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26/10/2017 | FRANCE | N°16BX00430

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 16BX00430


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner solidairement le centre hospitalier d'Angoulême et son assureur à lui verser la somme

de 50 000 euros en réparation des préjudices personnels qu'elle a subis à la suite d'une grossesse extra-utérine dont elle a souffert le 16 février 2011.

Par un jugement n° 1302540 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospitalier d'Angoulême à verser à Mme D...une somme de 3 000 euros, et

mis à la charge définitive de cet établissement les frais et honoraires d'expertise tax...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner solidairement le centre hospitalier d'Angoulême et son assureur à lui verser la somme

de 50 000 euros en réparation des préjudices personnels qu'elle a subis à la suite d'une grossesse extra-utérine dont elle a souffert le 16 février 2011.

Par un jugement n° 1302540 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospitalier d'Angoulême à verser à Mme D...une somme de 3 000 euros, et mis à la charge définitive de cet établissement les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros ainsi qu'une somme de 1 200 euros à verser à Mme D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 janvier 2016, MmeD..., représentée par

MeG..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 décembre 2015 en ce qu'il a limité le montant de l'indemnisation que le centre hospitalier d'Angoulême a été condamné à lui verser en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison de l'erreur de diagnostic et de la tardiveté de sa prise en charge le 16 février 2011 ;

2°) de porter à la somme de 30 000 euros le montant de l'indemnité due solidairement par le centre hospitalier d'Angoulême et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) au titre de ses préjudices personnels ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier et de son assureur la somme

de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de les condamner aux entiers frais et honoraires d'expertise tels que taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros.

Elle soutient que les dysfonctionnements intervenus lors de sa prise en charge

le 16 février 2011 présentent un caractère fautif de nature à justifier l'indemnisation par le centre hospitalier d'Angoulême de l'intégralité des préjudices qu'elle a subis, qui sont en lien direct avec la faute commise par le SAMU, à savoir son déficit fonctionnel permanent résultant d'un sentiment d'abandon, des troubles sexuels engendrées par la laparotomie réalisée en urgence, et des souffrances endurées dont la réparation ne peut être limitée à une indemnité de 3 000 euros eu égard notamment aux troubles psychologiques endurés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2016, le centre hospitalier d'Angoulême et la SHAM, représentés par MeC..., concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- si un dysfonctionnement a été à l'origine d'un retard de diagnostic, ce dernier n'a eu aucune conséquence d'ordre médical, exception faite des douleurs subies durant cette période ;

- Mme D...ne justifie pas d'un lien de causalité direct, certain et exclusif entre les préjudices invoqués et sa prise en charge médicale le 16 février 2011 ;

- en lui allouant une somme de 3 000 euros au titre de son pretium doloris, qui a duré huit heures, le tribunal a fait une exacte évaluation de son préjudice ;

- à titre subsidiaire, les indemnités sollicitées devraient être ramenées à de plus justes proportions.

Par une ordonnance du 10 novembre 2016, la date de la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 12 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeE...,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant MmeD....

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 février 2011, vers 12 h 20, la régulation du centre d'incendie et de secours d'Angoulême a informé le régulateur du service d'aide médicale d'urgence (SAMU) du centre hospitalier d'Angoulême que les pompiers se rendaient au domicile de Mme B...D..., née le 25 janvier 1973, pour un malaise et des douleurs abdominales. Le régulateur du SAMU a conclu à une gastro-entérite et a pris un rendez-vous pour l'intéressée au cabinet du médecin généraliste de garde à Angoulême le jour même à 13 h 45. Mme D...étant dans l'impossibilité de se déplacer en raison de son état, son compagnon a téléphoné au médecin de garde afin qu'il procède à une consultation à domicile, ce qu'il n'a pas fait. À la suite de l'examen dans la soirée de Mme D...par son médecin traitant, et devant l'état clinique de la patiente décrit au SAMU, ce dernier a finalement envoyé une ambulance pour la transporter aux urgences du centre hospitalier d'Angoulême où, arrivée à 20 h 35, une grossesse extra-utérine a été diagnostiquée à 23 h 48. Mme D...a alors été transférée au bloc opératoire où elle a subi en urgence une laparotomie sous anesthésie générale et est restée hospitalisée jusqu'au 20 février 2011.

Par ordonnance du 11 janvier 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a diligenté, à la demande de MmeD..., une expertise et désigné le DrF...,

gynécologue-obstétricien, en qualité d'expert, lequel a déposé son rapport le 7 juin 2013. Par jugement du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospitalier d'Angoulême à verser à Mme D...une somme de 3 000 euros. Cette dernière interjette appel de ce jugement dont elle demande la réformation concernant les sommes qui lui ont été allouées au titre de ses préjudices personnels.

Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Angoulême :

2. Il résulte des dispositions des articles R. 6311-1 à R. 6311-13 du code de la santé publique que le SAMU, qui comporte un centre de réception et de régulation des appels, est chargé d'assurer une écoute médicale permanente, de déterminer et déclencher la réponse la mieux adaptée à la nature des appels, de s'assurer de la disponibilité des moyens d'hospitalisation, publics ou privés, adaptés à l'état du patient, d'organiser le cas échéant le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires, de veiller à l'admission du patient. En outre, le médecin régulateur est chargé d'évaluer la gravité de la situation et de mobiliser l'ensemble des ressources disponibles (médecins généralistes, SMUR, ambulances), en vue d'apporter la réponse la plus appropriée à l'état du patient et de veiller à ce que les soins nécessaires lui soient effectivement délivrés. À cet effet, il coordonne l'ensemble des moyens mis en oeuvre dans le cadre de l'aide médicale urgente, vérifie que les moyens arrivent effectivement dans les délais nécessités par l'état de la personne concernée et assure le suivi des interventions. Il doit pour ce faire se fonder sur une estimation du degré de gravité avérée ou potentielle de l'atteinte à la personne concernée, une appréciation du contexte, de l'état et des délais d'intervention des ressources disponibles.

Ces appréciations reposent sur un dialogue entre le médecin régulateur et la personne concernée, ou, le cas échéant, son entourage.

3. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'ailleurs non contestés par les parties, de juger que les dysfonctionnements lors de la prise en charge

de MmeD..., le 16 février 2011 constituent une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Angoulême.

Sur l'évaluation des préjudices :

4. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise cité au point 1 que Mme D... a éprouvé du fait de sa prise en charge fautive entre 12 h 30, date du premier contact entre la régulation des pompiers et le SAMU et le départ de l'ambulance du domicile de la patiente vers 19 h 45, des souffrances physiques et psychiques dont l'intensité a été évaluée par l'expert comme assez importantes et cotées à 5 sur 7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en lien direct et certain avec les dysfonctionnements fautifs précités, comprenant non seulement les douleurs physiques ressenties durant l'après midi du 16 février 2011 passée au domicile sans soin, mais aussi le sentiment d'abandon en résultant, en le fixant dans les circonstances de l'espèce, à la somme de 3 000 euros, compte tenu de la brièveté de la période avant consolidation du dommage fixée au 1er avril 2011.

5. Mme D...a conservé après la consolidation de son état de santé, selon les termes du rapport d'expertise un " préjudice fonctionnel permanent " qui n'a pas été quantifié par l'expert. S'il ne résulte pas de l'instruction que les dysfonctionnements fautifs cités au point 3 qui ont retardé de plusieurs heures le diagnostic et la prise en charge de la grossesse extra-utérine dont souffrait Mme D...auraient fait perdre à cette dernière une chance d'éviter l'intervention chirurgicale pratiquée en urgence, qui était inévitable, et les troubles nécessairement liés à ce type d'intervention, ils sont en revanche directement la cause de troubles dans les conditions d'existence de l'intéressée. Il résulte en effet du rapport d'expertise que le sentiment d'abandon précité est à l'origine de troubles psychiques ayant eu des répercussions importantes sur sa vie et pour lesquels elle est toujours suivie. Il sera fait une juste appréciation de ses troubles en lui allouant une somme de 2 000 euros.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de porter à 5 000 euros le montant total de l'indemnité due par le centre hospitalier à Mme D...et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Poitiers.

Sur les dépens :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de maintenir à la charge du centre hospitalier d'Angoulême les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros par une ordonnance du 11 janvier 2013.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Angoulême une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D...et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 3 000 euros que le centre hospitalier d'Angoulême a été condamné à verser à Mme D...par le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 décembre 2015 est portée à 5 000 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 décembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier d'Angoulême versera à Mme D...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D..., au centre hospitalier d'Angoulême, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à la mutuelle de la fonction publique (services), et à la mutuelle de la fonction publique de Charente.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2017

Le rapporteur,

Aurélie E...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX00430


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00430
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP DELAVALLADE - GELIBERT - DELAVOYE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-26;16bx00430 ?
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