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27/06/2017 | FRANCE | N°17BX00675

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 27 juin 2017, 17BX00675


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 mai 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1602402 du 7 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 7 mars 2017, M.A..., représenté par Me C..., demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 mai 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1602402 du 7 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mars 2017, M.A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 7 février 2017 du tribunal administratif de Toulouse ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral du 13 mai 2016 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit. Le préfet ne pouvait opposer les dispositions du code du travail, dont en particulier celles prévues par l'article R. 5221-11 du code du travail concernant les ressortissants étrangers en situation irrégulière, à sa demande de titre de séjour fondée sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile (CESEDA). Il justifie de compétences professionnelles exceptionnelles et particulièrement adaptées à l'emploi de chef cuisinier au sein de la société New Delhi Industries. Ainsi au sens de l'article L. 313-14 du CESEDA, la détention d'un savoir-faire rare et spécifique, dont la privation au préjudice de l'employeur aboutit à l'impossibilité de pourvoir l'emploi considéré, constitue un motif exceptionnel ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il a le centre de ses attaches sociales, familiales et culturelles en France où il réside de manière ininterrompue depuis sept ans ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai est illégale dès lors qu'il justifie de garanties de représentation lui permettant de bénéficier, le cas échéant, d'un délai de départ volontaire ;

- la décision lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée de trois ans est illégale dans la mesure où une décision identique avait été annulée auparavant par jugement rendu le 9 avril 2013 par le tribunal administratif de Toulouse, confirmé par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 19 novembre 2013 ; malgré ces décisions de justice, le préfet de la Haute-Garonne persiste dans un véritable acharnement procédural à son encontre en faisant abstraction des éléments objectifs de son dossier, de la pertinence de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, de la réalité et de la sincérité de sa volonté d'intégration sur le territoire français ; le préfet n'apporte aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause les motivations des décisions précitées des juridictions administratives.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...A..., ressortissant bangladais né le 20 juin 1975, est entré en France le 4 juin 2009, selon ses déclarations. Il relève appel du jugement rendu le 7 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 13 mai 2016 portant à son encontre refus de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. M. A...ne justifiant pas avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ne peut, par suite, être accueillie.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 311-7 du même code : " (...) l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article R. 5221-1 du même code : " Pour exercer une activité professionnelle en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail (...) : 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen (...) ". L'article R. 5221-3 du même code dispose que : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) / 6° La carte de séjour temporaire portant la mention salarié, délivrée sur présentation d'un contrat de travail d'une durée égale ou supérieure à douze mois conclu avec un employeur établi en France, en application du 1° de l'article L. 313-10 du même code (...)". Aux termes de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail (...) est faite par l'employeur. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-14 de ce code : " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-11 (...) l'étranger résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour. ".

4. Il est constant qu'à la date de la décision attaquée, M. A...n'était pas titulaire du visa de long séjour exigé par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne disposait pas non plus d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative prévu aux articles L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 5221-2 du code du travail. De plus, M. A...ne séjourne pas régulièrement en France alors que les dispositions de l'article R. 5221-14 du code du travail prévoient qu'une demande d'autorisation de travail concernant un étranger ne peut être déposée que si celui-ci est en situation régulière. Dans ces conditions, le préfet a fait une exacte application des dispositions législatives et réglementaires précitées en rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. A... et celui-ci ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que la société New Dehli ait déposé pour son compte une demande d'autorisation de travail. Il suit de là que le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-10 peur être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...).

6. En présence d'une demande de régularisation présentée par un étranger sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un étranger, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, de motifs exceptionnels exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

7. Comme l'ont relevé les premiers juges, le fait que M. A...pourrait bénéficier d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet pour un emploi de cuisinier ne constitue pas, en soi, un motif exceptionnel lui permettant de prétendre à un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en va ainsi alors même que la préparation de plats indiens et bangladais nécessiterait des compétences spécifiques que M. A...possèderait pleinement. Par suite le préfet a pu, sans erreur manifeste d'appréciation, ne pas admettre au séjour M. A...en application de l'article L. 313-14 précité.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français après le rejet de sa demande d'asile prononcé une première fois par la Cour nationale du droit d'asile le 19 avril 2010 et, une seconde fois, par cette même instance le 24 octobre 2012. Entre ces deux décisions, il a fait l'objet, le 9 août 2010, d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français à laquelle il ne s'est pas conformé. M. A...n'établit pas qu'il aurait, au cours de son séjour sur le territoire français, tissé des liens personnels présentant un caractère ancien, intense et stable alors qu'au contraire, il ressort des pièces du dossier que ses parents, ses deux frères et sa soeur résident dans son pays d'origine où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans. Dans ces conditions, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité des autres décisions :

10. Au soutien des moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français sans délai est illégale dès lors qu'il justifie de garanties de représentation lui permettant de bénéficier d'un délai de départ volontaire et de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans est entachée d'erreur d'appréciation, M. A...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement les réponses apportées par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : M. A...n'est pas admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M. A...est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Christine Mège, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 27 juin 2017.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Christine MègeLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

N° 17BX006752


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00675
Date de la décision : 27/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEGE
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : COHEN DRAI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-27;17bx00675 ?
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