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30/06/2017 | FRANCE | N°15BX03522

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 30 juin 2017, 15BX03522


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La SAS Résidence du Lac a demandé au tribunal administratif de Pau de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle et de la décharger du complément de taxe sur la valeur ajouté qui lui a été assigné au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 août 2012 ou, subsidiairement, de réduire ce complément à concurrence des droits et pénalités grevant les frais et charges se rapportant au prix des prestations soumises à cette taxe pour un montant de 19 636,80 euros.

Par un j

ugement n° 1400108 du 17 septembre 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La SAS Résidence du Lac a demandé au tribunal administratif de Pau de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle et de la décharger du complément de taxe sur la valeur ajouté qui lui a été assigné au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 août 2012 ou, subsidiairement, de réduire ce complément à concurrence des droits et pénalités grevant les frais et charges se rapportant au prix des prestations soumises à cette taxe pour un montant de 19 636,80 euros.

Par un jugement n° 1400108 du 17 septembre 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2015, et des mémoires enregistrés le 14 juin, le 12 octobre 2016 et 12 mai 2017, la SAS Résidence du Lac, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de prononcer l'annulation de ce jugement ;

2°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

3°) subsidiairement, de faire droit à sa demande de décharge ou, plus subsidiairement, de réduction du complément de taxe sur la valeur ajoutée contesté ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- lorsqu'une entreprise établit que les coûts qu'elle a supportés en amont sont intégrés au prix des produits ou des prestations qu'elle vend avec taxe sur la valeur ajoutée, elle est en droit de déduire l'intégralité de la taxe supportée sur ces coûts, quels que soient son statut au regard de la taxe et la nature des frais supportés ou des biens acquis en amont ; ce principe s'applique abstraction faite de la sectorisation obligatoire ou facultative des activités de l'entreprise ;

- selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, la taxe supportée en amont sur des biens ou services est intégralement déductible lorsqu'il existe un lien direct et immédiat entre ces biens et services et les opérations en aval soumises à la taxe ; cela concerne aussi les frais généraux de l'entreprise, qui sont des éléments constitutifs du prix des produits ou services ;

- il convient de déterminer les charges et coût qu'elle supporte en amont pour les deux prestations distinctes qu'elle réalise, qui sont une prestation " hébergement et dépendance " facturée aux pensionnaires avec taxe sur la valeur ajoutée et une prestation de soins exonérée de taxe, dont le coût est couvert par un forfait annuel global versé par la caisse d'assurance maladie ;

- le forfait global de soins finance, à concurrence de 96,14 %, les frais de personnel affectés à l'activité de soins, qui ne sont pas des charges grevées de taxe sur la valeur ajoutée, et des achats de produits pharmaceutiques et de fournitures médicales, pour lesquels l'établissement ne récupère pas la taxe ; ces charges ne sont pas intégrées au prix de la prestation de soins les frais de personnel médical, à la différence des autres coûts et charges d'exploitation que sont l'hébergement, la restauration et la dépendance ; la ventilation entre frais et charges se rapportant aux prestations de soins exonérées et aux prestations imposables est donc clairement et distinctement établie, sans risque de confusion ;

- en l'espèce, il n'y a pas de frais mixtes, de sorte que l'alinéa 3 de l'article 206 III de l'annexe II au code général des impôts est inapplicable en l'espèce ;

- les frais généraux ne sont intégrés qu'au prix de la prestation d'hébergement, restauration et dépendance, de sorte que la taxe qui les grève est intégralement déductible et c'est à tort que l'administration a limité la déduction par application d'un coefficient de 60 % en 2010 et de 57 % en 2011 et 2012 ;

- le tribunal n'a pas répondu à ces arguments ;

- les premiers juges n'ont pas analysé les faits à la lumière de l'article 271-I-1 du code général des impôts, ainsi qu'ils le devaient ;

- ils ont commis une erreur d'interprétation de l'article 273 du code en donnant au terme " utilisé " une signification matérielle alors qu'il n'a qu'une signification financière ; ainsi, l'utilisation d'un bien et service en amont s'entend de l'intégration ou non du coût de ce bien ou service dans le prix de la prestation vendue en aval et non de son utilisation physique ou matérielle ; ceci ressort de la jurisprudence tant de la Cour de justice de l'Union européenne que du Conseil d'Etat ;

- en l'occurrence, le coût de son loyer n'est pas couvert par le forfait soins exonéré de taxe et ne peut donc qu'être intégré au pris de la prestation hébergement et dépendance passible de la taxe ;

- les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes doivent bénéficier d'une autorisation préalable d'exploitation et doit notamment s'engager à mettre en oeuvre une tarification sanitaire ; c'est le code de l'action sociale et des familles qui leur impose de tenir un budget comportant trois sections tarifaires indépendantes ; un tarif hébergement, un tarif dépendance et un tarif soins, les charges relevant de chaque section tarifaire étant précisément défini par la loi ;

- il s'en suit que le tarif soins n'est constitué que de charges spécifiques définies par la réglementation, qu'il n'y a pas de dépenses mixtes et que c'est la loi qui détermine que les frais et charges pour lesquels la déduction a été remise partiellement en cause ne sont intégrés qu'aux prix des prestations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- par une décision du 5 octobre 2016, le Conseil d'Etat confirme le bien-fondé de son analyse ;

- à tout le moins, il convient de tenir compte, au-delà des frais généraux, des frais spécifiques tels que les investissements affectés exclusivement aux prestations de restauration, les frais d'entretien de ces investissements, les achats de produits alimentaires et de sous-traitance de restauration, les achats de produits pour l'incontinence et les fournitures et prestations hôtelières comme le blanchissage ; pour ces frais, la déduction doit être intégrale, ce qui justifie une réduction de taxe de 19 636,80 euros ;

- la position de l'administration, validée par le tribunal, porte atteinte au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée et il convient de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question, jamais soulevée, de savoir si le droit à déduction de la taxe grevant les dépenses et charges non financés par la subvention soins, lesquelles sont intégrées de fait au prix des prestations d'hébergement et de dépendance facturées aux pensionnaires et effectivement imposées à la taxe peut être partiellement réduit en raison du versement d'une subvention exonérée finançant d'autres charges et dépenses, sans contrevenir au principe de neutralité de la taxe pour les entreprises et plus particulièrement à l'article 1er de la directive 2006/112/CE du 26 novembre 2006.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest) conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les prestations de soins, d'assistance à la dépendance et d'hébergement rendues par la société requérante s'adressent à la même clientèle et s'exercent dans les mêmes locaux avec des personnels et moyens communs ; la société n'est pas en mesure d'établir que le coût des biens et services consommés en amont feraient exclusivement partie des éléments constitutifs du prix des prestations ; elle ne pouvait donc distinguer plusieurs secteurs d'activité ;

- les frais généraux afférents aux locaux et les frais divers correspondent à des biens et services qui concourent à la fois à la réalisation des opérations d'hébergement et de dépendance ouvrant droit à déduction, et à la réalisation des prestations de soins couvertes par le forfait annuel et exonérées de taxe ; ces dépenses sont donc mixtes et la requérante ne pouvait prétendre qu'à une déduction partielle de la taxe les ayant grevé ;

- le principe de neutralité n'est pas violé puisque la société a pu bénéficier du mécanisme des déductions dans des conditions conformes à la réglementation européenne, dont l'administration a fait une exacte application ;

- les jurisprudences dont se prévaut la société requérante ne sont pas transposables ;

- la demande de décharge partielle est sans objet dans la mesure où aucun rappel de taxe n'a concerné les dépenses d'investissement citées par la requérante ; c'est à bon droit en revanche que le vérificateur a estimé que les frais généraux afférents aux locaux ainsi que les frais divers de fournitures et les dépenses relatives à l'alimentation, au blanchissage et aux achats de produits pour l'incontinence sont des dépenses mixtes ; la cour administrative d'appel de Bordeaux et le Conseil d'Etat en ont déjà jugé ainsi ;

- la question préjudicielle que la société requérante souhaite voir posée à la Cour de justice de l'Union européenne lui a déjà été posée par la cour administrative d'appel de Versailles et y a répondu par un arrêt du 27 mars 2014 ;

Le ministre des finances et des comptes publics a présenté des mémoires les 8 juillet et 14 novembre 2016, par lesquels il conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.

Par un mémoire enregistré le 29 mai 2017, complété d'une pièce reçue le 30 mai 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer sur la requête.

La société Résidence du Lac, par un mémoire enregistré le 31 mai 2017 et qui n'a pas été communiqué, maintient ses conclusions antérieures par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Résidence du Lac exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), relevant du 6° de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, dans lequel sont rendues, d'une part, des prestations de soins, exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application du 1 ter du 4 de l'article 261 du code général des impôts, d'autre part, des prestations d'hébergement et de restauration ainsi que des prestations liées à la dépendance, imposables à la taxe sur la valeur ajoutée. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 août 2012, à l'issue de laquelle l'administration, faisant application du coefficient de déduction prévu par l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts, a rappelé une partie de la taxe sur la valeur ajoutée que la société avait initialement déduite. La SAS Résidence du Lac relève appel du jugement en date du 17 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel qui lui a été assigné.

2. Par une décision du 29 mai 2017, postérieure à l'enregistrement de la requête et produite devant la cour par le ministre, le directeur général des finances publiques a prononcé au profit de la SAS Résidence du Lac un dégrèvement à hauteur de la somme de 86 808 euros, laquelle représente la totalité des impositions en litige. Par suite, l'appel de la société Résidence du Lac contre le jugement du tribunal administratif de Pau est devenu sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS Résidence du Lac et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge présentées par la SAS Résidence du Lac.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la SAS Résidence du Lac en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Résidence du Lac et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 juin 2017.

Le rapporteur,

Laurent POUGET

Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 15BX03522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03522
Date de la décision : 30/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Biens ou services ouvrant droit à déduction.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCP ARCIL, MARSAUDON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-30;15bx03522 ?
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