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17/10/2017 | FRANCE | N°16BX02550

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2017, 16BX02550


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 14 556,39 euros, augmentée des intérêts légaux, en réparation des préjudices matériels et moral que lui a causés l'illégalité de l'arrêté du 1er juillet 2011 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1304162 du 1er juin 2016, le tribunal administratif de Toulouse a partiellem

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser la somme de 14 556,39 euros, augmentée des intérêts légaux, en réparation des préjudices matériels et moral que lui a causés l'illégalité de l'arrêté du 1er juillet 2011 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1304162 du 1er juin 2016, le tribunal administratif de Toulouse a partiellement fait droit à sa demande en limitant à 7 879, 71 euros, sous déduction de la somme de 9 200 euros versée à titre provisionnel en application de l'ordonnance n° 1304161 du 11 octobre 2013, le montant de la somme mise à la charge de l'Etat en réparation des préjudices subis par M.B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2016, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er juin 2016 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires présentées au titre des préjudices résultant de la décision du 1er juillet 2011 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 9 000 euros au titre de la perte de salaires, 1 000 euros au titre des frais engendrés (bancaires et huissiers), 5 000 euros au titre du préjudice moral subi, le tout assorti des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction de la requête ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité de l'Etat est engagée du fait de l'illégalité de l'arrêté du 1er juillet 2011 qui a été annulé par le tribunal administratif de Toulouse ;

- cette décision a eu pour conséquence la suspension de son contrat de travail au titre duquel il bénéficiait d'une rémunération mensuelle brute de 1 547,03 euros, entre le 5 octobre 2011 et 15 mars 2012 ; la base de référence retenue par le tribunal est erronée : il convenait de retenir la somme mensuelle globale de 8 385,37 euros correspondant à la suspension de salaires ; les premiers juges ont également omis de majorer cette somme de 10 % correspondant à la cotisation pour congés payés ;

- il a également subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qui ne peuvent être inférieurs à la somme de 5 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2016, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le requérant n'a été contraint d'interrompre son activité professionnelle qu'entre le 8 octobre 2011 et le 15 mars 2012 date à laquelle une autorisation provisoire de séjour lui a été remise ; le tribunal n'a pas commis d'erreur sur le nombre de mois ouvrant droit à indemnité soit 6 mois ; il ne démontre pas ne pas avoir perçu des aides venant se substituer à sa rémunération ; le salaire moyen du requérant calculé sur les mois de juin à septembre 2011 fournis par le requérant s'établit à 1 190, 22 euros ;

- le préjudice moral au-delà de l'indemnisation allouée par le tribunal, n'est pas établi ;

- il n'est pas établi que les frais bancaires soient liés à l'illégalité de l'arrêté dont il a fait l'objet.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue,

- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., de nationalité centrafricaine, a fait l'objet d'un arrêté en date du 1er juillet 2011 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler le titre de séjour " vie privée et familiale " qui lui avait été délivré le 7 janvier 2008 en raison de son mariage avec une ressortissante française. Par un jugement du 7 février 2012, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté pour erreur manifeste d'appréciation. M. B...relève appel du jugement du 1er juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à lui verser la somme de 7 879,71 euros, sous déduction de la somme de 9 200 euros versée à titre provisionnel en application de l'ordonnance de référé n° 1304161 du 11 octobre 2013 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

2. L'illégalité de l'arrêté du 1er juillet 2011 du préfet de la Haute-Garonne constatée par le jugement du 7 février 2012 du tribunal administratif de Toulouse devenu définitif est fautive. Par suite, elle est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat à raison des préjudices directs et certains qu'elle a causés à M.B....

3. Il résulte de l'instruction que l'employeur de M. B..., la SAS Soprema Entreprises, a suspendu le contrat de travail à durée déterminée à temps plein dont il bénéficiait à compter du 5 octobre 2011 et que le requérant n'a effectivement repris son travail qu'à compter du 1er avril 2012, à la suite de la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, le 15 mars 2012, en exécution du jugement mentionné au point 1. Par suite, le lien de causalité entre la faute commise par l'administration et la suspension du contrat de travail de M. B...est établi.

Sur la réparation :

En ce qui concerne les pertes de revenus :

4. Il ressort des bulletins de salaires versés au dossier que M. B...percevait, pour la période antérieure à la suspension de son contrat, un salaire d'un montant moyen net de 1 316,97 euros, sans qu'il y ait lieu de prendre en compte pour la détermination de ce montant moyen, le montant réduit perçu par M. B...au mois de septembre 2011 du fait de journées d'absences autorisées et non rémunérées. Compte tenu du mois incomplet effectué en octobre 2011 pour lequel il a perçu la somme de 282,37 euros, M. B...justifie d'un préjudice pour perte de salaire net pouvant être évalué à 7 619,45 euros. Contrairement à ce que soutient le préfet, la suspension de son contrat de travail ne lui ouvrait aucun droit au versement d'indemnité de chômage, en l'absence de rupture de ce contrat. Il ne ressort d'ailleurs pas des relevés bancaires du requérant versés au dossier et concernant la période litigieuse qu'il aurait perçu de telles indemnités. Dans ces conditions, et eu égard à la rémunération nette que pouvait espérer percevoir l'intéressé, et alors que les préjudices qui résulteraient de la perte de congés payés, à les supposer établis, ne peuvent être regardés comme directement liés à la faute de l'administration, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. B...du fait de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de travailler durant cette période de six mois, en lui allouant à ce titre une indemnité de 7 619,45 euros.

5. Si M. B...invoque par ailleurs des difficultés à payer ses factures, seuls les frais bancaires afférents à la période durant laquelle il a été privé de salaire peuvent être directement imputés à l'illégalité de l'arrêté litigieux, soit la somme de 237,30 euros selon les relevés bancaires produits au dossier pour la période de janvier à avril et pour le mois de juin 2012, les frais concernant ce mois se rapportant à la situation de son compte bancaire du mois antérieur, dès lors qu'il n'a perçu à nouveau un salaire que le 7 mai 2012.

En ce qui concerne le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :

6. S'agissant du préjudice moral et des troubles qu'il a subis dans ses conditions d'existence, M. B...soutient que la décision préfectorale l'a placé dans une situation de grande détresse morale, liée à la précarité de sa situation le contraignant notamment à avoir recours à l'aide d'une association pour pouvoir se nourrir, à la pression ressentie face à l'incertitude et à l'intervention d'huissiers. Dans ces circonstances, et compte tenu de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus quant à la période durant laquelle la situation précaire de M. B...peut être regardée comme directement liée à l'illégalité commise, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence en fixant le montant de l'indemnité allouée à ce titre à la somme de 1 500 euros.

7. Il résulte de ce qui précède que la somme que l'Etat a été condamné à verser à M. B... par l'article 1er du jugement attaqué doit être portée de 7 879,71 à 9 356,75 euros.

Sur les intérêts :

8. Aux termes de l'article 1231-6 du code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. / Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. (...) ". En application de ces dispositions M. B... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 9 356,75 euros, calculés à compter du 17 septembre 2013, date d'enregistrement de sa requête devant le tribunal administratif, ainsi qu'il le demande.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...est seulement fondé à demander que la somme que l'Etat a été condamné à lui verser en vertu de l'article 1er du jugement attaqué soit portée de 7 879,71 à 9 356,75 euros, cette somme devant porter intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2013.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, le versement à M. B...de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à M. B...par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 1er juin 2016 est portée de 7 879,71 à 9 356,75 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2013.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er juin 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 octobre 2017.

Le rapporteur,

Florence Madelaigue

Le président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02550


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02550
Date de la décision : 17/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Pouvoirs du juge de plein contentieux.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : BREAN

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-17;16bx02550 ?
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