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12/07/2016 | FRANCE | N°14BX00280

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 12 juillet 2016, 14BX00280


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B..., associée à la caisse primaire d'assurance maladie du Gers, a demandé au tribunal administratif de condamner la compagnie Axa France Iard à lui verser une indemnité globale de 44 797,61 euros en réparation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale subie au centre hospitalier universitaire de Toulouse le 22 juillet 2000.

Par un jugement n° 1003381 du 5 décembre 2013, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la société Axa France Iard à verser d'une part à Mme

B...la somme de

19 500 euros, sous réserve des sommes déjà perçues et à verser d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B..., associée à la caisse primaire d'assurance maladie du Gers, a demandé au tribunal administratif de condamner la compagnie Axa France Iard à lui verser une indemnité globale de 44 797,61 euros en réparation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale subie au centre hospitalier universitaire de Toulouse le 22 juillet 2000.

Par un jugement n° 1003381 du 5 décembre 2013, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la société Axa France Iard à verser d'une part à Mme B...la somme de

19 500 euros, sous réserve des sommes déjà perçues et à verser d'autre part à la caisse primaire d'assurance maladie du Gers la somme de 60 218,52 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2010.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2014, des pièces nouvelles et un mémoire complémentaire enregistrés les 21 mars 2014 et 27 novembre 2014, MmeB..., représentée par la SCP Seguy Daudigeos-Laborde, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 décembre 2013 en ce qu'il a limité à 19 500 euros le montant de l'indemnité devant lui être accordée ;

2°) de condamner la société Axa France Iard à lui payer la somme de 68 000 euros en réparation de son préjudice corporel, sous réserve des sommes déjà versées ;

3°) de mettre à la charge de la société Axa France Iard la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de Me A...représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société Axa France Iard.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., souffrant de poliomyélite depuis l'enfance et porteuse d'une prothèse de hanche gauche depuis 1984, a été hospitalisée le 22 juillet 2000 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à la suite d'une chute. Elle a subi le 28 juillet 2000 un remplacement de sa prothèse de hanche, avec greffe osseuse. Une infection par staphylocoque doré a nécessité une reprise chirurgicale avec lavage de la prothèse le 11 août 2000 et un traitement par antibiothérapie. Mme B...a ensuite été hospitalisée de nouveau fin septembre 2000 pour la réduction d'une luxation de la hanche due au positionnement trop vertical du cotyle prothétique installé en juillet, constaté dès le 1er septembre 2000. A la suite d'une nouvelle luxation, le cotyle a finalement été remplacé le 15 novembre 2000. L'évolution sera par la suite satisfaisante jusqu'à ce que Mme B...se plaigne de douleurs à la cuisse gauche à l'occasion d'une consultation le 30 septembre 2002. Une radiographie indiquant un liseré autour de la tige non cimentée de la prothèse ainsi qu'un taux de leucocytes élevé ont révélé un phénomène infectieux et, le 21 janvier 2003, une intervention chirurgicale est pratiquée afin de procéder à l'ablation de la prothèse, qui était totalement descellée et autour de laquelle s'était développée une nouvelle infection. Après avoir mandaté un expert, la société Axa France, assureur du CHU de Toulouse, a proposé à Mme B...une indemnité de 7 702,39 euros en réparation des dommages résultant des actes de soins pratiqués. Après avoir dans un premier temps accepté cette transaction amiable, la patiente en a finalement recherché l'annulation devant le tribunal de grande instance de Toulouse lequel, par un jugement du 20 novembre 2007, a fait droit à sa demande, a ordonné une expertise et a condamné la société Axa France Iard à lui verser une provision de 1500 euros, laquelle sera par la suite portée à 10 000 euros par une ordonnance du juge de la mise en état du 19 juin 2008, confirmée le 16 juillet 2009 par la cour d'appel de Toulouse. Par un jugement du 23 janvier 2010, le tribunal de grande instance de Toulouse, statuant sur un déclinatoire de compétence transmis au procureur de la République par le préfet de la Haute-Garonne, a néanmoins reconnu l'incompétence de la juridiction judiciaire pour trancher le litige. Mme B...relève désormais appel du jugement du 5 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse, saisi par elle le 9 août 2010, n'a fait droit à sa demande de condamnation de la société Axa France Iard sur le fondement de l'article L. 124-3 du code des assurances qu'à concurrence de la somme de 19 500 euros. Par la voie de l'appel incident, la société Axa France Iard, à laquelle s'associe le CHU de Toulouse, demande à titre principal que soit ordonnée une nouvelle expertise ou, subsidiairement, que les indemnités allouées par le tribunal à Mme B...et à la caisse primaire d'assurance maladie du Gers soient réduites. La caisse, à laquelle le CHU de Toulouse a été condamné à verser la somme de 60 218,52 euros en principal, demande la confirmation du jugement en ce qui la concerne.

Sur la fin de non recevoir opposée à la requête :

2. La requête d'appel de Mme B...ne peut être regardée comme dépourvue de toute critique du jugement du 5 décembre 2013, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, dès lors que la requérante fait valoir que l'indemnité que la société Axa France Iard est condamnée à lui verser en exécution de ce jugement est insuffisante en ce qu'elle ne couvre pas l'intégralité du préjudice qu'elle a subi, et qu'elle expose, pour chaque chef de préjudice corporel, les critères et modes de calcul dont il doit selon elle être fait application pour évaluer avec exactitude les dommages qu'elle a réellement subis, ajoutant que le tribunal ne pouvait écarter sa demande indemnitaire formulée au titre de l'assistance par une tierce personne au seul motif que cette assistance est assurée par un membre de la famille. La fin de non-recevoir opposée à la requête par la société Axa France Iard et le CHU de Toulouse sur le fondement de l'article R. 411-1 du code de justice administrative doit donc être écartée.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. La société Axa France Iard soutient que la demande indemnitaire présentée au tribunal par Mme B...est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une réclamation préalable auprès du CHU de Toulouse. Toutefois, les dispositions de l'article L. 124-3 du code des assurances ne subordonnent pas l'action directe contre l'assureur de l'auteur d'un dommage à la présentation d'une demande indemnitaire préalable auprès de l'auteur du dommage lui-même. Il ressort en l'espèce des pièces du dossier que Mme B...a formé le 20 avril 2010 une réclamation auprès de la société Axa France Iard. Elle n'était donc pas tenue de présenter la même demande auprès du centre hospitalier.

Sur la responsabilité du CHU de Toulouse et de son assureur :

4. Il résulte de l'instruction que Mme B...recherche la responsabilité de la société Axa France Iard sur le fondement de l'article L. 124-3 du code des assurances à raison de l'ensemble des fautes médicales ou manquements dans sa prise en charge qui ont pu être commis au sein du CHU de Toulouse, dont cette société est l'assureur, entre sa première hospitalisation dans l'établissement, le 22 juillet 2000, et l'intervention chirurgicale du 21 janvier 2003.

En ce qui concerne l'infection contractée le 28 juillet 2000 :

5. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport remis le 31 mars 2008 par l'expert désigné par le juge judiciaire mais aussi de l'expertise initiale réalisée par le médecin conseil de l'assureur du CHU de Toulouse, que quinze jours après l'intervention du 28 juillet 2000, une infection est apparue sur la plaie opératoire. Le résultat du prélèvement avec antibiogramme opéré sur cette plaie a révélé la présence de deux germes, un pyocyanique et un staphylocoque doré. Selon l'expert, qui n'est au demeurant pas contredit sur ce point par le centre hospitalier et son assureur, en l'absence de tout élément laissant supposer que ces germes auraient déjà été présents dans l'organisme de Mme B...avant l'hospitalisation, l'intervention chirurgicale en cause doit être regardée comme directement à l'origine de la contamination dont l'intéressée a été victime, laquelle présente dès lors un caractère nosocomial. L'introduction accidentelle de germes microbiens dans l'organisme de la patiente révèle une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier et engage par conséquent la responsabilité de la société Axa France Iard envers MmeB....

En ce qui concerne les luxations et les actes de soins réalisés de septembre à novembre 2000 :

6. Si le médecin conseil de la société Axa France Iard imputait les luxations successives de Mme B...en septembre et octobre 2000 à l'état antérieur de la patiente, l'expert judiciaire relève pour sa part que ces luxations sont dues à une position trop verticale du cotyle implanté chirurgicalement le 28 juillet 2000 et en déduit qu'elles constituent un fait dommageable imputable au CHU de Toulouse. Toutefois, en se bornant à ce constat sans apporter de précisions quant à la nature de la faute qui aurait été commise par le chirurgien au regard notamment des particularités anatomopathologiques de l'espèce, alors d'une part qu'il est constant que les luxations constituent un phénomène dont la survenance est courante à la suite de la pose de prothèses de hanche et que, d'autre part, les comptes-rendus des interventions et consultations d'octobre et novembre 2000 font état d'un mouvement de verticalisation postopératoire du cotyle résultant d'un appui osseux insuffisant pour assurer sa stabilité, le rapport remis le 31 mars 2008 ne permet pas de connaître avec suffisamment de certitude la cause des luxations et en particulier d'apprécier si celles-ci procèdent ou non d'une faute imputable au CHU de Toulouse.

En ce qui concerne l'infection contractée à la fin de l'année 2002 :

7. L'expert judiciaire conclut également à un lien entre l'infection nosocomiale contractée le 28 juillet 2000 et l'infection observée à la fin de l'année 2002 concomitamment à un descellement de la prothèse, à l'origine de l'ablation de celle-ci. Il souligne qu'un risque de réveil septique est toujours possible et, rappelant que le germe retrouvé en janvier 2003 est un staphylocoque doré, de même que l'un de ceux identifiés en juillet 2000, il indique que l'on

" ne peut pas supposer qu'il y ait eu plusieurs épisodes morbides plus ou moins stabilisés " et que " l'histoire médicale de Mme B...ne peut pas être fragmentée ". Cependant, si la récidive de l'infection de 2000 est effectivement une éventualité, la société Axa France Iard et le

CHU de Toulouse ne sont pas sérieusement contredits lorsqu'ils soulignent que le nouvel épisode infectieux, survenu plus de deux années après la contamination nosocomiale et alors que les prélèvements bactériologiques effectués dans l'intervalle étaient tous négatifs, peut également trouver son origine dans d'autres causes, tenant notamment au descellement même de la prothèse ou à l'état général de santé de la patiente. Or, il résulte de l'instruction que l'expert n'a pas cherché à conforter sa conviction au moyen d'investigations complémentaires et qu'en particulier il n'a pas fait procéder à des examens biologiques de nature à confirmer l'exacte identité des germes trouvés en 2000 et 2003. Il ne s'est par ailleurs pas prononcé sur les causes du descellement de la prothèse.

8. Il résulte de ce qui précède qu'en l'état de l'instruction les éléments soumis au juge ne permettent pas d'affirmer, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, que des fautes médicales ou dans l'organisation et le fonctionnement du service hospitalier sont la cause directe et certaine des préjudices de Mme B...résultant des luxations de la hanche dont elle a été victime en septembre et octobre 2002 ainsi que de l'infection bactériologique et du descellement de sa prothèse survenus à la fin de l'année 2003. Aussi, faute pour la cour de pouvoir statuer de manière éclairée sur l'existence de telles fautes et, le cas échéant, sur leur lien de causalité avec les préjudices invoqués, il y a lieu, avant de se prononcer sur la requête de MmeB..., d'ordonner un supplément d'instruction, aux fins et selon les modalités définies dans le dispositif du présent arrêt.

DECIDE

Article 1er : Avant de statuer sur les conclusions de la requête de MmeB..., il sera procédé à une expertise par un médecin désigné par le président de la cour.

Article 2 : L'expert, qui pourra être autorisé s'il l'estime utile à faire appel au concours d'un sapiteur pour l'éclairer sur un point particulier, conformément aux prescriptions de l'article R. 621-2 du code de justice administrative, aura pour mission :

- d'examiner Mme B...et de prendre connaissance de son dossier médical ;

- de donner tous les éléments utiles d'appréciation sur le point de savoir si l'implantation du cotyle prothétique en juillet 2000 a été réalisée conformément aux données acquises de la science médicale et, en particulier, de donner son avis sur la question de savoir si les luxations dont Mme B... a été victime en septembre et octobre 2000 résultent directement d'un geste chirurgical, d'un aléa thérapeutique ou d'une autre cause ;

- de donner tous les éléments utiles d'appréciation sur les causes du descellement de la prothèse de hanche de Mme B...à la fin de l'année 2002 et sur les causes de l'infection révélée à cette même date ; de donner son avis sur les interactions entre ces deux phénomènes et sur l'éventualité de leur lien avec l'intervention chirurgicale du 28 juillet 2000 ; de mener en particulier toutes investigations permettant d'établir ou de réfuter l'hypothèse d'une récidive de l'infection contractée en juillet 2000 ;

- de donner, en fonction de la date de consolidation à retenir pour chaque évènement, tous les éléments permettant d'évaluer les préjudices de Mme B...s'y rapportant, en particulier la durée de l'incapacité temporaire totale et le taux de l'incapacité permanente partielle, ainsi que tous les éléments permettant d'évaluer les autres postes de préjudices tels que les troubles dans les conditions d'existence, le préjudice d'agrément et le préjudice subi du fait des souffrances endurées ;

- de donner, plus généralement, toute indication utile à la détermination des différents éléments du préjudice subi par Mme B....

Article 3 : L'expert remplira sa mission dans les conditions prévues par les articles

R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative ; pour l'accomplissement de sa mission, il pourra se faire remettre, en application de l'article R. 621-7-1 du même code, tous documents utiles et notamment, tous ceux relatifs aux examens et soins pratiqués sur l'intéressé.

Article 4 : Conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative, l'expert avertira les parties par lettre recommandée, quatre jours au moins à l'avance, des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise.

Article 5 : Conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 621-9 du code de justice administrative, l'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires, au plus tard le 1er octobre 2016 ; il en notifiera une copie à chacune des parties intéressées ; avec leur accord cette notification pourra s'opérer sous forme électronique.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties sont réservés jusqu'en fin d'instance.

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N° 14BX00280


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00280
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP SEGUY DAUDIGEOS-LABORDE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-12;14bx00280 ?
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