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03/01/2017 | FRANCE | N°15BX01745

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 03 janvier 2017, 15BX01745


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'enjoindre sous astreinte à la commune de Lormont de le réintégrer dans ses services à compter du mois de septembre 2012, de mettre à la charge de la commune de Lormont une somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa non réintégration à l'issue de sa disponibilité, somme correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir à compter du mois de septembre 2012, et à titre subsidiaire, en l'absence

de réintégration dans les effectifs de cette commune, de la condamner à lui v...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'enjoindre sous astreinte à la commune de Lormont de le réintégrer dans ses services à compter du mois de septembre 2012, de mettre à la charge de la commune de Lormont une somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa non réintégration à l'issue de sa disponibilité, somme correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir à compter du mois de septembre 2012, et à titre subsidiaire, en l'absence de réintégration dans les effectifs de cette commune, de la condamner à lui verser une somme de 200 000 euros en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1401619 du 21 avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M.E....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2015, M. D...E..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 avril 2015 ;

2°) d'enjoindre à la commune de Lormont de le réintégrer dans ses services à compter du mois de septembre 2012, avec effet rétroactif du versement de son salaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de condamner la commune de Lormont à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa non réintégration à l'issue de sa disponibilité, somme correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir à compter du mois de septembre 2012, et à titre subsidiaire, en l'absence de réintégration dans les effectifs de cette commune, de la condamner à lui verser une somme de 200 000 euros en réparation de ses préjudices ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Lormont, outre les entiers dépens, une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucune proposition ne lui a été faite depuis sa première demande de réintégration, malgré les postes disponibles ; la réintégration est un droit ; vu son âge, il peut difficilement prétendre à une reconversion ou à être recruté par un autre employeur ;

- s'il a été recruté en 1998, il a été employé en contrat à durée déterminée pendant plus de cinq ans sur la même fonction et sans interruption, ce qui constitue une illégalité ;

- toutes ses demandes de réintégration ont été effectuées avant l'expiration de sa disponibilité ;

- la commune a pourtant recruté M.C..., agent non titulaire ; elle a également nommé M. A...à un poste d'ETAPS en novembre 2014, ce qui constitue une véritable discrimination à son égard, cette nomination étant intervenue alors que ses demandes de réintégration ont été refusées à trois reprises ;

- le maintien en disponibilité d'un agent doit être examiné en commission administrative paritaire, avec obligation de statuer sur son sort ; or, la commission administrative paritaire n'a jamais été saisie de son cas ; cette consultation était obligatoire aux termes de la loi du 26 janvier 1984, du décret du 13 janvier 1986, ainsi que de la décision du Conseil d'Etat, commune Port Saint-Louis du Rhône ;

- il a toujours donné satisfaction à son employeur ; il est désormais réduit à vivre d'une allocation spécifique de solidarité ; il a pourtant trois enfants à élever ; sa situation financière dramatique l'a contraint à vendre sa maison.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2016, la commune de Lormont, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. E...n'est fondé ; en particulier, la comparaison qu'il effectue avec le recrutement de M. C...est inopérante, celui-ci appartenant au cadre d'emploi des animateurs et non des ETAPS ; aux termes de l'arrêt Danthony, l'absence d'avis émis par la CAP n'entache en rien d'illégalité la décision de non réintégration prise par la commune de Lormont, laquelle repose uniquement sur l'absence de poste vacant ; cette éventuelle irrégularité n'a ainsi exercé aucune influence sur le sens de la décision prise ; en tout état de cause, en l'absence de service fait, aucun rappel de traitement ne peut être effectué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeG..., représentant M.E....

Considérant ce qui suit :

1. M. D...E..., éducateur territorial des activités physiques et sportives (ETAPS), recruté en contrat à durée déterminée par la commune de Lormont (Gironde) le 1er septembre 1992, a été titularisé le 1er mai 1999, puis placé en position de disponibilité pour convenances personnelles depuis le 1er décembre 2003 pour une période de trois ans, renouvelée à sa demande jusqu'au 30 novembre 2009 et enfin jusqu'au 30 novembre 2012. Par lettre du 10 septembre 2012, il a sollicité sa réintégration dans les effectifs de la commune de Lormont, à compter du 1er décembre 2012. Le maire de cette commune a, par lettre du 12 septembre 2012, informé M. E...de l'absence de poste vacant correspondant à son grade et a, en conséquence, opposé un refus à sa demande. M. E...a présenté une deuxième demande tendant à sa réintégration le 3 septembre 2013. Celle-ci a cependant, une nouvelle fois, été rejetée au même motif par une décision en date du 8 octobre 2013. M. E...a, de nouveau, présenté une demande tendant à sa réintégration le 3 septembre 2014 qui a été rejetée au même motif par une décision en date du 17 septembre 2014. M. E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'une part, d'enjoindre à la commune de Lormont de le réintégrer dans ses services à compter du mois de septembre 2012 et d'autre part, de mettre à la charge de la commune de Lormont une somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa non réintégration à l'issue de sa disponibilité, somme correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir à compter du mois de septembre 2012, et à titre subsidiaire, en l'absence de réintégration dans les effectifs de cette commune, de la condamner à lui verser une somme de 200 000 euros en réparation de ses préjudices. Il fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 avril 2015, qui a rejeté sa demande, en réitérant en appel les mêmes conclusions indemnitaires.

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 72 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, dans sa rédaction issue de l'article 35 de la loi du 27 décembre 1994 : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 57. Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés dans le ressort territorial de son cadre d'emploi, emploi ou corps en vue de la réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire. / Le fonctionnaire mis en disponibilité, soit d'office à l'expiration des congés institués par les 2°, 3° et 4° de l'article 57 de la présente loi, soit de droit, sur demande, pour raisons familiales, est réintégré à l'expiration de sa période de disponibilité dans les conditions prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 67 de la présente loi. Dans les autres cas, si la durée de la disponibilité n'a pas excédé trois années, une des trois premières vacances dans la collectivité ou l'établissement d'origine doit être proposée au fonctionnaire.".

3. Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article 67 de la même loi, dans sa version issue de la loi du 12 mars 2012 : " A l'expiration d'un détachement de longue durée, le fonctionnaire est, sauf intégration dans le cadre d'emplois ou corps de détachement, réintégré dans son corps ou cadre d'emplois et réaffecté à la première vacance ou création d'emploi dans un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d'origine. Il est tenu compte, lors de sa réintégration, du grade et de l'échelon qu'il a atteints dans le corps ou cadre d'emplois de détachement sous réserve qu'ils lui soient plus favorables. Toutefois, cette disposition n'est pas applicable au fonctionnaire dont le détachement dans un corps ou cadre d'emplois pour l'accomplissement d'un stage ou d'une période de scolarité n'est pas suivi d'une titularisation. Lorsque le fonctionnaire détaché refuse l'emploi proposé, il ne peut être nommé à l'emploi auquel il peut prétendre ou à un emploi équivalent que lorsqu'une vacance est ouverte ou un poste créé. Il est, en attendant, placé en position de disponibilité d'office. / Lorsqu'aucun emploi n'est vacant, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an dans sa collectivité d'origine dans les conditions prévues à l'article 97. Si, au terme de ce délai, il ne peut être réintégré et reclassé dans un emploi correspondant à son grade, le fonctionnaire est pris en charge dans les conditions prévues à l'article 97 soit par le Centre national de la fonction publique territoriale pour les fonctionnaires relevant de l'un des cadres d'emplois de catégorie A auxquels renvoie l'article 45, soit par le centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l'établissement qui les employait antérieurement à leur détachement pour les autres fonctionnaires. Le fonctionnaire a priorité pour être affecté dans un emploi correspondant à son grade de la collectivité ou de l'établissement d'origine. (...)".

4. Il résulte de la lecture combinée de ces dispositions que, lorsque la mise en disponibilité pour convenances personnelles n'a pas excédé trois ans, le fonctionnaire doit se voir proposer une des trois premières vacances de poste dans sa collectivité d'origine. En revanche, si la durée de la mise en disponibilité a excédé trois ans, le fonctionnaire doit être réaffecté à la première vacance ou création d'emploi dans un emploi correspondant à son grade. En tout état de cause, à l'issue d'une période de disponibilité pour convenances personnelles d'une durée supérieure à trois ans, un fonctionnaire a le droit d'obtenir sa réintégration dans un délai raisonnable, en fonction des vacances d'emplois qui se produisent dans son grade.

5. Il résulte de l'instruction que le placement en disponibilité pour convenances personnelles de M.E..., à compter du 1er décembre 2003, renouvelé deux fois, a très largement excédé trois années, que la dernière période de disponibilité qui lui a été accordée à sa demande a expiré le 30 novembre 2012 et que M. E...a sollicité sa réintégration par trois folios, le 10 septembre 2013, le 3 septembre 2013 et le 3 septembre 2014.

6. Pour refuser la réintégration de M.E..., la commune s'est fondée sur l'absence de poste vacant d'ETAPS.

Il résulte de l'instruction que, si la commune de Lormont a procédé à trois recrutements postérieurement à la première demande de réintégration effectuée par M.E..., le premier concernait un poste d'animateur pour le remplacement d'un agent en congé de maladie pour une durée d'une année, qui ne peut être regardé comme relevant du cadre d'emploi de M.E....

Le deuxième poste requérait des compétences spécifiques s'agissant de l'emploi de maître nageur sauveteur, qui ne pouvaient faire l'objet d'une offre d'affectation au profit de l'intéressé qui relève du corps des éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives et qui n'est pas titulaire des qualifications nécessaires à l'exercice de l'activité de surveillance des baignades.

En revanche, au mois de novembre 2014, la commune a procédé à la nomination d'un agent au poste d'ETAPS. Si la collectivité fait valoir que l'agent nommé était employé sur ce poste en contrat à durée déterminée depuis le 1er janvier 2004, puis a vu son contrat transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 13 mars 2012 en application de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et enfin était inscrit sur la liste d'aptitude au grade d'ETAPS par le centre de gestion de la Gironde à la suite de sa réussite au concours en juillet 2014, le maire n'était cependant pas en situation de compétence liée pour le titulariser sur le poste d'ETAPS nécessairement devenu vacant, dès lors que sa réussite au concours ne lui conférait pas un droit à être nommé.

Dans ces conditions, en rejetant la demande de réintégration de M E...alors qu'un poste était vacant, la commune a méconnu les dispositions précitées des articles 72 et 67 de la loi du 26 janvier 1984 et entaché sa décision du 17 septembre 2014 d'une illégalité constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité.

Sur le préjudice :

7. En l'absence de service fait, M. E...ne peut être indemnisé des pertes de salaires subies du 1er décembre 2012, date de la fin de la période de disponibilité accordée à sa demande, à fin octobre 2014. En revanche, il a droit à l'indemnisation du préjudice constitué par la différence entre les salaires qu'il aurait du percevoir et les revenus d'activité ou de remplacement éventuellement perçus durant cette période M. E...est renvoyé devant la commune de Lormont pour la détermination de son préjudice sur les bases ainsi énoncées.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Dès lors que M. E...n'a pas demandé l'annulation de la décision par laquelle un autre agent a été nommé, en novembre 2014, au poste d'ETAPS, il n'est pas fondé à solliciter sa réintégration rétroactive à ce poste ni le versement rétroactif de ses salaires. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Lormont une somme de 1 500 euros que demande M. E...sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1401619 du tribunal administratif de Bordeaux du 21 avril 2015 est annulé.

Article 2 : La commune de Lormont est condamnée à indemniser M. E...du préjudice constitué par la différence entre les salaires qu'il aurait du percevoir et les revenus d'activité ou de remplacement éventuellement perçus, pour la période de novembre 2014 à la date de notification du présent arrêt. M. E...est renvoyé devant la commune de Lormont pour la liquidation du montant de l'indemnité calculée sur les bases ainsi énoncées.

Article 3 : La commune de Lormont versera à M. E...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E...et à la commune de Lormont.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Antoine Bec, président,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 janvier 2017.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Antoine Bec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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N° 15BX01745


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01745
Date de la décision : 03/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-02-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Disponibilité. Réintégration.


Composition du Tribunal
Président : M. BEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : DAHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-01-03;15bx01745 ?
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