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23/05/2017 | FRANCE | N°17BX01367

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, Juge des référés, 23 mai 2017, 17BX01367


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de Mayotte a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte de suspendre le marché conclu le 16 septembre 2016 par le département de Mayotte avec le groupement solidaire FM-Projet-Colas relatif à la conception, la réalisation, l'exploitation et la maintenance d'un réseau de collecte optique, de desserte FttN et de liaisons optiques pour le raccordement de sites prioritaires.

Par une ordonnance n° 1700302 du 14 avril 2017, le tribunal administratif de Mayotte a suspendu

ce marché.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 avri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de Mayotte a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte de suspendre le marché conclu le 16 septembre 2016 par le département de Mayotte avec le groupement solidaire FM-Projet-Colas relatif à la conception, la réalisation, l'exploitation et la maintenance d'un réseau de collecte optique, de desserte FttN et de liaisons optiques pour le raccordement de sites prioritaires.

Par une ordonnance n° 1700302 du 14 avril 2017, le tribunal administratif de Mayotte a suspendu ce marché.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 avril 2017, le département de Mayotte, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Mayotte du 14 avril 2017 ;

2°) de rejeter la demande de suspension présentée par le préfet de Mayotte devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance est irrégulière en raison d'un défaut de motivation du rejet du moyen de défense tiré de l'atteinte excessive à l'intérêt général et aux droits du cocontractant qui résulterait de la suspension du marché, eu égard à l'office du juge en matière de plein contentieux ;

- le moyen soulevé par le préfet tiré de la méconnaissance de l'article L. 3221-11 du code général des collectivités territoriales et de l'absence d'habilitation du président du conseil départemental à signer le marché n'est pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du marché dès lors, d'une part, que les crédits mentionnés à l'article L. 3221-11 doivent s'entendre comme renvoyant indifféremment à la notion d'autorisation de programme ou à celle de crédits de paiement telles que définies par l'article L. 3312-4 et que s'il est avéré qu'aucun crédit de paiement correspondant à l'objet du marché n'était inscrit au budget du département à la date de notification du marché, ce marché relevait d'une autorisation de programme qui avait été inscrite au budget ; d'autre part, l'absence de crédits de paiement inscrits au budget 2016 n'est pas susceptible d'entacher d'illégalité le marché dès lors qu'il est établi qu'aucun engagement de crédits n'était nécessaire avant la fin de cet exercice ;

- le moyen tiré de l'absence de désignation de personnalités qualifiées pour participer au jury n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du marché dès lors que le vice découlant de l'absence de désignation des personnalités qualifiées n'a pas été susceptible d'exercer en l'espèce une influence sur le sens de la décision ni n'a privé les intéressés d'une garantie ; par délibération du 23 décembre 2015, la commission permanente du conseil départemental a bien souhaité que le jury soit composé d'un tiers de personnalités qualifiées, et seule la circonstance qu'aucune personnalité qualifiée n'habite Mayotte y a fait obstacle ; ce jury n'avait pas à comprendre obligatoirement de telles personnalités pour l'application des dispositions du I de l'article 24 du code des marchés publics en l'absence de compétence spécifique de maîtrise d'oeuvre imposée aux candidats et cette participation n'était que facultative ; en dernier lieu, il a bénéficié de l'accompagnement d'un assistant à maîtrise d'ouvrage, de la part du cabinet Tactis lequel est qualifié en matière d'aménagement numérique du territoire en métropole comme en outre-mer et de la présence lors de la réunion du jury de deux consultants ; dans ces conditions l'absence de personnalités qualifiées a été compensée par l'expérience du cabinet Tactis ; l'absence de personnalités qualifiées n'a pas eu de conséquence sur le choix de l'attributaire eu égard d'une part, à l'écart entre les deux offres remises, d'autre part, au caractère seulement consultatif de l'avis du jury en application des 5ème et 6ème alinéas du I de l'article 69 de l'ancien code des marchés publics, le marché ayant été attribué par la commission d'appel d'offres, et ainsi qu'en atteste l'absence de contentieux engagé par le seul autre candidat évincé ;

- le moyen tiré de l'absence de désignation d'un coordonnateur sécurité et protection de la santé n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du marché dès lors que l'absence de respect de cette obligation est sanctionnée de manière autonome en application des dispositions des articles L. 4531-1 et suivants, L. 4532-1 et suivants, et R. 4532-4 à R. 4532-10 du code du travail, et est, par suite, sans incidence sur la légalité du marché ; d'ailleurs la justification du recours à un tel prestataire n'est pas au nombre des pièces devant être transmises au préfet dans le cadre du contrôle de légalité ; aucune disposition du code des marchés publics n'impose d'ailleurs le recours à un tel prestataire au stade du choix de cocontractant ;

- eu égard à l'objet du contrat qui vise à développer les réseaux de communication électroniques terrestres à Mayotte et à améliorer la connectivité filaire des mahorais, au retard dans l'accès à un Internet de qualité qui résulterait de la suspension de ce marché, à l'impossibilité d'attribuer un nouveau marché avant un délai d'au moins un an ne permettant pas de tenir les engagements figurant dans le schéma directeur territorial d'aménagement numérique et remettant en cause l'accord préalable de financement de l'État accordé dans le cadre du plan France Très Haut Débit valable seulement jusqu'au 3 novembre 2017 dont la mise en oeuvre est indispensable à l'équilibre financier de l'opération, l'annulation du marché porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ;

- eu égard au commencement d'exécution du marché dans le cadre duquel le groupement d'entreprises FM-Projet-Colas a lancé ses approvisionnements, lesquels sont en cours d'acheminement à Mayotte et ne pourront pas être réexpédiés compte tenu du coût d'acheminement, et émis une première facture pour un montant de 104 197,60 euros le 7 mars 2017, la suspension et l'annulation du marché seraient manifestement de nature à engendrer des coûts importants pour le département et son cocontractant ;

- des mesures de régularisation pourraient être prescrites visant à imposer au département d'inscrire les crédits de paiement au budget 2017 qui sera voté en mai 2017, de lancer une consultation pour désigner un CSPS, et de reconvoquer si nécessaire un jury en dépit des contraintes logistiques pour faire venir à Mayotte des personnalités qualifiées.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 15 mai 2017, la société FM Projet, représentée par MeD..., demande à la cour :

- d'admettre son intervention au soutien des conclusions du département de Mayotte ;

- d'annuler l'ordonnance n° 1700302 du 14 avril 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte ;

- de rejeter la demande de suspension présentée par le préfet de Mayotte devant le juge des référés du tribunal administratif ;

- de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance est irrégulière en raison de son insuffisante motivation eu égard à l'office du juge en matière de plein contentieux auquel il appartient, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité d'un contrat, d'en apprécier les conséquences en considération de la nature de l'illégalité commise et, soit de décider de la poursuite du contrat, le cas échéant sous réserve de mesures de régularisation, soit, d'en prononcer la résiliation ou l'annulation, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas atteinte excessive à l'intérêt général ; le juge des référés n'a pas évoqué, même implicitement, les mesures de régularisation envisageables, et n'a pas motivé son appréciation quant à l'absence d'intérêt général ou d'intérêts privés dont la préservation ferait obstacle à la suspension du marché ;

- le vice d'incompétence du président du conseil départemental pour signer le marché, en raison de son caractère régularisable, ne peut justifier l'annulation ou la suspension du marché ;

- le vice résultant de l'irrégularité de la composition du jury n'est pas non plus de nature à justifier l'annulation ou la suspension du marché ; il est en outre susceptible de régularisation par la consultation a posteriori d'un jury régulièrement composé ; enfin, il n'a, en l'espèce, notamment eu égard à l'écart de notation entre les deux offres, ni rompu l'égalité entre les candidats, ni exercé une influence sur le contenu de l'avis du jury de telle sorte que l'appréciation du pouvoir adjudicateur aurait pu en être faussée ;

- l'absence de désignation du coordonnateur sécurité hygiène ne justifie pas davantage la suspension du marché alors que la légalité du marché ne peut être affectée par l'omission d'acte postérieur à sa conclusion et que le moyen, tel que soulevé par le préfet en première instance, tiré seulement de l'absence de transmission au contrôle de légalité du marché conclu avec ce coordonnateur, est inopérant ; en outre, la suspension ne pouvait être prononcée eu égard à la possibilité de conclusion et de transmission d'un tel marché et à celle d'une régularisation par passation d'un tel marché ;

- la suspension du marché porte une atteinte disproportionnée à l'intérêt général ou aux intérêts des parties, notamment aux siens eu égard au caractère véniel des illégalités dont se prévaut le préfet et à leur absence d'incidence sur le choix du cocontractant du département ce dont atteste d'ailleurs le fait que la société Orange, candidate évincée n'a pas contesté l'attribution du marché à son concurrent, au fait que ces vices ne sauraient faire obstacle à la poursuite de l'exécution du contrat notamment eu égard aux possibilités de régularisation des vices invoqués à l'urgence de remédier à la fracture numérique, et à l'atteinte à ses intérêts financiers alors que le marché est en cours d'exécution.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2017, le préfet de Mayotte, conclut au rejet de la requête du département de Mayotte.

Il soutient que :

- la délibération du 23 février 2016 dont se prévaut le département de Mayotte pour soutenir que les crédits nécessaires étaient inscrits au budget 2016 ne procède pas à l'ouverture comptable des crédits nécessaires pour la couverture en 2016 de l'engagement contracté alors que la signature du marché est intervenue le 19 septembre 2016 et que celui-ci prévoit que ses prestations commencent dès sa notification ; le président du conseil départemental n'était par suite pas compétent pour signer ledit marché ;

- le département ne conteste pas l'absence de désignation au jury de trois personnalités qualifiées ; la circonstance que ces personnalités qualifiées ne résident pas à Mayotte ne fait pas en elle-même obstacle à la mise en oeuvre de l'obligation résultant des dispositions du e) du I de l'article 24 du code des marchés publics ; le département ne peut soutenir que la méconnaissance de cette obligation a, en l'espèce, été compensée par la désignation de deux consultants dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient été présents lors de la réunion du jury le 21 juillet 2016 ; même si les prestations objet du marché ne relèvent pas d'un monopole, elles sont suffisamment techniques et complexes pour nécessiter la présence de personnalités qualifiées ; l'analyse des offres sur le plan technique aurait pu s'en trouver modifiée et, par conséquent, l'appréciation du pouvoir adjudicateur, qui n'était pas tenu de retenir le moins-disant, également ; le décret n° 2016-360 ne concerne pas les procédures initiées selon les dispositions de l'ancien code des marchés publics ;

- il est logique que la désignation du coordonnateur sécurité et protection puisse intervenir le plus tôt possible afin d'émettre des observations sur les choix techniques tout au long du déroulement de l'opération ; le département n'a toujours pas procédé à la conclusion de ce marché alors que les études et les travaux ont démarré depuis plusieurs mois ;

- les vices entachant le marché sont suffisamment graves pour en justifier l'annulation et, par suite, la suspension ;

- la prise en compte de l'intérêt général aurait du conduire le département à se mobiliser plus en amont afin de respecter le calendrier de l'opération et s'assurer ainsi de la validité de l'engagement financier de France Haut débit prorogé jusqu'en novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme C...A..., en qualité de juge des référés et de tout recours présenté sur le fondement des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 22 mai 2017:

- le rapport de Mme C...A..., qui informe les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'ordonnance était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'intervention de la société FM-Projet à l'appui des conclusions de la requête du département de Mayotte ;

- et les observations de MeB..., représentant le département de Mayotte, et de Me D..., représentant la société FM-Projet, qui reprennent les moyens de leurs mémoires respectifs, y ajoutant, pour le département de Mayotte, que des considérations d'organisation, dues au caractère récent de la création du département de Mayotte, sont seules à l'origine des vices qui ont entaché la procédure d'attribution du marché, le juge des référés n'a pas tenu compte du délai de 7 mois mis par le préfet pour saisir le tribunal administratif, certains des matériels déjà acheminés à Mayotte pour l'exécution du contrat sont estampillés au nom du département et ne pourraient être réutilisés pour l'exécution d'autres contrats, si le budget primitif 2017 n'est pas encore voté, la collectivité a obtenu l'accord du préfet pour disposer d'un délai supplémentaire et le vote du budget, qui procèdera à l'inscription des crédits de paiement nécessaires, interviendra en juin, les collectivités, contrairement à ce qu'il en est de la juridiction administrative pour certaines de ses audiences, n'a pas la faculté de réunir le jury par visioconférence, deux personnes de l'équipe d'assistance à maîtrise d'ouvrage ont bien participés à la réunion du jury même si leur présence n'est pas mentionnée au procès-verbal, le préfet a d'ailleurs demandé une attestation en ce sens à la collectivité qui va y répondre favorablement, l'absence de personnalités qualifiées au jury n'a pas porté atteinte à l'égalité des candidats, la désignation du coordonnateur SPS interviendra au cours de la première quinzaine de juillet, l'action contentieuse du préfet fragilise le plan de financement de l'opération, pour la société FM-Projet, que les études préalables au passage des fibres dans les fourreaux d'Orange ont été réalisées et n'ont qu'une durée de validité de trois mois, la suspension du marché l'obligera à les recommencer et l'expose à des frais importants de gardiennage, un écart de 20 points dont 14 sur le seul critère de prix ne pouvait conduire à une autre désignation même en présence de personnalités qualifiées, et, sur le moyen susceptible d'être relevé d'office, qu'il avait été convenu avec le département que c'est lui qui porterait la contestation devant la cour.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 16 septembre 2016, le département de Mayotte a confié au groupement solidaire FM-Projet-Colas, dont FM-Projet est mandataire, un marché relatif à la conception la réalisation, l'exploitation et la maintenance d'un réseau de collecte optique, de desserte FttN et de liaisons optiques pour le raccordement de sites prioritaires. Le département de Mayotte relève appel de l'ordonnance du 14 avril 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a, sur déféré du préfet de Mayotte, suspendu ce marché.

2. Le préfet peut, sur le fondement des dispositions des articles L. 2131-2 et L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, saisir le juge administratif d'un déféré tendant à l'annulation d'un marché public passé avec formalités préalables ou de conventions portant concession ou affermage de services publics locaux. Il peut assortir ce recours d'une demande de suspension sur le fondement des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 2131-6, auquel renvoie l'article L. 554-1 du code de justice administrative. Eu égard à son objet, un tel recours formé à l'encontre d'un contrat relève du contentieux de pleine juridiction. Il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise, soit en décidant que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues par les parties, soit en prononçant, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou son annulation. Il lui appartient également de prendre en considération la nature de l'illégalité commise pour se prononcer sur les conclusions à fin de suspension de l'exécution du contrat sur le fondement de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales.

Sur l'intervention de la société FM Projet :

3. La société FM Projet, attributaire du marché dont l'ordonnance attaquée a prononcé la suspension, qui avait la qualité de partie devant le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, avait qualité pour faire appel de ladite ordonnance, ce qu'elle n'a pas fait dans le délai dont elle disposait. Par suite, son intervention au soutien des conclusions de la requête du département de Mayotte ne peut être admise.

Sur la compétence du président du conseil départemental de Mayotte pour signer le contrat :

4. Aux termes de l'article L. 3312-4 du code général des collectivités territoriales : " Les dotations budgétaires affectées aux dépenses d'investissement peuvent comprendre des autorisations de programme et des crédits de paiement. Les autorisations de programme constituent la limite supérieure des dépenses qui peuvent être engagées pour l'exécution des investissements. Elles demeurent.valables, sans limitation de durée, jusqu'à ce qu'il soit procédé à leur annulation) (.... Les crédits de paiement constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être mandatées pendant l'année pour la couverture des engagements contractés dans le cadre des autorisations de programme correspondantes (...). ". L'article L. 3221-11 du même code dispose : " Le président, par délégation du conseil départemental peut être chargé, pour la durée de son mandat, de prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l'exécution et le règlement des marchés (...) lorsque les crédits sont inscrits au budget (valables, sans limitation de durée, jusqu'à ce qu'il soit procédé à leur annulation)) ".

5. Devant le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, le département se bornait, pour justifier de l'existence de l'inscription de crédits au sens de l'article L. 3211-11 du code général des collectivités territoriales, à se prévaloir d'une délibération du 23 février 2016 par laquelle le conseil départemental de Mayotte a adopté un plan pluriannuel d'investissement pour la période 2016-2021 qui retient comme priorité n°1 le désenclavement du territoire au titre de laquelle sont mentionnés les pistes rurales, l'inter-urbain (pôles d'échange), le numérique (couverture du haut débit), la continuité du territoire (achat de barges). Si une somme de 77 millions d'euros est affectée à cet objectif n° 1, sans d'ailleurs aucune précision quant à la répartition de cette somme entre les différentes actions rattachées à cet objectif, la délibération ne comporte ni échéancier prévisionnel ni répartition annuelle des crédits. A cet égard, l'inscription dans le tableau annexé à cette délibération d'un montant prévisionnel d'investissement de 13 060 000 euros pour l'opération " numérique : couverture haut débit et NTIC ", dont 4 524 000 euros restant à la charge de la collectivité, ne comporte non plus aucune répartition annuelle des crédits. Toutefois, le département de Mayotte se prévaut devant la cour de l'adoption le 24 avril 2017 par le conseil départemental d'une délibération relative l'autorisation d'un dépôt de dossier de demande de financement FEDER sur la construction d'un réseau d'initiative publique fibre optique pour le développement du haut et très haut débit dans le territoire. Cette délibération, qui est relative aux modalités de financement de l'opération à hauteur de 4 645 052,82 euros dont 929 010,56 euros à la charge du département de Mayotte, décide dans son article 2 d'imputer cette dépense sur le budget du département de Mayotte. Enfin, le vice d'incompétence du président du conseil départemental pour signer le marché en l'absence d'inscription des crédits nécessaires au budget ne fait pas obstacle à la poursuite de l'exécution du marché sous réserve de sa régularisation par l'inscription des crédits au budget primitif 2017. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du président du conseil départemental ne paraît pas, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité du marché.

Sur la composition du jury :

6. L'article 69 du code des marchés publics dans sa version applicable aux contrats pour lesquels, comme en l'espèce, l'appel public à la concurrence a été envoyé à la publication antérieurement au 1er janvier 2016, dispose : " I.-Les marchés de conception-réalisation définis à l'article 37 sont passés par les pouvoirs adjudicateurs soumis aux dispositions de la loi du 12 juillet 1985 susmentionnée selon la procédure d'appel d'offres restreint sous réserve des dispositions particulières qui suivent :/ Un jury est composé dans les conditions fixées par le I de l'article 24. (valables, sans limitation de durée, jusqu'à ce qu'il soit procédé à leur annulation)) ". Selon les dispositions du e) du I de l'article 24 du même code " (...) lorsqu'une qualification professionnelle est exigée des candidats pour participer à un concours, au moins un tiers des membres du jury ont cette qualification ou une qualification équivalente. (valables, sans limitation de durée, jusqu'à ce qu'il soit procédé à leur annulation)) ".

7. Le département de Mayotte a confié au cabinet Tactis, qui dispose d'une expertise particulière dans le domaine de l'aménagement numérique du territoire, une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage. Eu égard à l'assistance que ce cabinet spécialisé a pu apporter au département de Mayotte, il n'est pas établi que la composition irrégulière du jury en l'absence de la désignation de trois personnalités qualifiées comme l'a prévu le conseil départemental dans sa délibération du 24 novembre 2015 relative à la composition du jury, ait été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur l'attribution du marché à la société FM Projet ni que le département de Mayotte ait été privé d'une garantie quand bien même aucun des deux consultants de ce cabinet n'aurait participé à la réunion du jury. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du jury ne paraît pas, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité du marché.

Sur l'absence de désignation d'un coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé :

8. Il ne résulte d'aucune des dispositions du code des marchés publics ou du code du travail dont se prévaut le préfet de Mayotte que la désignation d'un coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé soit un préalable nécessaire à la passation du marché conclu avec la société FM Projet ni que l'absence de transmission d'un telle désignation au préfet au titre de sa mission de contrôle de légalité des marchés des collectivités locales soit une cause d'illégalité du marché. Par suite le moyen tiré de l'absence de désignation de ce coordonnateur n'est pas, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité du marché.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de l'ordonnance, que le département de Mayotte est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée du 14 avril 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a suspendu le marché conclu le 16 septembre 2016 avec la société FM Projet.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le département de Mayotte au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE

Article 1er : L'intervention de la société FM Projet n'est pas admise.

Article 2 : L'ordonnance n° 1700302 du 14 avril 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte est annulée.

Article 3 : La demande du préfet de Mayotte devant le juge des référés tendant à la suspension du marché conclu le 16 septembre 2016 par le département de Mayotte avec la société FM Projet est rejetée.

Article 4 : Les conclusions du département de Mayotte tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département de Mayotte, au préfet de Mayotte, au ministre de l'intérieur et à la société FM Projet. Copie en sera adressée à la ministre des outre-mer.

Fait à Bordeaux, le 23 mai 2017

Le juge d'appel des référés

Christine A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

2

N° 17BX01367


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 17BX01367
Date de la décision : 23/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Contrôle de la légalité des actes des autorités locales - Déféré assorti d'une demande de sursis à exécution.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Qualité pour contracter.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Mode de passation des contrats - Appel d'offres.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christine MEGE
Avocat(s) : CABINET BLOCH O'MAHONY TISSIER AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-05-23;17bx01367 ?
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