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11/10/2017 | FRANCE | N°17BX01491

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 11 octobre 2017, 17BX01491


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 27 juin 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1603568 du 18 avril 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoi

re complémentaire enregistrés respectivement le 11 mai 2017 et le 31 juillet 2017, MmeC..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 27 juin 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1603568 du 18 avril 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés respectivement le 11 mai 2017 et le 31 juillet 2017, MmeC..., représentée par Me Soulas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 avril 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 juin 2016 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de procéder au réexamen de sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision contestée est insuffisamment motivée en ce qui concerne la prise en compte de sa situation personnelle et familiale, et méconnaît ainsi les exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet a commis une erreur de droit tiré de ce qu'il a refusé de tenir compte des violences conjugales subies au seul motif que le divorce avait été prononcé aux torts partagés des époux ; à cet égard, le tribunal ne pouvait écarter comme étant inopérant l'argument tiré du motif de rupture de ce mariage pour violences conjugales, dès lors que les stipulations de l'accord franco-algérien, sur ce point, sont moins favorables que les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et créent ainsi une discrimination illégale ; le ministre de l'intérieur invite d'ailleurs les préfets à faire usage de leur pouvoir discrétionnaire dans de tels cas ;

- elle méconnaît les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à l'intérêt supérieur de son enfant, tel que protégé par l'article 3-1 de la convention de New York ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle entraîne sur sa situation personnelle eu égard à la place importante que joue le père de son enfant, M.D..., ressortissant turc titulaire d'une carte de résident ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle entraîne sur sa situation personnelle eu égard à la place importante que joue le père de son enfant, M.D..., ressortissant turc titulaire d'une carte de résident ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à l'intérêt supérieur de son enfant, tel que protégé par l'article 3-1 de la convention de New York ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision contestée est privée de base légale ; elle est illégale par voie d'exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête et soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. C...a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

- le rapport de Mme Sylvande Perdu a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., ressortissante algérienne, née le 25 février 1982 à Alger, est entrée régulièrement en France le 28 juillet 2012, sous couvert d'un visa de court séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le 1er août 2012, elle a sollicité, sur le fondement du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de conjointe d'un ressortissant français, M. A..., avec lequel elle s'était mariée, le 30 juillet 2011, en Algérie. Le mariage ayant été dissous par jugement du tribunal de grande instance de Toulouse en date du 5 octobre 2015, elle a alors sollicité son admission au séjour en qualité de salariée, sur le fondement de l'article 7 b) du même accord. Par arrêté en date du 27 juin 2016 le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite. Mme C...interjette appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 avril 2017 par lequel sa requête dirigée contre cet arrêté a été rejetée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre époux ".

3. Ces stipulations régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si une ressortissante algérienne ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque l'étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressée.

4. Par un arrêt du 28 juin 2017, la Cour d'appel de Toulouse a confirmé le divorce de l'appelante et de son ancien époux mais a réformé la décision de première instance en prononçant le divorce aux torts exclusifs de M.A..., au motif que Mme C...avait été victime de violences graves et répétées de la part de son ex-époux. Il ressort d'ailleurs des autres pièces du dossier que Mme C... a été accueillie, notamment en mai 2013, dans un foyer d'urgence en raison des violences conjugales qu'elle subissait ainsi. Par ailleurs, la requérante a donné naissance, le 1er décembre 2014, à une petite fille dont le père, de nationalité turque, M.D..., vit en France sous couvert d'un titre de séjour. Ce dernier participe à l'entretien de sa fille depuis sa naissance, et lui rend visite régulièrement. Enfin, Mme C...justifie d'une activité professionnelle exercée à temps partiel et de son insertion sociale.

5. Par suite, Mme C...est fondée à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne, en se fondant sur le fait que le divorce avait été prononcé aux torts partagés de Mme C...et de M. A... pour exclure toute possibilité de régularisation au titre des violences conjugales dont elle se prévalait, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des incidences du refus de séjour sur sa situation telle qu'elle est caractérisée au point précédent.

6. Elle est ainsi fondée à demander l'annulation, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, du refus opposé à sa demande de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 27 juin 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

9. Eu égard au motif d'annulation de la décision contestée ci-dessus retenu, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus à l'intéressée, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme C...un certificat de résidence d'un an, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code justice administrative :

10. En application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-64 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Soulas, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 18 avril 2017 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 27 juin 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme C...un certificat de résidence d'un an, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Soulas, avocat de MmeC..., une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 11 octobre 2017.

Le rapporteur,

Sylvande PerduLe président,

Philippe PouzouletLe greffier,

Florence Deligey La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N°17BX01491


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01491
Date de la décision : 11/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-11;17bx01491 ?
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