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05/12/2016 | FRANCE | N°14BX02150

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 05 décembre 2016, 14BX02150


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SOCOTEC a demandé au tribunal administratif de Pau à titre principal, de condamner in solidum, d'une part, les sociétés Dha, Codef Ingénierie, Kemica et le cabinet d'architectes Bernard Cercy à lui verser la somme de 74 627,74 euros au titre de la réparation des désordres affectant le bassin du centre thermo-ludique de Saint-Lary-Soulan et, d'autre part, les sociétés Dha, Codef Ingénierie, Socabat et le cabinet d'architectes Bernard Cercy à lui verser la somme de 66 033,78 euros au titre de

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SOCOTEC a demandé au tribunal administratif de Pau à titre principal, de condamner in solidum, d'une part, les sociétés Dha, Codef Ingénierie, Kemica et le cabinet d'architectes Bernard Cercy à lui verser la somme de 74 627,74 euros au titre de la réparation des désordres affectant le bassin du centre thermo-ludique de Saint-Lary-Soulan et, d'autre part, les sociétés Dha, Codef Ingénierie, Socabat et le cabinet d'architectes Bernard Cercy à lui verser la somme de 66 033,78 euros au titre des désordres affectant les cloisons des cabines de ce même centre, et ce en remboursement de la somme dont elle s'est acquittée en exécution d'une ordonnance de référé provision du 13 décembre 2010 et, à titre subsidiaire, de limiter sa part de responsabilité dans les désordres litigieux.

Par un jugement n° 1201934 du 15 mai 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de la société SOCOTEC.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 juillet 2014 et le 17 février 2015, la société SOCOTEC, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Pau du 15 mai 2014 ;

2°) à titre principal : de dire et juger que sa responsabilité n'est pas engagée au titre des désordres affectant le bassin et les cloisons du centre thermo-ludique de Saint-Lary Soulan et de condamner in solidum, d'une part, les sociétés Dha, Codef Ingénierie, Kemica et le cabinet d'architectes Bernard Cercy à lui verser la somme de 74 627,74 euros au titre de la réparation des désordres affectant le bassin du centre thermo-ludique de Saint-Lary-Soulan et, d'autre part, les sociétés Dha, Codef Ingénierie, Socabat et le cabinet d'architectes Bernard Cercy à lui verser la somme de 66 033,78 euros au titre des désordres affectant les cloisons des cabines de ce même centre, et ce en remboursement de la somme dont elle s'est acquittée en exécution d'une ordonnance de référé provision du 13 décembre 2010 ;

3°) à titre subsidiaire : de condamner in solidum, d'une part, les sociétés Dha, Codef Ingénierie, Kemica et le cabinet d'architectes Bernard Cercy à la garantir et à la relever indemne de toute condamnation versée à la commune de Saint-Lary au-delà du pourcentage de 8 %, soit au-delà de la somme de 29 851,09 euros, au titre des désordres affectant le bassin et, d'autre part, les sociétés Dha, Codef Ingénierie, Socabat et le cabinet d'architectes Bernard Cercy à la garantir et à la relever indemne de toute condamnation versée à la commune de Saint-Lary au-delà du pourcentage de 5 %, soit au-delà de la somme de 16 508,44 euros, au titre des désordres affectant les cloisons des cabines ;

4°) à titre infiniment subsidiaire : s'agissant des désordres affectant les bassins, de dire et juger que la répartition des responsabilité et de 11 % pour la société Dha, de 15 % pour la société Codef Ingénierie, de 60 % pour la société Kemica, de 8 % pour la société SOCOTEC et de 6 % pour le cabinet d'architectes Bernard Cercy et de condamner conjointement les sociétés Dha, Codef Ingénierie, Kemica et le cabinet d'architectes Bernard Cercy à la garantir et à la relever indemne de toute condamnation versée à la commune de Saint-Lary dans ces proportions ; s'agissant des désordres affectant les cloisons, de dire et juger que la répartition des responsabilité et de 16 % pour la société Dha, de 21 % pour la société Codef Ingénierie, de 52 % pour la société Socabat, de 5 % pour la société SOCOTEC et de 6 % pour le cabinet d'architectes Bernard Cercy et de condamner conjointement les sociétés Dha, Codef Ingénierie, Socabat et le cabinet d'architectes Bernard Cercy à la garantir et à la relever indemne de toute condamnation versée à la commune de Saint-Lary dans ces proportions ;

5°) de mettre à la charge, in solidum, de l'ensemble des défendeurs, outre les entiers dépens, la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen d'irrecevabilité tiré de l'article R. 541-1 a été soulevé d'office lors de l'audience après deux années d'instruction, sans qu'aucun des défendeurs ne l'ait soulevé, le sens des conclusions du rapporteur public ne permettant pas de connaître les motifs de fait et de droit à l'appui de ce moyen ; le jugement fait siennes les conclusions du rapporteur public sans davantage se prononcer sur les arguments qu'elle avait mis en avant au titre de la recevabilité de sa requête ; cela contrevient à l'article 9 du code de justice administrative, aux termes duquel les jugements doivent être motivés ;

- sa demande de première instance était recevable ; l'article R. 541-4 du code de justice administrative ne s'applique pas, dès lors que sa demande n'a pas pour objet de remettre en cause le quantum de la créance allouée à la commune en référé, mais d'exercer un recours à l'encontre des autres constructeurs ; sa demande n'est ainsi pas dirigée contre la commune ; l'article R. 541-4 ne peut trouver application au cas d'espèce, car il est cantonné aux seuls rapports entre le maître de l'ouvrage public bénéficiant d'une créance provisionnelle et les constructeurs débiteurs de cette créance qui viendraient à en contester le montant ; en d'autres termes, cet article ne concerne que le recours de la personne condamnée envers la personne bénéficiaire de la provision ; en l'espèce, elle ne conteste pas la créance dont est bénéficiaire la commune, mais entend exercer un recours à l'encontre des constructeurs dans le cadre de l'examen des responsabilités respectives de chacun ; l'article R. 541-4 ne saurait avoir pour effet de prescrire toute action au fond dans un délai de deux mois et rendre définitive une ordonnance de référé dans un délai inférieur au temps de prescription dont chaque partie dispose pour agir au fond, en dehors des rapports créancier/débiteur à la suite d'une ordonnance de provision ; en outre, dans son ordonnance allouant une provision à la commune, le juge des référés indique clairement qu'il ne peut statuer sur les nombreux appels en garantie présentés par les défendeurs dans la mesure où ceux-ci soulèvent des difficultés sérieuses qui ne peuvent être tranchées que par le juge du fond ;

Sur le fond, elle soutient à titre principal que :

- il y a absence d'imputabilité des désordres affectant les bassins à la société SOCOTEC, comme cela résulte du rapport d'expertise, qui retient les responsabilités du maître d'oeuvre et de l'applicateur ; elle a respecté sa mission et ne saurait être tenue de suppléer la carence du maître d'oeuvre et des entreprises d'exécution ; en l'espèce, tant l'expert judiciaire que la commune déplorent que les désordres en question soient liés à un défaut de préparation et à un non respect du délai de séchage ; en outre, la société SOCOTEC, en sa qualité de contrôleur technique, n'avait pas à émettre, en vertu des articles L. 111-24 et 25 du code de la construction et de l'habitation, d'avis sur l'adéquation du procédé, eu égard à sa mission, d'autant plus qu'il avait reçu l'aval du CSTB ;

- il y a également absence de responsabilité de sa part s'agissant des désordres affectant les cloisons ; ces désordres résultent d'un défaut d'étanchéité ; or, ils avaient été confiés à la société Socabat et à son sous-traitant ; ils ne peuvent donc lui être imputés ;

A titre subsidiaire comme infiniment subsidiaire, elle soutient que :

- le juge des référé n'a pas statué sur le détail des responsabilités et sa décision l'a conduite à supporter une condamnation sans rapport avec son éventuelle part de responsabilité ; l'expert a cependant effectué une répartition des responsabilités concernant à la fois les désordres sur le bassin et sur les cloisons ; il y a donc lieu de s'en tenir à cette répartition ; en outre, l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation précise que le contrôleur technique n'est soumis à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792 et suivants du code civil que dans les limites de la mission qui lui a été confiée par le maître d'ouvrage ; ainsi, le contrôleur technique n'est-il tenu vis-à-vis des constructeurs, s'agissant de la réparation des dommages, qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage ; dans ces conditions, elle est bien fondée à solliciter la condamnation in solidum des défendeurs, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, à la garantir de toute somme versée au-delà de 8 % s'agissant des désordres affectant el bassin et de 5 % s'agissant des désordres affectant les cloisons.

Par un mémoire, enregistré le 29 septembre 2014, la société Douat Harland et Associés (Dha), représentée par MeG..., conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête et à la condamnation in solidum, d'une part, des sociétés SOCOTEC, Codef Ingénierie, Kemica et du cabinet d'architectes Bernard Cercy à l'indemniser à hauteur de 41 045,26 euros au titre de l'indemnité provisionnelle que la société Dha a versé à la commune au titre des désordres sur les bassins et, d'autre part, des sociétés SOCOTEC, Codef, Socabat et du cabinet d'architectes Bernard Cercy à l'indemniser à hauteur de 52 827,02 euros au titre de l'indemnité provisionnelle que la société Dha a versé à la commune au titre des désordres dans les cloisons ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la répartition des responsabilités au titre des désordres affectant les bassins soit de 11 % pour la société Dha, de 15 % pour la société Codef Ingénierie, de 60 % pour la société Kemica, de 8 % pour la société SOCOTEC et de 6 % pour le cabinet d'études Cercy, et au titre des désordres affectant les cloisons, de 16 % pour la société Dha, de 21 % pour la société Codef Ingénierie, de 52 % pour la société Socabat et ses sous-traitants, de 5 % pour la société SOCOTEC et de 6 % pour le cabinet d'études Cercy ; en conséquence, à la limitation du quantum de toutes éventuelles condamnations de la société Dha à une somme ne pouvant excéder 93 872,28 euros, soit 41 045,26 euros au titre des désordres sur les bassins et de 52 827,02 euros au titre des désordres sur les cloisons ;

3°) dans tous les cas, à ce qu'il soit mis à la charge, in solidum, de la société SOCOTEC et de toute partie succombante, outre les entiers dépens, la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a déjà procédé au versement de la somme de 93 872,28 euros entre les mains de la commune ;

- en conséquence, la société SOCOTEC comme toute autre partie, doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes à son encontre ;

- à titre subsidiaire, elles doivent être déboutées de ces demandes en ce qu'elles dépasseraient les pourcentages de responsabilité proposés par l'expert.

Par un mémoire, enregistré le 21 octobre 2014, la société Codef Ingénierie, représentée par MeE..., conclut :

1°) à la réformation du jugement du 15 mai 2014 en ce qu'il a rejeté la demande de la société SOCOTEC et ses propres demandes reconventionnelles ;

2°) à titre principal, à ce que les sociétés SOCOTEC et Dha et tout autre éventuel défendeur soient déboutés de leurs demandes à l'encontre de la société Codef et à la condamnation in solidum des sociétés SOCOTEC, Dha, Kemica et du cabinet Cercy à lui verser la somme de 74 627,74 euros et à la condamnation in solidum des société SOCOTEC, Socabat et Dha et au cabinet d'étude Bernard Cercy à lui verser la somme de 66 033,78 euros ;

3°) à titre subsidiaire, à ce que la responsabilité de la société Codef soit limitée dans la proportion de 10 % et à la condamnation in solidum des sociétés SOCOTEC, Kemica, Socabat, Dha et du cabinet Cercy à la relever et la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre au-delà de cette proportion ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, à ce que la société SOCOTEC et les autres défendeurs soient condamnés in solidum à lui verser la somme de 15 356,02 euros ;

5°) dans tous les cas, à ce qu'il soit mis à la charge de la société SOCOTEC ou de toute partie succombante, outre les entiers dépens, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont prononcé une irrecevabilité sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative ;

- les désordres litigieux ne lui sont pas imputables et que les autres constructeurs responsables devront être condamnés à l'indemniser, à due proportion, des sommes qu'elle a versées à la suite de l'ordonnance de référé ;

- en tout état de cause, elle devra être relevée et garantie indemne de toute condamnation solidaire éventuelle, compte tenu de l'imputabilité des désordres aux autres constructeurs.

Par un mémoire, enregistré le 29 octobre 2014, la société Socabat, représentée par MeF..., conclut :

1°) à titre principal, au rejet des conclusions de la société SOCOTEC tendant à la réformation du jugement et au rejet des différentes conclusions dirigées contre elle ;

2°) à titre subsidiaire, à la condamnation in solidum des sociétés SOCOTEC, Codef Ingénierie, Dha et du cabinet Cercy à l'indemniser à hauteur de 66 633,78 euros au titre des désordres dans les cloisons ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, à ce que la répartition des responsabilités concernant les désordres affectant les cloisons soit celle qu'a retenue l'expert judiciaire, soit 12 % pour la Socabat et à ce que le quantum d'une éventuelle condamnation soit, par conséquent, limité pour la Socabat à une somme n'excédant pas 52 827,02 euros ;

4°) à titre très subsidiaire, à la condamnation in solidum des différentes entreprise à un partage équitable à hauteur de 20 % chacune ;

5°) dans tous les cas, à ce qu'il soit mis à la charge, in solidum, de la commune de Saint-Lary et de tous succombants, outre les entiers dépens, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que le recours de la société SOCOTEC était irrecevable ;

- à titre subsidiaire, les conclusions de la SOCOTEC doivent être rejetées, la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre et de la société SOCOTEC étant exclusives de toute autre ;

- à titre infiniment subsidiaire, la condamnation de la SOCABAT ne pourrait excéder 66 033,78 euros, somme dont elle s'est déjà acquittée auprès du maître d'ouvrage.

Par un mémoire, enregistré le 2 janvier 2015, la société Kemica, représentée par Me A..., conclut :

1°) à titre principal, à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'il soit mis à la charge de la SOCOTEC, outre les entiers dépens, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de l'intégralité des conclusions dirigées contre elle tant par la SOCOTEC que par les sociétés Codef et Dha et par le cabinet Cercy et à ce qu'il soit mis à la charge de la SOCOTEC, outre les entiers dépens, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, à la limitation à 20 % de sa responsabilité au titre des désordres dans les bassins.

Elle soutient que :

- la demande de la SOCOTEC était irrecevable en vertu de l'article R. 541-4 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire, les conclusions de la SOCOTEC doivent être rejetées, car elle a gravement failli à sa mission tant en ce qui concerne la conception que le suivi de l'exécution ;

- en revanche, la société Kemica doit être déchargée de toute responsabilité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Socotec, et de MeC..., représentant la société Douat Harland et associés.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Saint-Lary-Soulan (Hautes-Pyrénées) a fait procéder, au cours des années 2002 à 2005, à la construction d'un centre aquatique dit " thermoludique ". A la suite de la réception définitive des travaux, intervenue après la levée des dernières réserves, le 30 novembre 2005, des désordres sont cependant rapidement apparus, affectant, notamment, l'étanchéité du bassin et des cloisons des cabines de soins. Ayant obtenu, en référé, l'organisation d'une expertise au contradictoire des différents constructeurs, la commune de Saint-Lary-Soulan a sollicité du juge des référés la condamnation de ces derniers à lui verser une provision au regard des différents désordres relevés par l'expert. Par une ordonnance du 13 décembre 2010, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a, en particulier, condamné solidairement, d'une part, les sociétés SOCOTEC, Dha, Codef Ingénierie, Kemica et le cabinet d'architectes Bernard Cercy à verser une provision de 373 138,72 euros à la commune, s'agissant des désordres affectant le bassin, et d'autre part, les sociétés SOCOTEC, Dha, Codef Ingénierie, Socabat et le cabinet d'architectes Bernard Cercy, à verser une provision de 330 168,90 euros à cette même commune, en réparation des désordres affectant les cloisons des cabines. La société Kemica ayant relevé appel de cette ordonnance, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par une ordonnance du 29 juin 2011, rejeté cette demande ainsi que les appels incidents et provoqués des sociétés SOCOTEC, Codef Ingénierie, DHA et du cabinet d'architectes Bernard Cercy. La société SOCOTEC a ensuite formé un recours devant le tribunal administratif, par lequel elle lui a demandé de procéder à la fixation définitive de sa dette, en sollicitant notamment la condamnation des autres constructeurs précités à lui rembourser le montant de la provision qu'elle a été condamnée à verser par l'ordonnance de référé du 13 décembre 2010. Par un jugement du 15 mai 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté les conclusions indemnitaires de la SOCOTEC après les avoir considérées comme irrecevables sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, et a également rejeté, par voie de conséquence, les conclusions reconventionnelles formulées par les sociétés Dha, Codef Ingénierie et Socabat, ainsi d'ailleurs que celles présentées par la commune de Saint-Lary. La société SOCOTEC fait appel de ce jugement, en présentant des conclusions indemnitaires tendant à la condamnation in solidum des sociétés Dha, Codef Ingénierie, Kemica, Socabat et du cabinet d'architectes Bernard Cercy, les sociétés Dha, Codef, Kemica et Socabat présentant par ailleurs des appels en garantie.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué.(...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance, ainsi que de l'extrait Sagace produit par la requérante elle-même, que l'affaire a été inscrite une première fois à l'audience du 10 avril 2014 avant d'être renvoyée à l'audience du 30 avril 2014 et ce, en raison d'une irrecevabilité soulevée par le rapporteur public dans ses conclusions mises en ligne le 7 avril. Par suite, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, un moyen d'ordre public, au demeurant visé par le jugement attaqué, a été adressé aux parties le 15 avril 2014, par lettre recommandée avec avis de réception, les informant de ce que le tribunal était susceptible de fonder sa décision sur le moyen d'office tiré de la méconnaissance du champ d'application des dispositions de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, rendant irrecevables, en raison de leur tardiveté, les conclusions de la requête et les conclusions reconventionnelles présentées par certains des défendeurs. Ce courrier précise également que, dans le cas où ce moyen d'ordre public appellerait des observations de la part de la requérante comme des autres parties, celles-ci devront être produites dans un délai de sept jours. Par ailleurs, dans ses écritures d'appel, la SOCOTEC fait valoir que le jugement a été rendu " sans se prononcer sur les arguments mis en avant par la société au titre de la recevabilité de sa requête ". En effet, tant par une note en délibéré du 14 avril 2014, enregistrée le 15 avril, que par un mémoire enregistré le 23 avril 2014, productions toutes deux visées par le jugement, la société SOCOTEC a fait valoir ses observations sur le moyen d'irrecevabilité tiré de l'article R. 541-4 du code de justice administrative et ce, avant la clôture d'instruction ayant précédé l'audience reportée au 30 avril.

4. Dans ces conditions, la société SOCOTEC n'est pas fondée à soutenir, s'agissant du moyen d'irrecevabilité retenu à son encontre par les premiers juges, que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté.

5. En second lieu, aux termes de l'article L 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

6. Contrairement à ce que fait valoir la société requérante, les premiers juges, qui n'étaient d'ailleurs pas tenus de répondre à tous ses arguments, ont parfaitement motivé, par les points 5 et 6 de leur jugement, les raisons pour lesquelles ils ont considéré qu'en vertu de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, le recours formé par la SOCOTEC était irrecevable.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

7. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) " ; et qu'aux termes de l'article R. 541-4 du même code : " Si le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun, la personne condamnée au paiement d'une provision peut saisir le juge du fond d'une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision de provision rendue en première instance ou en appel. ". Il résulte de ces dispositions que le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Outre l'appel ouvert aux parties contre la décision du juge des référés, le demandeur peut introduire une requête au fond. Le débiteur de la provision dispose, en l'absence d'une telle requête, de la faculté de saisir le juge du fond d'une demande tendant à la fixation définitive du montant de sa dette en application des dispositions de l'article R. 541-4 du code de justice administrative. Faute pour le débiteur d'avoir introduit une requête au fond, dans le plus tardif des délais de deux mois prescrit par ces dispositions, l'indemnité provisionnelle ne peut plus être contestée

8. Pour rejeter la demande présentée par la société SOCOTEC, le premier juge, après avoir relevé que la commune de Saint-Lary-Soulan n'avait pas introduit de demande au fond, tendant à la condamnation des constructeurs du centre thermoludique à la suite des deux ordonnances précitées des 13 décembre 2010 et 29 juin 2011, notifiées à la requérante le 14 décembre 2010 et le 4 juillet 2011, a constaté que le recours de la société SOCOTEC, enregistré le 2 novembre 2012, était tardif et, par suite, irrecevable.

9. Il résulte de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Pau, confirmée par le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux, que les sociétés SOCOTEC, Dha, Codef, Kemica et Cercy ont été solidairement condamnées à verser à la commune de Saint-Lary une provision de 373 138,72 euros au titre des désordres dans les bassins et que les sociétés SOCOTEC, Dha, Codef, Socabat et Cercy ont été solidairement condamnées à verser à cette même commune une provision de 333 168,90 euros au titre des désordres dans les cloisons. La société SOCOTEC, qui établit avoir versé à la commune 74 627,74 euros au titre des bassins et 66 033,78 euros au titre des cloisons, soit, dans les deux cas, 1/5è du montant des condamnations solidaires, conteste cette quote-part, estimant que celle-ci doit être limitée respectivement à 8 % et 5 %, en vertu du partage des responsabilités effectué par le rapport d'expertise judiciaire mandaté par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Pau du 1er juillet 2008. S'il résulte ainsi des termes de la demande de la SOCOTEC que celle-ci, qui ne se présentait pas comme étant fondée sur l'article R. 541-4 du code de justice administrative, tendait non à contester le montant alloué à la commune, mais seulement le montant qu'elle a versé au titre de celui-ci et ainsi, à être indemnisée par les autres sociétés solidairement condamnées avec elle, c'est néanmoins à bon droit que les premiers juges ont considéré, par le point 2 de leur jugement, que la SOCOTEC devait être regardée comme leur demandant de procéder à la fixation définitive de sa dette, qualification que la requérante ne conteste pas.

10. Une ordonnance prise par le juge du référé-provision est une décision juridictionnelle qui acquiert force de chose jugée lorsqu'elle est devenue définitive. Ayant été condamnée solidairement avec les autres sociétés au paiement de la provision accordée à la commune de Saint-Lary, elle avait la qualité de débiteur condamné au paiement d'une provision au sens de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, et disposait ainsi de la voie de recours particulière instituée par cet article pour demander au juge du fond de statuer sur le montant définitif de sa dette et d'ordonner, le cas échéant, le remboursement des sommes versées à titre provisionnel. Il appartenait dès lors à la société SOCOTEC, si elle s'y croyait fondée, et puisqu'elle conteste en réalité le principe d'une condamnation solidaire et demande la fixation définitive de sa dette, de saisir le juge du fond dans le délai de recours de l'ordonnance rendue par le juge des référés. La demande par laquelle la requérante conteste sa condamnation au paiement d'une provision, condamnation qui revêt un caractère définitif faute pour elle d'avoir usé régulièrement des voies de recours dont elle disposait, est dès lors irrecevable. Elle n'est par suite, en tout état de cause, pas fondée à se plaindre du rejet de sa demande par le jugement attaqué.

11. Il résulte de ce qui précède que la société SOCOTEC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les appels en garantie présentés par les sociétés Dha, Codef, Kemica, Socabat et Cercy ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société SOCOTEC est rejetée.

Article 2 : Les conclusions en appel de garantie présentées par les sociétés Dha, Codef, Kemica et Socabat et celles qu'elles ont présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SOCOTEC, à la société Dha, à la société Codef Ingénierie, à la société Kemica, à la société Socabat et au cabinet d'architectes Bernard Cercy. Copie en sera transmise à la commune de Saint-Lary-Soulan.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Antoine Bec, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 décembre 2016.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 14BX02150


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX02150
Date de la décision : 05/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Expiration des délais.

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINETS D'AVOCATS LERIDON - LACAMP - HILAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-12-05;14bx02150 ?
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