La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2017 | FRANCE | N°15BX00951

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 16 mai 2017, 15BX00951


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Le cabinet d'assurances Axa-C..., représenté par M. B...C..., a demandé au tribunal administratif de Pau la condamnation de la société Habitat Sud Atlantic à lui verser la somme de 65 345,46 euros et la condamnation de l'Office public de l'habitat de Bayonne à lui verser la somme de 108 723,76 euros, en réparation des préjudices subis en raison de son éviction de l'attribution du lot n° 1 " assurances des dommages et biens et risques annexes " du marché public de prestations de services d'assurance conclu par le gro

upement de commande constitué par l'Office public de l'habitat de Bayonne ...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Le cabinet d'assurances Axa-C..., représenté par M. B...C..., a demandé au tribunal administratif de Pau la condamnation de la société Habitat Sud Atlantic à lui verser la somme de 65 345,46 euros et la condamnation de l'Office public de l'habitat de Bayonne à lui verser la somme de 108 723,76 euros, en réparation des préjudices subis en raison de son éviction de l'attribution du lot n° 1 " assurances des dommages et biens et risques annexes " du marché public de prestations de services d'assurance conclu par le groupement de commande constitué par l'Office public de l'habitat de Bayonne et Habitat Sud Atlantic.

Par un jugement n° 1301892 du 22 janvier 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mars 2015 et des mémoires complémentaires enregistrés le 10 décembre 2015, le 28 janvier 2016, le 31 mai 2016, le 29 juin 2016, le 15 septembre 2016, le 23 février 2017, le 9 mars 2017 et le 4 avril 2017, le cabinet d'assurances AxaC..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'ordonner avant dire droit à l'office public Habitat Sud Atlantic de produire les pièces utiles à l'instruction de l'affaire, et notamment le rapport intégral des offres et l'acte d'engagement du candidat classé directement devant l'offre d'AxaC..., sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de condamner Habitat Sud Atlantic à verser au cabinet Axa C...les sommes de 65 345,46 euros et 108 723,76 euros au titre des pertes financières correspondant aux commissions des mandats d'assurance la Providence Incendie respectivement pour l'office public Habitat Sud Atlantic et pour l'Office public de l'Habitat de Bayonne ;

4°) de mettre à la charge d'Habitat Sud Atlantique les sommes de 21 655 euros et 5 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en première instance et en appel.

Il soutient que :

- par arrêt du 5 juillet 2012 la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de Pau du 3 février 2011 ainsi que le contrat conclu le 3 novembre 2008 entre, d'une part, l'Office public de l'habitat de Bayonne et Habitat Sud Atlantic, et, d'autre part, la société SMACL, laquelle avait été irrégulièrement favorisée ; par cet arrêt, la cour a également reconnu la conformité de son offre ;

- non seulement il n'était pas dépourvu de toute chance de remporter ce marché mais il avait des chances sérieuses de l'emporter ; en effet, l'offre classée en deuxième position n'était pas non plus conforme au dossier de consultation ; à tout le moins, il n'en est pas justifié par Habitat Sud Atlantic, qui n'a jamais produit d'acte d'engagement du candidat classé en deuxième position ;

- le tribunal n'a pas examiné l'intégralité de son argumentation ni répondu exhaustivement à celle-ci, notamment en ce qui concerne ses chances d'emporter le marché et la conformité de l'offre du candidat classé second avec les exigences du marché ; il appartenait le cas échéant au tribunal de se faire communiquer tous documents utiles et, en l'occurrence, les éléments constitutifs de l'offre du candidat classé en deuxième ; en s'abstenant de procéder ainsi, le tribunal a commis un déni de justice ;

- en l'état, à défaut pour Habitat Sud Atlantic de communiquer toutes les pièces nécessaires à la comparaison des offres par le juge et à l'examen des mérites du candidat classé deuxième, l'office public ne justifie pas du bien-fondé de ce classement ;

- à la date de notification de l'arrêt de la cour du 5 juillet 2012, la période d'exécution du marché n'était pas expirée ; à cette date, un marché de gré à gré à été conclu avec la SMACL pour un montant excessif ; le candidat arrivé en deuxième ne pouvait toutefois être considéré comme un candidat non retenu, dont les termes de l'offre pourraient être couverts par le secret commercial et ne pas être communiqués ; au demeurant, la communication de l'acte d'engagement sans indication du nom n'est pas de nature à violer ce secret ; or, il n'a pas reçu cette information ; le droit de communication des documents relatifs à l'analyse des offres s'exerce pleinement ; l'analyse des offres n'est pas suffisante dans la mesure où elle mentionne seulement les notes attribuées sans indiquer les caractéristiques de l'offre déposée ;

- le rapport d'analyse de la société Arima Consultants est critiquable, ainsi que le démontre l'appréciation manifestement erronée des mérites respectifs de la société SMACL et du cabinet AxaC... ;

- Habitat Sud Atlantic a pris des libertés avec son propre règlement de consultation en acceptant des offres non conformes à l'offre de base et en ne respectant pas les options à chiffrer ;

- les notes techniques des cinq candidats étaient identiques et ils ont donc été départagés sur le seul critère du prix ; or, les dossiers étaient nécessairement différents ; cette notation uniforme n'est pas sérieuse ;

- la réserve sur les dommages causés à l'environnement constitue une méconnaissance irrégulière des clauses du cahier des clauses techniques particulières ;

- l'offre du candidat classé deuxième ne respecte pas les prescriptions de l'article 2.2.2. du règlement de la consultation puisqu'aucun montant de prime n'a été renseigné en ce qui concerne l'option n° 2 " Bris de machines ascenseurs " ; le fait d'intégrer la garantie " Bris de machine ascenseurs " dans l'offre de base sans en chiffrer le prix constitue une irrégularité supplémentaire puisqu'il rend impossible l'estimation du coût réel de l'offre de base ; la notation attribuée au candidat n° 2 doit donc être corrigée, voire exclue ;

- en ce qui concerne les prestations d'assistance technique, l'offre du candidat classé deuxième est imprécise et insuffisante, notamment en ce qui concerne l'identification d'un interlocuteur de l'assuré, les délais d'engagement d'une expertise, les délais de paiement et plus généralement les modalités de gestion des sinistres ;

- les critères de notation n'ont pas été définis par le règlement de consultation, faute de grille de notation et de définition des points d'analyse ;

- au vu de la seule annexe aux actes d'engagement respectifs, l'offre technique du cabinet AxaC..., seule conforme, méritait la note maximale de 25/25, de même que son offre d'assistance technique, tandis que l'offre du candidat n° 2 ne pouvait excéder 15/25 pour ces deux postes ; ainsi, Axa C...devait l'emporter avec 21,35 points contre 17,51 pour le candidat classé deuxième ; Axa C...a ainsi été privé d'une chance sérieuse d'emporter le marché ;

- il a ainsi droit à l'indemnisation de son manque à gagner, correspondant à 25 % des primes d'assurance attendues des deux offices publics, sous seule déduction de frais généraux et de garantie minimes ;

- le mandat délivré par Axa incendie et le courrier d'Axa Assurances justifient du taux de rétribution du cabinetC... ; les charges d'exploitation structurelles ont nécessairement été supportées ; il n'y a pas à procéder à l'évaluation d'un taux de marge nette et donc les éléments invoqués suffisent à justifier de son préjudice.

Par des mémoires en défense enregistrés le 17 juin 2015, le 21 janvier 2016, le 11 mars 2016, le 5 juillet 2016, le 7 mars et le 21 mars 2017, l'office public Habitat Sud Atlantic conclut principalement au rejet de la requête et demande, à titre subsidiaire, à être garanti par la société Arima Consultants des condamnations qui pourraient être prononcées contre lui et demande que soit mise à la charge du cabinet Axa C...ou, subsidiairement de la société Arima Consultants, une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal ne s'est pas abstenu de répondre à l'argumentation de M. C...tenant à ce qu'il aurait eu des chances sérieuses d'emporter le marché ni en ce qui concerne la conformité de l'offre du candidat classé second avec les exigences du marché ; par ailleurs le requérant ne critiquait pas l'analyse des notes et des offres, ainsi que l'a relevé le tribunal ;

- il n'y a eu aucune volonté de favoriser la SMACL et en tout état de cause si l'offre de cette dernière avait été écartée le cabinet Axa-C..., classé troisième n'aurait pas été considéré mieux disant, au vu des critères d'attribution ; en effet, le candidat classé second présentait une valeur technique similaire à celle du requérant et a obtenu la même note pour ce critère mais proposait des montants substantiellement plus bas sur les deux options présentées ;

- contrairement à ce que soutient le requérant, les notes techniques n'étaient pas toutes identiques et les candidats n'ont donc pas été départagés sur le seul critère de prix ;

- le requérant ne justifie donc pas d'une chance sérieuse d'avoir pu remporter le marché ;

- l'arrêt de la cour qui a annulé la désignation de la SMACL n'a pas remis en cause l'ensemble du classement des cinq offres et notamment du classement des deuxième et troisième candidats, lequel n'est pas erroné ;

- les caractéristiques de l'offre du candidat classé en deuxième position, qui est communiqué, permet de vérifier la conformité de cette offre aux exigences de la consultation ;

- si, du point de vue technique, les deux offres ont été jugées similaires, cela veut dire qu'elles étaient de valeurs équivalentes ;

- les considérations du requérant tenant à la notation de la société SMACL sont inopérantes en l'espèce ;

- il ne résulte ni de la jurisprudence du Conseil d'Etat ni de celle de la Commission d'accès aux documents administratifs que doivent être divulgués l'identité et les éléments constitutifs de l'offre d'une entreprise qui n'a pas été retenue, seul le montant de l'offre étant communicable, pour des raisons tenant au respect de la libre concurrence et au secret en matière industrielle et commerciale ;

- l'arrêt de la cour n'a pas justifié de l'éligibilité au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de l'ensemble des travaux réalisés et ne produit aucune attestation ni justificatif probant ; en tout état de cause un contribuable qui a indûment payé la taxe n'est pas fondé à en demander la restitution dès lors qu'il a fait figurer cette taxe sur les factures remises à ses clients, comme c'est le cas en l'espèce ;

- la procédure ayant été menée à son terme, la remise en cause de la désignation de la SMACL ne pouvait avoir d'effet sur la procédure en litige ; par conséquent, la conclusion à titre transitoire d'un marché de gré à gré durant les quelques mois ayant suivi l'expiration de l'arrêt de la cour ayant annulé cette désignation de la SMACL est une considération sans incidence sur ce litige ;

- l'éviction du requérant du marché annulé ne trouve pas sa cause dans l'irrégularité de l'offre de l'attributaire du marché ou de la procédure ;

- subsidiairement, M. C...ne justifie pas de son manque à gagner en l'absence de production de documents comptables pertinents ;

- très subsidiairement, la société Arima Consultants s'était vue confier une mission d'audit et d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour la passation des contrats d'assurance et était notamment en charge d'une assistance dans l'analyse des offres, sur le fondement de laquelle le pouvoir adjudicateur a pris sa décision ; elle devrait donc garantir intégralement l'office public des sommes qui seraient mises à sa charge ;

- il était loisible au candidat n° 2 de formuler une réserve sur la limitation contractuelle d'indemnité fixée par le règlement de consultation sans que cela constitue une irrégularité ; la circonstance que le candidat ait indiqué la faculté de lever cette réserve moyennant une majoration des taux de prime de 7 % est sans incidence sur le caractère ferme de l'offre ;

- la levée de la réserve n'aurait pas eu d'incidence sur le classement puisqu'alors, ce candidat aurait obtenu la note pondérée de 8,75 sur le critère de prix et la note totale de 24,60 points, devant le cabinet Axa C...;

- s'agissant des dommages à l'environnement, le candidat n° 2 n'a pas posé une réserve mais s'est borné à rappeler ce qu'il convenait de comprendre de cette garantie au vu des stipulations combinées du cahier des clauses techniques particulières et du cahier des clauses techniques générales ; selon ces stipulations en effet, les candidats doivent assurer les biens extérieurs pour un montant maximum de 500 000 euros en cas de dommages à l'environnement ;

- il ne ressort pas du règlement de consultation que l'absence de présentation d'une offre aurait été de nature à affecter la régularité de l'offre ; en tout état de cause, il ne peut être reproché au candidat n° 2 de ne pas avoir prévu une option relative à la garantie bris de machine dès lors que cette garantie était incluse dans la formule de base et dans l'option 1 ;

- à supposer même que le cabinet Axa ait obtenu la note maximum du critère " Assistance Technique ", cela ne lui aurait pas permis d'arriver en 2ème position ; le candidat n° 2 avait bien présenté un interlocuteur unique pour instruire les sinistres, il s'engageait à un délai plus bref en cas d'urgence et prévoyait une souplesse sur la désignation d'un expert, les modalités de fixation du seuil d'expertise étaient mentionnées et l'offre était suffisamment précise s'agissant des modalités de gestion des sinistres ; le candidat classé deuxième méritait donc la note maximale.

Par des mémoires enregistrés le 30 mai 2016, le 2 août 2016 et le 7 mars 2017, la société Arima Consultants conclut au rejet de la requête du cabinet Axa C...et, subsidiairement, des conclusions d'appel en garantie présentées par Habitat Sud Atlantic, à tout le moins à hauteur de 50 %, et demande en outre qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des mêmes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si l'offre de la société SMACL avait été écartée, celle du cabinet AxaC..., classée en troisième position, n'aurait pas pour autant été retenue ; il n'a donc pas été privé d'une chance sérieuse de remporter le marché ; l'arrêt de la cour administrative d'appel n'a pas remis en cause ce classement ;

- seule la note de prix diffère avec l'offre classée deuxième ; cette différence était notable ;

- le requérant ne démontre pas en quoi cette offre classée deuxième serait irrégulière ;

- il ne peut être reproché au tribunal de ne pas avoir apprécié la conformité des différentes offres puisque M. C...ne contestait pas l'analyse des offres et les notes correspondantes ;

- il ne résulte ni de la jurisprudence du Conseil d'Etat ni de celle de la Commission d'accès aux documents administratifs que doive être divulguée l'identité et les éléments constitutifs de l'offre d'un candidat évincé, seul le montant de l'offre étant communicable, pour des raisons tenant au respect de la libre concurrence et au secret en matière industrielle et commerciale ;

- le moyen tenant à la conclusion d'un marché de gré à gré à la fin de l'année 2012 est inopérant ;

- le préjudice allégué n'est pas établi ;

- subsidiairement, elle ne saurait être appelée en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre Habitat Sud Atlantic dès lors qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait commis une faute dans l'exercice de sa mission ;

- à titre infiniment subsidiaire, elle souligne que cette garantie ne pourrait jouer qu'à hauteur de 50 % au plus dans la mesure où elle n'avait qu'un rôle d'assistant dans la procédure, la décision finale d'attribution appartenant à la collectivité ; au demeurant, elle avait émis des réserves sur l'offre de la SMACL ; l'irrégularité de l'offre de la SMACL sanctionnée par la cour n'était pas décelable au regard du dossier de consultation des entreprises, s'agissant de précisions apportées par cette société dans un deuxième temps et dont seul le pouvoir adjudicateur était informé ;

- il était loisible au candidat classé deuxième de formuler une réserve sur la limitation contractuelle d'indemnité fixée par le règlement de consultation sans que cela constitue une irrégularité ; la circonstance que le candidat ait indiqué la faculté de lever cette réserve moyennant une majoration des taux de prime de 7 % est sans incidence sur le caractère ferme de l'offre ;

- la levée de la réserve n'aurait pas eu d'incidence sur le classement puisqu'alors ce candidat aurait obtenu la note pondérée de 8,75 sur le critère de prix et la note totale de 24,60 points, devant le cabinet Axa C...;

- s'agissant des dommages à l'environnement, le candidat n° 2 n'a pas posé une réserve mais c'est borné à rappeler ce qu'il convenait de comprendre de cette garantie au vu des stipulations combinées du cahier des clauses techniques particulières et du cahier des clauses techniques générales ; selon ces stipulations en effet, les candidats doivent assurer les biens extérieurs pour un montant maximum de 500 000 euros en cas de dommage à l'environnement ;

- il ne ressort pas du règlement de consultation que l'absence de présentation d'une offre aurait été de nature à affecter la régularité de l'offre ; en tout état de cause il ne peut être reproché au candidat classé deuxième de ne pas avoir prévu une option relative à la garantie bris de machine dès lors que cette garantie était incluse dans la formule de base et dans l'option 1 ;

- à supposer même que le cabinet Axa ait obtenu la note maximum du critère " Assistance Technique ", cela ne lui aurait pas permis d'arriver en 2ème position ; le candidat n° 2 avait bien présenté un interlocuteur unique pour instruire les sinistres, il s'engageait à un délai plus bref en cas d'urgence et prévoyait une souplesse sur la désignation d'un expert, les modalités de fixation du seuil d'expertise étaient mentionnées et l'offre était suffisamment précise s'agissant des modalités de gestion des sinistres ; le candidat classé deuxième méritait donc la note maximale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- les conclusions de M, Nicolas Normand rapporteur public,

- et les observations de Me E...représentant Habitat Sud Atlantic, de Me A... représentant la société Arima Consultants et de Me D...représentant le cabinet d'assurances Axa-C....

Considérant ce qui suit :

1. En 2008, l'Office public de l'habitat de Bayonne et la société anonyme d'habitations à loyer modéré Habitat Sud Atlantic ont constitué un groupement de commandes en vue de la passation de marchés publics d'assurances. A la suite de la publication d'avis d'appel à la concurrence, le cabinet d'assurances Axa C...a présenté le 22 juillet 2008 une offre pour le lot n° 1 " assurance des dommages aux biens et risques annexes ". Par une décision du 9 octobre 2008, le groupement de commandes, représenté par la société HLM Habitat Sud Atlantic, l'a informé que son offre était rejetée, le marché étant attribué à la société SMACL. Par un arrêt n° 11BX00828 du 5 juillet 2012 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le contrat conclu le 3 novembre 2008 entre, d'une part, l'OPH de Bayonne et la société Habitat Sud Atlantic et, d'autre part, la société SMACL. Le cabinet Axa C...a vainement cherché à obtenir réparation auprès de la société HLM Sud Atlantic des préjudices qu'il estime avoir subi du fait de son éviction de la procédure d'attribution du marché. Il relève appel du jugement du 22 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à voir reconnaître son droit à indemnisation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal, en s'abstenant de demander à la société Habitat Sud Atlantic la production de l'acte d'engagement du candidat classé en deuxième position et de l'intégralité du rapport d'analyse des offres, n'a, eu égard à l'argumentation développée devant lui, entaché son jugement d'aucune irrégularité. Il ne résulte pas davantage de cette abstention une carence dans la motivation de ce jugement quant à l'existence pour le cabinet Axa C...d'une chance sérieuse d'emporter le marché.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat, il appartient au juge de vérifier d'abord si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. Dans l'affirmative, il n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient, d'autre part, de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Dans un tel cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique.

4. Il résulte de l'instruction que cinq cabinets d'assurances ont présenté leur candidature à l'attribution du lot n° 1 " assurance des dommages aux biens et risques annexes " et qu'à l'issue de la procédure d'analyse de leurs offres, ce lot a été attribué à la société SMACL, le cabinet Axa C...étant classé en troisième position. Toutefois, par son arrêt susmentionné du 5 juillet 2012, la cour a annulé le contrat conclu le 3 novembre 2008 par le groupement de commandes avec la société SMACL au motif du défaut de conformité de l'offre présentée par cette société aux exigences du règlement de consultation, en particulier en ce que les réserves apportées dans son offre par ce candidat au projet de marché figurant au dossier de consultation correspondaient en réalité à des propositions notablement différentes de la solution de base figurant dans ce dossier et qu'il lui appartenait dès lors, en vertu du règlement de la consultation, de présenter conjointement une offre conforme et une offre avec variantes.

5. Le cabinet Axa C...soutient, d'une part, qu'il a perdu une chance sérieuse de se voir attribuer le lot n° 1 dans la mesure où son offre était la première offre régulière au sens de l'article 39 du code des marchés publics. Toutefois, si l'offre du candidat attributaire du marché a effectivement été invalidée par la cour, il ne résulte en revanche d'aucune pièce du dossier, contrairement à ce qu'allègue le cabinet requérant, que l'offre présentée par le candidat classé en deuxième position aurait été elle-même irrégulière. En premier lieu, il ne saurait opérer une telle déduction de la seule circonstance que la valeur technique de cette offre a été qualifiée de " similaire " à la sienne par l'OPH Habitat Sud Atlantic dans ses écritures en défense devant le tribunal, qualification qui n'exclut nullement qu'elle soit conforme au dossier de consultation des entreprises. S'il ressort en deuxième lieu de l'acte d'engagement du candidat classé en deuxième position, produit en appel par le pouvoir adjudicateur, que ce candidat avait assorti son offre d'une réserve tenant à la limitation du plafond d'indemnisation à 19,99 millions d'euros alors que le dossier de consultation fixait ce plafond à 20 millions, une telle modification, compte tenu de son caractère extrêmement modeste, ne peut être regardée comme ayant constitué une variante non conforme au dossier de consultation et qui aurait justifié le dépôt d'une offre alternative en sus d'une offre de base, en application de l'article 4.2 du règlement de consultation du marché. Cette possibilité pour les candidats d'émettre des réserves, qui figurait à l'article 4 du formulaire d'acte d'engagement, n'était pas en soi contraire au règlement de la consultation. Quant à la proposition alternative du candidat n° 2 de lever sa réserve en contrepartie d'une majoration des taux de prime d'environ 7 %, au choix du pouvoir adjudicateur, elle ne remet pas en cause le caractère ferme de l'offre qu'il a présentée. En troisième lieu, il ne ressort pas de la précision apportée par ce candidat, en annexe à son acte d'engagement, qu'il " demeure convenu que les dommages à l'environnement sont accordés suite à un sinistre garanti, et à concurrence de la limite de garantie " biens extérieurs " fixée par le cahier des charges (500 000 euros) ", qu'il ait entendu émettre ainsi une seconde réserve relative aux dommages causés aux arbres, plantations et allées visés par l'article 5 du CCTP, la remarque considérée renvoyant, par ses termes, aux dispositions combinées de l'article 1.3 du CCTG et de l'article 1.5 du CCTP, qui limitent à 500 000 euros la couverture des biens extérieurs situés dans l'environnement immédiat des bâtiments sinistrés, tels que le mobilier urbain, certains édifices et les bornes d'apport de déchets. Il ne saurait, en quatrième lieu, être reproché au candidat classé en deuxième position d'avoir méconnu les prescriptions de l'article 2.2.2. du règlement de la consultation exigeant des candidats qu'ils chiffrent l'option n° 2 relative à la garantie des bris de machines visée à l'article 17 du CCTP, dès lors qu'il ressort des mentions de l'acte d'engagement du candidat qu'il a inclus cette garantie dans le chiffrage tant de son offre de base que de son option n° 1 et qu'aucune stipulation du règlement de la consultation ou des clauses techniques applicables n'excluait qu'il fût procédé ainsi, la globalisation n'excluant pas une comparaison pertinente avec les propositions chiffrées des autres candidats. Enfin, et alors que le CCTP se bornait à exiger des candidats qu'ils indiquent les données pertinentes relatives aux modalités de gestion et aux délais de prise en charge des sinistres, il n'apparaît pas que les éléments d'appréciation de l'assistance technique et des moyens consacrés à la gestion du contrat par le candidat classé en deuxième position, tels que spécifiés en annexe à son acte d'engagement, seraient d'une imprécision de nature à disqualifier son offre : en effet, y ont été indiqués le nom - anonymisé pour les besoins de l'instance d'appel - de l'interlocuteur unique responsable de la gestion du contrat et des relations avec la collectivité, ainsi que l'ensemble des précisions indispensables relatives aux modalités de gestion des sinistres envisagées par le prestataire.

6. D'autre part, il résulte de ce qui précède que la société Arima Consultant, chargée de l'évaluation des offres, a attribué à juste titre au candidat classé deuxième comme au cabinet Axa C...la note pondérée de 11,25 pour la valeur technique de leurs offres en " Formule de base " et en " Option 1 ", correspondant à des propositions conformes au dossier de consultation des entreprises. Les deux candidats se sont également vus attribuer des notes pondérées identiques de 4,60 sur le critère de l'assistance technique. Le cabinet requérant critique l'évaluation ainsi faite de ce critère au motif de l'infériorité de l'offre du candidat classé deuxième par rapport à la sienne en ce qui concerne notamment la désignation d'un interlocuteur en cas de sinistre, les modalités de déclenchement des expertises et les délais d'instruction et de paiement des sinistres. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'en proposant que l'identification de l'expert se fasse en accord avec l'assuré, en prévoyant des modalités de gestion et d'intervention de l'expert en fonction de seuils déterminés par la nature et les circonstances des sinistres, dans des conditions pouvant être fixées le cas échéant par voie de convention de gestion, en fixant le délai de paiement moyen à 8 jours après réception des pièces nécessaires, sous forme d'un versement soit à l'acheteur public, soit à l'entreprise ayant effectué les travaux de réparation, et alors qu'un interlocuteur unique de l'assuré était nommément désigné, ainsi qu'il a été dit au point 5, le candidat désigné deuxième a présenté une offre d'assistance technique dont la qualité n'était pas manifestement inférieure à celle du cabinet AxaC.... Il est constant, enfin, que les prix proposés par le candidat classé en deuxième position s'établissaient à des montants de 123 533,01 euros en " Formule de base " et de 129 559,01 euros en " Option 1 ", bien inférieurs aux prix respectifs de 188 011,20 euros et de 175 602,30 euros proposés par le cabinet AxaC.... En vertu des barèmes et modalités de calcul fixés par le règlement de consultation, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'ils auraient fait l'objet d'une publicité insuffisante au regard des exigences du II de l'article 53 du code des marchés publics, l'offre du deuxième candidat a donc été affectée, selon les options, de notes pondérées de 7,76 et 8,31 sur le critère de prix, tandis que le cabinet Axa C...recueillait les notes respectives de 5,10 et 6,13. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, et alors que le règlement de la consultation ne faisait pas obstacle à ce que des notes identiques soient le cas échéant attribuées aux candidats sur les critères de la valeur technique et de l'assistance technique et à ce que le classement procède en conséquence des différences portant sur le seul critère de prix, c'est sans erreur manifeste que le cabinet Axa C...a été classé en troisième position selon le rapport d'analyse des offres, avec un écart de points non négligeable de 2,66/25 pour la " Formule de base " et de 2,18/25 pour l' " Option 1 ". A supposer même que le pouvoir adjudicateur ait entendu retenir la possibilité, proposée par le deuxième candidat, de substituer à sa réserve relative à l'abaissement du plafond d'indemnisation une majoration des taux de primes de 7 %, un tel choix, compte tenu des écarts de prix susmentionnés, serait en tout état de cause demeuré sans incidence sur ce classement. Par suite, le cabinet Axa ne peut être regardé comme ayant perdu une chance sérieuse d'obtenir le marché.

7. Enfin, si le cabinet Axa C...fait valoir qu'il a, à tout le moins, perdu une chance d'obtenir le marché de nature à lui ouvrir un droit au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre, il est constant que l'irrégularité ayant motivé l'annulation par la cour du marché conclu le 3 novembre 2008 était sans lien avec le rejet de cette offre et, ainsi qu'il a été dit, la concurrence entre le cabinet requérant et le candidat classé en deuxième position a quant à elle été régulière. Dans ces conditions, le cabinet Axa C...ne peut se prévaloir d'aucun droit à indemnité, en l'absence de tout lien de causalité direct entre l'irrégularité ayant entaché la procédure d'attribution du contrat et le préjudice invoqué par lui.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit ordonné par arrêt avant dire droit à l'OPH Habitat Sud Atlantic de communiquer, sous astreinte, certaines pièces de la procédure d'appel d'offre litigieuse, lesquelles ont été produites en cours d'instance, le cabinet Axa C...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'office public de HLM Habitat Sud Atlantic, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que sollicite le cabinet Axa C...au titre des frais exposés devant la cour et non compris dans les dépens. Dès lors que le présent arrêt confirme le jugement attaqué, il ne saurait davantage être fait droit aux conclusions de ce cabinet tendant à l'indemnisation des frais de même nature qu'il a exposés devant le tribunal. Il ne peut non plus être fait droit aux conclusions présentées sur le fondement des mêmes dispositions par la société Arima Consultants, dès lors que le présent arrêt ne statue pas sur les conclusions subsidiaires d'appel en garantie présentées par Habitat Sud Atlantic. Il y a lieu en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge du cabinet Axa C...une somme de 1 500 euros à verser à Habitat Sud Atlantic.

DECIDE :

Article 1er : La requête du cabinet Axa C...est rejetée.

Article 2 : Le cabinet Axa C...versera une somme de 1 500 euros à l'OPH Habitat Sud Atlantic en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Arima Consultants fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au cabinet AxaC..., représenté par M. B...C..., à l'office public Habitat Sud Atlantic et à la société Arima Consultant.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2017, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 16 mai 2017.

Le rapporteur,

Laurent POUGET

Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 15BX00951


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00951
Date de la décision : 16/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCP TUCOO - CHALA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-05-16;15bx00951 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award