La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/2017 | FRANCE | N°15BX00822

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 27 mars 2017, 15BX00822


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Blaye à lui verser des rappels d'heures supplémentaires, la somme de 3 400 euros au titre du maintien de son traitement pendant son congé de maladie faisant suite à son accident du service du 21 septembre 2010, une indemnité au titre de la dégradation de ses conditions de santé et du harcèlement moral qu'elle aurait subi, et l'indemnisation de son préjudice du fait de l'absence de renouvellement de son contrat à durée

déterminée arrivant à échéance le 16 juin 2011.

Par un jugement n° 11022...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Blaye à lui verser des rappels d'heures supplémentaires, la somme de 3 400 euros au titre du maintien de son traitement pendant son congé de maladie faisant suite à son accident du service du 21 septembre 2010, une indemnité au titre de la dégradation de ses conditions de santé et du harcèlement moral qu'elle aurait subi, et l'indemnisation de son préjudice du fait de l'absence de renouvellement de son contrat à durée déterminée arrivant à échéance le 16 juin 2011.

Par un jugement n° 1102203 du 14 janvier 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la commune de Blaye à verser à Mme E...la somme représentant la différence entre le montant de son plein traitement et celui des indemnités journalières de sécurité sociale perçues dans les deux mois de son congé ayant suivi son accident du travail du 21 septembre 2010, a renvoyé Mme E...devant la commune de Blaye pour qu'il soit procédé à la liquidation de la somme due à ce titre, a également condamné la commune de Blaye à verser à Mme E...la somme de 30 000 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation, au titre de la dégradation de son état de santé du fait de ses conditions de travail, et a rejeté le surplus de sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 12 mars 2015 et des mémoires des 9 juillet 2015 et 17 février 2017, la commune de Blaye, représentée par MeI..., demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1 à 5 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 janvier 2015 ;

2°) de rejeter la demande de Mme E...devant el tribunal administratif de Bordeaux et son appel incident ;

3°) de mettre à la charge de Mme E...la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

- les conclusions présentées par Mme E...au titre de l'appel incident afférentes au préjudice subi du fait de l'absence de renouvellement de son contrat, sont irrecevables dès lors qu'elles portent sur un litige distinct de l'appel principal ; en tout état de cause, ces conclusions ne peuvent être que rejetées dans la mesure où la commune était libre de renouveler ou non le contrat à durée déterminée de Mme E...laquelle ne peut revendiquer aucun droit à renouvellement du contrat et que dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision de refus de renouvellement de contrat, est inopérant et ne peut être que rejeté, le préavis prévu par l'article 4 de son contrat ayant par ailleurs été respecté ;

- les motifs du non-renouvellement du contrat de Mme E...tiennent à la perte de confiance des élus envers l'intéressée et à l'incapacité de cette dernière à organiser et à manager une équipe ;

- la décision de non-renouvellement du contrat a également pour cause la volonté de réorganiser le service, par le recrutement d'un agent plus polyvalent, ayant des compétences dans le domaine de l'infographie et de la mise à jour du site internet ;

- la qualité du travail de Mme E...était insuffisante dès lors que l'essentiel de son travail était fait par M.G..., chef de projet ;

- en ce qui concerne la question de la dégradation des conditions de travail de Mme E... ayant eu des incidences sur son état de santé, le tribunal s'est fondé à tort sur l'ensemble des arguments (ordres et contre-ordres, adjoint ayant cherché à la supplanter, propos dénigrants, bureau déplacé, atteinte au caractère privé de ses affaires personnelles, recrutement d'une remplaçante, tracasseries, vertiges, angoisses) invoqués par MmeE... ;

- en ce qui concerne les agissements reprochés à la commune, le courrier adressé par Mme E...au maire, le 8 décembre 2009, et qui a été adressé également aux élus et aux membres du comité technique paritaire, dans lequel elle s'est plainte de ses conditions de travail et qui a entrainé une réunion avec le maire et l'adjoint au maire, M.D..., n'est pas à l'origine des difficultés alléguées par Mme E...dans la réalisation du numéro n° 4 du mag de la commune, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal. En effet, la seule suggestion faite à MmeE..., de rajouter quatre pages à ce magazine, ne peut être regardée comme traduisant une volonté de déstabilisation de MmeE..., mais répond seulement au fonctionnement interne de la collectivité ;

- contrairement à ce que soutient MmeE..., le stress qu'elle a pu éprouver lors de la rédaction de ce magazine, ne peut être attribué à un système de harcèlement moral, qui aurait été mis en place par le maire, le premier adjoint et le directeur général ;

- si les relations entre Mme E...et M.B..., son adjoint, qui a quitté la fonction publique territoriale, étaient conflictuelles, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la commune n'a jamais poussé M. B...à diriger le service à la place de MmeE... ;

- en ce qui concerne l'existence sur laquelle le tribunal s'est également fondé, de propos dénigrants et humiliants, tenus en public dont Mme E...aurait fait l'objet, de la part des élus, il est fait allusion à la divergence qui est apparue au sujet de l'affiche " Blaye ville propre " conçue par MmeE..., sur laquelle M.B..., son adjoint apparaissait en train de passer l'aspirateur ; même si le ton des échanges entre les élus, qui ont critiqué le choix de l'affiche, a été vif, la responsabilité de la commune au titre du harcèlement moral, ne peut être reconnue ;

- en ce qui concerne le grief tenant au fait que son bureau a été déplacé et que sa taille en a été réduite, et qu'il aurait été porté atteinte au caractère privé de ses affaires personnelles, le service de la communication comptant deux personnes, il a été décidé un regroupement sous forme d'un grand bureau, comptant 24 m2, dans lequel Mme E...pouvait travailler et d'un bureau personnel plus petit de 7 m2 ;

- contrairement à ce que Mme E...soutient, elle a pu bénéficier d'un ordinateur et d'un téléphone portable et les moyens tant en investissement qu'en fonctionnement dont a profité ce service, démontrent qu'il a disposé de moyens suffisants ;

- en ce qui concerne le recrutement de la remplaçante de M.B..., l'adjoint démissionnaire de MmeE..., le fait que cette dernière n'ait pas été associée au début de la procédure de recrutement s'explique par la volonté de la commune de protéger M. B...jusqu'à son départ programmé en octobre 2010 alors que par ailleurs Mme E...ayant été placée en congé de maladie à compter du 21 septembre 2010, la commune a du poursuivre le processus de recrutement de cet agent ;

- pour ce qui est de l'accident de service invoqué par MmeE..., qui serait survenu le 21 septembre 2010 du fait du stress et d'angoisse, la commune est en droit d'en contester la réalité ; la circonstance que Mme E...ait bénéficié de l'allocation d'adulte handicapé avec un taux de 80 % est sans incidence sur la réalité de cet accident de service ; des incidents qui se sont produits lorsque Mme E...était employée par la maire de Saint-André-de Cubzac en qualité de chargée de communication, démontrent la fragilité psychique de MmeE... ;

- en ce qui concerne la réparation du préjudice relatif à la reconnaissance d'un accident de service, Mme E...a perçu pendant deux mois qui ont suivi son congé de maladie, le plein traitement au titre d'un accident du travail et c'est donc à tort que le tribunal a condamné sur ce point la commune.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 juin, 3 août 2015, et 22 février 2017, MmeE..., représentée par MeA..., conclut :

1°) au rejet de la requête de la commune de Blaye :

2°) au titre de l'appel incident à la condamnation de la commune de Blaye à lui verser une somme de 6 105, 73 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2011 et capitalisation au titre du préjudice financier subi du fait du non-renouvellement de son contrat à durée déterminée.

3°) au titre de l'appel incident, de porter la condamnation de la commune de Blaye du fait de la dégradation de ses conditions de santé de la somme de 30 000 euros à la somme de 40 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2011 et capitalisation.

4°) de mettre à la charge de la commune de Blaye la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en ce qui concerne la recevabilité des conclusions présentées au titre de l'appel incident, ces conclusions ne peuvent être regardées comme constituant un litige distinct de l'appel principal présenté par la commune dès lors que le préjudice qu'elle invoque à raison du non-renouvellement de son contrat à durée déterminée consiste dans le fait qu'elle ne se trouvait pas en état de travailler, ce qui est la conséquence du comportement de la commune ;

- le refus de renouvellement de son contrat à durée déterminée est injustifié, dès lors qu'elle n'avait jamais fait l'objet du moindre avertissement ou blâme et qu'au contraire, elle n'a eu de cesse de s'employer pour que le fonctionnement du service soit efficace ;

- le 21 septembre 2010, elle a été victime d'un gros malaise, ayant nécessité l'intervention des services de secours et une hospitalisation immédiate, malaise qui doit être regardé comme constituant un accident de service, comme l'a reconnu la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie ;

- le tribunal administratif a souligné ses qualités indéniables de travail, a listé les agissements fautifs de la commune et a rappelé l'investissement de Mme E...dans son emploi de chargé de communication, qui a notamment permis à la ville de Blaye d'obtenir deux prix en matière de communication en 2009 ;

- M. F...a notamment attesté du travail qu'elle avait effectué ; le départ de M. B... ne peut lui être imputé dès lors que ce départ a pour cause le conflit entre le maire et le père de M. B... ;

- les fonctions données à M. B... pour la supplanter ont participé au harcèlement moral qu'elle a subi ;

- ses conditions de travail se sont dégradées à compter du courrier qu'elle a adressé le 8 décembre 2009 au maire et aux élus dans lequel elle se plaignait de ses conditions de travail, du fait qu'elle était obligée d'effectuer 30 à 70 heures supplémentaires par mois, ayant parfois travaillé vingt-et-un jours consécutifs sans repos alors qu'elle a deux enfants mineurs ;

- elle a demandé des précisions sur les délimitations exactes de ses fonctions et s'est trouvée écartée du service, comme en atteste M.G... ;

- elle a eu une dépression réactionnelle grave avec hospitalisation et reconnaissance du statut de travailleur handicapé ;

- les écrits de la commune relatifs à son emploi à Saint-André de Cubzac sont malveillants et dénotent là encore une intention de lui nuire ;

- la cour doit donc l'indemniser pour un montant supérieur à la somme de 30 000 euros qui lui a été accordée par le tribunal administratif ;

- le 9 décembre 2010, alors que le journal était prêt, il lui a été demandé de rajouter quatre pages, puis il lui a été demandé de revenir à la configuration initiale ;

- M.B..., son adjoint a participé au harcèlement moral qu'elle a subi dès lors qu'il ne lui rendait plus compte de son travail, et traitait directement avec les élus et le directeur général des services ;

- elle a été reléguée à des tâches subalternes ;

- elle a subi des propos humiliants, du fait d'une affiche ;

- par ailleurs, un mail reçu par erreur le 8 décembre 2009, manifeste le mépris dans lequel elle est tenue ;

- il lui a été demandé lors de la réunion du 8 décembre 2009, de quitter ses fonctions et de démissionner ;

- elle a été reléguée sans en être avertie préalablement, dans un bureau de 8 m2 ;

- le 21 septembre 2010 elle a appris que Mme C...avait été recrutée pour la remplacer, ce dont elle n'avait jamais été informée antérieurement ;

- les faits qu'elle a subis sont constitutifs de harcèlement moral ;

- le refus de renouvellement de son contrat a été pris pour des motifs étrangers au service, ce qui doit lui ouvrir droit à indemnité, d'autant que la commune a recruté un autre agent pour la remplacer ;

- le médecin du travail, par un courrier du 17 août 210 a attesté de l'état de souffrance au travail de plusieurs agents de la commune de Blaye, dont MmeE... ;

- le tribunal des affaires de sécurité sociale par un jugement du 16 décembre 2016, a reconnu l'existence d'une faute inexcusable de son employeur, la commune de Blaye, à l'origine de son accident de service et de sa dépression réactionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de Me I...pour la commune de Blaye et de Me A..., pour MmeE....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E...a été recrutée par la commune de Blaye en qualité de chargée de mission en communication par un contrat à durée déterminée de trois ans, à compter du 16 juin 2008. Elle a été placée en arrêt de maladie entre le 21 septembre 2010 et le 16 juin 2011, date à laquelle son contrat n'a pas été renouvelé.

2. La commune de Blaye fait appel des articles 1 à 5 du jugement qui la condamnent à verser à Mme E...la somme correspondant à la différence entre le plein traitement et la somme perçue au titre des indemnités journalières de sécurité sociale dans les deux mois de son congé ayant suivi son accident du travail du 21 septembre 2010, renvoie Mme E...devant le maire de Blaye pour qu'il soit procédé à la liquidation de la somme due au titre de ce chef de préjudice, condamne la commune de Blaye à verser, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2011 et capitalisation, la somme de 30 000 euros à Mme E... au titre de la dégradation de son état de santé du fait de ses conditions de travail.

3. MmeE..., par la voie de l'appel incident, demande la condamnation de la commune de Blaye à lui verser une somme de 6 105, 73 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2011 et capitalisation au titre du préjudice financier subi du fait du non-renouvellement de son contrat à durée déterminée. Elle demande également à la cour de porter la condamnation de la commune de Blaye au titre de la dégradation de son état de santé du fait de ses conditions de travail, à la somme de 40 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2011 et capitalisation.

Sur l'appel principal de la commune de Blaye :

Sur la condamnation de la commune au titre du complément de rémunération des indemnités journalières de sécurité sociale :

4. Aux termes de l'article 9 du décret susvisé du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : " L'agent non titulaire en activité bénéficie en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle d'un congé pendant toute la période d'incapacité de travail jusqu'à la guérison complète, la consolidation de la blessure ou le décès. / L'intéressé a droit au versement par l'autorité territoriale de son plein traitement dans les limites suivantes : / 1. Pendant un mois dès son entrée en fonctions ; / 2. Pendant deux mois après un an de services ; / 3. Pendant trois mois après trois ans de services.". Selon l'article 12 du même décret : " (...) Les prestations en espèces servies en application du régime général de la sécurité sociale par les caisses de sécurité sociale ou par les régimes de protection sociale des professions agricoles en matière de maladie, maternité, paternité, adoption, invalidité, accidents du travail ou maladie professionnelle ainsi que les pensions de vieillesse allouées en cas d'inaptitude au travail sont déduites du plein ou du demi-traitement maintenu par les collectivités ou établissements en application des articles 7 à 10 (...) ".

5. Mme E...a été victime d'un malaise le 21 septembre 2010 sur son lieu de travail à la suite duquel elle a été placée en congé de maladie ordinaire. Si le 3 janvier 2011, la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde a informé Mme E...du refus de prendre en charge son accident comme maladie professionnelle, la commission de recours amiable a réformé la précédente décision et a reconnu le caractère professionnel de l'accident et Mme E...a alors été placée en congé de maladie au titre d'un accident de travail. Dans ces conditions, comme l'ont estimé les premiers juges, par application des dispositions précitées de l'article 9 du décret du 15 février 1988, Mme E...avait droit, au regard de son ancienneté de deux ans et trois mois, au bénéfice de son plein traitement pendant deux mois. Toutefois, il résulte de l'instruction, ce que Mme E...ne conteste plus en appel, qu'elle avait bénéficié de la part de la commune avant la présentation de sa requête devant le tribunal administratif le 27 mai 2011, pour la période de deux mois ayant suivi son accident de service du 21 septembre 2010, et comme l'établissent ses fiches de paye établies pour la période de septembre à novembre 2010, du versement par la commune de la somme correspondant à la différence entre les sommes versées par la caisse primaire d'assurance maladie et les rémunérations dues au titre du plein traitement. La commune est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamnée à verser à Mme E...la différence entre le montant de son plein traitement et celui des indemnités journalières de sécurité sociale qu'elle a perçues dans les deux mois de son congé ayant suivi son accident du travail du 21 septembre 2010 et a renvoyé Mme E...pour liquidation des sommes dues.

6. Si la cour est saisie par la voie de l'effet dévolutif des autres moyens qui auraient été présentés par Mme E...à l'appui de ces conclusions, Mme E...ne conteste pas avoir perçu avant la présentation de sa demande devant le tribunal administratif, la somme qui lui était due.

7. Dans ces conditions, la commune de Blaye est fondée à demander l'annulation de l'article 1er du jugement du tribunal qui l'a condamnée à indemniser Mme E...du montant de la différence entre le montant de son plein traitement et celui des indemnités journalières de sécurité sociale qu'elle a perçues dans les deux mois de son congé ayant suivi son accident du travail du 21 septembre 2010 ainsi que de l'article 2 du même jugement, qui renvoie Mme E... devant la commune de Blaye pour liquidation des sommes dues à ce titre.

8. Si par ailleurs Mme E...indique que les indemnités journalières versées par la CPAM, pour la période du 21 novembre 2010 au 15 juin 2011 sont inférieures à hauteur de 1 016,72 euros aux rémunérations auxquelles elle avait droit sur la base de son contrat, ce point est distinct de celui indiqué au point 5 et elle ne forme en tout état de cause pas d'appel incident contre le jugement sur ce point.

Sur l'indemnisation de Mme E...au titre de la dégradation de son état de santé et du préjudice moral:

9. En vertu de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983: "Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements (...) ".

10. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à la collectivité de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs du ou des agents, et des élus, auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements, et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral

11. Si le tribunal au titre de la dégradation des conditions de travail de Mme E...ayant eu des incidences sur son état de santé, s'est en premier lieu fondé sur l'existence d'ordres et de contre-ordres qui auraient été donnés à MmeE..., lors de l'élaboration en décembre 2009 - soit immédiatement après l'envoi par MmeE..., le 8 décembre 2009, d'un courrier au maire se plaignant de ses conditions de travail - du magazine communal, les élus et les supérieurs hiérarchiques de Mme E...étaient en droit, comme la commune le fait valoir en appel, de procéder à des modifications du contenu du journal, en vue notamment de répondre à l'actualité, alors même qu'il aurait finalement été renoncé à de telles modifications.

12. En deuxième lieu, s'il est constant que M.B..., adjoint de Mme E...entretenait des relations difficiles avec la requérante, il ne résulte pas de l'instruction que ces relations aient été empreintes d'agissements de harcèlement moral, ni contrairement à qu'a retenu le tribunal administratif, que la commune de Blaye ait cherché à attribuer à M.B..., la direction du service de communication.

13. En troisième lieu, la commune de Blaye apporte en appel des éléments de nature à démontrer, que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le grief de Mme E...tenant au fait que son bureau avait été déplacé, que sa taille en avait été réduite, et qu'il aurait été porté atteinte au caractère privé de ses affaires personnelles n'est pas établi, la commune faisant valoir que le service de la communication comptant deux personnes, il avait été décidé un regroupement sous forme d'un grand bureau, comptant 24 m2, dans lequel Mme E...pouvait travailler et d'un bureau plus petit de 7 m2. Par ailleurs, MmeE... a pu bénéficier d'un ordinateur et d'un téléphone portable et les moyens tant en investissement qu'en fonctionnement dont a disposé son service étaient suffisants pour remplir les missions dévolues. Ainsi les conditions matérielles d'exercice des fonctions de la requérante, ne révèlent pas d'agissements de harcèlement moral et ne peut être regardé comme constitutif d'une détérioration de ses conditions de travail à l'origine de sa dégradation de ses conditions de santé.

14. En quatrième lieu, si Mme E...a pu entretenir avec le maire, certains élus et différents collègues de travail, des relations qui ont pu se manifester par des échanges verbaux et des échanges de courriers électroniques, adressés sur un ton vif, il ne résulte pas de l'instruction que ces échanges, s'il est regrettable qu'ils dépassent de par le ton employé les limites admissibles, se seraient produits à d'autres reprises que lors de la réunion du 30 septembre 2008 relative à la présentation d'une affiche " Blaye Ville propre ", au cours de laquelle, Mme E...avait proposé le choix d'une affiche représentant M. B...en train de passer l'aspirateur et une seconde fois lors d'une réunion du 8 décembre 2009.

15. En cinquième lieu, la circonstance que Mme E...n'ait appris le recrutement de Mme C...que le 21 septembre 2010 , jour de ce recrutement, , ne peut être considérée comme étant à l'origine du malaise dont elle a fait l'objet le même jour et, en tout état de cause ne traduit pas un comportement fautif de la commune, notamment au titre du harcèlement moral.

16. Enfin en dernier lieu, les circonstances à les supposer établies, des difficultés rencontrées par MmeE..., pour obtenir après l'expiration de son contrat, le 15 juin 2011, les documents de fin de contrat, et pour obtenir le paiement des indemnités de congés payés, ne peuvent non plus être regardées comme fautives ni traduire l'existence d'un harcèlement moral.

17. Il résulte de ce qui précède, compte tenu des éléments objectifs apportés par la commune, les faits invoqués par la requérante ne peuvent être qualifiés comme constitutifs de harcèlement moral, ni d'ailleurs, comme l'a retenu à tort le tribunal administratif, comme constitutifs d'une dégradation fautive des conditions de travail de MmeE..., Par suite, la commune de Blaye est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamnée à verser à Mme E... la somme de 30 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2011 et capitalisation, et à demander l'annulation des articles 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux.

Sur l'appel incident de MmeE... :

Sur les conclusions relatives à l'indemnisation par la commune de Blaye au titre du harcèlement moral et de la dégradation de sa santé du fait de ses conditions de travail :

18. Comme il est indiqué au point 10., le harcèlement moral invoqué par Mme E... n'est pas établi, les circonstances invoquées par Mme E...dans son appel incident, tenant au courrier du 8 juillet 2010 adressé au maire de Blaye, par une organisation syndicale, faisant état d'une situation de souffrance au travail de certains salariés, et au jugement du 16 décembre 2016 du tribunal des affaires de sécurité sociale ayant retenu pour la période en litige dans le présent dossier, l'existence d'une faute inexcusable de la commune à l'origine de la dégradation de santé de Mme E...ne permettant de retenir l'existence d'un harcèlement moral, ou d'une quelconque faute de la commune lors de l'exécution par Mme E...de son contrat de travail. L'appel incident présenté à cet égard par Mme E...doit être rejeté.

Sur l'indemnisation de Mme E...au titre de l'absence de renouvellement de son contrat :

19. Aux termes de l'article 38 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents non-titulaires de la fonction publique territoriale selon lequel : " Lorsqu'un agent non titulaire a été engagé pour une durée déterminée susceptible d'être reconduite, l'administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement (...) ", et en vertu de l'article 9 du même décret : " L'agent non titulaire en activité bénéficie en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle d'un congé pendant toute la période d'incapacité de travail jusqu'à la guérison complète, la consolidation de la blessure ou le décès.(...) ".

20. En l'absence de droit pour un agent public à renouvellement de son contrat à durée déterminée, la commune de Blaye, était en droit, sans avoir à motiver son refus et alors même que Mme E...se trouvait en arrêt de maladie, de décider de ne pas renouveler son engagement à durée déterminée dès lors que contrairement à ce que soutient MmeE..., le refus de renouvellement de son contrat n'est pas intervenu pour des motifs étrangers à l'intérêt du service, la commune justifiant dans ses écritures, le refus de renouvellement par une perte de confiance envers MmeE..., ses difficultés à organiser le service, ses relations conflictuelles avec M. B...son adjoint et la volonté de la commune de réorganiser le service en recrutant une spécialiste en infographie et en sites internet.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Blaye qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme E...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de la commune de Blaye.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1 à 4 du jugement n° 1102203 du 14 janvier 2015 du tribunal administratif de Bordeaux sont annulés.

Article 2 : Le jugement du 14 janvier 2015 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il est contraire à ce qui précède.

Article 3 : Les conclusions de Mme E...présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux et ses conclusions d'appel incident sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Blaye sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...et à la commune de Blaye.

Délibéré après l'audience du 27 février 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 27 mars 2017.

Le rapporteur,

Pierre BentolilaLe Président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Delphine CéronLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Delphine Céron

2

N° 15BX00822


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00822
Date de la décision : 27/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : FERNANDEZ-BEGAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-03-27;15bx00822 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award