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27/10/2017 | FRANCE | N°15BX03928

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 27 octobre 2017, 15BX03928


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée (SAS) Gérard Pestre et Fils a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 29 février 2008.

Par un jugement n° 1201714 du 8 octobre 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 décembre 2015, la société Gérard Pestre et

Fils, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par action simplifiée (SAS) Gérard Pestre et Fils a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 29 février 2008.

Par un jugement n° 1201714 du 8 octobre 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 décembre 2015, la société Gérard Pestre et Fils, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 8 octobre 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 29 février 2008 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ne lui ont pas communiqué le mémoire produit par l'administration en réponse à son mémoire en réplique du 16 octobre 2013 en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- l'administration a estimé à tort que les titres qu'elle détenait au sein de la SNC les Cèdres ne présentaient pas le caractère de titres de participation et qu'elle ne pouvait, par suite, bénéficier du régime d'exonération des plus-values à long terme prévu par le a ter du I de l'article 219 du code général des impôts au titre de la cession de ces parts sociales de croupier ;

- elle ne peut être assimilée à une sous-société ou société en participation ;

- la véritable qualification de la convention de croupier est celle d'une souscription pour compte ;

- les titres en litige correspondent à la définition donnée par l'article R. 123-184 du code du commerce, laquelle est visée par l'administration dans sa propre doctrine ; en application de ce texte, il n'est requis des titres de participation qu'ils ne confèrent que des droits dans le capital, à l'exclusion de droits de vote, et qu'ils créent un lien durable avec la société qui les détient ; les titres qu'elle détenait dans la SNC Les Cèdres lui donnaient un pouvoir d'influence et de contrôle sur cette dernière société ;

- en vertu du § n° 21 de l'instruction administrative 4 B-1-08 du 4 avril 2008, la détention de 10 % du capital permet de présumer que les titres correspondants sont des titres de participation ;

- elle a inscrit les titres dont s'agit au compte 211840 " titres de participation " ; or, en vertu du § n° 22 de l'instruction administrative 4 B-1-08 du 4 avril 2008, l'inscription des titres au compte des participations ne peut être remise en cause qu'en cas d'erreur manifeste dans l'affectation comptable de ces titres.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 16 août 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 11 octobre 2016 à 12 heures.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance du juge des référés n° 16BX01043 en date du 27 avril 2016 rejetant la demande de la société Gérard Pestre et Fils tendant à la suspension de l'exécution de la mise en recouvrement des suppléments d'impôt en litige.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard ;

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauzies, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant la société Gérard Pestre et Fils.

Considérant ce qui suit :

1. La société Gérard Pestre et Fils détient des participations dans des sociétés de jardinerie auxquelles elle fournit une assistance technique. Le 30 janvier 2011, elle a conclu avec les sociétés Sofinhor et Conte, associées co-fondatrices de la SNC Les Cèdres, propriétaire et exploitante d'une jardinerie à Brive La Gaillarde (Corrèze), une convention de croupier. A la suite de la cession le 31 mars 2007 des droits de croupier qu'elle tenait de cette convention et qu'elle avait inscrits à son actif en tant que titres de participation, elle a estimé pouvoir bénéficier, en application de l'article 219 du code général des impôts, de l'exonération de la plus-value de 548 292 euros réalisée à l'occasion de cette cession et déclarée au titre de l'exercice clos le 29 février 2008. A la suite d'un contrôle, l'administration a estimé que les droits en litige ne pouvaient pas être regardés comme des titres de participation dans la société Les Cèdres et que la plus-value était par suite taxable au taux normal. Il en est résulté des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 29 février 2008.

2. La société Gérard Pestre et Fils relève appel du jugement du 8 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 29 février 2008.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ;

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le dernier mémoire de l'administration, enregistré au greffe du tribunal administratif de Limoges le 17 septembre 2015, ne contenait aucun élément nouveau. Dès lors, le tribunal administratif de Limoges n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure en ne communiquant pas ce mémoire à la société Gérard Pestre et fils.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur le bien-fondé des impositions au regard de la loi fiscale :

6. Aux termes de l'article 219 du code général des impôts applicable aux faits du litige : " I. (...) a. Le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 19 %, dans les conditions prévues au 1 du I de l'article 39 quindecies et à l'article 209 quater (...) a ter. Le régime des plus-values et moins-values à long terme cesse de s'appliquer au résultat de la cession de titres du portefeuille réalisée au cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1994 à l'exclusion des parts ou actions de sociétés revêtant le caractère de titres de participation (....) / Pour l'application des premier et deuxième alinéas, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable (...). ". Le plan comptable général précise que les titres de participation sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société qui émet ces titres, ou d'en assurer le contrôle. Une telle utilité peut notamment être caractérisée si les conditions d'achat des titres en cause révèlent l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d'exercer une telle influence.

7. D'une part, la convention de croupier conclue le 30 janvier 2001 entre la société Gérard Pestre et Fils et les sociétés Sofinhor et Conte stipule en son article 1er : " Il est formé entre les associées et le croupier un contrat de sous-société portant sur la participation que la SA Sofinhor et la SA Conte sont appelées à détenir dans le capital de la SNC Les Cèdres à l'issue d'une augmentation de capital de 11 200 francs à réaliser. ". Aux termes de l'article 2 de cette convention : " Cette convention de croupier a pour objet la jouissance des parts d'intérêt qui seront détenues par la SA Sofinhor et la SA Conte dans ladite SNC Les Cèdres et la répartition entre le croupier et les associés des résultats de toute nature revenant auxdites parts et/ou de la vente de celles-ci dans les proportions suivantes : (...) pour le croupier : 10 % ". L'article 4 de la même convention stipule : " Le croupier a versé aux associées qui le reconnaissent la somme de 11 200 francs correspondant à la souscription au capital de la SNC des Cèdres et à l'attribution à chacune des associées d'une participation correspondant à l'objet de la croupe ". Aux termes de l'article 6 de la convention : " Pendant toute la durée des présentes, les associées s'engagent à conserver la participation détenue dans le capital de la SNC des Cèdres et à exercer tant pour son compte que celui du croupier les droits attachés aux parts d'intérêt ". D'autre part, il résulte du procès verbal de l'assemblée générale extraordinaire des associées de la SNC des Cèdres dressé le 30 janvier 2001 que l'augmentation de capital d'une somme de 11 200 francs a été souscrite par moitié par la société Sofinhor et la société Conte à concurrence de 56 parts chacune.

8. Il résulte de ce qui précède que la convention de croupier en litige avait seulement pour objet d'intéresser la société Gérard Pestre et Fils au développement des résultats de la jardinerie exploitée à Brive La Gaillarde et qu'elle n'a eu ni pour objet ni pour effet de transférer même temporairement la propriété des titres de participation détenus par les sociétés Sofinhor et Conte dans la société Les Cèdres, ce que confirme le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la SNC Les Cèdres du 30 janvier 2001. Ainsi, en contrepartie de l'augmentation de capital qu'elle a financée pour le compte des deux sociétés associées dans la société Les Cèdres, la société Gérard Pestre et Fils s'est seulement vu octroyer 10 % des résultats de la SNC Les Cèdres dans la même proportion. Dans ces conditions, et quelle que soit l'influence que la société Gérard Pestre et Fils a pu exercer dans la société Les Cèdres, les droits de croupe qu'elle tenait de la convention ne pouvaient être regardés comme ayant le caractère de titres de participation au sens des dispositions précitées.

9. La société Gérard Pestre et Fils ne peut utilement se prévaloir de la définition des titres de participation telle qu'elle résulte des dispositions de l'article R. 123-184 du code du commerce dès lors que les dispositions de l'article 219 du code général des impôts renvoient exclusivement aux titres de participation qui revêtent ce caractère sur le plan comptable.

10. Par suite, la société Gérard Pestre et Fils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a estimé qu'elle ne pouvait bénéficier, en application de l'article 219 du code général des impôts, de l'exonération de la plus-value réalisée à l'occasion de la vente des droits de croupe en litige.

Sur le bien-fondé des impositions au regard de la doctrine administrative :

11. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ".

12. Aux termes de l'instruction 4 B-1-08 du 4 avril 2008 : " 21. La détention d'au moins 10 % du capital d'une société permet de présumer que les titres en cause représentent des participations sur le plan comptable./ Cela étant, la présomption de qualification de titres de participation au sens comptable est susceptible d'être écartée lorsqu'il apparaît que la possession des titres ne sera pas durable, que leur détention n'est pas directement utile à l'activité de l'entreprise mais a été réalisée dans une optique de placement financier ou que, nonobstant le franchissement du seuil de 10 %, l'entreprise ne dispose pas d'un pouvoir d'influence ou de contrôle sur la société émettrice (...)22. La qualification des parts ou actions en titres de participation repose pour une large part sur les motifs qui ont conduit l'entreprise à les acquérir. L'affectation opérée par l'entreprise au compte " titres de participation " ou à un autre compte du bilan constitue, sur le plan fiscal, une présomption simple de leur exacte qualification au regard de la définition des titres de participation. Cependant, la rectification de la position retenue par l'entreprise ne doit intervenir que si des indices permettent d'établir que l'affectation comptable des titres ne correspond manifestement pas à leur qualification réelle ".

13. La société requérante ne possédant pas de parts dans le capital de la SNC Les Cèdres, elle ne peut, en tout de cause, se prévaloir des présomptions de qualification de titres de participation prévues par les dispositions précitées.

14. Il résulte de ce tout ce qui précède que la société Gérard Pestre et Fils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige. Par voie de conséquence, sa demande tendant au paiement des frais de procès ne peut qu'être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Gérard Pestre et Fils est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gérard Pestre et Fils et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera délivrée au directeur du contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 27 octobre 2017.

Le rapporteur,

Caroline GaillardLe président,

Marianne PougetLe greffier,

Florence DeligeyLa République mande et ordonne ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 15BX03928


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03928
Date de la décision : 27/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Exonérations.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : SCP CHATRAS - DELPY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-27;15bx03928 ?
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