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21/06/2016 | FRANCE | N°14BX01380

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 21 juin 2016, 14BX01380


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Basville a demandé au tribunal administratif de Limoges : 1) à titre principal, de condamner la société Groupama D'Oc, au titre de la garantie " responsabilité décennale " souscrite auprès de cet assureur par la SARL EtablissementsD..., à lui verser les sommes de 41 859,61 euros TTC au titre des travaux de réparation de l'église du village, et de 5 023,15 euros au titre des frais nécessaires de maîtrise d'oeuvre afférents à ces travaux ; 2) à titre subsidiaire, de condamner solidairemen

t M.C..., architecte, la Mutuelle des architectes français, son assureur, et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Basville a demandé au tribunal administratif de Limoges : 1) à titre principal, de condamner la société Groupama D'Oc, au titre de la garantie " responsabilité décennale " souscrite auprès de cet assureur par la SARL EtablissementsD..., à lui verser les sommes de 41 859,61 euros TTC au titre des travaux de réparation de l'église du village, et de 5 023,15 euros au titre des frais nécessaires de maîtrise d'oeuvre afférents à ces travaux ; 2) à titre subsidiaire, de condamner solidairement M.C..., architecte, la Mutuelle des architectes français, son assureur, et la société Groupama d'Oc au versement desdites sommes, en raison des fautes commises par l'architecte et la SARL Etablissements D...dans l'exécution de leurs obligations contractuelles.

Par un jugement n° 1201158 du 6 mars 2014, le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mai 2014 et des mémoires présentés les 7 janvier 2016 et 18 février 2016, la commune de Basville, représentée par MeI..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 6 mars 2014 ;

2°) de condamner solidairement M. E...C...et les établissements Lacroq à lui verser les sommes de :

- 41 859,61 euros TTC, au titre des travaux de réparation selon le devis Sarebat du 26 novembre 2010, avec indexation sur l'indice Insee des coûts de la construction BT01 à compter du 1er janvier 2011, et jusqu'à complet paiement ;

- 5 023,15 euros au titre des frais nécessaires de maîtrise d'oeuvre afférents auxdits travaux de réparation, avec intérêts de droit ;

3°) de mettre à la charge de ce dernier une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner M. C...aux dépens, y compris ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., représentant la Commune de Basville, et de MeB..., représentant M. E...C...et la société d'assurance Mutuelle des Architectes Français.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Basville a souhaité restaurer, en 2004, l'église de Sainte-Anne dont la façade et le clocher sont classés à l'inventaire des monuments historiques. A cette fin, elle a confié, par un acte d'engagement signé le 2 novembre 2004, la maîtrise d'oeuvre de ces travaux à M.C..., architecte, assuré auprès de la Mutuelle des architectes français. Les travaux du lot n°1 " gros oeuvre et VRD " ont été confiés à la SARL EtablissementsD..., ayant comme assureur la société Groupama d'Oc, après que la société a présenté un devis d'intervention pour un montant de 39 974,15 euros HT. La SARL Etablissements D...a émis trois factures les 2 mars, 30 avril et 30 juin 2007 qui ont été réglées par la commune après certification par le maître d'oeuvre, lequel a émis des notes d'honoraires les 30 août 2005, 20 février 2006 et 31 août 2007. La réception des travaux est intervenue sans réserve le 25 juillet 2007, avec report à la date du 27 septembre 2007. Au début de l'année 2008, la commune de Basville a constaté un délitement et un décollement des joints de façade entre les pierres de cette église, en particulier sur sa partie inférieure davantage touchée par les intempéries. A la suite de l'avis émis par l'architecte des bâtiments de France le 23 avril 2008 concernant la qualité de ces travaux, la commune de Basville a notifié les désordres à la SARL Etablissements D...par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 28 août 2008. Cette société a été placée en liquidation judiciaire le 29 janvier 2009 et M. G...D...a été désigné comme liquidateur amiable. Par un rapport du 18 décembre 2009, l'expert d'assurance de la commune a considéré que la mauvaise tenue des joints était imputable au maître d'oeuvre et au constructeur mais n'a constaté aucune venue d'eau à l'intérieur de l'ouvrage et a ainsi estimé que le désordre ne compromettait ni la solidité, ni les maçonneries et n'entraînait pas d'impropriété à la destination. A défaut d'avoir été indemnisée de ses préjudices, la commune de Basville a sollicité une expertise judiciaire par une assignation du 26 avril 2010. Le président du tribunal de grande instance de Guéret, statuant en qualité de juge des référés, a désigné M. A...H..., en qualité d'expert, par ordonnance du 22 juin 2010. Ce rapport a été remis le 11 janvier 2011. La commune de Basville a demandé au tribunal administratif, à titre principal, de condamner la société Groupama d'Oc, assureur de la SARL EtablissementsD..., à l'indemniser de ses préjudices résultant des désordres affectant l'église au titre de la responsabilité décennale des constructeurs. A titre subsidiaire, la commune a demandé la condamnation solidaire de M. C..., architecte, de la Mutuelle des architectes français, son assureur, et de la société Groupama d'Oc, à réparer lesdits préjudices en invoquant les manquements de l'architecte et de l'entrepreneur à leurs obligations contractuelles. La commune de Basville relève appel du jugement du 6 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre :

2. La commune de Basville soutient que M.C..., architecte, a commis des fautes contractuelles de nature à engager sa responsabilité. Elle lui reproche d'une part, un défaut de surveillance de l'exécution des travaux, d'autre part, un manquement à son devoir de conseil lors de la réception de l'ouvrage.

3. Il ressort du point 1.5 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché de maîtrise d'oeuvre en litige que M. C...avait été notamment chargé de " la direction de l'exécution des contrats de travaux " et de " l'assistance au maître d'ouvrage lors des opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement ".

En ce qui concerne l'invocation d'une faute dans la direction de l'exécution des travaux :

4. Il est constant que la réception sans réserve des travaux a été prononcée le 27 septembre 2007. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la commune de Basville ne pouvait rechercher la responsabilité contractuelle de M.C..., maître d'oeuvre, dans la direction de l'exécution des travaux en litige.

En ce qui concerne l'invocation du manquement de l'architecte à son devoir de conseil lors de la réception des travaux :

5. La responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux dès lors que le maître d'oeuvre en avait eu connaissance en cours de chantier.

6. D'une part, il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert judiciaire remis le 11 janvier 2011, que les malfaçons concernant le rejointement et l'enduit n'étaient pas apparentes à la date de la réception des travaux. D'ailleurs, si par une lettre datée du 11 octobre 2007 rédigée à la suite de la réunion au cours de laquelle a été réceptionné le chantier, l'architecte des bâtiments de France (ABF) a relevé que les " enduits et joints [étaient] trop clairs par rapport à la teinte moyenne des pierres " et qu'il existait quelques maladresses affectant des éléments autres que le rejointement et l'enduit, il n'a lui non plus émis aucune réserve. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'oeuvre ait eu connaissance de ces désordres lors du chantier. En effet, et contrairement à ce que soutient la commune de Basville, le courrier de l'ABF du 31 octobre 2006 ne permet pas d'établir que M. C...aurait eu connaissance de ces malfaçons dès lors que cette lettre, antérieure de six mois à l'exécution des travaux extérieurs, avait uniquement pour objet d'attirer l'attention du maître d'oeuvre sur la nature de la chaux à employer. Les préconisations que comportait ce document avaient d'ailleurs été respectées par l'entreprise D...qui n'a cependant pas maîtrisé le " modus operandi " dans l'application de la chaux. Dans ces conditions, la commune de Basville ne saurait reprocher à M. C... d'avoir manqué à son devoir de conseil en ne lui préconisant pas d'émettre des réserves à l'occasion de la réception de l'ouvrage.

En ce qui concerne l'invocation de la responsabilité du maître d'oeuvre sur le fondement de la garantie de parfait achèvement :

7. La réception d'un ouvrage met fin aux relations contractuelles entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. La responsabilité des constructeurs ne peut alors plus être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour des désordres qui affecteraient l'ouvrage. Toutefois, les obligations des constructeurs sont prolongées, à compter de la réception de l'ouvrage, pendant le délai de la garantie de parfait achèvement prévue au contrat lui-même, en ce qui concerne les réserves faites à l'occasion de cette réception. Les désordres qui apparaissent pendant cette période sont également couverts par la garantie de parfait achèvement. La garantie de parfait achèvement prévue par les stipulations contractuelles repose ainsi sur le même fondement juridique que la responsabilité contractuelle. Par suite, les conclusions présentées sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, bien qu'elles n'aient pas été invoquées devant les premiers juges, pouvaient l'être pour la première fois en appel.

8. Cependant, l'article 1792-6 du code civil n'est pas applicable aux contrats administratifs. En outre, alors que M. C...soutient qu'en sa qualité d'architecte, il ne serait pas redevable d'une telle garantie, la commune de Basville ne se prévaut d'aucune stipulation contractuelle du contrat de maîtrise d'oeuvre, lequel renvoie notamment au cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de prestations intellectuelles approuvé par le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 et au cahier des clauses techniques particulières applicables aux marchés publics de travaux, de laquelle il résulterait qu'aurait été mise à la charge du maître d'oeuvre une garantie de parfait achèvement. Dans ces conditions, la commune de Basville n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de M. C...sur le fondement de la garantie contractuelle de parfait achèvement.

Sur la responsabilité de la société EtablissementsD... :

9. La commune de Basville a sollicité, par mémoire enregistré le 18 février 2016, la condamnation de la société Etablissements D...à l'indemniser des désordres consécutifs aux travaux de restauration de l'église.

10. Toutefois, la commune n'a pas, en première instance, demandé la condamnation de la société EtablissementsD.... Les conclusions qu'elle présente à l'encontre de cette société sont ainsi présentées pour la première fois en appel et sont, par suite, irrecevables.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Basville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les frais d'expertise :

12. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties./ L'Etat peut être condamné aux dépens ".

13. La commune de Basville n'est pas fondée à demander que soient mis à la charge de M. C...les frais d'expertise engagés devant le tribunal de grande instance de Guéret dès lors que ces frais ne constituent pas, dans la présente instance, des dépens au sens des dispositions précitées. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions présentées par la commune de Basville à ce titre.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. M. C...n'étant pas la partie perdante, les conclusions de la commune tendant à sa condamnation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les autres parties au titre de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Basville est rejetée.

Article 2 : Les conclusions des intimés présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 14BX01380


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX01380
Date de la décision : 21/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELARL RAYNAL - DASSE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-06-21;14bx01380 ?
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