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09/02/2018 | FRANCE | N°15BX02794

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 09 février 2018, 15BX02794


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme S...P..., M. et Mme W...D..., M. et Mme Q...A..., M. et Mme L...F..., Mme U...N...et M. J...E..., Mme R...H..., Mme I...H...et M. X...B..., Mme M...H...et M. K...B..., Mme O...C...et M. G...H..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 mai 2012 par lequel le maire de Toulouse a délivré aux sociétés Icade Promotion Logement et Le Nouveau Logis Méridional un permis de construire valant division parcellaire et permis de démolir en vue de réaliser 63 logements sur

un terrain situé 1-3 rue Paul Valery et rue Loubiague à Toulouse (31200)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme S...P..., M. et Mme W...D..., M. et Mme Q...A..., M. et Mme L...F..., Mme U...N...et M. J...E..., Mme R...H..., Mme I...H...et M. X...B..., Mme M...H...et M. K...B..., Mme O...C...et M. G...H..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 mai 2012 par lequel le maire de Toulouse a délivré aux sociétés Icade Promotion Logement et Le Nouveau Logis Méridional un permis de construire valant division parcellaire et permis de démolir en vue de réaliser 63 logements sur un terrain situé 1-3 rue Paul Valery et rue Loubiague à Toulouse (31200), ensemble la décision rejetant leur recours gracieux du 30 août 2012 et le permis de construire modificatif délivré le 18 septembre 2012.

Par un jugement n° 1204766 en date du 12 juin 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 10 août 2015, le 13 avril 2016, le 9 septembre 2016 et le 16 mai 2017, M. et Mme S...P..., M. et Mme Q...A..., M. et Mme L...F..., M. J...E..., Mme R...H..., Mme I...H...et M. X...B..., Mme M...H...et M. K...B..., Mme O...C...et M. G... H..., représentés par MeY..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 juin 2015 ;

2°) d'annuler le permis de construire délivré le 23 mai 2012 aux sociétés Icade Promotion Logement et Le Nouveau Logis Méridional, la décision du 30 août 2012 rejetant leur recours gracieux ainsi que le permis de construire modificatif délivré le 18 septembre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la légalité des décisions contestées :

- le projet architectural ne présente pas une description fidèle du bâti existant composé de maisons individuelles et de la végétation des parcelles voisines ; en outre, le service instructeur n'a pas été à même d'apprécier l'impact de la modification demandée sur les voies desservant le projet ;

- le permis modificatif n'a pas pu régulariser ce vice entachant le permis de construire initial qui doit donc être annulé ;

- par suite, le permis modificatif est dépourvu de base légale ;

- Par ailleurs, eu égard à l'avancement du projet de révision du plan local d'urbanisme, un sursis à statuer sur la demande de permis de construire aurait dû être opposé par la commune, en application des dispositions de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme ; le projet de PLU a en effet été arrêté le 28 juin 2012 et, à la date de délivrance du permis attaqué, le 23 mai 2012, il était suffisamment avancé ; or, le projet compromet l'exécution du futur plan en ce qui concerne la hauteur du bâtiment et la densité de la construction autorisée ;

- le permis de construire méconnaît également l'article 3 des dispositions communes du règlement du plan local d'urbanisme ; le permis initial autorisait un accès qui débouchait sur la rue Loubiague, impliquait la suppression d'un lampadaire et de deux places de stationnement, et ne tenait pas compte du rétrécissement de la voie et de la présence, à proximité, d'un carrefour ; le permis de construire modificatif prévoit que l'accès des véhicules au sous-sol se fera par la rue Paul Valéry mais cet accès implique la suppression de poteaux implantés sur le trottoir et n'améliore pas la sécurité des usagers, ni l'accès des engins de secours ; enfin, le passage des véhicules est prévue à proximité immédiate de la desserte d'un lotissement et le trafic induit par les utilisateurs des 63 places de stationnement prévues doit être pris en compte ;

- le projet ne pouvait être autorisé sans que ne soit produit la décision ou l'accord du gestionnaire de la voirie concernant la suppression des plots implantés à l'endroit où l'accès au sous-sol est désormais prévu ;

- en outre, le maire en délivrant le permis litigieux a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de l'impact de ce projet dans un quartier résidentiel et a méconnu les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ainsi que l'article 11.1 (harmonie du quartier) et 11.3 (couleurs et matériaux) des dispositions communes du règlement du plan local d'urbanisme, et l'article spécifique 11 (UB) 2 relatif aux toitures en terrasse ;

- enfin, le permis de démolir est illégal en ce qu'il n'a pas pris en considération la protection du patrimoine bâti, en l'espèce deux habitations de caractère, entourées d'arbres anciens ; les pièces PC 6b, PC27 et PC 27 A1 indiquent que 11 arbres sont abattus et, en raison de l'emplacement des bâtiments, les arbres situés à l'angle des rues Paul Valéry et Loubiague seront abattus, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal ; la suppression de ces arbres va changer la configuration et le caractère du quartier.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation présentées par les sociétés titulaires des permis attaqués :

- ces conclusions sont irrecevables car elles reposent sur un litige distinct du recours principal ; en outre, lesdites conclusions n'ont pas été présentées dans un mémoire distinct, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ;

- à titre subsidiaire : elles ne sont pas fondées, les requérants n'ayant pas exercé leur recours dans des conditions qui ont excédé leurs intérêts légitimes de voisins du terrain d'assiette du projet, et les sociétés ne justifient pas du caractère excessif du préjudice subi, les préjudices invoqués n'ayant pas non plus de lien de causalité avec le recours formé ;

- les sociétés, intervenantes à l'instance, ne peuvent pas prétendre à ce qu'une somme leur soit accordée sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense et des mémoires complémentaires enregistrés le 1er décembre 2015 et le 6 mai 2016, la commune de Toulouse, représentée par MeT..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge des requérants une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que :

- la notice et les graphiques joints à la demande de permis pour présenter l'insertion du projet dans son environnement respectent les exigences des articles R. 431-8 et 10 du code de l'urbanisme, et vont même au-delà de ce qui est exigé ; en outre, l'instruction de la demande permis de construire modificatif ne porte que sur les éléments objet de la modification, de sorte que la contestation, sur ce point, du permis modificatif qui ne concerne que l'accès des véhicules, est inopérante ;

- le permis de construire modificatif délivré le 18 septembre 2012 n'est pas dépourvu de base légale ;

- les dispositions de l'article 3 des dispositions communes du plan local d'urbanisme n'ont pas été méconnues : le service de la voirie a émis un avis favorable à l'accès situé rue Paul Valéry, et les trottoirs appartiennent au domaine public routier ; en outre, la plateforme de présentation des véhicules est perpendiculaire à la voie et assure une visibilité optimale aux véhicules en attente ; les engins de secours peuvent accéder aux bâtiments et les emplacements de stationnement pour des futurs visiteurs n'ont pas à être pris en compte ; par ailleurs, le carrefour se situe à plus de 60 mètres de l'accès prévu et les voies litigieuses, qui servent uniquement à desservir les résidences du quartier, ne supportent pas un trafic important ; en tout état de cause : aucun plot, dont la mise en place relève d'ailleurs de la seule compétence du service gestionnaire de la voirie au demeurant consulté, ne se trouve au droit du terrain d'assiette du projet ;

- par ailleurs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme ne peut qu'être écarté : le projet n'est pas de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme ; la nouvelle zone UL8 n'a pas les incidences alléguées par les requérants et le projet comportant partiellement un bâtiment en (R+3) a vocation à s'insérer dans la définition de la nouvelle zone ; un COS de 0,2 est uniquement prévu dans la future zone UL2 alors que le projet sera compris dans la zone UL8 qui ne contient pas la même limitation de densité ; seule la hauteur d'une partie des bâtiments peut poser problème, ce qui ne suffit pas à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme ;

- en outre, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 et des dispositions du PLU relatives à l'aspect des constructions doit être écarté : des immeubles collectifs se trouvent au nord de la parcelle ainsi qu'à l'ouest, à une distance de 100 m du terrain d'assiette du projet, tandis qu'au sud, se trouvent des constructions d'un lotissement qui ne sont pas des maisons toulousaines traditionnelles ;

- enfin, le moyen tiré de ce que le permis de démolir méconnaîtrait l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme est infondé.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés le 19 septembre 2016 et le 8 juin 2017, les sociétés Icade Promotion et la société d'HLM Le Nouveau Logis Méridional, représentées par MeV..., concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de condamner solidairement les requérants à verser à la société Icade Promotion la somme de 90 000 euros et à la société Le Nouveau Logis Méridional la somme de 72 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, et de mettre également à la charge solidaire des requérants une somme globale de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les sociétés font valoir que :

- leur intervention est recevable dès lors qu'elles viennent au soutien des conclusions de la commune ;

- les recours exercés par les requérants ont bloqué la réalisation du projet pendant plus de quatre années ; les moyens soulevés sont manifestement infondés de sorte que leur action, vouée à l'échec, est purement dilatoire : la notice explicative communiquée au service instructeur est conforme aux exigences du code de l'urbanisme, les documents photographiques joints à la demande de permis de construire initiale, étant précisé que le permis de construire modificatif ne porte pas sur ce point, permettent parfaitement d'apprécier l'insertion du projet, aucune méconnaissance des dispositions de l'article 3 des dispositions communes du plan local d'urbanisme n'est établie, et l'avis favorable du service gestionnaire a été produit ; enfin, le quartier n'est nullement composé de maisons toulousaines individuelles, ainsi que l'a jugé le tribunal ;

- les requérants exercent leur droit de former un recours dans des conditions qui excèdent la défense de leurs intérêts légitimes et ils doivent être condamnés à réparer les préjudices économiques et financiers suivants : pour la société Icade Promotion : coût de réalisation et de dépôt du projet, engagement de caution bancaire et autres avances de frais (total de 90 000 euros), qui n'ont pu être amortis par une commercialisation du projet ; pour la société Le Nouveau Logis Méridional : dépenses de maîtrise d'oeuvre, coût des équipes techniques et juridiques chargées du projet et perte de crédibilité auprès des pouvoirs publics (72 000 euros).

Par ordonnance du 14 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 17 juillet 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauzies, rapporteur public,

- et les observations de MeY..., représentant M. P...et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Les sociétés Icade Promotion Logement et Le Nouveau Logis Méridional ont déposé le 29 février 2012 une demande de permis de construire valant division parcellaire et permis de démolir, en vue de la réalisation d'un total de 63 logements dont 15 logements sociaux sur un terrain situé 1-3 rue Paul Valéry et rue Loubiague à Toulouse (31200). Par un arrêté du 23 mai 2012, le maire de Toulouse a délivré le permis sollicité. Par courrier du 9 juillet 2012, M. et Mme P...et autres ont demandé au maire d'annuler ce permis et ce dernier a rejeté leur recours gracieux par une décision du 30 août 2012. Le 29 juin 2012, les sociétés Icade Promotion Logement et Le Nouveau Logis Méridional ont déposé une demande de permis de construire en vue de modifier l'emplacement de l'accès des véhicules au sous-sol et de l'aire de présentation des conteneurs de déchets. Un permis de construire modificatif leur a été délivré le 18 septembre 2012. M. et Mme P...et autres interjettent appel du jugement du 12 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande d'annulation du permis de construire initial du 23 mai 2012, du permis de construire modificatif du 18 septembre 2012 et de la décision rejetant leur recours gracieux du 30 août 2012.

2. De plus, les sociétés Icade Promotion Logement et Le Nouveau Logis Méridional, demandent à la cour de condamner solidairement les requérants en application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le permis de construire modifié :

3. Aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / (...) 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / (...) b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain (...) ".

4. Le caractère insuffisant de l'un des documents du dossier de la demande de permis de construire ne constitue pas nécessairement une irrégularité de nature à entacher la légalité de l'autorisation si l'autorité compétente est en mesure, grâce aux autres pièces produites, d'apprécier l'ensemble des critères énumérés par les dispositions précitées du code de l'urbanisme.

5. Il ressort des pièces du dossier du permis de construire initialement délivré que la notice explicative (PC4) mentionne que " le terrain est situé en zone UB2 qui se caractérise par un environnement très diversifié à proximité immédiate de la ZAC de Borderouge (bâtiments R+4 et maisons en R+1) (...). Le terrain est bordé par : / au nord : des bâtiments collectifs en R+2 et des maisons, / à l'est : par la rue Paul Valéry et des bâtiments en R+4, / au sud : par la rue Loubiague et des maisons, / à l'ouest : par des bâtiments collectifs et maisons ". Elle ajoute que " le plan de masse de l'opération prend en compte des éléments naturels du terrain, à savoir la présence de bosquets d'arbres intéressants, notamment à l'angle des rues Loubiague et Paul Valéry ". Par ailleurs, le dossier de demande de permis de construire initial comprend deux graphiques d'insertion de la construction projetée (PC 6a et PC 6b) et des photographies du quartier dans lequel sera implantée la construction envisagée (PC 7 et PC8). Par suite, les graphiques d'insertion, les photographies, la notice, et le plan de situation étaient suffisants pour que le service instructeur appréhende les constructions avoisinantes dans leur volumétrie et la végétation environnante.

6. En outre, les pièces jointes à la demande de permis de construire modificatif qui n'a pour objet que de modifier l'emplacement de la rampe d'accès des véhicules au sous-sol et l'emplacement de l'aire de présentation des conteneurs, en particulier la notice explicative et les plans joints, décrivent et représentent de manière précise les modifications apportées au projet et étaient suffisants pour que le service instructeur apprécie l'impact des modifications demandées sur l'environnement.

7. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme doivent donc être écartés.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme : " (...) A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan ".

9. Il ressort des pièces du dossier que la nouvelle zone UL dans laquelle le terrain d'assiette du projet doit être compris, est définie comme une zone " intermédiaire " qui répond au besoin de transition progressive entre les différents tissus urbains, et qui provient des anciennes zones UC2 (R+l), UCl (R+l), UBl (R+3) ou UB 2 (R+4). Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort pas des pièces du dossier que la densité du projet litigieux méconnaisse les règles de coefficient d'occupation des sols figurant dans les dispositions devant être inclues dans le futur plan local d'urbanisme, applicables à la zone dans laquelle se situe le projet. En revanche, il est exact que le règlement du projet de plan local d'urbanisme prévoit en son article 10 des dispositions applicables à la zone UL, en vertu desquelles la hauteur absolue de toute construction en secteur UL8, secteur dans lequel se situera le terrain d'assiette de la construction projetée, ne peut excéder 8,50 mètres. Or, il ressort des pièces du dossier de demande du permis de construire et notamment du plan de masse, que la hauteur d'une partie des trois bâtiments du projet atteint 11,10 mètres. Toutefois, ce dépassement de hauteur, limité à une partie des bâtiments, et qui affecte le troisième étage du projet situé en retrait de façade sur rue, ne suffit pas à considérer que le projet aurait été de nature à compromettre l'exécution du futur plan d'urbanisme de la commune de Toulouse. Par suite, même si l'état d'avancement des travaux d'élaboration de ce nouveau document d'urbanisme permettait de préciser la portée des modifications projetées, et compte tenu de la répercussion limitée du troisième étage du projet dans le secteur où ce dernier doit être réalisé, le moyen tiré de ce qu'en ne prononçant pas un sursis à statuer sur la demande du permis de construire des sociétés pétitionnaires, le maire de la commune de Toulouse a commis une erreur manifeste d'appréciation, doit donc être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 des dispositions communes du plan local d'urbanisme : " Conditions de desserte des terrains par les voies publiques ou privées et conditions d'accès aux voies ouvertes au public / 3.1 - Les caractéristiques géométriques et mécaniques des accès et voiries doivent être conformes aux législations, réglementations et prescriptions en vigueur et adaptées à la nature et à l'importance des occupations et utilisations du sol envisagées, notamment afin de faciliter la circulation et l'approche des piétons et des personnes à mobilité réduite, des moyens d'urgence et de secours et des véhicules d'intervention des services collectifs. / 3.2 - Accès / 3.2.1 - Pour être constructible, toute unité foncière doit avoir au moins un accès privatif à une voie, positionné et aménagé pour les véhicules, le plus perpendiculairement possible à la voie, de façon à apporter la moindre gêne et le moindre risque pour les usagers de ces voies ou accès, en prenant en compte la nature et l'intensité du trafic sur ces voies ou accès " ;

11. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

12. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a déjà été précisé au point 6, que le permis de construire modificatif délivré le 18 septembre 2012, qui au demeurant ne remet nullement en cause la conception et l'économie générale du projet, modifie seulement, outre l'aire de présentation des conteneurs de déchets, l'emplacement de la rampe d'accès au sous-sol : l'accès des véhicules aux constructions projetées se situe rue Paul Valéry et non plus rue Loubiague comme le prévoyait le permis de construire initial.

13. Il ressort en outre du plan de masse joint à la demande de permis de construire initial, que la rue Paul Valéry dispose de trottoirs dont la largeur varie, créant des zones de rétrécissement de la chaussée d'une largeur d'emprise supérieure à 9 mètres, et que la partie de la chaussée ouverte à une circulation à double sens mesure environ 5 mètres. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette voie, située dans un quartier principalement résidentiel, supporte un trafic important.

14. Par ailleurs, l'accès du projet à la voie publique, modifié afin d'être éloigné de l'intersection des rues Paul Valéry et Loubiague, est perpendiculaire à la voie publique, comporte une aire de présentation des véhicules de cinq mètres de largeur sur cinq mètres de profondeur assurant une visibilité optimale, et ne se situe pas à proximité du croisement de ces deux rues. Même en tenant compte de la desserte d'un lotissement située à proximité, l'accès au projet litigieux ne présente aucune difficulté de visibilité pour les véhicules ou les piétons. En outre, en tenant compte des caractéristiques de l'accès prévu et de la voie publique, l'accès des services de lutte contre l'incendie ne pose pas de difficulté. Aussi bien, il ressort des pièces du dossier que le service gestionnaire de la voie a émis le 23 juillet 2012 un avis favorable à cet accès sur la rue Paul Valéry. Enfin, la légalité d'un permis de construire n'est pas subordonnée à la délivrance d'une autorisation permettant au pétitionnaire d'utiliser le trottoir pour assurer le passage des véhicules entre la voie publique et la parcelle d'assiette ni a fortiori au réaménagement préalable des trottoirs ou du mobilier urbain qu'impose le projet.

15. Dans ces conditions, à supposer même que l'accès prévu initialement aurait été critiqué au regard de ces dispositions, le maire n'a pas méconnu, en autorisant le projet dans les conditions résultant du permis de construire modificatif, les dispositions de l'article 3 des dispositions communes du plan local d'urbanisme de la commune de Toulouse.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Aux termes de l'article 11 des dispositions communes du plan local d'urbanisme : " 11.1 - Principe d'insertion au paysage urbain et architectural environnant, existant ou futur / Tout projet dans son ensemble, comme dans chacune de ses composantes (rythme, proportions, matériaux, couleurs...) doit s'harmoniser avec le caractère du quartier dans lequel il est situé et de l'espace urbain existant ou projeté dans lequel il s'inscrit. (...) / 11.3 - Les couleurs et les matériaux / Le projet doit comporter une étude de coloration valorisant la composition architecturale et l'espace environnant, prenant en compte la coloration générale de Toulouse en se référant notamment aux palettes de couleurs éditées par la Ville. Ces palettes ne doivent pas être considérées comme un simple but à atteindre, mais comme une référence minimale (...) ". Enfin, aux termes de l'article 11.1.2 des dispositions spécifiques à la zone UB2 du plan local d'urbanisme où se situe le terrain d'assiette du projet : " 11.1. Toitures : Dans tous les cas, les toitures doivent s'harmoniser avec la construction elle-même et avec le paysage urbain : (...) / 11.1.2. Les toitures en terrasse sont admises lorsqu'elles ne sont pas de nature à nuire à l'homogénéité des toitures du paysage urbain environnant ".

17. Les dispositions de l'article 11 des dispositions communes du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Toulouse ont le même objet que celles, également invoquées par les requérants, de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que doit être appréciée la légalité du permis de construire.

18. Il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies aériennes produites que le quartier dans lequel est implantée la construction projetée n'est pas uniquement composé de maisons toulousaines traditionnelles : des bâtiments collectifs ainsi que des immeubles dotés d'une toiture en terrasse se situent dans le voisinage du projet. Le quartier ne se caractérise par aucune homogénéité architecturale même si les maisons individuelles y sont prédominantes. De plus, le projet, ainsi que le précise la notice, a été conçu pour être implanté " en peigne " permettant de conserver, notamment à l'angle des rues Paul Valéry et Loubiague, des bosquets d'arbres présentant un intérêt et ménageant des séquences bâti-végétal. Il comporte un dernier étage en recul sur terrasse. Ces caractéristiques contribuent efficacement à atténuer l'effet de masse et à améliorer l'insertion de l'immeuble dans un environnement comportant de nombreuses maisons individuelles sur jardin. Dans ces conditions, le maire n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles 11 des dispositions communes et 11.1.2 des dispositions spécifiques à la zone UB2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Toulouse en délivrant le permis de construire en litige.

19. En cinquième et dernier lieu, il résulte de ce qui précède que l'illégalité du permis de construire du 23 mai 2012 n'étant pas établie, le moyen tiré de ce que le permis de construire modificatif serait dépourvue de base légale ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le permis de démolir :

20. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " (...) / Le permis de démolir peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti, des quartiers, des monuments et des sites ".

21. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les maisons à démolir, qui ont été construits en 1980, et qui ne sont ni classées, ni inscrites au titre des monuments historiques, ni ne présentent un intérêt patrimonial notable ou remarquable, auraient contribué significativement à l'harmonie du paysage urbain du quartier résidentiel en cause, ou que leur disparition porterait atteinte à la protection ou à la mise en valeur du patrimoine bâti ou du quartier au sens de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, et ainsi qu'il a déjà été dit, les arbres existants seront préservés pour atténuer l'effet de masse du projet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme doit être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté l'ensemble de leurs conclusions à fin d'annulation.

Sur les conclusions indemnitaires présentées par la voie de l'appel incident sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :

23. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. (...) ".

24. Il ne résulte pas de l'instruction que les recours formés par les appelants, voisins du projet et dont la résidence est directement affectée par celui-ci, ne viseraient qu'à faire obstacle à la mise en oeuvre des autorisations d'urbanisme obtenues par les sociétés Icade Promotion Logement et Le Nouveau logis Méridional. Par suite, et alors au surplus que la demande indemnitaire est irrecevable faute d'avoir été présentée dans un mémoire distinct, les conclusions présentées par les sociétés Icade Promotion Logement et Le Nouveau logis Méridional ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Toulouse, qui n'a pas la qualité de partie perdante verse aux requérants une somme sur ce fondement. En revanche il y a lieu de mettre à la charge des requérants une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Toulouse et non compris dans les dépens, ainsi qu'une somme d'un même montant au titre des frais exposés par les sociétés Icade Promotion Logement et Le Nouveau logis Méridional, intimées dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée M. et Mme P...et autres est rejetée.

Article 2 : M. et Mme P...et autres verseront à la commune de Toulouse une somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : M. et Mme P...et autres verseront aux sociétés Icade Promotion Logement et Le Nouveau logis Méridional une somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : Les conclusions présentées par les sociétés Icade Promotion Logement et Le Nouveau logis Méridional sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme S...P..., représentant unique, à la commune de Toulouse et aux sociétés Icade Promotion Logement et Le Nouveau logis Méridional.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 février 2018.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 15BX02794


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02794
Date de la décision : 09/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS LARROUY-CASTERA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-02-09;15bx02794 ?
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