette maladie est extrêmement rare et un diagnostic très difficile et, d'autre part, le diagnostic d'un myélome, même si celui-ci n'était pas très symptomatique en l'espèce, n'était pas dénué de tout fondement. Dans ces conditions, l'erreur de diagnostic commise par les praticiens du service d'hématologie du CHU de Toulouse ne révèle aucun manquement aux données acquises de la science médicale.

4. Il ne résulte pas de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise que le traitement par chimiothérapie soutenue par autogreffe de cellules souches, envisagé par ces praticiens aurait été disproportionné à celui qu'appelait un myélome tel qu'il avait été diagnostiqué. M. A...n'est donc pas fondé à soutenir que la décision de pratiquer un tel traitement, même si celui-ci est lourd, aurait constitué un choix thérapeutique caractérisant une faute médicale de nature à engager la responsabilité du CHU de Toulouse.

5. En revanche et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, ce traitement a eu un début de mise en oeuvre, dès lors que la pose d'un port-à-cath a été effectuée et que cette pose, nécessaire à sa réalisation, est indissociable du traitement. Il est vrai que, d'une part, ce commencement du traitement ne repose, ainsi qu'il vient d'être dit, sur aucune faute médicale et que, d'autre part, le port-à-cath a été posé dans une clinique privée à l'initiative de M.A....

6. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. A...a fait poser le port-à-cath, le 16 mai 2008, en raison de ce que cette pose, prévue la veille au CHU de Toulouse, n'y avait pas été réalisée pour des raisons tenant au fonctionnement de l'établissement. Il ne ressort d'aucune des pièces produites que M. A...aurait été informé, avant cette date, de ce que des doutes subsistaient sur la nécessité de mettre en oeuvre le traitement dont le contenu lui avait été communiqué le 14 mai 2008. M. A...est donc fondé à soutenir que le CHU de Toulouse a manqué à ses obligations d'information, non seulement, comme l'a relevé à juste titre le tribunal administratif de Toulouse, en ne l'informant pas, dès qu'il a eu connaissance de son infection par une septicémie, le 22 mai 2008, de la révision du diagnostic et du traitement, mais encore en ne l'informant pas non plus des doutes et réserves subsistant, malgré la communication qui lui en a été faite le 14 mai 2008, sur ce diagnostic et sur ce traitement.

7. Il est constant que la septicémie dont a été atteint M. A...présente le caractère d'une infection nosocomiale et trouve son origine dans la pose du port-à-cath dans une clinique privée. Lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes ou de celles-ci conjointement, sans préjudice des actions récursoires que les coauteurs du dommage pourraient former entre eux. Le dommage subi par M. A...est constitué par l'infection nosocomiale dont il a été victime. Même si la faute commise par le CHU de Toulouse en ne l'informant pas suffisamment l'a conduit à faire pratiquer l'intervention en raison de laquelle il a subi cette infection, cette faute ne portait pas normalement en elle ce dommage. Dans ces conditions, alors qu'au surplus l'infection dont il s'agit ne lui a causé aucun déficit fonctionnel permanent et a eu, fortuitement, pour effet la mise en oeuvre d'un traitement qui a été efficace contre sa maladie initiale qui n'avait pas été diagnostiquée, M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'un éventuel préjudice lié à l'infection, tel celui résultant des souffrances endurées ou un préjudice esthétique, serait imputable à cette faute du CHU de Toulouse.

8. M. A...n'apporte pas davantage devant la cour que devant le tribunal administratif de Toulouse d'éléments de nature à établir qu'il aurait cessé prématurément son activité professionnelle en raison de la faute du CHU de Toulouse résultant de son manquement à l'obligation d'information. C'est donc à juste titre que le tribunal administratif de Toulouse a refusé de l'indemniser au titre de ses pertes de revenus d'activité et de retraite et au titre de l'incidence professionnelle et de la privation du bénéfice de la cession de son cabinet. Il n'apporte pas davantage d'éléments de nature à établir que les premiers juges auraient fait une évaluation insuffisante du préjudice résultant des troubles subis et du préjudice moral, que lui a causés la faute commise par le CHU de Toulouse en ne l'informant pas immédiatement de la révision du diagnostic de myélome et en ne mettant pas immédiatement en oeuvre le traitement de la septicémie, en fixant à 1 500 euros le montant de la somme destinée à réparer ces préjudices.

9. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que, par son jugement du 13 mai 2014, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le CHU de Toulouse à verser une indemnité de 1 500 euros à M. A...et a rejeté le surplus de sa demande en principal.

10. Ce jugement a mis les frais et honoraires de l'expertise effectuée en exécution des ordonnances du juge des référés à la charge du CHU de Toulouse. Les conclusions présentées à la cour, devant laquelle il n'a pas exposé de dépens, par M. A...et relatives aux dépens sont donc sans objet.

11. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. A...tendant à son application.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

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N°14BX02155


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX02155
Date de la décision : 01/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Bernard LEPLAT
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET VACARIE et DUVERNEUIL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-06-01;14bx02155 ?
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