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12/12/2017 | FRANCE | N°15BX03921

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 12 décembre 2017, 15BX03921


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Thuré a refusé de classer la parcelle cadastrée section AP n° 223 en zone non inondable U2a.

Par un jugement n° 1300320 du 8 octobre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 8 décembre 2015 et le 26 octobre 2016, M.E..., représenté par MeA..., demande à

la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Thuré a refusé de classer la parcelle cadastrée section AP n° 223 en zone non inondable U2a.

Par un jugement n° 1300320 du 8 octobre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 8 décembre 2015 et le 26 octobre 2016, M.E..., représenté par MeA..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 8 octobre 2015 ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le maire de Thuré a implicitement refusé de classer la parcelle cadastrée section AP n° 223 en zone non inondable U2a ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Thuré la somme de 4 800 euros au titre du coût du rapport d'expertise qu'il a sollicité et la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le classement en zone inondable de la parcelle n° 223 résulte de l'intégration au plan local d'urbanisme des données issues de l'atlas des zones inondables des cours d'eau secondaires du département de la Vienne ; or ce document est imprécis car il ne fournit aucune indication détaillée sur les hauteurs d'eau, les vitesses d'écoulement, les débits, les périodes de retour ; ce document sert essentiellement à définir de manière approximative l'emprise maximale de la zone potentiellement inondable qui n'a pas de valeur réglementaire pouvant fonder des décisions individuelles en matière d'urbanisme ;

- le caractère imprécis du zonage est révélé par le plan altimétrique dressé par un géomètre expert qui montre que, dans le secteur considéré, certaines parcelles sont exclues de la zone inondable alors qu'elles présentent une altimétrie sensiblement inférieure à celle de la parcelle de M.E... ; ces mêmes parcelles sont en outre en bordure de la Veude alors que la propriété de M. E...en est distante de plus de 150 mètres ;

- l'atlas des zones inondables a été dressé à l'échelle 1/50 000e de sorte que le report de ses traits sur le plan local d'urbanisme communal, réalisé à l'échelle 1/5000e conduit à des imprécisions ; or la parcelle de M. E...se trouve précisément à la marge d'un trait dont l'épaisseur disproportionnée induit une marge d'erreur ; ces imprécisions ont d'ailleurs été reconnues par le directeur départemental des territoires dans un courrier du 2 janvier 2013 ;

- ainsi, le classement litigieux est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2016, la commune de Thuré, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. E... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- un atlas des zones inondables constitue un élément de connaissance qui peut être pris en compte par les auteurs d'un plan local d'urbanisme ;

- la commune de Thuré est située dans les bassins versants de l'Envigne qui constitue la limite sud du territoire sur environ 5 km, et de la Veude, qui traverse le territoire de la commune sur près de 6 km ; à ce titre, la commune est concernée par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Loire Bretagne dont l'une des orientations fondamentales est de réduire le risque d'inondation, ce qui implique que soit arrêtée l'extension de l'urbanisation dans les zones inondables ; de plus, la commune est classée en zone de répartition des eaux (ZRE), ce qui implique une protection des espaces de transition entre le village de Besse et l'Envigne (jardins et prairies) ainsi qu'une protection de la vallée de l'Envigne contre les risques d'inondation ;

- la cartographie qui a été réalisée par l'atlas des zones inondables définit la zone inondable maximale du cours d'eau de l'Envigne selon des critères tenant à la topographie, la morphologie, la sédimentologie et les données relatives aux crues historiques ;

- l'ancien village agricole de Besse classé en zone U2a est situé pour partie en zone inondable identifiée dans 1'atlas des zones inondables ; ainsi, dans la partie de la zone U2a soumise aux risques d'inondations, le règlement autorise seulement les changements de destination et extensions des constructions d'ores et déjà existantes tandis que toute nouvelle construction y est interdite ; ce classement a d'ailleurs été avalisé par les services de l'Etat ;

- la parcelle appartenant à M.E..., classée en zone U2a, se situe dans le prolongement d'une vaste zone classée naturelle, à proximité immédiate du cours d'eau de l'Envigne et dans une zone sujette aux inondations ; compte tenu de ces données, et indépendamment de l'altimétrie du terrain, le classement en litige n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

L'affaire a été appelée à l'audience publique du 3 octobre 2017.

M. E...a présenté une note en délibéré le 10 octobre 2017 qui a été communiquée à la commune de Thuré.

M. E...y expose que l'auteur du rapport hydrogéologique a précisé, à sa demande, que sa parcelle n'est pas inondable y compris en cas de survenance de la crue de référence.

L'affaire a été renvoyée à l'audience du 14 novembre 2017 dont les parties ont été régulièrement averties.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 14 novembre 2017 :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la commune de Thuré.

Considérant ce qui suit :

1. M. E...est propriétaire de la parcelle cadastrée section AP n° 223, devenue AP n° 278, située rue de l'Ormeau sur le territoire de la commune de Thuré. Projetant d'y faire édifier une maison à usage d'habitation, il a sollicité un certificat d'urbanisme opérationnel sur le fondement des dispositions du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme. Le 8 décembre 2011, le maire de Thuré a délivré un certificat d'urbanisme négatif au motif que la parcelle de M. E...se situe en zone inondable de la vallée de l'Envigne et que le plan local d'urbanisme communal approuvé le 15 juin 2011 y interdit les nouvelles constructions. Le 14 octobre 2012, M. E...a adressé au maire un recours gracieux tendant à ce que sa parcelle soit reclassée en zone non inondable et qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. E... a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Il relève appel du jugement rendu le 8 octobre 2015 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Dans sa requête d'appel, M. E...développe une critique du jugement attaqué et ne se borne dès lors pas à reproduire purement et simplement ses écritures de première instance. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut de motivation de la requête d'appel doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. La parcelle de M. E...est située en zone urbaine U2a du plan local d'urbanisme de la commune de Thuré dont l'article U2 1.9 dispose que : " dans les secteurs concernés par les risques d'inondation sont interdits : (...) les nouvelles constructions. ". La décision par laquelle le maire de Thuré a implicitement rejeté le recours gracieux de M. E...doit être regardée comme maintenant le classement de la parcelle de ce dernier en zone inondable U2a.

4. Il appartient aux auteurs d'un plan d'occupation des sols de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

5. La commune de Thuré est située dans les bassins versants de l'Envigne, qui constitue la limite sud de son territoire sur environ 5 kilomètres, et de la Veude qui traverse ledit territoire sur près de 6 kilomètres. Le caractère inondable des vallées de l'Envigne et de la Veude a été cartographié par l'atlas des zones inondables des cours d'eau secondaires du département de la Vienne établi en janvier 2008 et dont les conclusions reposent sur une étude hydro-géomorphologique. Sur la base des informations contenues dans l'atlas, les auteurs du plan local d'urbanisme communal ont entendu instaurer une protection des champs d'expansion des crues. Ainsi, l'article 7 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme dispose que : " La zone inondable est reportée sur les documents graphiques d'après les atlas cartographiques des zones inondables de la vallée de la Veude et de l'Envigne. Dans les secteurs soumis aux risques d'inondation figurés sur les documents graphiques, les occupations et utilisations du sol peuvent être interdites ou soumises à des prescriptions particulières conformément à la règlementation en vigueur afin d'assurer la protection des personnes et des biens ". Les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu interdire, dans les zones considérées, toute nouvelle construction qui pourraient accroître les risques d'inondation y compris dans les secteurs déjà urbanisés tel que celui où se trouve la parcelle appartenant à M.E....

6. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle du requérant est située à 150 mètres environ de l'Envigne et qu'elle est concernée, sur environ 80 % de sa surface, par le risque d'inondation dont la zone d'emprise, résultant de l'atlas des zones inondables, est identifiée au sein des documents graphiques du plan local d'urbanisme par une trame grisée.

7. Pour contester la légalité du zonage de son terrain, M. E...produit, pour la première fois en appel, une étude hydraulique du secteur " Le Petit Besse ", où se trouve sa propriété, réalisée par le cabinet NCA Environnement en août 2016.

8. Celui-ci a procédé, dans un premier temps, à un travail préalable de recueil et d'analyse des données existantes concernant la topographie du secteur et la pluviométrie observée. Ces analyses, fondées également sur une campagne de reconnaissance de terrain, ont consisté à identifier le réseau hydrographique existant, à apprécier l'organisation générale des écoulements, les mécanismes en jeu dans la propagation des crues, la configuration des secteurs sensibles ainsi que les enjeux potentiellement vulnérables.

9. Dans un deuxième temps, à l'aide des données de débit et de hauteur d'eau fournies par la station hydrométrique de l'Envigne, il a été procédé à une étude hydrologique afin de déterminer le débit de pointe de référence à prendre en compte pour une modélisation hydraulique correspondant à un épisode de crue d'occurrence centennale. Cette analyse a permis d'estimer le débit centennal à 27,51 mètres cubes par seconde.

10. Enfin, le rapport comporte une modélisation hydraulique destinée, à partir des données hydrologiques disponibles et du relief de la zone, à définir l'aléa d'inondation sur le secteur d'étude, en particulier au niveau de la parcelle de M.E.... Cette modélisation, à l'inverse des études ayant abouti à l'atlas des zones inondables, tient compte de l'existence d'une " ligne verte " constituée par un chemin pédestre goudronné situé en rive gauche en surplomb d'un talus d'une hauteur de 2 à 3 mètres et faisant office de " digue naturelle " séparant le secteur où se trouve la propriété du requérant de l'Envigne. Sur la base des résultats de la modélisation, l'étude relève qu'en cas de survenance d'une crue centennale, l'emprise de la zone d'inondation prend fin à quelques dizaines de mètres de la parcelle de M.E.... L'étude précise qu'il en va de même dans l'hypothèse où le barrage assuré par la " ligne verte " n'existerait plus. La parcelle en litige n'est donc pas considérée comme située en zone d'inondation par l'étude réalisée par le cabinet NCA Environnement, laquelle comporte un exposé très précis de la méthodologie employée.

11. Il est vrai que cette étude laissait entendre que la propriété de M. E...pouvait être inondée par remontée de l'Envigne en aval du pont (" inondation par remous "). Toutefois, par une note du 5 octobre 2017, communiquée à la commune de Thuré, l'expert a expressément écarté toute possibilité d'inondation de la parcelle de M.E..., y compris en cas de remontée de la rivière, au regard des simulations graphiques contenues dans son rapport.

12. S'il est vrai que cette étude a été réalisée postérieurement à la décision attaquée, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas allégué en défense, qu'elle reposerait sur des éléments de fait, tenant notamment à la configuration des sols, qui n'auraient pas existé à la date de ladite décision. Quant à ses conclusions, qui reposent sur des données plus précises que celles ayant servi à l'élaboration de l'atlas des zones inondables, elles ne sont pas contestées par la commune de Thuré.

13. Dans ces conditions, M. E...est fondé à soutenir que le classement de sa propriété en zone inondable U2a est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation.

14. M. E...est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué et sans qu'il soit besoin d'examiner sa régularité, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. En application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Thuré la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. E...et non compris dans les dépens. Si M. E...demande également, au titre de ces même frais, la somme de 4 800 euros représentant le coût de l'étude réalisée par le cabinet NCA Environnement, il ressort des pièces du dossier que ladite étude a été financée par l'assureur MACIF au titre de la protection juridique de M.E.... Par suite, ce dernier n'est pas fondé à demander le remboursement du coût de cette étude.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1300320 du 8 octobre 2015 ainsi que la décision implicite par laquelle le maire de Thuré a refusé de classer la parcelle de M. E...cadastrée section AP n° 223 en zone non inondable U2a sont annulés.

Article 2 : La commune de Thuré versera à M. E...la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. E...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Thuré présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E...et à la commune de Thuré.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

M. Fréderic Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 décembre 2017.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au préfet de la Vienne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX03921


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03921
Date de la décision : 12/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme.

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU) - Application des règles fixées par les POS ou les PLU - Règles de fond - Zonage.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : ARZEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-12;15bx03921 ?
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