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14/11/2017 | FRANCE | N°15BX02929

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 14 novembre 2017, 15BX02929


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Les éoliennes de Limbernas a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2011 par lequel le préfet de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de l'édification de vingt et un aérogénérateurs et de quatre postes de livraison sur le territoire de la commune de Fondamente ainsi que la décision par laquelle cette même autorité a implicitement rejeté son recours gracieux tendant au retrait de ce refus de per

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Par un jugement n° 1303022 du 3 juillet 2015, le tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Les éoliennes de Limbernas a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2011 par lequel le préfet de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de l'édification de vingt et un aérogénérateurs et de quatre postes de livraison sur le territoire de la commune de Fondamente ainsi que la décision par laquelle cette même autorité a implicitement rejeté son recours gracieux tendant au retrait de ce refus de permis.

Par un jugement n° 1303022 du 3 juillet 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 août 2015, la société par actions simplifiée (SAS) Les éoliennes de Limbernas, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 juillet 2015 ;

2°) d'annuler le refus de permis de construire du 27 septembre 2011 et la décision implicite de rejet du recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aveyron de délivrer le permis sollicité dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif et le préfet de l'Aveyron ont estimé que les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme faisaient obstacle à la délivrance du permis sollicité ;

- les éléments constitutifs de la demande de permis, et plus particulièrement l'étude d'impact, montrent que les éléments paysagers et patrimoniaux du secteur d'implantation des éoliennes ont fait l'objet d'une attention particulière dans la conception du projet ;

- le projet, dont l'implantation est prévue sur le plateau de Limbernas, s'appuie sur le relief existant en profitant de la limitation des perceptions depuis les vallées environnantes ; pour cette raison, il a été décidé d'implanter vingt et une éoliennes réparties en quatre rangées ; l'étude d'impact qualifie ainsi de " moyen " les incidences visuelles du projet sur son environnement paysager caractérisé par la présence de plateaux caussenards et de vallées encaissées boisées ; c'est par ailleurs à tort que le tribunal a estimé que le projet avait un impact négatif sur les corniches du Larzac dès lors que les futures éoliennes doivent surplomber le parc naturel régional des Causses de cent mètres, de sorte qu'elles ne dépasseront pas la ligne d'horizon ;

- le refus de permis de construire est aussi fondé sur des éléments qui ne pouvaient être pris en considération dès lors qu'ils sont dépourvus de valeur juridique ; il en est ainsi de l'existence de sentiers de randonnées, du classement du secteur au titre du patrimoine mondial reconnu par l'UNESCO et de la prétendue faible superficie du terrain d'assiette du projet ;

- le projet d'implantation des éoliennes doit se situer dans un environnement naturel où aucune habitation se trouve à moins de six cents mètres ;

- pour apprécier la légalité du projet au regard de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, il y a lieu de tenir compte de son intérêt écologique mais aussi de son intérêt économique ; ces derniers doivent être comparés aux inconvénients du projet sachant que l'étude d'impact a qualifié de " faibles " ou de " modérés " les impacts du projet sur son environnement faunistique, paysager et patrimonial ;

- le tribunal ne pouvait retenir à l'encontre du projet la circonstance qu'il se situe dans un environnement peu artificialisé dès lors que les lois dites " Grenelles 1 et 2 " interdisent l'implantation des éoliennes à moins de cinq cents mètres des habitations ;

- saisi du litige par l'effet dévolutif de l'appel, la cour relèvera que la demande de la société requérante n'est pas entachée de tardiveté, dès lors que le préfet n'a pas accusé réception de son recours gracieux dirigé contre le refus de permis et qu'en conséquence, le délai de recours n'a pas été déclenché en application de l'article 19 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et de l'article 1er du décret n° 2001-492 du 6 juin 2001.

Par un mémoire en défense, présenté le 18 novembre 2016, la ministre du logement et de l'habitat durable conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le parc éolien est localisé dans le secteur du plateau des avants-Causses, intermédiaire entre la vallée des Causses, le plateau de Guilhaumard et les Causses du Larzac, dans un milieu de qualité ; il est également en surplomb de la vallée de la Sorgues, riche en bourgades et en monuments historiques ; il est de surcroît inclus dans le parc naturel régional des Grands Causses, dominé par les corniches occidentales du Larzac, territoire classé au patrimoine de l'Unesco ;

- les éoliennes doivent être implantées à sept cents mètres d'altitude sur un terrain de taille réduite ; au nombre de vingt et un, leur présence engendrerait un impact visuel très fort sur le paysage environnant dont l'identité serait ainsi mise en cause ; au demeurant, une étude paysagère menée dans le cadre de l'élaboration de la zone de développement de l'éolien a exclu cet espace des zones favorables à cet objectif de développement ;

- le fait qu'il n'existe pas d'inventaire ou de protection administrative du site au sein du périmètre d'étude immédiat du projet ne permet pas d'écarter une atteinte au paysage ou au patrimoine au regard des exigences de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

- c'est donc à bon droit que tant le préfet de l'Aveyron que le tribunal administratif ont estimé que les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme s'opposaient à la délivrance du permis de construire sollicité.

Par ordonnance du 22 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 22 décembre 2016 à 12 heures.

Des mémoires présentés pour la société Les éoliennes de Limbernas, représentée par Me A..., ont été enregistrés le 27 septembre et le 16 octobre 2017, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 27 septembre 2011, le préfet de l'Aveyron a refusé de délivrer à la société Les éoliennes de Limbernas un permis de construire pour l'implantation de vingt et un aérogénérateurs et de quatre postes de livraison sur un terrain situé au lieudit " Limbernas " sur le territoire de la commune de Fondamente. La société Les éoliennes de Limbernas a adressé au préfet un recours gracieux tendant au retrait de cette décision qui a fait l'objet d'un rejet implicite. Elle relève appel du jugement rendu le 3 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de permis de construire du 27 septembre 2011 et de la décision rejetant son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".

3. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus.

4. Pour refuser la demande de permis de construire présentée par la société Les éoliennes de Limbernas, le préfet a notamment relevé que les aérogénérateurs projetés doivent être implantés " sans organisation architecturale construite " et qu'elles vont engendrer " une vision anarchique et un effet de cacophonie visuelle ". Il a également pris en considération les caractéristiques du site d'implantation du projet situé dans une zone intermédiaire entre les causses du Larzac et les paysages de la vallée de la Sorgues, considérée comme un espace sensible d'un point de vue paysager et environnemental qu'il convient de préserver.

5. Il ressort des pièces du dossier que le projet doit être réalisé au sein du parc naturel régional des grands causses sur le plateau de Limbernas qui surplombe la vallée de la Sorgues à une altitude moyenne comprise entre 700 et 750 mètres. Il s'insère dans un paysage d'avant-causses, marqué par une succession de petites collines et de plateaux, offrant de vastes horizons, où l'activité agricole est dominante et l'habitat humain quasi-inexistant.

6. Il ressort des pièces du dossier que les aérogénérateurs projetés, eu égard à leur hauteur de 92,5 mètres en bout de pales et à leur implantation en lignes successives de 4, 8, 5 et 4 machines, seront visibles en contre-plongée depuis la bordure sud des causses du Larzac. Ces aérogénérateurs surplombent également la vallée de la Sorgues, où se trouvent plusieurs bourgades et monuments historiques, et seront nettement visibles depuis ceux-ci. Ils présentent également un impact visuel important depuis le plateau de Guilhaumard, site inscrit, et le village de la Couvertoirade, couvert par une zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager. Il ressort également des pièces du dossier que l'impact visuel du projet sur ces différents sites, qui offrent un panorama remarquable, sera accentué par la relative concentration des éoliennes en quatre alignements différents sur une étendue relativement limitée. Et contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que le relief vallonné du secteur et ses boisements seraient susceptibles de limiter l'impact visuel du projet dont l'importance a au demeurant motivé les avis défavorables à sa réalisation émis par le chef du service départemental de l'architecture et du patrimoine de l'Aveyron le 23 juillet 2009 et par la mission interservices d'aménagement et du paysage le 27 juin 2011.

7. Enfin, et contrairement à ce que soutient la société requérante, les intérêts écologiques et économiques que présente son projet ne sont pas au nombre de ceux qui doivent être pris en compte dans l'appréciation des intérêts protégés par l'article R. 111-21 précité du code de l'urbanisme.

8. Il résulte de ce qui précède que le projet en litige est de nature à porter atteinte aux paysages environnants alors même qu'il n'existe aucun site protégé au sein de son périmètre immédiat. Dans ces conditions, le préfet de l'Aveyron n'a pas commis d'erreur d'appréciation en rejetant la demande de permis présentée par la société Les éoliennes de Limbernas sur le fondement de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Les éoliennes de Limbernas n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Les éoliennes de Limbernas est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les éoliennes de Limbernas et au ministre de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

M. Fréderic Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 14 novembre 2017.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX02929


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02929
Date de la décision : 14/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Refus du permis.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation nationale - Règlement national d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS LARROUY-CASTERA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-11-14;15bx02929 ?
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