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12/12/2017 | FRANCE | N°15BX04243

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 12 décembre 2017, 15BX04243


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J...B...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe :

1°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre à lui verser les indemnités suivantes :

- 3 120 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total ;

- 2 400 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel 50% ;

- 7 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- 25 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

- 70 000 euros au titre du préj

udice d'établissement ;

- 320 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- 176 803 euros au titre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J...B...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe :

1°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre à lui verser les indemnités suivantes :

- 3 120 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total ;

- 2 400 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel 50% ;

- 7 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- 25 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

- 70 000 euros au titre du préjudice d'établissement ;

- 320 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- 176 803 euros au titre de l'assistance tierce personne ;

- 2 568 720 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

- 10 000 euros au titre des dépenses de santé futures ;

- 60 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- 40 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

- 35 000 euros au titre du véhicule adapté ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre à verser à

Mme I...F...les indemnités suivantes :

- 46 496,50 euros au titre de son préjudice économique ;

- 100 000 euros au titre de son préjudice moral ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre à verser à

M. C...B...une indemnité de 50 000 euros au titre de son préjudice moral ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1400046 du 22 octobre 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la requête des consortsB....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2015, Mme J...B...,

Mme K...F...et M. C...B..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 octobre 2015 ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre à verser à

Mme B...la somme totale de 2 681 587,50 euros en réparation des préjudices résultant de la faute dans le fonctionnement et l'organisation de ses services, à Mme F...la somme

de 46 496,50 euros au titre de son préjudice économique et celle de 100 000 euros au titre de son préjudice moral et à M. C...B...une somme de 50 000 euros au titre de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Ils soutiennent que c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a estimé, sans tenir compte du rapport d'expertise du Dr D...qui indiquait que la fouille

de Laure-Anne était nécessaire, que les graves manquements du centre hospitalier universitaire n'étaient pas de nature à caractériser une faute et un dysfonctionnement dans l'organisation du service, alors qu'il existe une obligation de surveillance à l'égard de la patiente hospitalisée librement dans n'importe quel établissement hospitalier et que laisser un briquet dans la poche d'un patient agité, dans une chambre sans surveillance ni détecteur de fumée, constitue une faute grave. Le fait que cette jeune fille de 17 ans ait pu mettre le feu avec un briquet qu'elle avait dans la poche et se brûler au 3ème degré sur 10 % de son corps, et a pu être asphyxiée jusqu'à devenir inanimée et plongée dans le coma sans que la fumée, ni les cris de douleurs n'aient alerté rapidement le service en pleine journée, révèle une faute dans l'organisation du service.

Mme J...B...demande :

- au titre de son déficit fonctionnel temporaire, sur la base de 40 euros par jour, une somme de 3 120 euros pour son déficit total de 78 jours et de 2 400,00 euros pour le déficit partiel ;

- une somme de 7 000 euros au titre de son préjudice esthétique temporaire résultant des bandages et brûlures liés à ses greffons de peau et ses nombreuses cicatrices après les interventions qui ont largement modifié son aspect physique et de 25 000 euros pour le préjudice permanent évalué à 4,5/7 par l'expert ;

- une somme de 70 000 euros en réparation de son préjudice d'établissement ;

- de 320 000 euros pour le déficit fonctionnel permanent qu'elle subit compte tenu de son jeune âge et de son aspect physique agréable avant l'incident ;

- une somme de 182 527,50 euros au titre de l'assistance tierce personne correspondant à certains gestes ou actions usuels de la vie courante tel que les courses à raison de

quatre heures par semaine, à vie ;

- au titre de l'incidence professionnelle très importante qu'elle subit, une somme

de 1 926 540 euros calculée en tenant compte de la différence entre le revenu moyen d'un médecin généraliste en métropole qu'elle aurait pu espérer percevoir si elle n'avait pas abandonné la faculté de médecine et les revenus moyens qu'elle sera amenée à percevoir ;

- une somme de 10 000 euros au titre de dépenses de santé futures constituées pour l'acquisition d'un ordinateur équipé de la reconnaissance vocale ;

- au titre des souffrances physiques et de la douleur psychologique endurées évaluées

à 5 sur 7 par l'expert, une somme de 60 000 euros ;

- une somme de 40 000 euros au titre du préjudice d'agrément subi dès lors qu'elle ne peut plus participer aux activités sportives et de loisirs qu'elle pratiquait ;

- enfin, une somme de 35 000 euros compte tenu de la nécessité d'un véhicule adapté avec boite automatique en raison de l'impossibilité d'utiliser sa main droite pour passer les vitesses.

MmeF..., mère de la victime, demande la réparation de son préjudice économique lié aux frais de billets d'avion, taxes d'habitation, loyers mensuels, dépôt de garantie, divers frais d'aménagement liés à l'installation de Laure-Anne en métropole et virement mensuels qu'elle n'aurait pas engagés si sa fille avait poursuivi ses études en Guadeloupe pour un total de 46 496,50 euros et, au titre du préjudice moral important la somme de 100 000 euros.

M. C...B..., frère de la victime, subit un préjudice moral pour lequel il demande réparation par l'allocation de 50 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2017, le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre, représenté par MeG..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les circonstances décrites dans le rapport de l'expert judiciaire démontrent qu'aucune négligence fautive n'est raisonnablement imputable au personnel d'un service d'urgences qui a pris toutes les mesures de surveillance normales appropriées à son état d'agitation, pour pouvoir intervenir et l'assister dans les meilleurs délais en cas de besoin et dont le motif d'admission aux urgences ne justifiait pas qu'une fouille corporelle sans son consentement soit réalisée. À titre subsidiaire, les prétentions indemnitaires formulées par les appelants ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur montant.

Il n'a pas été présenté d'observations en défense pour la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe à qui la requête a été communiquée.

Par ordonnance du 1er décembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. À la suite d'une tentative d'autolyse par voie médicamenteuse, Mme J...B..., née le 10 février 1993, a été admise au service des urgences du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre le 4 mars 2010 à 9 h 09. Compte tenu de son état d'agitation, elle a reçu, à 11h37, une injection intra-musculaire afin de réaliser une sédation et a été placée dans une chambre de dégrisement avec contention, renforts et porte ouverte. A 11h45, un agent de sécurité a constaté et éteint un incendie, allumé par la patiente, qui avait essayé de brûler ses liens avec un briquet qu'elle avait conservé dans sa poche. Mme B...a été transférée dans le service de réanimation de l'hôpital où elle a été intubée, ventilée, sédatée et mise sous antibiothérapie avant d'être transférée, le 10 mars 2010, au service des brûlés de l'hôpital Cochin à Paris. Il a été constaté qu'elle était atteinte de brûlures au 3ème degré représentant 10 % de sa surface corporelle totale. Une amputation des cinq doigts de la main droite avec greffe a été réalisée le 12 mars 2010. À sa sortie, le 25 mars 2010, elle a été prise en charge dans un centre de rééducation fonctionnelle située en région parisienne où elle a séjourné pendant une durée de deux mois. Elle est rentrée en Guadeloupe le 1er juin 2010. Saisi par MmeF..., mère de MmeB..., le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a ordonné, le 26 juillet 2011, une expertise médicale. Le DrH..., désigné à cet effet, a rendu son rapport le 20 juillet 2012. Mme F...et ses enfants, Laure-Anne et Thomas B...relèvent appel du jugement du 22 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre à leur verser des indemnités en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à la suite de l'incendie que Mme B...avait elle-même provoqué, du fait des manquements dans sa surveillance le 4 mars 2010.

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre :

2. Il résulte de l'instruction que lors de son admission au service des urgences du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre, Laure-Anne B...était agitée et agressive, et venait de tenter de mettre fin à ses jours en ingérant une dose importante de médicament et d'alcool. L'intéressée a été prise en charge par un médecin psychiatre qui, devant son " état d'excitation, avec coup de pied et refus ", a prescrit la mise en place d'une contention et un tranquillisant. Il est constant que son état justifiait en effet, compte tenu de son agitation, qu'elle fût attachée afin de limiter le risque pour elle-même et pour autrui de traumatisme. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise médicale ordonnée par le juge des référés, que Mme B...qui était porteuse d'un tee-shirt, d'un short et de sandales, a été installée, sur prescription du médecin, sous sédation, dans une chambre d'isolement ouverte donnant sur le couloir, avec contention physique, sans avoir été déshabillée, ni fouillée. Selon le rapport d'expertise, cette surveillance et ces soins étaient adaptés à son état et son comportement, qui n'impliquaient pas d'autres mesures particulières de surveillance au regard de l'absence de risques spécifiques de dangerosité que présentaient la patiente et des obligations incombant à un service d'urgence. La seule circonstance que l'intéressée a pu demeurer en possession d'un briquet et mettre le feu à sa literie, lui occasionnant des brûlures au 3ème degré sur 10 % de sa surface corporelle totale, ne suffit pas à établir, dans les circonstances de l'espèce, et notamment eu égard au fait que la jeune fille avait été admise dans un service d'urgences et à la sédation qui lui avait été administrée, un défaut de surveillance de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre.

3. Il résulte de ce qui précède que MmeB..., Mme F...et M. B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Il y a lieu de maintenir à la charge définitive des appelants les frais d'expertise taxés et liquidés par ordonnance du 27 juillet 2012 du tribunal administratif de la Guadeloupe à la somme de 450 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B..., Mme F...et M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J...B..., à Mme I...F..., à M. C... B..., au directeur du centre hospitalier universitaire Pointe-à-Pitre et au directeur de la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 décembre 2017

Le rapporteur,

Aurélie E...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX04243


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX04243
Date de la décision : 12/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : RICOU LAURE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-12-12;15bx04243 ?
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