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24/01/2017 | FRANCE | N°15BX00544

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 24 janvier 2017, 15BX00544


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Pau, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 17 mai 2013 par lequel le recteur de l'académie de Bordeaux a prononcé à son encontre la sanction du déplacement d'office et l'a affecté au collège Pierre Blanquie de Villeneuve-de-Marsan à compter du 1er septembre 2013, en deuxième lieu, d'enjoindre à l'administration de l'éducation nationale, sous astreinte, de le réaffecter dans ses fonctions au collège départemental de Biscarrosse, en troisième lieu,

de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Pau, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 17 mai 2013 par lequel le recteur de l'académie de Bordeaux a prononcé à son encontre la sanction du déplacement d'office et l'a affecté au collège Pierre Blanquie de Villeneuve-de-Marsan à compter du 1er septembre 2013, en deuxième lieu, d'enjoindre à l'administration de l'éducation nationale, sous astreinte, de le réaffecter dans ses fonctions au collège départemental de Biscarrosse, en troisième lieu, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral qu'il a subi et enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Par jugement n° 1301252 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Pau a prononcé l'annulation de l'arrêté rectoral du 17 mai 2013 portant sanction de déplacement d'office à l'encontre de M. B...et condamné l'Etat à lui verser une somme de 535 euros au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 février 2015, M.B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Pau en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions aux fins d'injonction de le réaffecter dans ses fonctions au collège départemental de Biscarrosse, et d'indemnisation en réparation des préjudices qu'il a subis ;

2°) d'enjoindre à l'administration de le réaffecter dans ses fonctions au collège départemental de Biscarrosse dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 300 euros par jours de retard ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration, notamment en son article L. 211-2 et suivants ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n° 80-627 du 4 août 1980, modifié, relatif au statut particulier des professeurs d'éducation physique et sportive ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 modifié ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 7 novembre 2016, le président de la cour a désigné M. Philippe Delvolvé pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gil Cornevaux ;

- et les conclusions de M. Philippe Delvolvé, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., professeur d'éducation physique et sportive de l'enseignement du second degré, qui exerçait au collègue de Biscarrosse (Landes), a fait l'objet d'une mesure disciplinaire de déplacement d'office prononcée par un arrêté du recteur de l'académie de Bordeaux, en date du 17 mai 2013, et a été affecté, à compter du 1er septembre 2013, au collège Pierre Blanquie de Villeneuve de Marsan (Landes). M. B...a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation de l'arrêté du 17 mai 2013 du recteur de l'académie de Bordeaux prononçant à titre disciplinaire la mesure de déplacement d'office, qu'il soit enjoint au recteur de le réaffecter au collège départemental de Biscarrosse et que l'Etat soit condamné à l'indemniser de son préjudice moral résultant de cette mesure qu'il estime illégale. Par un jugement du 18 décembre 2014, dont M. B...relève appel, le tribunal administratif de Pau après avoir annulé la décision rectorale du 17 mai 2013 pour insuffisance de motivation, a rejeté la demande indemnitaire au motif que l'irrégularité de la décision rectorale litigieuse n'était à l'origine d'aucun préjudice direct et certain pour l'intéressé, ainsi que les conclusions aux fins d'injonction.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le fait, pour le juge de première instance, d'écarter à tort un moyen en dénaturant les faits ou en entachant son raisonnement d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation ne constitue pas une irrégularité de nature à entraîner l'annulation du jugement par le juge d'appel. Il appartient seulement à ce dernier, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur le bien-fondé du moyen écarté à tort, puis, le cas échéant, sur les autres moyens invoqués en appel. Dès lors, M. B...ne peut utilement se prévaloir de telles erreurs pour soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Il est constant que la décision rectorale de déplacement d'office du 17 mai 2013 a fait l'objet d'une annulation par le tribunal administratif de Pau pour un motif de légalité externe. Toutefois, l'illégalité de cette décision ne peut être de nature à engager la responsabilité de l'Etat s'il résulte de l'instruction que cette sanction, si elle avait été prise dans le respect de la procédure applicable, aurait été justifiée par les faits reprochés à l'intéressé.

4. Aux termes des dispositions de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Et aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : - l'avertissement ;- le blâme. Deuxième groupe : (...) ; - le déplacement d'office ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, pour prononcer la sanction contestée, l'administration s'est fondée sur " les positionnements professionnels de l'intéressé qui ont porté atteinte à l'image du service public de l'éducation nationale " et sur la circonstance que " la conduite de M. B...traduit des manquements répétés à l'obligation de réserve des fonctionnaires ". M. B...soutient qu'il a simplement usé de son devoir de signalement dans l'intérêt unique des enfants avec comme légitime souci de protéger l'intégrité des élèves face à des faits d'une exceptionnelle gravité concernant l'un de ses collègues enseignant qui manifestait envers les élèves un comportement fait de " brimades, humiliations et violences physiques ".

6. M. B...conteste le rapport du directeur académique du 18 février 2013, le compte rendu d'enquête administrative du 25 février 2013 et le rapport disciplinaire du 5 avril 2013 présentés à la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire le 26 avril 2013 pour leur objectivité critiquable et pour faire état de témoignages divers et spontanés dont il n'a pu prendre connaissance lors de la consultation de son dossier. Toutefois, il résulte de l'instruction que M.B..., selon ses propres dires à titre de simple citoyen, revendique avoir participé à la réunion plénière du collectif des parents, à l'occasion de laquelle a été sérieusement mise en cause la communauté éducative. De même, le requérant reconnaît avoir été abordé par un journaliste de France 3 Aquitaine avec lequel il s'est entretenu, le 14 février 2013, devant l'établissement et ce, dans un climat de tension extrême. Il résulte encore de l'instruction qu'une opposition durable existait entre M. B...et l'un de ses collègues enseignant d'éducation physique et sportive sur un plan professionnel qui s'est, à la suite des événements, étendue à une grande partie des membres de la communauté scolaire, avec comme résultante un clivage important. Le requérant ne produit aucun élément permettant de douter de l'impartialité des auteurs des rapports et comptes rendus relatant les faits qui lui sont reprochés.

7. M.B..., par sa simple présence à la réunion constitutive d'un collectif de parents opposé à la direction de l'établissement, a cautionné les accusations qui ont jeté le discrédit sur ses collègues, sur l'équipe de direction et sur l'établissement, et qui ont généré des troubles conduisant au blocus de l'établissement de Biscarosse. Par ailleurs, il est avéré que le requérant, en acceptant de répondre à une interview par voie de presse sans y avoir été autorisé par sa hiérarchie, faisant état publiquement du différend professionnel qui l'opposait à la direction de l'établissement scolaire, a manqué au devoir de réserve qui s'impose à tout agent public.

8. Si M. B...se prévaut du soutien d'une partie des parents d'élèves, ce soutien, qui fait suite à l'appui qu'il a apporté à leur mouvement de protestation, n'est pas de nature à mettre en doute la réalité des faits reprochés ni, dans les circonstances de l'espèce, à en atténuer la gravité. M. B...soutient que ses agissements étaient justifiés par des faits graves imputables à certains de ses collègues vis-à-vis d'élèves. Toutefois, à supposer que ces faits aient été exacts, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...n'aurait eu aucun autre moyen que ceux qu'il a employés pour signaler les agissements qu'il dénonçait, de façon à ce que la protection des élèves soit assurée.

9. Les manquements reprochés au requérant, ainsi que leur caractère répété dans un climat conflictuel engageant des élèves de l'établissement, en particulier, les propos tenus ayant fait l'objet d'une large diffusion à l'extérieur du service, compte tenu des fonctions d'enseignant exercées par l'intéressé et de ses responsabilités auprès des élèves, ont été de nature à porter atteinte à l'image du service public de l'éducation nationale et présentent un caractère de gravité suffisant pour justifier une sanction disciplinaire. En prononçant à raison de ces faits la sanction de deuxième groupe de déplacement d'office, le recteur de l'académie de Bordeaux n'a pas pris de décision disproportionnée.

10. Le recteur, en sanctionnant un manquement à l'obligation de réserve, n'a pas porté atteinte à la liberté d'opinion de M.B..., garantie notamment par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M.B..., n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de l'Etat serait engagée à raison de l'illégalité fautive entachant la décision prononçant son licenciement pour motif disciplinaire ni, par suite, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Il appartient au juge lorsqu'il est saisi, sur le fondement de ces dispositions, de conclusions tendant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution, de statuer sur celles-ci en tenant compte de la situation de droit ou de fait existant à la date de sa décision.

13. Il résulte de l'instruction que, le 16 janvier 2015, un nouvel arrêté prononçant la sanction de déplacement d'office a été pris par l'autorité rectorale administrative. Ainsi, les conclusions aux fins de réintégration dans son poste d'origine présentées par M. B...ne peuvent être accueillies.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. B...demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

2

No 15BX00544


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00544
Date de la décision : 24/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs. Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Gil CORNEVAUX
Rapporteur public ?: M. DELVOLVÉ
Avocat(s) : KUZNIK

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-01-24;15bx00544 ?
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