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17/01/2017 | FRANCE | N°15BX00400

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 17 janvier 2017, 15BX00400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la défense de la vallée de la Charraud (ADEVAC) a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2010 par lequel le préfet de la Charente a autorisé la société Lafarge Ciments à exploiter une carrière à ciel ouvert de calcaire et d'argile sur le territoire de la commune de la Couronne au lieu-dit " Les Chaumes de la Bergerie " avec des nouvelles limites administratives, une augmentation de la production et un approfondissement du carreau.

Par

un jugement n° 1101165-1101166 du 10 décembre 2014, le tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la défense de la vallée de la Charraud (ADEVAC) a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2010 par lequel le préfet de la Charente a autorisé la société Lafarge Ciments à exploiter une carrière à ciel ouvert de calcaire et d'argile sur le territoire de la commune de la Couronne au lieu-dit " Les Chaumes de la Bergerie " avec des nouvelles limites administratives, une augmentation de la production et un approfondissement du carreau.

Par un jugement n° 1101165-1101166 du 10 décembre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 3 février 2015, le 27 août 2015 et le 29 février 2016, l'association ADEVAC, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 10 décembre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral d'autorisation du 13 décembre 2010 ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société Lafarge Ciments la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte de l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 22 septembre 1994 relatif aux exploitations de carrières et aux installations de premier traitement des matériaux de carrières ;

- l'arrêté du 9 février 2004 relatif à la détermination du montant des garanties financières de remise en état des carrières prévues par la législation des installations classées ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant la société Lafarge Ciments.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 18 février 2000, le préfet de la Charente a autorisé la société Lafarge Ciments à exploiter, sur une superficie de 85 hectares 93 ares, une carrière de calcaire à ciel ouvert sur le territoire de la commune de La Couronne, au lieu-dit " Les chaumes de la Bergerie ". Le 26 mars 2009, cette société a demandé au préfet l'autorisation de poursuivre l'exploitation de la carrière pendant quinze années, d'augmenter sa production, de procéder à l'approfondissement du carreau et d'étendre les limites administratives de son site sur une superficie de 18 hectares. Cette demande a été satisfaite par un arrêté préfectoral du 13 décembre 2010 qui a été contesté devant le tribunal administratif de Poitiers par l'association pour la défense de la vallée de la Charraud (ADEVAC). Celle-ci relève appel du jugement rendu le 10 décembre 2014 par lequel le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2010.

Sur la légalité de l'arrêté du 13 décembre 2010 :

En ce qui concerne la légalité externe :

S'agissant du contenu de l'avis d'enquête publique :

2. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 123-7 du code de l'environnement qu'invoque l'association requérante, et en vertu desquelles l'avis d'enquête publique doit notamment indiquer la qualité du commissaire enquêteur, sont relatives aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement. Elles ne sont donc pas applicables aux enquêtes publiques concernant les installations classées pour la protection de l'environnement, dont relève la carrière exploitée par la société Lafarge Ciments, et qui sont régies par les articles R. 512-14 et suivants du code de l'environnement. Les dispositions de ces articles, dans leur rédaction applicables à la date de l'avis d'enquête publique, en particulier celles définissant le contenu de l'avis d'enquête publique portant sur une installation classée, ne prévoient pas que la qualité du commissaire enquêteur doive y figurer. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis d'enquête du 26 mars 2009 ne précisait pas la qualité du commissaire enquêteur désigné manque en droit.

3. L'association ADEVAC reprend en appel le moyen, déjà soulevé en première instance, et tiré de ce que l'avis d'enquête publique du 26 mars 2009 ne précisait pas la nature et l'emplacement de l'exploitation projetée en méconnaissance de l'article R. 512-15 du code de l'environnement. Toutefois, elle ne se prévaut d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation qu'elle avait développée devant le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

S'agissant de l'enquête publique :

4. En vertu de l'article L. 512-2 du code de l'environnement, la décision par laquelle l'autorité compétente autorise la mise en service d'une installation classée pour la protection de l'environnement est accordée après enquête publique relative aux incidences du projet sur son environnement. En vertu des articles R. 512-14 et suivants du code de l'environnement, l'enquête publique est organisée sur la base du dossier de demande d'autorisation dont le contenu est défini aux articles R. 512-3 et suivants du même code.

5. En premier lieu, le dossier de demande comporte (p. 31 et suivantes) une description détaillée des différentes couches géologiques composant le substrat souterrain de la carrière ainsi qu'un tableau (p. 29) intitulé " puits, forages et sondages avec profondeur des murs des différentes formations ". Ce dossier comporte également une étude des formations aquifères existantes, y compris celle du Cénomanien dont la piézométrie et les caractéristiques hydrauliques sont détaillées sur plusieurs rubriques (p. 66, 87, 98). Le dossier comporte encore des développements consacrés aux impacts de l'exploitation de la carrière sur les nappes du Cénomanien (p. 141 et s.). En se bornant à relever que le dossier soumis à l'enquête n'indique pas la piézométrie de la nappe du Cénomanien, l'association ADEVAC ne démontre pas son insuffisance sur ce point et qu'il en serait résulté un manque d'information pour le public au cours de l'enquête.

6. En deuxième lieu, le dossier de demande d'autorisation déposé par la société indiquait que les eaux superficielles et souterraines recueillies en fond de carrière, dites d'exhaure, seront rejetées dans le milieu naturel selon un volume compris entre 127 et 228 mètres cubes/heure tandis que l'arrêté d'autorisation du 13 décembre 2010 fixe à 300 mètres cubes/heure le volume maximal de ces rejets. L'association ADEVAC en déduit que l'enquête publique s'est déroulée dans des conditions irrégulières dès lors que le public n'a pas été informé de l'augmentation du volume des eaux rejetées.

7. Le volume des eaux de rejet fixé dans l'article 3.2.1 de l'arrêté d'autorisation constitue un seuil maximal et n'est donc pas, en soi, contraire aux indications contenues sur ce point dans la demande d'autorisation. Il a été fixé en tenant compte de la capacité d'absorption du ruisseau " Fontaine du Poirier " qui s'élève à 720 mètres cubes/heure, soit un niveau très supérieur au seuil retenu dans l'arrêté en litige. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de l'ensemble des conditions d'exploitation de la carrière, que le seuil de 300 mètres cubes/heure, qui constitue simplement un maximum, serait de nature à entraîner un accroissement notable des dangers ou inconvénients inhérents au projet au point de bouleverser son économie générale et de rendre ainsi obligatoire l'organisation d'une nouvelle enquête.

8. En troisième lieu, l'association ADEVAC soutient que l'approfondissement de l'exploitation de la carrière est de nature à entraîner une fissuration du sous-sol et un transfert de fluides et que les risques qui en résultent pour le captage d'eau souterraine de Bompart n'ont pas été portés à la connaissance du public au cours de l'enquête. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le captage de Bompart, situé à 1,5 kilomètre de la carrière en amont hydraulique de celle-ci, permet l'utilisation, pour la commercialisation de l'eau de source " Fontaine Jolival ", de la nappe du portlandien, laquelle se situe à 150 mètres environ du niveau final atteint par la carrière en fin d'exploitation. Comme l'a relevé à juste titre le tribunal, il n'est pas établi que les couches géologiques qui séparent la nappe de portlandien de la zone limite d'exploitation présenteraient un caractère perméable et soumettraient ainsi le captage de Bompart à un risque de pollution. Au demeurant, il résulte de la tierce expertise hydrogéologique et géotechnique réalisée en mai 2012 à la demande de la société que cette source demeure à l'abri des perturbations provoquées par les actions de pompage en fond de carrière. Enfin, il résulte également de l'étude de modélisation de l'extension verticale de la carrière, établie par la société Hydro Invest en avril 2014, que les phénomènes de rabattement de nappes et l'évaluation des débits en fond de fouille initialement envisagés ont été nettement surestimés aussi bien au centre de la carrière que dans sa périphérie. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'enquête publique aurait minimisé les risques que l'approfondissement de la carrière était susceptible de causer aux captages d'eau souterrains doit être écarté.

9. En quatrième lieu, l'association ADEVAC soutient que le dossier soumis à l'enquête publique n'a pas abordé le phénomène du " retrait-gonflement " des argiles alors qu'il est établi, selon elle, que l'exploitation de la carrière favorisera un processus de dessication des argiles, consécutif au rabattement des nappes phréatiques, puis, en fin d'exploitation, un gonflement de celles-ci, dû notamment au rabattement de la nappe du cénomanien qui affleure en partie ouest du site d'exploitation. Selon l'association requérante, les risques de fissures des constructions consécutifs à ces mouvements de terrains argileux auraient dû être portés à la connaissance du public au cours de l'enquête.

10. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport du bureau de recherche géologique et minière réalisé en septembre 2003, que seules les argiles affleurantes ou sub-affleurantes sont susceptibles d'être affectées par ce phénomène de " retrait-gonflement ", soit les calcaires marneux du Turonien inférieur et les argiles du Cénomanien supérieur situés respectivement à 10 mètres et 30 mètres au-dessous du niveau du sol. Ainsi, l'exploitation de la carrière, si elle aura pour effet de réduire la pression de l'eau des aquifères en contact avec ces deux couches, ne va pas pour autant les priver d'eau et les soumettre ainsi à des variations notables de cet élément. L'association ADEVAC n'apporte de son côté aucun élément démontrant qu'au contraire, l'exploitation de la carrière serait de nature à provoquer une dessication des aquifères existants suivie de leur réhydratation. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le lac, dont l'aménagement est prévu sur le site au terme de l'exploitation, doit se constituer sous l'effet cumulé de l'apport des eaux des nappes et des eaux de pluie et que, une fois son remplissage achevé, il n'y aura presque plus de transfert d'eau entre le lac et lesdites nappes. L'association ADEVAC ne produit de son côté aucun élément établissant que la présence de ce lac favoriserait le phénomène de retrait-gonflement des argiles. Enfin, elle n'établit pas davantage que les habitations construites sur des argiles affleurantes ou sub-affleurantes, et dont les plus proches d'entre elles se trouvent à plus d'un kilomètre de la carrière, seraient soumises à un risque de fissurations consécutif à l'exploitation de celle-ci.

S'agissant des consultations :

11. Aux termes de l'article L. 515-1 du code de l'environnement : " Toute autorisation (...) d'exploitation de carrières est soumise, dans les vignobles classés appellation d'origine contrôlée, vin délimité de qualité supérieure, et dans les aires de production de vins de pays, à l'avis de l'Institut national de l'origine et de la qualité et de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture. ". Ces dispositions procédurales trouvent à s'appliquer en l'espèce dès lors que la commune de La Couronne, où se trouve la carrière exploitée par la société Lafarge Ciments, est incluse dans l'aire géographique de l'appellation d'origine contrôlée " Pineau des Charentes ".

12. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 13 mai 2009, le préfet de la Charente a consulté l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture - devenu établissement des produits de l'agriculture et de la mer - sur la demande présentée par la société Lafarge Ciments, laquelle a également fait l'objet d'un avis favorable, rendu le 20 juillet 2009 par l'Institut national de l'origine et de la qualité. Par suite, le moyen tiré de ce que les consultations prévues par l'article L. 515-1 précité n'auraient pas été effectuées manque en fait.

S'agissant du rapport de l'inspecteur des installations classées pour la protection de l'environnement :

13. L'association ADEVAC reprend en appel le moyen déjà soulevé en première instance et tiré de ce que le rapport de l'inspecteur des installations classées pour la protection de l'environnement du 18 octobre 2010 est entaché d'incohérences et de contradictions internes. Toutefois, elle ne se prévaut d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation qu'elle avait développée devant le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne la légalité interne :

14. Aux termes de l'article 5 de la Charte de l'environnement : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. Les dispositions du présent titre sont également applicables aux exploitations de carrières au sens des articles 1er et 4 du code minier. ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. ". Aux termes de l'article L. 512-2 du même code : " L'autorisation prévue à l'article L. 512-1 est accordée par le préfet, après enquête publique relative aux incidences éventuelles du projet sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 (...) ".

15. Il résulte des dispositions précitées qu'une décision autorisant l'ouverture ou l'extension d'une installation classée pour la protection de l'environnement ne peut être légalement délivrée dès lors que le projet sur lequel elle porte présente de graves dangers ou inconvénients pour l'environnement et qu'il ne peut y être remédié. Il appartient, en l'espèce, à l'association ADEVAC d'établir qu'il en va ainsi du projet d'approfondissement de la carrière de La Couronne en dépit des prescriptions de sécurité que la société Lafarge Ciments s'est engagée à respecter dans sa demande d'autorisation et de celles qui assortissent l'arrêté préfectoral du 13 décembre 2010.

S'agissant de la constitution de garanties financières :

16. Les dispositions du 5° de l'article R. 512-3 du code de l'environnement, en vertu desquelles la demande d'autorisation doit mentionner les capacités techniques et financières de l'exploitant, ont pour objet d'imposer au pétitionnaire de fournir des informations précises et étayées sur ses capacités à assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site. Il résulte de l'instruction que, dans sa demande d'autorisation (p. 68), la société Lafarge Ciments a détaillé ses moyens techniques puis établi un tableau décrivant le montant de ses garanties financières sur la période correspondant à l'exploitation de la carrière. L'association requérante ne justifie pas que les informations ainsi fournies seraient erronées et, en particulier, que les garanties financières n'auraient pas été calculées conformément aux exigences de l'arrêté ministériel du 9 février 2004 relatif à la détermination du montant des garanties financières de remise en état des carrières prévues par la législation des installations classées.

S'agissant du moyen tiré du pompage excessif des nappes phréatiques et d'une perte des eaux souterraines :

17. Comme l'a exactement relevé le tribunal administratif, il résulte de l'instruction que les formations géologiques qui constituent l'environnement de la carrière sont constituées, selon un ordre descendant, par le cénomanien, lui-même constitué de trois étages stratigraphiques (cénomanien inférieur sablo-argileux, cénomanien moyen calcaire, cénomanien supérieur calcaire et sableux) et par le turonien comportant pour sa part deux étages (turonien inférieur et moyen marno-calcaire et supérieur calcaire parfois karstifié). L'approfondissement de la carrière aura des impacts sur l'aquifère des calcaires du turonien supérieur, lequel concerne le carreau d'exploitation actuel, la nappe des calcaires et sables jaunes du cénomanien supérieur, captive à l'est de la carrière et affleurant à la cote de 47 m A...et l'aquifère des grés et sables verts du cénomanien inférieur.

18. Il est vrai que le projet d'approfondissement de la carrière aura pour effet de traverser les sables jaunes du Cénomanien supérieur et d'atteindre le toit des calcaires du Cénomanien moyen, de sorte que sa mise en oeuvre provoquera des arrivées d'eau, destinées à être recueillies par le ruisseau de la Fontaine du Poirier et les sources Font Roi et Croix blanches. Pour autant, il n'est aucunement établi au dossier que les circulations d'eaux souterraines, telles que le substrat géologique souterrain les détermine, seraient ainsi modifiées et encore moins que leur existence pourrait être remise en cause en raison de pompages excessifs. Au contraire, il résulte du rapport sur la modélisation de l'extension verticale de la carrière, établi en avril 2014 par la société Hydroinvest, que les impacts du projet sur les nappes d'eaux souterraines ont été nettement surestimés lors de la constitution du dossier de demande.

19. Par ailleurs, si l'association ADEVAC soutient que le lac, dont l'aménagement est prévu sur le site en fin d'exploitation, sera sujet à un phénomène d'évaporation en surface nécessitant d'être compensé par un pompage des nappes souterraines, il n'est pas établi qu'à lui seul ce phénomène serait de nature à avoir un impact négatif sur l'existence de ces dernières.

S'agissant de la pollution consécutive aux tirs de mines :

20. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté ministériel du 22 septembre 1994 : " L'arrêté d'autorisation mentionne : (...) - les mesures pour prévenir les pollutions et nuisances inhérentes à l'exploitation des installations (...) ". Aux termes de l'article 11 du même arrêté : " 11.4. Abattage à l'explosif : Dans le cas où l'abattage du gisement est réalisé avec des substances explosives, l'exploitant définit un plan de tir. L'exploitant prend en compte les effets des vibrations émises dans l'environnement et assure la sécurité du public lors des tirs. Les tirs de mines ont lieu les jours ouvrables. ".

21. La circonstance que, dans le passé, un tir de mine mal orienté ait endommagé la toiture d'une maison est étrangère aux risques de pollution invoqués par l'association ADEVAC qui ne peut ainsi s'en prévaloir utilement à l'appui de son moyen.

22. Il résulte de l'instruction que, conformément à l'article 11.4 de l'arrêté du 22 septembre 1994, la société Lafarge Ciments a défini dans sa demande d'autorisation un plan de tirs destiné à limiter autant que possible les gênes qui pourraient en résulter pour les riverains. Dès lors qu'il n'est pas allégué que le plan ainsi défini serait insuffisant, le préfet était fondé à en reprendre les dispositions dans l'article 2.6.3 de l'arrêté d'autorisation du 13 décembre 2010. Par ailleurs, ce même arrêté définit, dans ses articles 3.2.1 et 3.2.4, des mesures à prendre pour éviter la pollution des eaux lesquelles ne sont pas arguées d'insuffisances par l'association ADEVAC. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'autorisation délivrée le 13 décembre 2010 méconnaît les articles 3 et 11.4 précités de l'arrêté du 22 septembre 1994 doit être écarté.

23. Si l'association ADEVAC soutient que les produits chimiques utilisés pour les tirs de mines entraîneront une pollution du sous-sol, elle ne démontre cependant pas, en appel comme en première instance, que le gisement de la carrière comporterait des failles ou des poches de karstification qui favoriseraient la pénétration de ces produits à l'origine d'une pollution souterraine. En particulier, elle ne conteste pas que les forages précédemment réalisés dans la carrière ont permis de constater qu'aucune faille ni aucun karst n'a été détecté dans le gisement.

S'agissant du phénomène de "retrait-gonflement" des argiles consécutif à l'exploitation de la carrière :

24. Le phénomène en cause, dont l'association ADEVAC soutient qu'il touchera les argiles affleurantes situées à la cote 25A..., n'est pas établi au dossier dès lors qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la tierce expertise hydrogéologique réalisée par MM. C...etE..., que les argiles ne subiront pas de modifications de teneur en eau dues aux pompages en fond de carrière. Les formations argileuses ne sont donc pas soumises à un risque de dessication de nature à provoquer un tassement des constructions en surface.

S'agissant de la pollution des eaux d'exhaure :

25. Il résulte de l'instruction que les eaux d'exhaure ainsi que les eaux de pluie arrivant au droit de la fosse doivent être pompées et renvoyées dans des bassins de décantation avant d'être rejetées dans le ruisseau de la fontaine du Poirier. Afin de diminuer la concentration de matières en suspension dans les eaux avant rejet, une séparation de celles-ci doit être effectuée par décantation dans des bassins dimensionnés en fonction des volumes à traiter. Alors même que les bassins de décantation se seraient révélés temporairement insuffisants lors des pluies torrentielles survenues le 23 juin 2014, il n'est pas établi que les eaux charriées, lors de cet épisode, contenaient des produits chimiques sources de pollutions. Si, à cet égard, l'association ADEVAC allègue que les eaux de pluies à l'origine de l'inondation ont pu drainer des polluants après lessivage du carreau de la carrière, elle n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation. Enfin, l'étude d'impact jointe au dossier de demande détaillait (p. 214 et s ; p. 252 et s) une série de mesures destinées à prévenir les risques de pollution de l'environnement engendrés par l'exploitation de la carrière et dont l'association ADEVAC ne démontre pas l'inefficacité.

S'agissant de la pollution des nappes phréatiques en fin d'exploitation :

26. En raison de l'existence d'un réseau de communications hydrogéologiques entre le lac aménagé sur le site en fin d'exploitation et les eaux souterraines, l'association ADEVAC soutient que le phénomène de fermentation anaérobique auquel sera sujet le lac, et la contamination bactériologique qui en résulte, se transmettra vers les nappes phréatiques. Toutefois, l'association ADEVAC ne conteste pas utilement les affirmations de la société Lafarge Ciments selon lesquelles la roche et les sables, constituant la nappe du Cénomanien, joueront un rôle de filtration des eaux du lac s'infiltrant dans le sous-sol selon un phénomène de surpression qui ne présente d'ailleurs aucune spécificité par rapport au phénomène général de pénétration des sols par les eaux de pluie. L'association requérante ne conteste pas davantage les conclusions de la tierce expertise hydrogéologique réalisée par MM. C...et E...qui n'a pas relevé de risque particulier de contamination des eaux souterraines par le plan d'eau à aménager. Par suite, le risque de pollution invoqué n'est pas établi et l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 13 décembre 2010 aurait méconnu le principe du " pollueur-payeur " prévu à l'article L. 110-1 du code l'environnement.

S'agissant de l'absence de schéma départemental des carrières dans le département de la Charente :

27. La circonstance que le schéma départemental des carrières approuvé par arrêté préfectoral du 27 septembre 2000 n'est plus en vigueur depuis le 27 septembre 2010, n'interdisait pas, à elle seule, au préfet de délivrer l'autorisation du 13 décembre 2010 en litige.

28. Il résulte de tout ce qui précède que l'association ADEVAC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'association ADEVAC la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Lafarge Ciments et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête n° 15BX00400 est rejetée.

Article 2 : L'association pour la défense de la vallée de la Charraud versera à la société Lafarge Ciments la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 15BX00400


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00400
Date de la décision : 17/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Mines et carrières - Carrières.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Actes affectant le régime juridique des installations - Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET JEAN GRESY

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-01-17;15bx00400 ?
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